Imaginaire insulaire Îles muettes Îles immobiles Îles inoubliables et sans nom Je lance mes chaussures par-dessus bord car je voudrais bien aller jusqu’à vous.» Blaise Cendrars, Feuilles de routes, dans Au cœur du monde, « Poésie », p. 47
L’île Paradis
Pour les géographes, c’est un territoire circonscrit avec des dynamiques propres. Pour les historiens, l’île est un espace où les temporalités seraient distinctes de celles du continent. Enfin pour l’anthropologue c’est un terrain privilégié, dans la mesure où l’île lointaine, isolée, longtemps coupée de tout contact avec le reste du monde a pu forger une culture spécifique. Les certitudes s’effacent devant la complexité des îles ; depuis Ulysse, une longue histoire de l’ambiguïté insulaire a commencé. Finalement ce qui définirait le mieux une île serait l’image que l’on s’en fait, sa charge affective qui démultiplie les phénomènes, nos craintes et nos appétits mais aussi notre expérience.
Les îles ont toujours fait rêver : fascinantes, inquiétantes, obscures, désirées, leur complexité et leur ambivalence questionnent. Elles passionnent les scientifiques, attirent les appétits territoriaux et économiques, façonnent les images et récits romanesques, inspirent les artistes et anticipent des phénomènes écologiques à venir. Finalement, les îles ne laissent personne indifférent. Elles évoquent émotions et expériences : souvenirs, vacances, rêves, lectures, odeurs, couleurs, inquiétudes parfois... Même ceux qui ne voyagent pas en ont malgré tout une certaine vision. L’île a un pouvoir certain d’attraction, entraîne des pulsions exploratrices et une part de mystère, tout d’abord parce que la traditionnelle quête de la définition d’une île est vaine : étendue de terre entourée d’eau ? Monde clos ? Ce rocher, le nommera-t-on île ? Et cette terre immergée ? En fonction des personnes qui l’étudient, sa définition change. Pour les biologistes, l‘île est un laboratoire d’étude privilégié. Prélude
12
Imaginaire insulaire