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LA DIVERSITÉ AU POTAGER
L’épluchette de blé d’Inde fait partie des mœurs québécoises, alors pourquoi ne pas semer du maïs au potager et le cultiver avec le haricot et la courge selon la culture des Trois sœurs, comme le faisaient les peuples iroquoiens ? Une légende raconte que maïs, courge et haricot sont comme trois sœurs qui s’entraident : le maïs sert de tuteur au haricot, les feuilles de la courge maintiennent l’humidité du sol et le haricot, en tant que légumineuse, enrichit le sol en azote. Il existe d’ailleurs de nombreuses variétés de maïs, de haricots et de courges pour explorer diverses combinaisons de ces trois plantes. Toutefois, comme l’explique Sylvie Paré, responsable de la programmation du Jardin des Premières-Nations, cette tradition horticole n'est plus aussi courante chez les Iroquoiens et c’est davantage entre chefs cuisiniers autochtones et allochtones que s’échangent les pratiques culinaires. D’ailleurs, fait-elle remarquer, on associe souvent à l’Angleterre le fait de manger sucré-salé, mais les autochtones intégraient beaucoup de petits fruits dans leur gibier. Alors un plant de bleuets, c’est déjà un peu d’autochtonie au potager. Et pour en ajouter, de l’asaret, ou gingembre sauvage, fournira un condiment pour assaisonner légumes et poissons.
PASSER DU GARDE-MANGER AU POTAGER L’arachide est bien ancrée dans l’alimentation québécoise, de même que la patate douce et le curcuma, arrivés plus récemment. Les voici qui se pointent maintenant dans les potagers. « La patate douce est assez facile à faire germer en terre, à moitié enfouie », explique Isabelle Paquin, horticultrice spécialisée du Jardin nourricier. Même chose pour le rhizome de curcuma ou les arachides, qui vont germer et s’enraciner. Pour profiter de la récolte, il faut cependant démarrer la germi nation à l’intérieur en mars-avril. Et pour ajouter une variété des plus fantaisistes, il existe des arachides noires ou même blanches rayées de rose !
EXPLORER LA DIVERSITÉ Grâce à l’apport des communautés culturelles, le potager québécois est en constante évolution. « Il y a beaucoup de Chinoises et Chinois qui cultivent ici des plantes comme de l’amarante ou du melon d’eau chinois et qui se les échangent pour diversifier leur table », témoigne Fei Gao, responsable de la programmation du Jardin de Chine. « Des producteurs et des productrices de semences d’ici se tournent vers les cultures asiatiques et il est maintenant possible de se procurer des semences de shiso, d’edamame ou de mizuna », ajoute Sonia Dandaneau, sa collègue du Jardin et pavillon japonais.
PHOTO Shutterstock/Meunierd
L’AUTOCHTONIE AU POTAGER
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En haut : Une aubergine africaine.
Elle observe d’ailleurs que l’edamame se vend maintenant en épicerie, signe que cette petite fève entre dans l’alimentation québécoise. Au Jardin nourricier, Isabelle Paquin observe aussi un intérêt pour les cultures exotiques, autant de la part des Québécoises et Québécois que des personnes issues des communautés culturelles, qui découvrent avec surprise que des fruits et légumes de leur pays d’origine poussent à Montréal. Elle donne l’exemple des aubergines africaines, du molokhia, du tamarillo nain et de la gourde calebasse, dont on peut faire des récipients, des cabanes à oiseaux. « Il y a une grande diversité à explorer à travers les semences. Il faut commencer avec des plantes faciles, prendre confiance, et à un moment donné, on veut toujours en découvrir d’autres », encourage Isabelle Paquin.
PORTES OUVERTES SUR LES CULTURES Diversifier le potager, c’est aussi découvrir de nouvelles cultures dans les deux sens du terme. « Comment on cultive la plante, à quelle occasion on la mange et comment on l’apprête, énumère Fei Gao. Dans la cuisine, il y a la philosophie d’une communauté. Ça favorise la compréhension mutuelle. » ⊗