TRI BUN E
Tribune réalisée par Dr Mustapha Hlyal, Responsable du Centre d’Excellence en Logistique à l’ESITH Propos recueillis par Sarah MAACHE
L’internet Physique, une voie prometteuse pour le futur de la logistique ?
S
i tout le monde s’accorde sur l’importance stratégique de la logistique et son impact direct sur la performance de l’économie, il est difficile de prédire avec précision son futur. Au plan mondial, les dépenses logistiques ont été estimées par le cabinet américain Armstrong & Associates à 8.226 milliards de dollars en 2016, transports inclus. Au niveau national et selon l’Agence Marocaine de Développement de la Logistique (AMDL), les coûts logistiques nationaux représentent 15% du PIB. Le modèle économique et logistique actuel est couteux en terme financier mais également avec un impact sur l’environnement. Le Maroc qui fait partie des pays les plus engagés et les plus concernés par le développement durable a une logistique estimée responsable de 23% des émissions de gaz à effet de serre du total national. La situation des réseaux logistiques mondiaux et leur incapacité à soutenir un développement économique, social et durable est similaire celle de l’époque où la transmission manuelle des données basée sur les réseaux téléphoniques ne répondait plus aux besoins croissant des différents usagers. La technologie de l’époque, ne pouvait plus assurer les transmissions avec les niveaux de performances requis. Les recherches engagées au niveau local visant à optimiser des réseaux logistiques d’entreprises ou de groupes d’entreprises ont montré leurs limites et les enjeux les plus importants sont à un Décembre-Janvier 2018 2019 44 N° 42 Décembre INDUSTRIE DU MAROC
niveau le plus global possible. L’internet physique est l’une des sérieuses voies de recherche. Il s’agit de s’inspirer de l’internet digital pour créer un réseau logistique physique mondial : Quand un utilisateur envoie un document par émail, il ne soucieguère du chemin et du réseau que son envoi va utiliser pour arriver chez le destinataire. Peu importe l’infrastructure par laquelle, va transiter pour arriver à destination et peu importe également le coût de l’envoi du message qui est rendu négligeable par l’utilisation d’internet « un réseau standard au niveau mondial ».Dans le monde de l’internet digital, la logistique des données semble sans limites. Les coûts sont de plus en plus accessibles et les nouvelles infrastructures supportent encore plus de volumes et réduisent encore plus le temps d’accès sans pour autant polluer plus notre environnement.Ceci a poussé les chercheurs à se demander si la logistique des données et si performante, pourquoi ne pas s’en inspirer pour concevoir une logistique physique plus efficiente ? Quelle démarche suivre pour reproduire le succès du digital dans le physique ? Il s’agit de construire un réseau logistique et des infrastructures mondiales. Un concept selon lequel les objets physiques peuvent être déplacés avec autant de simplicité, de sécurité et d’efficience que les données numériques. L’approche propose de concevoir un réseau d’approvisionnement ouvert et global à l’image de l’internet digital et d’encapsuler les marchandises
dans des conteneursmodulaires et mondialement standardisés. Les conteneurs intelligents et interconnectés embarquant dans un transport intermodal. Parallèlement, concevoir des produits tout en optimisant leur occupation des conteneurs standards avec un minimum de perte d’espace. La finalité de ce système et d’optimiser les stockages et les transports mondiaux à travers une standardisation de l’infrastructure et une mutualisation des entrepôts, plateformes et moyens de transports. Les enjeux financiers sont énormes. A titre d’exemple, imaginer l’épicier du quartier avec les diverses livraisons de la journée (les sodas, le lait des divers enseignes…etc). Quel gain temporel, financier et environnemental fera-t-on si un seul transport livre tous les produits ? L’union européenne s’engage sérieusement dans le projet en créant en 2013 ALICE (Alliance for Logistics Innovation through Collaboration) avec l’ambition d’implémenter totalement l’Internet Physique en Europe d’ici 2050. Le Maroc a créé l’AMDL en 2011 «L’Agence Marocaine de Développement de la Logistique » pour optimiser la logistique nationale etles projets engagés récemment, Zones logistiques, Plateformes, moyens de transport dans les diverses régions du Royaume œuvrent dans le même sens. L’efficience de ces projets dépend de leur degré d’intégration dans un schéma directeur logistique à l’échelle du pays.