RENCONTRE
Printemps Eté – Spring Summer 2020
MICHEL MAYOR
«La découverte des exoplanètes pose la question d’autres mondes habités» Récompensé en 2019 par un Prix Nobel de physique avec son ancien doctorant le professeur Didier Queloz, le professeur honoraire d’astrophysique Michel Mayor garde les pieds sur terre. Mais c’est la tête dans les étoiles que l’on se prête à rêver avec lui de ces ailleurs très très lointains. – Propos recueillis par Elodie Maître-Arnaud
A
u milieu des années 90, Michel Mayor et Didier Queloz découvrent la première planète située en dehors du système solaire. C’est notamment grâce au spectrographe Elodie, et à la précision de ses mesures, que les deux chercheurs repèrent cet objet stellaire. Un an plus tard, après avoir confirmé leurs observations, ils révèlent à la communauté scientifique l’existence de l’exoplanète 51 Pegasi b, située à 51 années-lumière de la Terre. Depuis lors, plus de 4000 exoplanètes ont été identifiées. Et, en 2019, Michel Mayor reçoit, avec Didier Queloz, un Prix Nobel de physique pour la découverte de 51 Pegasi b. Une reconnaissance de plus pour le scientifique, douze ans après avoir pris sa retraite. Selon lui, la prochaine étape sera celle de la découverte de la vie ailleurs que sur la Terre. Difficile de ne pas évoquer le contexte actuel... Quel regard le scientifique que vous êtes porte-t-il sur la crise sanitaire que nous traversons? 28 RE GA R D S n° 1 7
Une telle possibilité était, hélas, annoncée depuis des années. En tant que scientifique, j’avais lu avec attention plusieurs études en ce sens. Maintenant, je suis comme tout le monde, au milieu de ce tsunami. L’intérêt scientifique s’est transformé en intérêt pratique. Je suis bloqué ici, ce qui me permet d’être totalement disponible pour répondre à vos questions!
On doit cela non seulement à la qualité de la formation, mais aussi au soutien financier à la recherche – notamment via le Fonds national de la recherche scientifique. Je tiens à souligner que l’on accorde, dans notre pays, une grande liberté à la recherche fondamentale, sans nécessairement exiger une rentabilité immédiate; les applications pratiques viennent souvent très longtemps après.
Vous avez reçu, avec Didier Queloz, un Prix Nobel de physique en décembre 2019. Comment avez-vous accueilli cette récompense? J’ai évidemment reçu ce prix avec beaucoup de plaisir, mais aussi avec le sentiment très fort que des milliers d’autres physiciens le méritaient tout autant que nous. La reconnaissance de nos travaux repose surtout sur l’impact gigantesque de notre découverte.
Vingt-cinq ans se sont écoulés entre votre découverte de 51 Pegasi b et l’obtention d’un Prix Nobel de physique. Pourquoi un tel décalage? En moyenne, trente ans s’écoulent entre une découverte et l’obtention d’un Prix Nobel. On est donc plutôt en avance! Le comité Nobel doit évaluer la solidité d’une découverte et surtout son impact réel, sur l’astrophysique en l’occurrence.
Est-ce aussi un gage de reconnaissance pour la communauté scientifique suisse? Cette récompense atteste que les conditions-cadres de la recherche en Suisse sont bonnes. Si l’on regarde le nombre de Prix Nobel attribués en Suisse, rapportés à la population, notre pays est en tête!
Justement, quel est cet «impact gigantesque» que vous évoquiez au début de notre entretien? Nous avons ouvert une porte. Il suffit de voir le nombre de personnes qui travaillent aujourd’hui dans ce domaine de l’astrophysique. Nous n’étions qu’une