PAR DANIELLE VERVILLE
ÇA COÛTE VRAIMENT SI CHER,
DES ENFANTS?
Je sortais à peine de l’université lorsque je suis tombée enceinte de mon premier enfant. Diplômes en poche et sans le sou, mon amoureux et moi, on croyait qu’il suffisait d’un peu d’amour et de quelques trucs usagés pour fonder une belle famille. Pour l’amour, on ne s’était pas trompés. Par contre, on a vite compris qu’un bébé venait avec des couches, un service de garde, un appartement plus grand, des électroménagers et j’en passe. Avec les années, on est devenus moins naïfs, mais c’est toujours cette belle folie, ce même élan du cœur qui nous a incités à faire d’autres bébés. Souvent, les gens évoquent les coûts comme frein pour agrandir leur famille ou même avoir des enfants. Normal. Mais certaines institutions financières et compagnies d’assurances font des campagnes publicitaires terrifiantes! L’une d’elles, par exemple, affirme qu’il en coûte 254 000 $ pour élever un enfant jusqu’à ses 18 ans. J’éprouve un certain malaise devant cette idée d’enfant-projet que nous proposent les institutions financières. Évaluer le coût d’un enfant et épargner dans le but de financer sa première année de vie ou ses études universitaires, comme on le fait pour des vacances ou l’achat d’un immeuble, me sidère.
ILLUSTRATION: ANNE VILLENEUVE.
Si l’argent ne fait pas le bonheur, il en faut quand même un peu pour combler les besoins de base d’un enfant. Pourquoi? Parce qu’un projet, on le planifie sur une période déterminée, on le budgète et on l’assure en cas de vol ou de dommage. C’est rationnel, un projet. Cela produit des résultats, réussit ou échoue. Mais un enfant, c’est imprévisible. Celles qui ont vécu l’infertilité savent qu’on ne choisit pas d’être mère ni quand cela se produira. Et les parents d’enfants handicapés ou gravement malades ont compris qu’il n’existe aucune assurance garantissant la santé d’un enfant. Mon amie Guylaine, mère de deux jeunes adultes, est convaincue que l’argent ne devrait pas être un facteur qui influence notre choix. «Même quand on a les moyens de fonder une famille, on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve. On peut perdre notre emploi, vivre un krach boursier, un divorce ou une maladie
grave qui nous appauvrira», explique-t-elle, en précisant qu’elle ne pensait jamais divorcer et encore moins élever ses enfants sous le seuil de la pauvreté. Mais ça coûte vraiment si cher, avoir des enfants? Une étude réalisée par l’ACEF de l’Est de Montréal, auprès de 11 familles aux revenus variés, révèle que le coût moyen de la première année de vie d’un enfant est de 5 194 $. Le montant varie de 1 090 $ à 13 290 $. C’est donc dire que le coût réel d’un enfant fluctue en fonction du revenu des parents. On s’en doutait. Par contre, éduquer des enfants avec moins d’argent, dans une société qui nous incite à consommer, ne risque-t-il pas d’en faire des êtres malheureux? À moins de tomber dans l’indigence, c’est tout le contraire, affirme ma copine Annabelle, mère de quatre enfants. «De nos jours, les enfants obtiennent des jouets et font des voyages qu’ils n’ont même pas le temps de désirer. Pourtant, le désir est essentiel au bonheur. S’ils veulent être en mesure de réaliser des projets à plus long terme, comme des études, ils doivent apprendre à attendre. Il faut aussi qu’ils apprennent à se faire dire non pour découvrir leurs propres ressources et les développer. Quand on a de bons moyens financiers, il est plus déchirant d’imposer des limites à nos enfants. D’une certaine manière, c’est plus facile de leur dire non quand on n’a pas d’argent.» Si l’argent ne fait pas le bonheur, il en faut quand même un peu pour combler les besoins de base d’un enfant. Mais la grosseur de notre portefeuille ne devrait pas pour autant être le principal facteur dictant notre accès à la famille… > COUPDEPOUCE.COM AOÛT 2015 65