BLUE LINE #06

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BLUE LINE JANVIER 2021

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SOMMAIR

BLUE LINE

N°06

JANVIER 2021

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CARTE BLANCHE

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ÉTATS-UNIS PRÉSIDENCE

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INTERVIEW GRUWEZ

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POLITIQUE MACHIAVEL

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DOSSIER

20 jours de congé de paternité ? Bien, mais ... ! Une fois à table. Discussion avec Anne Gruwez

LA LIBERTÉ A BESOIN DES LIBÉRAUX

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Le remède de la Liberté

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Santé, sécurité et création : Rendez à l’art la possibilité de sa création

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Islamisme et valeurs européennes : Un contraste identitaire ?

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La liberté d’entreprendre dès le plus jeune âge

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« D'autres fenêtres »...

Les nouveaux Princes

INTERVIEW CZEKALSKI

Interview autour des enjeux climatiques du moment

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ENVIRONNEMENT RECONDITIONNEMENT

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/ DÉRISION /

Covid et Libertés : Le dragon chinois est-il un modèle à suivre ? Libertés et GAFAM : Un oxymore ?

Tout ce qu’il faut savoir sur le nouveau président des États-Unis

La mine de demain se trouve en ville : Vers une valorisation des déchets électroniques

Les enfants du télétravail


ÉDITO Chères lectrices, chers lecteurs, Je désire, avant toute chose, vous exprimer mes meilleurs vœux, ainsi que ceux de l’équipe du Blue Line, pour cette nouvelle année, en espérant que 2021 soit plus douce que 2020. Pour ce premier numéro de l’année, nous avons consacré notre dossier central à un sujet qui nous est particulièrement cher : « La Liberté a besoin des libéraux ! » De nos libertés mises à mal par le confinement ou les GAFAM, en passant par une interview du ministre Clarinval sur la liberté d'entreprendre, nos rédacteurs du dossier central vous dévoileront une série de libertés en détresse et vous proposeront des solutions pour les sauver. Comme d’habitude, notre dossier se clôturera par la rubrique « D’autres fenêtres » vous invitant à poursuivre vos réflexions. En dehors de ce dossier, nos rédacteurs vous ont préparé quelques surprises… Ils sont partis à la rencontre de trois femmes belges chacune impliquée dans différentes fonctions sociétales. D’abord, lors d’une discussion sans détour avec la célèbre juge d’instruction Anne Gruwez. Ensuite, dans une importante plaidoirie pour la lutte contre le réchauffement climatique de la députée bruxelloise Aurélie Czekalski. Et enfin, sur le débat de la gestion des déchets numériques avec Catherine Bals des départements Réputation et Durabilité chez Proximus. Comme vous vous en doutez, d’autres articles enrichissants vous attendent dans ce numéro, ainsi qu'une dérision aux allures de chronique humoristique sur le télétravail en fin de revue. Je vous souhaite une très belle lecture,

Adeline


{ CARTE BLANCHE }

LA CARTE BLANCHE

20 JOURS DE CONGÉ DE PATERNITÉ ? BIEN, MAIS ... !

PAR ROMAIN BEAUMONT

Le passage d’un congé de paternité de 10 à 20 jours en Belgique, prévu dans le nouvel accord de gouvernement, est un élément important afin de promouvoir l’égalité des sexes. Mais la réalité est légèrement autre, car une différence flagrante fait toujours rage en dépit de la parité. En effet, tandis que les femmes peuvent obtenir jusqu’à 15 semaines de congé de maternité, les hommes n’auront prochainement droit qu’à 20 malheureux jours, ce qui pousse les nouvelles mères à assumer quasiment seule la parentalité considérée comme naturellement féminine, entraînant la discrimination professionnelle et salariale de ces citoyennes…

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{ CARTE BLANCHE }

Vous, lecteurs ! Vous que d’autres appellent peut-être « papa » et « maman ». Vous qui avez peut-être comme projet d’avenir, tant proche que plus lointain, d’avoir un enfant voire même plusieurs. Vous qui vous sentez tout simplement concernés par la situation parentale actuelle et à venir, je m’adresse à vous. Même si vous n’êtes qu’étudiants, ce sujet vous impactera sûrement dans quelques années, et les mesures et combats d’aujourd’hui seront vos droits à l’avenir. Voilà pourquoi ce plaidoyer vaut la peine d’être lu, c’est probablement vos droits futurs qui se trouvent dans cet article. Qu’y a-t-il de plus beau que la naissance de son enfant ? Imaginez-vous, vous êtes aux côtés de votre femme venant d’accoucher, vous devenez père et ce choc vous fait fondre… Vous profitez pleinement de ce congé qui vous est accordé pour prendre soin de votre petite famille. Malheureusement, selon l’État belge, 20 journées, 480 malheureuses petites heures, sont suffisantes pour profiter d’un des plus heureux événements de votre vie, la naissance d’un enfant, et pas n’importe lequel : le vôtre… 20 jours, 480 heures… cela passe vite. Et tandis que vous retournez au boulot, votre épouse, désormais seule, peine à récupérer de son accouchement… On estime en effet qu’il faut 3 à 6 mois afin qu’une mère puisse récupérer d’une grossesse. Votre conjointe est devenue femme au foyer en congé de maternité, et vous, vous « ramenez l’argent à la maison ». Je pourrais placer cette phrase dans un contexte moyenâgeux que cela n’étonnerait personne. Et c’est bien là que se situe le problème ! En effet, l’État belge, en laissant inchangée cette forte différence de durée entre un congé de paternité et de maternité, prône une certaine part de sexisme et ne contribue pas à l’évolution des mentalités. Plus concrètement, par sa passivité, l’État soutient une parentalité laissée aux femmes ; ce qui, professionnellement, peut nuire à l’égalité des chances en raison de la différence de temps de congé et donc de la différence de productivité entre hommes et femmes. C’est d’ailleurs ce que dit Marilyse Hamelin, journaliste indépendante et auteure de Maternité, la face cachée du sexisme : « Tant que la parentalité sera considérée comme une responsabilité naturellement féminine, il n’y aura pas de vraie égalité des chances pour les femmes, toutes les femmes, au travail comme à la maison ». Ce qui entraine, toujours selon elle : « La discrimination professionnelle liée à la maternité [qui] s’opère de manière systémique à l’encontre de toutes les femmes, qu’elles soient mères ou non, et ce, peu importe leur âge ». Marilyse, féministe convaincue, se pose alors

une question : « Comment peut-on faire en sorte que le fait d’avoir des enfants soit accueilli favorablement, ou au moins considéré comme un passage normal de la vie, plutôt qu’un problème ? ». Dans quelle mesure le manque de jours de congé de paternité accentue-t-il le sexisme, le patriarcat et les pensées arriérées de la parentalité comme responsabilité féminine ? Je vais, à elle, à vous et à toute personne se posant la même question, tenter d’apporter une solution en proposant un autre modèle. Il suffit de prendre pour exemple le système scandinave, plus précisément, celui de la Suède, connu pour être le plus égalitaire en matière de congés parentaux au sein de l’Union européenne. Le pays aux couleurs bleue et jaune se différencie du nôtre en ce sens que ce sont les parents qui décident du partage de leurs congés parentaux. Ainsi, 480 jours sont accordés au couple, dont 60 intransférables sont donnés aux hommes et 60 autres intransférables, aux femmes. Les jours restants sont donc à partager comme le couple le souhaite. Et il est vrai, aussi, que certains pays au sein du continent européen font pire que la Belgique. Citons en exemple la Suisse qui n’octroie – tenez-vous bien – aucun jour de congé de paternité. Toute la charge parentale est volontairement donnée aux femmes. Alors oui, la Belgique se trouve dans la moyenne européenne quant au nombre de jours de congés parentaux, mais cela ne doit pas pour autant nous faire baisser les bras si nous tenons à profiter d’un événement qui n'arrivera en moyenne qu’1,68 fois dans notre vie. Ce sont les premiers instants de la vie elle-même que nous découvrons lors d’une naissance. Durant ces semaines cruciales, il faut rapprocher les parents autour de l’être célébrant leur union et réclamer ce droit de la vie. Où et à qui faut-il le demander ? À l’Europe, car c’est elle qui doit inscrire les congés de paternité dans le droit européen et réglementer ceux-ci… En n’intégrant pas ce droit, l’Europe nie partiellement l’évolution des mentalités en la matière. Requérons un changement ! Demandons-le à l’État belge et à l’Europe ! Ce droit est légitime étant donné que ces mêmes instances défendent l’égalité des sexes. Requérons une évolution comme le fait l’Espagne, dont les congés de paternités sont actuellement de 8 semaines, mais seront étendus à 16 semaines en 2021. Les hommes obtiendront 16 semaines de congé de paternité, soit autant que leurs conjointes. Emboitons le pas de cette noble cause. Profitons de la source de la vie elle-même. Rétablissons le principe d’égalité des sexes et d’égalité des chances et faisons évoluer ces considérations archaïques de « la parentalité comme responsabilité féminine ». 

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{ INTERVIEW GRUWEZ }

Une fois à table :

Discussion avec

Anne Gruwez PROPOS RECUEILLIS PAR ÖMER CANDAN

Célèbre par son caractère atypique, son documentaire « Ni juge ni soumise » ainsi que son nouveau livre « Tais-toi ! », la juge d’instruction bruxelloise, Anne Gruwez, nous a fait l’honneur de nous recevoir dans l’intimité de son salon, puis, autour d’un dîner pour une interview. Une fois à table, nous avons discuté sans ambages de l’actualité. Le premier sujet abordé a été les récentes altercations de quelques jeunes avec la police bruxelloise au sujet du décès du jeune Adil.

  Que pensez-vous des altercations parfois « musclées » entre la police et des groupes de jeunes ? Aujourd’hui, il y a une terrible peur qui se développe entre la police et le quidam. C’est notamment dû aux excès des uns et des autres. Les jeunes n’ont plus confiance en la police. On leur montre trop de choses à la télé et sur les réseaux sociaux, on leur montre des vidéos où quelqu’un se fait « tabasser » par la police mais où n’apparait que ce moment-là. On n’a aucune idée de comment on en est arrivé à ce « tabassage » ou en tout cas à ce qui parait en être un. C’est très sélectif, surtout qu’une image, on la manipule comme on veut. Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis d’accord avec l’article 24 de la loi française de « sécurité globale » [qui vise à pénaliser la diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre], car cela n’a aucun sens pour moi. Dans le cadre de mon boulot, j’ai une fois rencontré un influenceur, j’ai dû attirer son attention sur le principe de la calomnie, de la diffamation et sur la loi sur la presse. Il faut faire attention car les réseaux sociaux peuvent conduire à des catastrophes dont la justice ne se rend pas toujours compte. Ce peut être dangereux comme tout, car on ne sait même pas l’éviter. Pour moi, quand on ne sait pas

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éviter un phénomène, il faut en prendre la tête. C’est-àdire, reprendre tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux et republier en expliquant le contexte.

  Ce serait donc le rôle des médias de faire cela ?

Il faut voir à quelle fonction appartient la personne fustigée. Il faudrait une sorte d’ombudsman qui se chargerait exclusivement des réseaux sociaux et de ce travail de remise en contexte. Le réseau social vit de la vitesse. Il faut donc aller tout aussi vite !

  Et par rapport à ces jeunes, pensez-vous qu’il faut les « éclairer » sur la police ? Serait-ce le rôle de l’État, des écoles ?

Non, ils ne sauront pas le faire. Sans compter que l’école n’est pas gratuite, c’est d’un banal d’énoncer cela ! J’ai réussi mes secondaires à force de cours particuliers pour tout. Mes parents pouvaient me les offrir et nous savons que ce n’est pas le cas de tout le monde. Nous savons également que certaines écoles en bas du classement à Bruxelles n’auront sans doute jamais le niveau des « bonnes » écoles. Et donc, l’école n’est pas égalitaire non plus. Avec cette crise, on en a vu certains qui voulaient offrir des ordinateurs. Je trouve que ça n’a pas de sens, car il n’y


{ INTERVIEW GRUWEZ }

a pas l’explication affectueuse qui accompagne ce don, il n’y a pas l’autorité derrière qui vous demandera de vous mettre au boulot, de faire vos devoirs. Moi, j’ai proposé le projet « Solidarité école ». L’idée serait de répartir Bruxelles en 6 zones (en se fixant sur les zones de police). Un tuteur bénévole prendrait 3 élèves de la même année mais de zones différentes et il suivrait leur scolarité pendant 1 an. Ça permettrait de mieux encadrer certains jeunes défavorisés. Surtout que je vois que le monde dans lequel j’évolue professionnellement n’a rien à voir avec le monde bourgeois que je fréquente.

  Un des cercles de notre Fédération, le Cercle des Étudiants Libéraux de l’ULB pour ne pas le citer, avait organisé une conférence s’intitulant : « La justice est-elle à l’agonie ? » Trouvez-vous que c’est le cas, surtout sur le plan du financement et des effectifs ?

Il y a un gros problème sur les moyens matériels. Les ordinateurs que nous employons ont été commandés il y a 10 ans. Il y a également le problème de marché public. Le processus prenant énormément de temps, le temps d’être livré, le matériel est déjà obsolète. Par exemple, allumer mon ordinateur me prend 5 à 10 minutes montre en main ! De plus, le matériel n’est en général pas adapté. Il y a également un réel manque d’organisation et d’écoute. Si j’étais ministre de la Justice, j’enverrais des missi dominici pour aller faire un audit des besoins auprès des différents services. Une de mes autres priorités serait d’abandonner le chantier de la prison de Haren. Cette prison aura une capacité de 1.190 personnes. Le PPP (partenariat public-privé) fera primer le bénéfice. Je parie même qu’ils factureront l’inoccupation des cellules. À Haren, la prison prévoit 600 places de détention préventive alors que la moyenne n’est que de 500 détentions préventives pour tout Bruxelles, avant dessaisissement. Certains y verront là un appel au mandat d’arrêt. À ma connaissance, les prisonniers supportent difficilement ce genre de prison ultra moderne. Ce sera une prison inhumaine, sans contact avec personne et où tout sera géré par un ordinateur. Je ne serais pas étonnée que, dans ces conditions, certains préfèreront aller compter les cafards à Saint-Gilles et avoir un minimum de contacts humains.

  Et le Covid, a-t-il empiré tout cela ?

On a essayé le télétravail partiel ; c’est extrêmement compliqué. Au bureau, on manipule quelques 10 à 15 dossiers par jour. Comment voulez-vous qu’on transporte tout ça à la maison ? Et les auditions ou les descentes ne peuvent se faire par caméra. Je dis : « heureusement », parce que si c’est à peu près évident pour les descentes généralement liées à un mort, ce ne l’est pas pour tous, dans le cas des auditions. Pour ce qui est du matériel informatique, c’est la même chose que décrit avant. Heureusement, nos cerveaux restent en général plus performants que n’importe quel ordinateur !

 Restons dans la situation générée par le covid, certains estiment que les restrictions mises en place par le gouvernement sont une extrême entrave à nos libertés les plus fondamentales. Qu’en pensez-vous ? À quelles libertés faites-vous allusion ?

Prenons la liberté de circuler, celle de se réunir et l’imposition d’un couvre-feu par exemple.

Excusez-moi mais, à mon sens, la question n’est pas tout à fait bien posée. Vous ne pouvez pas mettre sur un même plan le couvre-feu et la liberté d’aller et venir. Vous ne pouvez pas non plus mettre sur un même plan la liberté d’aller et venir et la liberté d’association, la liberté de la presse. Les droits ont changé depuis 1830 et les libertés pas. Si vous allez sur la place de la Liberté, vous y verrez les quatre grandes libertés que sont : l’association, le culte, la presse et l’enseignement. Vous ne pouvez pas mettre le couvre-feu au même plan que ces libertés. Et donc au niveau juridique, il n’y a pas une liberté plus fondamentale qu’une autre. Sauf erreur de ma part, le droit à la protection de la santé est prévu dans la constitution parmi les droits fondamentaux. De ce fait, le couvre-feu et les mesures de contrainte sont légitimées si elles sont proportionnelles. C’est également pour ça que nous avons un gouvernement. C’est pour qu’il définisse les mesures les plus fortes quand la population est en danger. Nous avons constaté que nous risquions la peste et le choléra sur tout le territoire et en conséquence, le gouvernement décrète les mesures que nécessite la préservation de la santé de chacun. La règle de santé publique prime sur les autres parce que quelle est la valeur d’un droit ou d’une liberté pour un cadavre ? Après, qu’on y croit ou qu’on n’y croit pas, c’est pas mon problème. Regardez, le couvre-feu est régulièrement imposé en justice à des personnes dont on dit par ailleurs qu’elles sont présumées innocentes. Est-ce compatible ? Là, on peut se poser des questions !

  Et par rapport aux jugements via vidéoconférence, est-ce une juste mesure ?

Pour moi, cette mesure n’est pas proportionnelle et certainement si on imagine qu’elle soit permanente ! Ce serait profiter d’une situation extraordinaire pour créer une situation pérenne. Ce n’est ni juste ni admissible.

  Venons-en à la criminalité. Le covid a-t-il un impact sur son taux ou sur le type de crime perpétré ?

Au premier confinement, un journaliste m’a interrogée. Je lui avais dit qu’à mon sens, il y aurait beaucoup moins de braquages vu la fermeture des établissements, mais que par contre, la violence intrafamiliale et les stupéfiants augmenteraient. Il m’avait répondu qu’au contraire, il pensait que les gens feraient des bébés. Et au final ? On doit bien constater que le confinement ne rapproche pas nécessairement les cœurs…

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{ INTERVIEW GRUWEZ }

Rencontre entre Ömer Candan et Anne Gruwez.

Petite anecdote, on a vu aussi sortir sur le marché de faux certificats médicaux stipulant qu’on était positif ou négatif au Covid-19 selon ses besoins.

  Les jeunes sont désignés comme les principaux responsables de la propagation du virus, êtes-vous d’accord avec cette analyse ?

Absolument pas. Même si le jeune n’a pas cet attachement à sa santé que pourrait avoir le vieux. Il ne faut pas oublier que ce corona est en train de vous voler votre jeunesse comme la guerre a volé l’enfance des plus âgés d’aujourd’hui. Il suffit de voir les nouveaux arrivés à l’université, ils ne connaitront pas de si tôt toute la vie sociale et folklorique que procurent les années à l’université. Pour moi, la jeunesse, c’est s’amuser, apprendre et aussi s’indigner, vivre, quoi. Les vieux ne s’indignent peut-être plus ; ils en ont déjà tellement vu. Vous, vous êtes encore pleins d’idées !

  Avez-vous une préférence entre le tournage de votre documentaire et l’écriture de votre livre ? C’est totalement différent. Sans opinion.

  Terminons par le plus croustillant, comment étiez-vous dans votre vie d’étudiante ? Avez-vous des anecdotes pour nos lecteurs ? Je me souviens en juin 1976, c’était une période caniculaire épouvantable. J’avais des examens oraux et je m’y présentais en jupe en velours bleu marine, avec des bas bleu marine également, des hautes bottes et un gros pull. Je me demandais toujours pourquoi on me regardait d’un drôle d’air. Pourtant, j’ai réussi comme une fleur. Jamais de distinction ou de grande distinction, il ne faut pas déconner non plus !

  Êtes-vous baptisée ?

Non, ça n’existait pas pour les filles à mon époque. Ce n’était pas dans la culture. À Saint-Louis, l’ambiance était plus au conservatisme ; à l’époque, on les appelait « les sapins » en référence aux lodens verts [ce pardessus tyrolien qui faisait foison à la sortie des églises et des pensionnats de la bourgeoisie catholique] que tous portaient. Ils élisaient encore miss Saint-Louis.

 Aviez-vous un goût prononcé pour la guindaille ?

Je ne dirais pas pour la guindaille mais pour la fête, oui, quand même ! Chez nous, on fêtait la Saint-Nicolas. C’était « vive la calotte ». On faisait de grands cortèges qui passaient dans le centre de Bruxelles ; c’est vrai que j’occupais un des chars où je servais des pintes. 

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DOSSIER LA LIBERTÉ A BESOIN DES LIBÉRAUX La Liberté et les libéraux, c’est une histoire d’amour et de conquête qui dure depuis plus de 200 ans. Que de chemin parcouru. Malgré tout, les occasions ne manquent pas pour remettre en question notre Liberté chérie. N’y a-t-il pas de moment plus propice que celuici, à l’heure de la crise sanitaire, des attentats terroristes et des potentielles menaces que représentent les entreprises du Big Data, pour penser, repenser et rappeler le rôle que les libéraux ont à jouer au sein de notre société ? Des questions, nous nous en sommes posées. Nos rédacteurs ont alors usé de leur liberté d’expression afin de vous dépeindre ces situations et également vous apporter, ce qui leur semble être, des éléments de réponse. Ce dossier est en quelque sorte un retour aux sources de notre combat pour la sauvegarde et la propagation de la Liberté avec un grand « L » majuscule !

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{ DOSSIER LIBERTÉ }

LE REMÈDE

DE LA LIBERTÉ PAR CONSTANTIN DECHAMPS

Depuis près de huit mois, notre pays, et le monde, est ébranlé par l’épidémie de coronavirus. La Liberté, depuis, ne semble être devenue qu’une simple variable d’ajustement dans la gestion de cette crise. Qu’est-ce qui a fait que nous en sommes arrivés à faire cela, à rendre accessoire ce qui est essentiel ? Et surtout, la Liberté ne serait-elle pas une partie de la solution ?

L’échec

La liberté est parmi les biens les plus précieux que nous avons. Dès lors, la légèreté avec laquelle certains appellent à lui porter des atteintes toujours plus grandes, bien que partant de bonnes intentions, est insupportable. Ces bonnes intentions, quelles sont-elles ? Il s’agit de sauver des vies, objectif louable et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit de la vie des plus fragiles et notamment nos ainés. Mais pourquoi en sommes-nous venus à imposer des mesures liberticides afin de gérer une épidémie  ? La réponse tient en trois mots : défaut de prévoyance. Autant la gestion aléatoire du premier confinement est, en quelque sorte, « excusable » étant donné que le vieux continent n’a pas connu pareille épidémie depuis au moins un siècle. Nous pouvons ainsi aisément comprendre que le gouvernement, au même titre que la population, ait été pris d’un sentiment de stupeur (et de peur ?) lorsque les premiers cas de covid se sont déclarés et que les courbes se sont transformées en exponentielles. Mais nous ne pouvons être aussi compréhensifs vis-àvis de ce deuxième confinement, qui est du point de vue de la gestion de la crise, un échec. Car entre la fin du confinement de ce printemps et le début du confinement de cet automne, le gouvernement disposait de tout un été pour se préparer et ne pas répéter les mêmes erreurs. Ce qui n’a pas été pas le cas. Bien sûr, gérer une épidémie n’est pas chose facile. Surtout

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lorsque l’exercice consiste à jongler avec des paramètres allant de l’épidémiologie à l’économie en passant par l’éducation et la psychologie. Pourtant, comme le dit l’adage : « Gouverner, c’est prévoir ».

Un gouvernement prévoyant

Partant de ce constat d’échec, quelle doit être l’approche d’un gouvernement prévoyant ? Celle-ci doit être préventive et non pas curative. En ayant choisi comme « quasi » unique critère pour suivre l’évolution de l’épidémie, l’engorgement des hôpitaux ; le gouvernement se condamne à ne régler que les conséquences de l’épidémie. Un gouvernement prévoyant aurait dû faire ce que l’OMS préconise depuis des mois. À savoir, tester, tracer, isoler – ajoutons les mesures de distanciation et de port du masque – et ce avant de se préoccuper uniquement de l’engorgement. Or, en Belgique, les « campagnes » de tests ont été, durant ces huit mois d’épidémie, peu ambitieuses, avec une capacité d’analyse faible et des délais de réponse trop longs. Heureusement, la tendance semble enfin s’inverser, avec notamment la réouverture des tests pour les personnes asymptomatiques et l’augmentation de la capacité de dépistage par la mise à contribution des laboratoires universitaires, chose que la ministre De Block avait – en son temps – refusée, contre toute raison. En ce qui concerne l’isolation des cas de covid, cette pratique ne semble pas être appliquée avec autant de succès que dans certains pays asiatiques. Enfin concernant le tracking, l’application Coronalert a


{ DOSSIER LIBERTÉ }

atteint un nombre de téléchargements suffisant pour être « efficace » et ainsi limiter la trop rapide propagation du virus. En lisant ces dernières lignes, il semblerait que tout va pour le mieux au royaume des Belges puisque désormais les campagnes de testing et de suivi des contacts ont la possibilité de se dérouler sans embûche afin de ralentir le virus. Seulement, un nuage vient assombrir ce joli tableau, pourquoi est-ce que cela n’arrive que maintenant ? Pourquoi est-ce que cela n’a pas eu lieu avant afin d’éviter ce deuxième confinement et cette privation insupportable de libertés ?

L’importance de la confiance

Quelle peut être la raison expliquant la réticence des citoyens et du gouvernement à adopter rapidement ces mesures préventives ? Une partie de la réponse se trouve sans doute dans la confiance. Ou plutôt, le manque de confiance réciproque entre ces deux parties. Le premier devoir du gouvernement en temps de crise est de donner des informations claires et précises aux citoyens. Les décisions « girouettes » doivent, à tout prix, être évitées. Lorsqu’il prend une décision, le gouvernement doit s’y tenir, afin de ne pas apporter du flou supplémentaire à une situation déjà brumeuse. En ce qui concerne l’information, celle-ci ne peut venir que du politique, elle doit également venir des experts. Pour autant faire apparaître des dissensions et des disputes de « bac à sable », avec les experts « officiels » sur les réseaux ou dans la presse, concernant tel ou tel type de mesures, est sûrement la chose la plus puérile qu’il nous ait été donné de voir ces derniers mois, les deux cotés étant coupables. Quelle doit donc être l’approche à privilégier  entre ces deux parties ? Elle semble avoir été trouvée, mais il est toujours bon de la rappeler. Les experts se doivent de revêtir le rôle du « phare dans la nuit » afin de guider le navire dans la tempête, là où le gouvernement est derrière la barre et indique le cap à suivre à l’aune des connaissances scientifiques. Une porte ouverte sera peut-être enfoncée en disant cela, mais il est important de le rappeler, c’est aux politiques et à eux seuls de prendre les décisions (pour le meilleur et pour le pire). Le danger étant, qu’en demandant uniquement à des épidémiologistes de gérer une crise, que ces derniers ne prennent pas en compte toute une série de paramètres et transforment ainsi la vie en société en un TP de médecine, où la circulation du virus est certes réduite à zéro, mais où la vie, elle, s’est arrêtée. Heureusement, nous n’en sommes pas là. Ce n’est donc pas aux experts, seuls – comme certains le souhaiteraient – que le pouvoir de décision doit revenir. Dès lors que des informations claires et précises sont données et que la « solidarité » entre experts et gouvernement est assurée, les citoyens sont moins défiants vis-à-vis du gouvernement et des mesures préventives.

L’étape du consentement

Lorsque le gouvernement se montre prévoyant et que la confiance est >>>>

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{ DOSSIER LIBERTÉ }

de retour, la question suivante se pose : faut-il rendre les mesures préventives – testing, tracking et isolement – obligatoires ? Certains vous dirons que oui, ce qui laissera place à cet insupportable paternalisme d’État de la part de certains. Les exemples ne manquent pas : que ce soit la ministre Verlinden qui menace d’envoyer les forces de l’ordre toquer aux portes lors des fêtes de fin d’année afin de s’assurer du respect des mesures, ou bien, les récentes révélations du ministre Vandenbroucke admettant que la fermeture des commerces « non-essentiels » était une mesure qui visait à provoquer un choc parmi la population. Ces attitudes sont tout bonnement scandaleuses, les citoyens belges ne sont ni des enfants ni des sujets auxquels on donne des ordres. Aucun ministre n’a le droit de les menacer de quelque façon que ce soit ou de prendre des mesures arbitraires. Ce sont des citoyens libres et adultes qui méritent le respect et n’ont pas à être infantilisés. D’autres vous dirons que non. Dès lors, toutes les mesures préventives doivent se faire sur base volontaire. Nous ne devons pas confondre sécurité et servitude. Ainsi, la mesure où le consentement est sans doute le plus indispensable est le tracking. Car bien que souhaitant accomplir une noble mission – sauver des vies – il s’agit, tout de même, d’une intrusion dans la vie privée. L’important étant donc de ne pas rendre l’application obligatoire, de traiter les données de manière anonyme et surtout de laisser le choix aux citoyens de la supprimer s’ils le souhaitent. Notons que Coronalert remplit ces critères.

ceux atteints de pathologies lourdes et ceux souffrant d’affections de longue durée – ne pourrions-nous pas imaginer un système dans lequel ces dernières feraient l’objet d’un confinement ciblé ? En parallèle de cela, la responsabilité serait laissée à la majorité de la population. En lisant ces lignes certains penseront que le virus s’en donnera à cœur joie. Pour autant, une question parue sur le site de La Libre, en date du 23 novembre, laisse penser le contraire. Il était ainsi demandé aux lecteurs : « Êtesvous en faveur d’une pause de Noël, durant laquelle les mesures seront assouplies ? » À cette question, 67% des 3000 répondants ont déclaré « non ».  Nonobstant un biais de représentativité, nous pouvons en faire la lecture suivante, si « pause » il y a, les personnes ayant répondu « non » continueront à se confiner. Sans doute pas dans une aussi forte proportion, mais une partie significative tout de même. Cela nous montre que les individus, une fois que les informations sont claires, comprises et les mesures préventives assurées, sont responsables. L’approche la moins liberticide, ne serait-elle donc pas de miser sur les forces sociales spontanées ? Des mesures préventives, une communication claire et éclairée, une confiance réciproque ne permettraient-elle pas de garantir la liberté de tout un chacun ? Car il s’agit d’un bien trop précieux que pour être manié avec autant de légèreté qu’une variable d’ajustement. 

Le choix de la Liberté

Quelle serait la manière la plus responsable et la moins liberticide pour gérer cette épidémie ? Comme expliqué précédemment, il est avant tout d’une impérieuse nécessité que le gouvernement soit prévoyant et qu’il puisse mettre toutes les mesures préventives en place afin de ralentir la propagation du virus. Malgré tout, ralentir la propagation n’empêchera pas le virus de se répandre et en l’absence de traitement, de tuer. Mais est-ce que, parce qu’une maladie fait des victimes, il faut adopter une mesure liberticide et confiner toute la population ? Et bien que le confinement soit très efficace pour ralentir la propagation du virus, il fait énormément de dégâts. Pertes de liens sociaux, ruines des petits commerces, pertes d’emplois (dont beaucoup chez les jeunes), risques concernant la qualité des cours pour les élèves et les étudiants, et tant d'autres. Alors que faire ? Partant du constat que le virus, bien qu’étant potentiellement mortel pour tout le monde, tue majoritairement les personnes « à risques » – nos ainés,

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POUR TERMINER, ESSAYONS-NOUS À UNE EXPÉRIENCE DE PENSÉE. Actuellement les mesures liberticides – bien que partant de bonnes intentions – ne sont socialement acceptées que parce que nous sommes suspendus à l’espoir d’un vaccin, qui semble être proche. Mais imaginons que ce vaccin n’arrive pas, ou qu’il n’ait pas l’effet escompté, et que nous devions repartir pour encore plusieurs mois voire années d’épidémie… Quelle approche serait la plus durable dans le temps  et la plus socialement acceptée ? Celle qui confine toute la population en créant d’énormes dégâts sociétaux sur son passage ? Ou bien celle qui fait le choix de la confiance, de la responsabilité et de la liberté ?


{ DOSSIER LIBERTÉ }

COVID ET LIBERTÉS : LE DRAGON CHINOIS EST-IL UN MODÈLE À SUIVRE ? PAR GUILLAUME ERGO

Le coronavirus SARS-CoV-2, plus connu sous le nom de « Covid-19 » est la cause de la pandémie actuelle ressentie sous la forme de plusieurs «  vagues  » dans le monde. Parti de la ville chinoise de Wuhan, dans la province d’Hubei, ce virus s’est répandu sur la totalité de la planète vers janvier 2020 avant d’être déclaré pandémie par l’Organisation mondiale de la Santé le 11 mars 2020. Comment se fait-il que les Chinois pourront fêter cette année leur Nouvel An tandis que les Européens ont dû modifier leurs habitudes pour célébrer la Nativité et la Saint-Sylvestre ?

Le totalitarisme comme remède ?

« La dictature peut s’installer sans bruit. » Georges Orwell

Pour lutter contre la pandémie, le gouvernement chinois a décidé, après avoir tenté de dissimuler le début d’épidémie, de « mener une guerre du peuple contre le virus » selon les termes du président Xi. Pour ce faire, les autorités chinoises se sont autorisées des mesures drastiques : interdiction de sortie de domicile, interdiction des rassemblements, suspension de toute circulation des transports en commun, interdiction de déplacement en voiture…. À cela s’ajoute la création d’une application de tracing destinée à surveiller les personnes contaminées et la propagation du virus. Sans le feu vert de cette application, il n’est pas possible de faire ses courses ou de prendre le métro ; des gestes banals soudain contrôlés par les autorités. Viennent se greffer en plus des interventions policières brutales, une surveillance par drone qui ne sont que les exemples visibles d’un appareil répressif mis au service de la lutte contre la pandémie. Pourtant, les résultats de ces restrictions de nombreuses libertés semblent prometteurs : la propagation du virus a été limitée, voire éradiquée du sol chinois. Le nombre de contamination s’est stabilisé tandis que le nombre de décès s’est avéré plus réduit que ce à quoi on pouvait s’attendre. Passons le fait que les chiffres ont certainement été trafiqués par le pouvoir communiste en place, il n’en demeure pas moins que la Chine a maîtrisé l’épidémie contrairement à ses rivaux occidentaux. L’Occident… Nous n’évoquerons pas les États-Unis et sa gestion « spéciale » du Covid-19 pour nous concentrer sur l’Europe et notre cher Plat Pays. Quel contraste nous avons offert et offrons avec la Chine ! >>

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L’État n’est fort que par ses libertés

par le fait même notre puissance et notre liberté.

« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. »

Pour ce faire, il est temps de mettre au placard les réglementations paralysantes de la Commission européenne et d’alléger cette chape de plomb fiscale qui pèse sur les créateurs de richesse que sont nos entreprises mais aussi nos ménages !

Pourquoi avons-nous dû renoncer à nos libertés ? Comme dans chaque crise, il est bon d’en revenir aux questions et aux notions fondamentales.

Par ailleurs, il est vital de bien comprendre que certains secteurs s’avèrent tout simplement trop importants pour être laissés à la seule main du marché. Si personne ne veut s’y risquer, c’est à l’État d’encourager à le faire ou à y investir lui-même.

Qu’est-ce qui a changé entre la Chine et les nations d’Europe et même entre certaines nations voisines ? Comment se fait-il qu'en Europe continentale, l’Allemagne ou la Suisse s’en sortent mieux que la France, l’Italie ou la Belgique ? Pourquoi constate-t-on que des pays asiatiques comme le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, Singapour ont mieux géré la crise du covid ? Ce ne sont pas nos libertés mais nos failles stratégiques qui nous ont mené à cette Bérézina. D’une part, nos dirigeants ont confondu l’art de tout interdire avec l’art de gouverner. D’autre part, nos contrées souffrent depuis des décennies du mal de la désindustrialisation. La pandémie n’a pas dégénéré en crise parce que les amis se retrouvaient entre eux, parce que les familles se réunissaient, parce que les gens faisaient société dans les commerces, les restaurants, les bars, les lieux de fête. Non, cette pandémie nous a mis à genoux parce que nous avons manqué de moyens de la combattre. En Europe, seuls dix sites produisent des masques de protection. En 2018-2019, nous manquions de plus de 350 « médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ». Sur l’ensemble de nos médicaments, 80% d’entre eux sont fabriqués en dehors de l’Union européenne. On n’a pas une seule usine de paracétamol de Lisbonne à Varsovie. Quand nous avons voulu faire venir de l’étranger des masques, ce sont sur des aéronefs russes qu’ils ont été transportés. Nous avons choisi la désindustrialisation. Nous nous sommes privés d’un tissu industriel performant et innovateur. Nous avons privilégié les flux au détriment des stocks. Nous avons fait grandir un système de protection sociale très généreux sans s’appuyer sur de la croissance pour l’alimenter. On peut faire parler les chiffres comme contre-modèle. Le secteur secondaire, industriel pèse 24% du PIB allemand. En Suisse, c’est 22% de la richesse nationale qui provient de ses industries. Il faut donc se réindustrialiser rapidement et massivement. En commençant dans le secteur du médicament. Ainsi, on créera des emplois. On améliorera notre balance commerciale. On protégera notre santé. Nous recouvrerons

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Secteur public et secteur privé ne doivent plus se regarder en chien de faïence. Le secteur public est un acteur qui a la capacité du temps long tandis que le secteur privé permet d’utiliser et de diffuser au mieux les avancées technologiques. Le potentiel d’efficacité de cette complémentarité n’est plus à démontrer : les partenariats public-privé ont été utilisés avec succès par le passé et doivent être considérés et encouragés beaucoup plus sérieusement. Recréer une industrie, c’est diminuer le poids des dépenses sociales qui pèsent sur l’ensemble de la population et renouer avec un cycle vertueux. Un emploi créé dans le secteur secondaire génère deux emplois dans le secteur tertiaire. Avec des industries, nous aurions pu produire des tests sanitaires rapidement et massivement. Les autorités publiques auraient eu des stocks stratégiques de masques et de gel hydroalcoolique à distribuer à l’ensemble des citoyens, à l’instar des stocks de carburant. Ensuite, il faut « miser » sur la matière grise. Il s’agit de soutenir les universités, les centres de recherche et développement. Plus que jamais, l’innovation est une clé pour l’avenir durant cette période de grands changements. Si l’Allemagne a pu disposer de tests rapidement, c’est peutêtre parce que c’est un Allemand qui en a déposé le brevet… Enfin, il faut repenser nos hôpitaux. Ils doivent devenir des lieux de soins de haute technologie et non des dispensaires submergés par des patients en besoin de soins courants et ne les trouvant pas chez des généralistes disparus. Néanmoins, des lits supplémentaires et des effectifs renforcés de soignants demeurent indispensables. Ce n’est qu’à ces conditions que nous pouvons réaliser le fameux triptyque répété ad nauseam par les experts : tester le maximum de personnes, isoler les infectés et les soigner dans les meilleures conditions. S’il y a bien une leçon à retenir de la Chine, c’est la capacité de réaction de son gouvernement. À son initiative, ce ne

©Keitma / Shutterstock

Montesquieu


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sont pas moins de 14 000 points de contrôle sanitaire qui y ont été implantés dans l’Empire du Milieu, sans compter la construction en un temps record d’un hôpital dédié uniquement au traitement des patients covid.

De défaite en défaite jusqu’à la victoire finale ?

« Vous souffrez ? eh bien ! Vous allez travailler vous-mêmes,

»

dès à présent, au grand œuvre de la destruction de la misère.  Victor Hugo

Vouloir arrêter une épidémie avec un confinement généralisé, cela revient à se jeter dans l’eau en espérant stopper la mer avec ses bras. C’est illusoire, inutile et un franc gaspillage d’énergie. Les confinements généralisés ne font que retarder l’échéance des « vagues » sans permettre de trouver de solutions pérennes. Les solutions ne résident pas dans les brimades faites aux citoyens mais se trouvent dans l’incroyable volonté de résilience, de liberté, de responsabilité et de solidarité des Belges. Le dragon chinois n’est pas un exemple à suivre pour le lion belge. Mais celui-ci doit comprendre qu’il lui faudra des griffes, des dents et un rugissement digne de ses pairs pour s’en sortir. Les épidémies ont toujours existé dans l’Histoire. Il nous revient maintenant de les combattre sans sacrifier ce que nous sommes et nos principes fondamentaux. Pour cela, nous devons combler nos lacunes et les failles de nos systèmes qu’a révélées cette pandémie. En redécouvrant les notions d’innovation, d’audace et d’indépendance, nous retrouverons nos chères libertés. 

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LIBERTÉS ET GAFAM : UN OXYMORE ? PAR ALBAN DURAKU ET JAK JAKAJ

Internet est l’une des plus grandes révolutions de l’histoire humaine. Depuis la nuit des temps, l’homme a cherché à explorer d’autres mondes, voire d’autres univers. La naissance d’internet nous a permis de découvrir un monde, virtuel, sans limite. En effet, la multitude de choses que l’on peut y trouver nous amène à constater que ce qui nous motive, c’est notre liberté de choix et de « mouvement », dans un endroit infiniment vaste. Cependant, la liberté qu’on aurait pu trouver en théorie sur internet s’est vu confrontée à l’émergence, que disons-nous, au raz-de-marée des GAFAM. MAIS QUE REPRÉSENTE LEUR RÉELLE INFLUENCE DANS LE MONDE NUMÉRIQUE ? Que ce soit Google, Apple, Facebook, Amazon ou Microsoft, aucun d’entre eux ne se limite qu’à un seul service. Leurs tentacules s’étendent partout. De la vente, de la publicité, des plateformes vidéos, des smartphones, des ordinateurs et intelligences artificielles, des réseaux sociaux… tout ce qui touche au digital est dominé par ces sociétés privées. À tel point que pour s’aventurer et exploiter internet de manière intuitive et efficace, la seule solution est d’utiliser les services proposés par ces derniers.

A-T-ON VRAIMENT LE CHOIX DE NE PAS DÉPENDRE D’UNE DE CES GAFAM ? Prenons le cas de Facebook (qui possède Instagram, WhatsApp et Messenger). Rares sont les personnes n’utilisant pas un des services proposés par la firme de Mark Zuckerberg. La publication de photos, l’envoi de messages, l’utilisation d’un réseau social… tout cela sous la bannière d’une seule société privée.

Allons encore plus loin ! Combien de sites internet vous proposent de créer un compte en utilisant votre compte Facebook (ou compte Google) ? Certes, cela a un aspect pratique de s’enregistrer sur une plateforme en ligne via nos comptes préexistants. Par souci de gain de temps, grâce à (ou plutôt à cause de) Facebook, nous évitons de réintroduire nos données sur un nouveau site. Néanmoins, sachant qu’il est devenu indispensable pour toute personne « connectée », le réseau social collecte ainsi ces données et s’enrichit de toutes nos informations personnelles qu’il revend à des sociétés privées qui les analysent à leur

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tour dans un but commercial ou autre. L’exemple le plus frappant reste le scandale de Cambridge-Analytica, cette société ayant collecté sur Facebook les données de dizaines de millions de personnes dans le but de cibler la diffusion de contenus politiquement orientés. Même le monde de l’emploi est affecté par cette position de dominance. LinkedIn, réseau social incontournable pour les recruteurs et les employeurs, appartient lui-même à Microsoft. Pourtant, bien des personnes vous diront que LinkedIn est important pour votre carrière professionnelle. Le monde des humains est frappé de plein fouet par les GAFAM et leur monopole. Le choix est simple mais contraignant : ou vous entrez dans le monde des GAFAM et bénéficier de tous ces différents services ; ou vous les évitez mais y serez quandmême confrontés, tôt ou tard. Notre liberté se restreint à décider du moment auquel on adhèrera in fine à ces services. Cette mainmise totale des GAFAM sur notre mode de vie s’est davantage accentuée pendant cette période du Covid-19, période pendant laquelle une des plus grandes activités de notre quotidien a été d’utiliser notre smartphone et jongler entre Facebook, Google, Instagram, etc. À l’heure où notre liberté de mouvement a dû être restreinte pour des raisons sanitaires, l’achat en ligne a été une échappatoire nous permettant d’avoir une sorte de contact avec le monde consumériste dans lequel nous vivons. Étant donné que nos commerçants préférés étaient tous fermés, nous étions nombreux à nous rediriger vers l’achat en ligne. Et


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qui d’autre qu’Amazon pouvait combler ce manque de contact, totalement factice, avec le monde extérieur ? Cette plateforme, sur laquelle le bonheur de chacun peut être trouvé, a vu son chiffre d’affaire pour le deuxième trimestre de 2020 augmenter de 40%. Rien d’étonnant lorsqu’on sait que notre accès au monde extérieur était très limité. Entendons-nous bien, le commerce en ligne n’est pas une chose à jeter par la fenêtre mais, dans les circonstances actuelles, la société de Jeff Bezos a dominé et a été la seule à pouvoir répondre à la demande de ses clients. Ce qui a entrainé une consommation accrue vers Amazon et a laissé les petites sociétés dans une situation encore moins viable face à cet ogre numérique. Dans un monde sans concurrent, Amazon, déjà roi dans son domaine, est devenu, grâce au Covid-19, empereur. Libres, nous souhaitons l’être, mais soumis à nos réflexes de consommateurs, nous cherchons les prix les plus faibles et les livraisons les plus rapides. Cette attraction pour les services de notre caverne d’Alibaba (sans jeu de mot), nous fait entrer dans une spirale dans laquelle Amazon parait être la seule réponse évidente. En somme, nous arrivons dans une situation dans laquelle nous sommes mis à nu face à des sociétés qui connaissent tout de nous. Ces firmes savent à qui nous nous adressons, quels sont nos produits de consommations préférés, où nous sommes, ce que nous publions, etc. Ils savent, en outre, que quoi qu’il arrive, nous utiliserons leurs produits. Malgré toute cette emprise et influence sur nos vies, nous ne sommes pas totalement laissés à l’abandon face aux GAFAM. Les États essaient de plus en plus de réguler leur position dominante

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et c’est dans cette direction que compte s’inscrire l’Union européenne. Tout d’abord, l’UE s’est penchée sur la protection de nos informations personnelles et a mis en œuvre un premier outil : le Règlement Général sur la Protections des Données (RGPD), entré en vigueur le 25 mai 2018. Ce règlement permet une plus grande transparence sur la gestion de nos données personnelles par les entreprises et un meilleur suivi pour les particuliers. Grâce au RGPD, nous avons obtenu beaucoup plus de droits sur le traitement de nos données comme le droit à « l’oubli » qui nous permet, dans une certaine mesure, de faire supprimer toute information relative à notre personne des stocks de datas dont disposent les entreprises. De nouveaux projets actuellement sont en discussion : le « Digital Service Act » (DSA) et le « Digital Market Act » (DMA). Ces nouvelles régulations, discutées en décembre, ont pour objectif notamment d’assainir la concurrence, d’armer efficacement l’Europe contre la position dominante des titans numériques et aussi de protéger les citoyens européens de tout contenu illégal sur les réseaux. D’un côté, via le DSA, l’Europe vise à ce qu’il y ait une transparence sur les algorithmes utilisés par les GAFAM. Ceci permettra aux utilisateurs de comprendre pourquoi les plateformes leur proposent tels services ou tels contenus. En outre, les utilisateurs pourront avoir leur mot à dire sur ce qui est proposé par les plateformes. De l’autre côté, le DSA s’attaque aussi à un autre volet : les contenus illégaux en ligne (le racisme, l’antisémitisme, la pédopornographie, etc.). Quant au DMA, la Commission européenne s’est penchée sur l’établissement de plusieurs mesures régulatrices. Différents comportements seront soit interdits soit imposés à ces giga-structures digitales. À titre exemplatif, nous pouvons citer  : l’interdiction d’imposer la préinstallation d’applications sur nos

smartphones et ordinateurs ou encore l’interdiction de ne proposer qu’un seul « magasin d’applications » (ex : Apple Store, Google Play…). Le but réel du DMA reste d’établir des régulations antitrust afin de promouvoir un marché libre et permettant aux nouvelles entreprises d’exister et de ne pas se faire phagocyter par l’un des maitres du numérique. Par ces mesures, l’Union européenne entre d’abord dans une optique de protection afin que nous soyons plus sereins avec le traitement de nos informations et que nous ayons la liberté de choisir quelles informations nous souhaitons divulguer à ces multinationales. Ensuite, elle veut favoriser la création d’un marché concurrentiel non-oligopolistique pour que notre liberté de choix et notre liberté de consommation ne soient pas biaisées par les services de ces énormes firmes. Ainsi, les instances européennes cherchent à ce que nous redevenions maîtres et libres de ce que nous choisissons de faire ou consommer sur le monde d’internet.

IN FINE, ACCORDER LIBERTÉ ET GAFAM, EST-CE UN OXYMORE  ? CES DEUX NÉCESSITÉS SONTELLES VOUÉES À S’OPPOSER ? Pour éviter cette réalité, le seul levier pour nous prémunir de cette hydre multiface qui menace de s’étendre toujours plus est le levier politique, avec un grand «  P  ». En effet, en tant que libéraux, nous défendons la liberté mais nous devons également défendre le courage politique qui dans ces circonstances doit trouver des solutions et une occasion de briller. Après toutes ces réflexions sur les GAFAM et afin d’appuyer nos dires, cet article a été écrit via un MacBook (Apple), sur un dossier Word (Microsoft), basé sur des recherches faites notamment sur Google, discuté via Facebook et envoyé à notre rédactrice en chef via Gmail. Cela en dit long sur notre dépendance quasi-totale à ces géants du numérique. 


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SANTÉ, SÉCURITÉ ET CRÉATION : RENDEZ À L’ART LA POSSIBILITÉ DE SA CRÉATION PAR MARC JADOT

Difficile de commencer un texte dont la thématique porte sur la liberté lorsque l’on voit les vies de nos concitoyens se réduire à de simples allers-retours entre la maison et le travail. Il faudrait pourtant rappeler notre chance : nous ne sommes pas allongés sur un lit d’hôpital, le visage dans l’oreiller et soutenus par une assistance respiratoire. Le cadre reste néanmoins dystopique. Il est douloureux pour l’âme et notre libre-arbitre s’en trouve réduit à une paire d’option : respecter et attendre ou fronder et subir. Pourtant, nous voulons croire en l’espoir d’une porte de sortie. Non pas qu’il s’agisse d’un vaccin (bien qu’on y arrive), mais plutôt d’un acte. Simple. À la portée de tous. C’est la création.

Prudence tout de même, nous ne parlons pas ici d’une création s’inscrivant dans l’engrenage économique de l’offre et de la demande. Non, nous parlons ici de création artistique. Celle dont le seul but est de « pénétrer toujours plus en avant dans la connaissance du monde et des hommes afin que cette connaissance nous libère toujours davantage ». (Gilles Plazy, Picasso, 2006) Car créer un élément quel qu’il soit est un acte profondément humain. Il est l’héritage de notre vie. Il est surtout la matérialisation d’une pensée, la représentation d’une idée dont nous seuls avons le contrôle. C’est l’expression même de notre subjectivité. Mais d’où vient qu’au milieu d’une pandémie mondiale puisse exister cet intérêt pour la création artistique ? Eh bien, c’est qu’il ne s’agit pas d’un intérêt, mais plutôt d’une nécessité. Car l’art se meure. Enfin, l’art, non. Mais l’artiste lui, sans fronder, subit. Ce qui dans le fond, nous mène vers la même conséquence. Pour rappel, fin 2019, à quelques exceptions près, « la Flandre réduisait de 60% son budget alloué à la culture ». Dans un article paru sur le site de La Libre en novembre 2019, Antoine Vandenbulke, assistant en théorie du droit à l’ULiège, parlait à l’époque d’une crainte d’uniformisation de l’art. En bref, il y aurait un art qui mériterait d’être soutenu, et un autre dont on se passerait bien. Un art dont les thèmes et les codes rappelleraient la grandeur passée, tandis que

l’autre nous enfoncerait dans la décadence future. Il s’agit selon nous d’une crainte justifiée mais qui ne se limite pas uniquement à cela. Sur RTBF Info, en mai 2020, soit deux mois après le début du premier confinement, Bénédicte Linard, ministre de la Culture en Fédération Wallonie-Bruxelles, faisait part des pertes de recettes du secteur. Les chiffres dépassaient la barre des 90%. À la même époque, près de 300 artistes belges s’organisaient afin d’écrire une lettre ouverte à notre Première ministre (La Libre, mai 2020). Ceux-ci s’inquiétaient de l’évolution de la situation culturelle et du manque de perspective concrète de reprise, là où les centres commerciaux et autres lieux de consommation connaissaient leurs dates de retour dans le jeu. Alors il est vrai, des aides financières et sociales ont été mises en place. Des dispositifs d’urgence ont été établis pour parer au plus… évident. Mais pourquoi vouloir faire plus ? Comment pouvoir faire plus ? Le personnel soignant est débordé, complètement éreinté. La jeunesse est dépassée. Les étudiants du supérieur sont largués. Et dans tout ça, on devrait trouver du temps et de l’argent pour les arts et la culture ?! La réponse se veut simple et ferme : c’est indéniable. >>

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Le domaine de la création artistique est un de nos fondements les plus ancestraux. De l’art pariétal à l’hyperréalisme, des frères Lumières à Tarantino, de l’industrie lithique à l’imprimante 3D, chaque forme d’art connue s’est développée en lien avec son contexte spatio-temporel. Permettant de glorifier, de ridiculiser, de transmettre ou de remettre en question, l’art est cette source infinie de souffrance et de plaisir. C’est la possibilité pour chacun d’entre nous de pouvoir représenter de manière subjective une connaissance partagée. Et d’ainsi ouvrir le débat sur ce qui est, ce qui doit être, ou ce qui ne le doit pas. L’art, c’est l’éducation, l’aventure, la découverte, le repoussement des limites. Alors comment se fait-il que malgré les prouesses et l’importance historique de femmes et d’hommes comme Leonardo Da Vinci, Arthur Rimbaud, Frida Kahlo et tant d’autres, nos artistes soient aujourd’hui si platement soutenus ? Nous vous répondrions que dans la création artistique existe une noblesse qui ne s’acquiert qu’avec le temps. Car ces artistes, puissent-ils avoir la possibilité de s’exprimer, doivent encore recevoir l’aval du public qui les critique. Hélas, il est souvent plus simple d’y trouver son compte ailleurs. L’art n’existe pas pour que l’un d’entre nous ait à y gagner. Il vise la collectivité. Mais il demande une connaissance des codes, un certain intérêt pour son évolution. Et malheureusement, les médias traditionnels préfèrent nous

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rappeler que « l’amour est dans le pré ». La liberté de création artistique est un espoir dans un océan de profit. L’espoir qu’un jour l’on puisse considérer l’art au même titre que la santé ou la sécurité, non pas simplement dans la théorie, mais également dans les faits. « Car l’expression artistique n’est pas un luxe, mais une nécessité, un élément essentiel de notre humanité et un droit fondamental permettant à chacun de développer et d’exprimer son humanité.  » (Farida Shaheed, UNESCO, 2019) Il est la clef libératrice dont il faut se saisir, avant que ne brûlent toutes possibilités de pouvoir un jour faire face au désir obsessionnel d’objectivisation de notre réalité. Soyez riche, pauvre, jeune, vieux, perdu ou heureux, barbu ou peureux mais par pitié, ne cessez jamais de créer. Alors certes ce débat sur la liberté est beau. Il est noble. Mais il est surtout fourbe et facile. Il passe son temps à défendre sa définition de la chose, plutôt que la chose en soi. Il adapte son discours à ses intérêts. Porter un masque ne va pas à l’encontre de notre conception de la liberté. Pas plus que de nous retrouver chez nous pendant une durée indéterminée. Voir cependant notre milieu culturel frappé violemment à la tête sans même avoir l’espoir de le voir se relever, c’est là que nos intérêts doivent se trouver engagés. C’est à ce moment précis, que nos libertés se retrouvent en danger. 


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ISLAMISME ET VALEURS EUROPÉENNES : UN CONTRASTE IDENTITAIRE ? PAR MIKAËL HOSSEINI

«  La loi de séparation, c’est la marche délibérée de l’esprit vers la pleine lumière, la pleine science et l’entière raison » disait Jean Jaurès. Depuis 2012, l’espace Schengen est frappé par des attaques terroristes commises par des nationaux qui visent leur propre pays. En 2015 avaient lieu les attentats symboliques de Charlie Hebdo qui ont créé une vague d’émotions et de sentiments d’appartenance nationale à travers la France et l’Europe. L’idée du «  plus jamais ça » se versait chaudement sur les visages et circulait dans toutes les pensées. Pourtant, cinq ans plus tard, nous avons l’impression que rien n’a changé. C’est l’occasion de comprendre ensemble le pourquoi du comment nous en sommes arrivés là. Nous passerons en revue le champ d’application de la liberté d’expression en Europe, principe phare de la Convention européenne des droits humains. Mais surtout, nous verrons pour quelles raisons nous ne sommes pas frappés «  pour ce que nous faisons mais pour ce que nous sommes, à savoir des êtres libres, libres de rire, de se moquer, de critiquer et de prendre du recul par rapport à la religion », pour reprendre les mots du philosophe libéral Corentin de Salle.

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Fondamentalisme

En 2015, une étude du Berlin Social Science Center (BSSC) publiée dans le Journal of Ethnic and Migration Studies révélait que plus de la moitié des musulmans de Belgique seraient fondamentalistes. En effet, trois affirmations ont été soumises à 1200 personnes qui se considèrent comme musulmanes dans notre société  : primo, les musulmans doivent retourner vers les racines de la foi ; secundo, il n’y a qu’une seule interprétation du Coran et chaque musulman doit s’y tenir ; tertio, les règles du Coran sont plus importantes que les règles du pays dans lequel je vis. Les chercheurs de l’enquête estiment comme fondamentaliste quiconque ayant répondu par l’affirmative aux trois questions, ce qui correspond à la moitié d'entre eux. Ainsi, selon l’auteur néerlandophone de l’étude, le sociologue Ruud Koopmans (expert en immigration et en intégration sociale), il est tentant de croire qu’il existe un conflit intercivilisationnel entre les musulmans radicaux et les valeurs occidentales, mais « il s'agit en premier lieu d'une guerre civile au sein de l'islam, à savoir entre un groupe qui pense que la seule interprétation possible de l'islam date de l'an 700, et le groupe qui estime que l'islam est adapté à un état de droit démocratique ». Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas admettre qu’il existe en Belgique un communautarisme ethnique et religieux dû à l’échec du système d’intégration. Si nous partions du postulat mis en évidence par l’étude du BSSC, la moitié des musulmans belges ne seraient évidemment pas des terroristes en puissance. Cela va de soi. Toutefois, il suffirait simplement qu’une personne déséquilibrée ait été endoctrinée par un discours haineux sorti de la bouche d’un prédicateur résolument antidémocrate et totalitariste pour que des attentats terroristes puissent se produire au sein de l’espace Schengen.

Principe et limites de la liberté d'expression

Qu’on soit Charlie ou pas Charlie, la liberté d’expression que tout démocrate se doit de défendre est celle où personne ne mérite de mourir pour avoir partagé son savoir, exprimé son opinion ou réalisé un dessin. Si bien que dans un État de droit, la religion n’est pas à l’abri de la critique ou de la moquerie. Dans une démocratie, la religion est considérée comme une opinion. Il en va du droit de chacun de pouvoir critiquer n’importe quel aspect de quelque doctrine politique, philosophique ou religieuse. L’humour, la dérision et le sens critique constituent non seulement des droits fondamentaux qui permettent la culture de l’esprit critique, mais qui fournissent aussi les armes nécessaires afin de combattre le fanatisme sous toutes ses formes. En effet, la liberté d’expression est la plus complexe des libertés à appliquer car elle insinue que nous devrions accepter ce qui est dit ou dessiné même si cela nous vexe personnellement. Ainsi, les seules limites qu’on puisse porter à la liberté d’expression sont celles établies par la loi. La liberté ne peut en aucun cas servir à insulter, diffamer, harceler ou propager la haine. Il va de

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soi que ces violations de la liberté d’expression sont des délits qui doivent être punis par la loi.

Un ennemi commun : l'islamisme

L’ennemi commun des pays démocratiques dont il est ici question n’est pas l’islam, mais l’islamisme. Ces deux termes sont substantiellement différents. L’islam est une religion monothéiste abrahamique au même titre que le judaïsme ou le christianisme. Par contre, l’islamisme est une idéologie politique née au début du XXe siècle en Égypte et en Iran, respectivement avec les Frères Musulmans et les Fedayin de l’Islam, plus communément traduit par « Dévots de l’Islam ». Alors que l’islam est une religion qui, comme toutes les autres, se pratique dans un cadre spirituel, l’islamisme quant à lui a pour objectif d’islamiser le monde entier pour le conquérir, non seulement par des moyens politico-juridiques en promouvant un remplacement du droit civil par le droit chariatique, mais aussi par une forme de violence armée. En résumé, l’islamisme est une idéologie totalitariste au même titre que le nazisme, le fascisme ou le communisme, qui tous sont responsables d’attentats terroristes à travers le monde. En guise de comparaison, la distinction substantielle entre l’islam et l’islamisme est semblable à celle entre l’écologie et l’écologisme.

Quels moyens pour lutter contre le terrorisme ?

Au cours des vingt dernières années, la nationalité belge a été octroyée beaucoup trop aisément à de nouveaux arrivants qui ne partageaient pas forcément nos valeurs de liberté et de démocratie. Depuis 2014, le renforcement des conditions d'acquisition de la nationalité belge par le gouvernement Michel fut perçu comme un signal positif à tous les démocrates qui aiment leur pays. Pourtant, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir afin de lutter à l'avenir contre le fanatisme religieux sous sa forme la plus dangereuse. Outre la création d'un parcours d'intégration efficace pour les immigrés, conjuguée d'une glorification de la cérémonie de naturalisation qui présenterait l'acquisition de la nationalité belge non comme un simple droit mais comme un réel privilège, l'État devrait prendre des mesures fermes mais nécessaires afin d'anéantir en Belgique l'idéologie totalitariste islamiste ainsi que le terrorisme qui en débouche. D'abord, l'ensemble des partis politiques belges devraient condamner les comportements communautaristes et séparatistes religieux. Ensuite, l'État belge devrait couper les financements et dissoudre toutes les organisations qui vantent les mérites de l'islamisme. Puis, tous les fichés S reconnus comme potentielles menaces qui disposent d'une autre nationalité que la nôtre devraient en être déchus et expulsés vers leurs pays d'origine. La prochaine étape serait de fermer toutes les mosquées clandestines ainsi que celles à l'intérieur desquelles officient des prédicateurs qui propagent des discours de haine à l'encontre de la démocratie, des principes universels des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que


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des propos racistes, sexistes, homophobes et antisémites. Enfin, condamner systématiquement ces prédicateurs totalitaristes ou bien les déchoir et les expulser dans le cas où ils seraient naturalisés ou binationaux. Pour finir, l'État devrait encourager la formation des ministres de culte belges prioritairement en Belgique. En définitive, la manière dont une religion est pratiquée dans un pays doit être propre aux us et coutumes de ce pays. De même, la liberté d’expression chère aux démocraties libérales est celle qui constitue un des principes fondamentaux des droits humains, mais qui se délimite par l’adage : « Ma liberté s’arrête là où commence celle des autres ». Il est dès lors devenu primordial de défendre les musulmans démocrates contre ceux qui croient que l’islam est incompatible avec nos valeurs européennes. Pour cela, nous devons punir les responsables religieux et prendre des mesures fermes à l’égard des lieux de culte qui sont instrumentalisés afin de véhiculer des messages de haine en lieu et place de faire vivre la spiritualité de nos concitoyens. Car si nous tenons à ce que nos démocraties libérales, si bienveillantes et porteuses des idées des Lumières, ne cessent jamais d’exister, il faudra vraisemblablement qu’elles restreignent la liberté des ennemis de la Liberté. 

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{ DOSSIER LIBERTÉ }

LA LIBERTÉ D’ENTREPRENDRE DÈS LE PLUS JEUNE ÂGE PAR ADRIEN PIRONET

Il est un fait certain que la créativité et l’entrepreneuriat sont des qualités fondamentales pour créer la richesse d’un État. Une richesse certes économique, mais qui n’a pas seulement pour rôle de faire grossir les portefeuilles. Imaginez un jeune qui se lance dans la confection de cupcakes qu’il décide de vendre sur le campus. De prime abord, la première chose qui nous vient à l’esprit, c’est qu’il va pouvoir rémunérer son travail. Mais cette initiative va bien au-delà de ça ; en effet, tout un ruissellement positif en découlera. Tout d’abord par la création d’une nouvelle activité ; puis, par l’amélioration de la société grâce à la satisfaction apportée aux amateurs de cupcakes par exemple, parfois même, par un rayonnement de produits belges à l’étranger ; également, par la participation aux frais de la collectivité via les cotisations ; et enfin, par l’expérience professionnelle et personnelle que l’étudiant-entrepreneur va acquérir. Cet engagement est souvent un pas difficile à franchir, c’est pourquoi nous nous sommes penchés sur le statut d’étudiant-entrepreneur avec le ministre des PME et des Indépendants, David Clarinval.

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De parrain de notre section namuroise – le CELN – en 2018 à ministre dans le gouvernement De Croo I, David Clarinval a tracé son chemin. D’abord en occupant les fonctions de bourgmestre de Bièvres en 2001, il a su conserver son âme d’entrepreneur en gérant l’entreprise familiale de construction. C’est en 2007 qu’il obtient pour la première fois un siège dans l’hémicycle de la Chambre. Il devient alors vice-Premier ministre dans le gouvernement de Sophie Wilmès.


{ DOSSIER LIBERTÉ }

Il a accepté de se prêter au jeu des questions courtes du nouveau Blue Live sur Instagram ! Nous avons pu l’entendre présenter ce statut hybride d’étudiant-entrepreneur tout en répondant à certaines questions :   Le statut d’étudiant-entrepreneur, qu’est-ce que c’est ? Depuis quand existe-t-il ?

Il existe depuis le 1er janvier 2017, c’est assez récent. Ce statut permet aux étudiants âgés de 18 à 25 ans d’avoir, en plus de leurs études, une activité professionnelle. On compte aujourd’hui 7.952 étudiants-entrepreneurs. Ce statut a pour avantage de constituer des droits et une certaine sécurité pour l’étudiant. Tout est donc organisé légalement. C’est un nouveau statut qui s’accroit dans le temps, puisque le nombre d’étudiants-entrepreneurs est en augmentation. On ne peut que se réjouir de voir les étudiants s’investir autant.

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  Comment devient-on étudiant-entrepreneur ?

Il faut s’inscrire auprès d’une caisse d’allocation sociale. L’étudiant va devoir compléter et fournir différents documents pour prouver qu’il étudie à temps plein et qu’il développe en parallèle son activité indépendante.

LES CONDITIONS À REMPLIR :

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- avoir entre 18 et 25 ans ; - être inscrit comme étudiant à titre principal dans un établissement en Belgique ou à l’étranger pour l’année académique ; - se lancer dans une activité professionnelle indépendante. En fonction des revenus que vous allez tirer de cette activité, vous aurez une cotisation sociale à payer. Celle-ci est nulle en dessous des 7.000€ de revenus par an. Une fois passé les 7.000€, elle est assez modeste. En revanche, si vous dépassez les 14.000€ de revenus, alors vous payerez la même chose qu’un indépendant complet.

En dessous de 6.996,89€ : pas de cotisations Entre 6.996,89€ et 13.993,78€ : entre 0 et 358,59€/trimestre Au-dessus des 13.993,78 : comme un indépendant « normal », donc minimum 717,18€/trimestre

En échange, cela vous donne droit à toute une série de protections sociales et c’est pris en compte pour le futur. Ça vous met le pied à l’étrier, ça permet de commencer en douceur dans une activité professionnelle tout en conservant ses études, ce qui est l’activité principale d’un étudiant.

  Quelle est la plus-value de cette mesure pour l’étudiant et pour la société ? La première chose est que désormais, il y a une autre possibilité au statut de jobiste, c’est celui de l’entrepreneuriat. Auparavant, rien n’était prévu légalement, cela ne se faisait pas toujours dans des situations très claires : travail au noir, conditions de travail douteuses, etc. En tout cas, il y avait un danger pour ces étudiants, par exemple en cas d’accident. Ce statut permet alors de couvrir l’étudiant en cas de problème mais aussi de pouvoir avoir des cotisations qui s’avèrent être des droits en fin de parcours. Le gain est d’abord pour l’étudiant. Il peut ainsi se lancer dans la vie active indirectement en créant sa propre entreprise, mais aussi une plus-value pour la société. On est donc sur un win-win pour les deux parties, et tout le monde peut s’en réjouir.

  Cette première expérience permet-elle d’accéder plus facilement au milieu professionnel ? Disons que c’est une première expérience potentielle car les étudiants font souvent des travaux avant de se lancer dans une entreprise. Ça permet d’approfondir la création d’entreprise. Je vois deux situations : la première où l’expérience est positive pour l’étudiant ou la deuxième si cela ne se passe pas très bien, qui doit permettre de se réorienter. Comme toute première fois, ça peut être positif ou négatif, mais en tout cas, ça confronte l’étudiant à la réalité. C’est très intéressant finalement.

  Pensez-vous que cette expérience améliore la réussite académique chez les étudiants ?

Je pense que oui, sans devoir attendre la fin de ses études, l’étudiant peut directement développer des compétences utiles à la réussite tout en appliquant les contenus plus théoriques de sa formation académique. Par ailleurs, démarrer un projet lors des études permet d’évoluer, de mûrir, ce qui permet de gagner un temps précieux >>

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{ DOSSIER LIBERTÉ }

dans le développement et le lancement du projet entrepreneurial. Maintenant, il faut aussi se rendre compte qu’être étudiant et entrepreneur, ça prend du temps. Il ne faut pas y aller à la légère, ce sont des charges supplémentaires. En fin de compte, cela révèle la force de chaque individu tout en les confrontant à leurs propres responsabilités.

  Avez-vous un message à adresser à ceux qui veulent passer le cap ?

Il faut dire que c’est une expérience positive pour ceux qui veulent tester leurs idées, se confronter à la réalité et qui sont dynamiques. Je crois que ça peut leur permettre de réaliser leurs rêves et leurs projets, tout en ayant une sécurité sociale minimum. C’est-à-dire avec un filet de sécurité important, le risque est donc calculé. Je recommande vraiment cette expérience à toutes celles et ceux qui ont l’envie d’entreprendre.

David Clarinval nous l’a confirmé, l’entreprenariat c’est fondamental  ! Et cela s’apprend dès le plus jeune âge, par exemple en parallèle avec une formation académique. Il faut alors que nous encouragions ce comportement naturel qui nous pousse à prendre des risques, à essayer et surtout à recommencer lorsqu’il le faut. Ne raconte-t-on pas qu’Amazon a commencé dans le garage de Jeff Bezos ? Il n’est pas nécessaire d’être un « géant » de l’entrepreneuriat pour révolutionner le monde, nous apprenons tous à marcher avant de courir. Après tout, entreprendre, c’est une liberté centrale et universelle  : celle de donner un sens à son existence et à celle des autres. Nous sommes donc véritablement dans une relation win-win. Laissons alors la conclusion à Mark Zuckerberg  : «  Il vaut mieux essayer quelque chose de nouveau, d’échouer et d’en tirer un apprentissage, que de ne rien faire ». 

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{ DOSSIER LIBERTÉ }

D’AUTRES FENÊTRES… PAR CONSTANTIN DECHAMPS

Pour poursuivre notre réflexion sur le rôle que les libéraux ont à jouer dans la défense de la liberté, voici quelques fenêtres ouvertes sur les libéraux d’hier et d’aujourd’hui afin d’éclairer ceux que nous serons demain.

ESSAI PHILOSOPHIQUE De la liberté

de John Stuart Mill, Poche, 1990. Depuis l’attentat en France du 16 octobre dernier, le débat sur la liberté d’expression refait surface, y compris chez nous. Certains arguent qu’il ne faut pas « se moquer » des croyances religieuses ou bien qu’il ne faut pas « blesser » par la parole. Pour éviter de céder aux sirènes qui préfigurent la censure, car là, à terme, est le danger, J.S. Mill, dans le chapitre II de cet essai, nous donne quatre clés, quatre arguments servant à fonder, par la raison, la liberté d’expression et pourquoi il est important de la protéger et de la défendre.

Il s’agit sans nul doute d’un classique de la pensée libérale qui se doit de trôner dans nos bibliothèques. Mill ne s’attache pas seulement à traiter de la liberté d’expression, il y aborde également, entre autres sujets, l’individualité comme source de bien-être collectif.

RAPPORT

JANVIER 2018

Mes datas sont à moi

de GénérationLibre, Impression Malledit, 2018.

À l’image de Cambridge Analytica, les scandales concernant la protection de nos données personnelles ne cessent de se succéder. L’Europe essaie d’y remédier à l’aide de son « règlement général sur la protection des données », le fameux RGPD. Pour autant, cette temporaire protection semble bien faible à l’air de la Transition numérique. Et si la solution pour protéger durablement les données – que les utilisateurs produisent par leurs activités, les GAFAM&Cie se contentant uniquement de les capter – était de les patrimonialiser au profit de leurs producteurs ?

RAPPORT

Mes data sont à moi. Pour une patrimonialité des données personnelles.

Renouer avec le droit de propriété, vieux cheval de bataille des libéraux, telle est la proposition du Think Tank GénérationLibre, amenant à terme à la création d’un véritable marché des données. Les utilisateurs pourraient ainsi reprendre la main sur la valeur qu’ils accordent ou non à la protection de leur vie privée obligeant de fait les géants du numérique à traiter avec eux d’égal à égal. >>

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{ DOSSIER LIBERTÉ }

LIVRE

Pour la liberté

de François Sureau, Tallandier, 2017. À la suite des différents attentats ayant frappés notre grand voisin, le gouvernement français avait fait voter, sous couvert d’état d’urgence, une série de lois visant à juguler la menace terroriste. François Sureau, avocat au Conseil constitutionnel français, a par trois fois plaidé la non-conformité de ces lois avec le Constitution française et la protection des libertés fondamentales. Et par trois fois, il a gagné.

Le recueil de ses plaidoiries, nous rappelle que la liberté comporte inévitablement son lot de risques, mais cela n’est pas une raison pour l’abandonner à la première difficulté. Ne rien avoir à se reprocher n’est pas non plus une raison suffisante que pour adopter une attitude passive et tolérer la création de lois liberticides, quand bien même elles se veulent protectrices ; car la liberté d’autrui est aussi importante que la nôtre.

LIVRE

Sans la liberté

de François Sureau, Gallimard, 2019.

Approfondissant les idées, abordées dans l’ouvrage précédent, ce tract déplore l’état de notre société où tout le monde a peur de tout et de tout le monde ; et où la demande de sécurité l’emporte sur la liberté. Alors que, précisément, le régime des libertés a été fondé en des temps beaucoup plus troublés que le nôtre. C’est également un rappel frappant que la liberté ne peut exister sans ses mauvais côtés, pour reprendre les mots de l’auteur lors d’une interview radiophonique, « [il est normal que] la liberté puisse blesser, puisse déranger, puisse conduire à l’émeute, puisse conduire en réalité au mouvement », ce mouvement qui est si nécessaire et vital à la société et que le désir sécuritaire disproportionné n’a pas le droit d’arrêter.

C’est une véritable déclaration d’amour à la Liberté et l’auteur ne désespère pas qu’elle finisse par l’emporter en tant que principe fondateur de la société politique moderne. Et ce, malgré les lois et désirs allant à contre-sens… pour autant que nous y prenions garde.

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{ DOSSIER LIBERTÉ }

LIVRE

De la démocratie en Amérique, tomes I et II d'Alexis de Tocqueville, Poche, 1986.

Écrit lors d’un voyage dans la république naissante des États-Unis d’Amérique, Tocqueville y diagnostique les futurs maux de ce système politique. Pour lui, la démocratie ne se résume pas à un système politique, c’est aussi un état d’esprit. État d’esprit qui amène le désir d’égalité. Pas seulement le désir d’égalité en droit, mais également le désir d’égalité des conditions. En parallèle de cela, Tocqueville remarque que les individus ne s’intéressent plus à la res publica, au sens ils se soumettent passivement à la décision du plus grand nombre. Abandonnant ainsi leurs libertés politiques à la dictature de la majorité.

Autre grand classique de la pensée libérale, utile à plus d’un titre, car nous avons tendance à oublier que le risque zéro n’existe pas, y compris en démocratie. Dès lors pour éviter de sombrer dans une démocratie illibérale « à la hongroise », que nous promettent les populistes en tout genre, Alexis de Tocqueville nous enjoint à faire confiance à l’initiative citoyenne et à entreprendre tout ce qui permet de libérer cette initiative.

LIVRE

Voyages d’un philosophe aux pays des libertés de Gaspard Kœnig, L’Observatoire, 2018.

Partant du constat que la Liberté n’est jamais appliquée dans son entièreté quelque part, mais plutôt par morceaux, Gaspard Koenig est parti alors autour du monde afin d’observer la façon dont ces morceaux peuvent être mis en œuvre. Toutes les grandes idées libérales du moment y sont abordées : la tolérance religieuse en Inde, le libre-échange, la libéralisation des drogues aux USA, le revenu universel au Brésil, la réforme du monde carcérale en Finlande… Et bien d’autres.

Vent de fraîcheur sur des thématiques sociétales qui, bien trop souvent, peinent à être abordées de manière posée et raisonnée dans notre pays ; prisonnier de postures politiques vieillissantes. Une chose est certaine, la liberté n’a pas de frontière, inspirons-nous de ceux qui la mettent en œuvre !

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{ ÉTATS-UNIS PRÉSIDENCE }

TOUT CE QU’IL FAUT SAVOIR SUR LE NOUVEAU

PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS

Notamment connu en Europe pour avoir été le vice-président de Barack Obama, Joe Biden, cet homme discret, qui a su parvenir à briller en politique, a été élu le 07 novembre 2020 le 46e président des États-Unis et sera investi ce 20 janvier 2021. Mais qui est cet homme et quels sont ses projets pour son pays ?

À la rencontre de Joe Biden

Joseph Robinette Biden Junior est né en 1942 en Pennsylvanie. À l’âge de dix ans, lui et sa famille s’installent dans l’état du Delaware à la suite d’une malchance financière. Durant son enfance, Joe Biden est atteint de bégaiement et est soumis à de nombreuses moqueries de la part de ses camarades. Il libère sa parole grâce à des récitations intensives devant son miroir. Jeune adulte, il entame des études en histoire et sciences politiques à l’université du Delaware et des études de droit à l’université de Syracuse.

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santé l’éloignent quelques mois de la scène politique. En 2008, il devient le vice-président de Barack Obama, après avoir échoué aux élections des primaires démocrates pour une seconde fois à cause d’une mauvaise expérience en matière de politique étrangère. Il sera réélu, en npvembre 2012, Vice-président de Barack Obama. En avril 2019, quatre ans après avoir perdu son fils ainé, Joe Biden devient le candidat du parti démocrate américain pour l’élection présidentielle.

En novembre 1972, après avoir siégé durant deux ans au conseil du comté de New Castel, il devient le plus jeune sénateur des États-Unis. Membre du Parti démocrate, il effectue un parcours brillant au sein de l'institution, malgré la mort de son épouse et de sa fille lors d’un accident de voiture. De 1987 à 1995, il préside le comité judiciaire et criminel de la chambre haute du Congrès.

Le 7 novembre 2020, quatre jours après l'élection présidentielle, et après avoir affronté la foire d’empoigne provoquée par Donald Trump, Joe Biden deviendra le 46e président des États-Unis. Il présidera le pays aux côtés de sa Vice-présidente Kamala Harris, première femme vice-présidente de l’Amérique.

En novembre 1988, il participe aux élections des primaires démocrates en vue des présidentielles des États-Unis. Mais Joe Biden est contraint d’abandonner sa candidature à cause d’une polémique : il a plagié, lors d’un de ses discours de campagne, Neil Kinnock, chef du parti travailliste britannique. Durant cette même année, des problèmes de

SANTÉ. Opposé aux politiques publiques menées par son prédécesseur, Joe Biden vise à renforcer les mesures contre le coronavirus. Port du masque obligatoire, système de dépistage et de traçage national, accélération du développement des traitements et vaccins sont des éléments que Joe Biden veut mettre en place dès son

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Six points essentiels de son programme

©Stratos Brilakis / Shutterstock

PAR ADELINE BERBÉ


{ ÉTATS-UNIS PRÉSIDENCE }

Infos glanées sur RTBF Info, Europe1, Gala et d’autres.

arrivée à la Maison-Blanche. Il souhaite en outre que les États-Unis réintègrent l’Organisation mondiale de la Santé. Il reste également un fidèle vice-président à Obama, car il veut remettre sur table l’Obamacare, cette loi qui constitue le volet principal de la réforme du système de protection sociale, supprimée par Donald Trump. POLITIQUE ÉTRANGÈRE. Joe Biden veut rétablir de bonnes relations avec les alliés des États-Unis sur le plan international, relations qui s’étaient brisées sous la présidence Trump. Cette grande mission lui tient particulièrement à cœur, car selon lui : « Les États-Unis doivent redevenir un phare de la démocratie dans le monde. » IMMIGRATION. L’ambition de Joe Biden en ce qui concerne l’immigration consiste à supprimer au fur et à mesure ce que Donald Trump avait établi. Il s’oppose, en effet, à la construction du «  fameux  » mur à la frontière du Mexique, il souhaite améliorer le système de visas temporaires et projette d’accueillir beaucoup plus d’étrangers sur le territoire en augmentant à 125.000 le taux annuel de réfugiés autorisés à entrer sur le sol américain. RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE. Le réchauffement climatique est au cœur du programme de Joe Biden. Le

changement climatique est une menace existentielle pour l’humanité. Il désire que les États-Unis réintègrent le plus rapidement possible l’accord de Paris sur le climat. Il a aussi comme ambition d’investir dans une économie plus verte ; pour ce faire, il a repris une partie du « Green New Deal » proposé par la sénatrice socialiste-démocrate Alexandria Ocasio-Cortez. ÉCONOMIE. Joe Biden est partisan d’une redistribution plus équitable des richesses, il veut par exemple, augmenter la taxe sur les personnes disposant des plus hauts revenus. Il ambitionne aussi d’imposer un salaire minimum de 15 dollars de l’heure (environ 12,60 euros). Il promet également, durant son mandat, de ne pas imposer les personnes touchant moins de 400.000 dollars par an (environ 337.720 euros). RACISME. Conscient de cette problématique encore très présente aux États-Unis, Joe Biden veut mettre en place des mesures pour réduire les différences raciales, surtout dans le système judiciaire. Le racisme dans ce pays est malheureusement fort présent, la mort récente de Georges Floyd le témoigne. Homme brillant, programme ambitieux, Joe Biden dispose de 4 ans pour réaliser ses aspirations. Notre seul souhait, c’est qu’il y arrive « No Malarkey », sans sottises ! 

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{ POLITIQUEL MACHIAVEL }

LES NOUVEAUX

PRINCES PAR ADRIEN PIRONET

Qu’ont en commun François Mitterrand, Vladimir Poutine ou bien encore, Silvio Berlusconi ? Ils ont un certain nombre de similitudes. En revanche, le point absolu de comparaison est qu’ils ont fait preuve d’une certaine longévité au pouvoir. C’est l’objectif du Prince selon Machiavel. Mais qu’on ne s’y méprenne, le chemin est tout sauf tranquille… Nous proposons de revenir sur les grands principes de cette œuvre majeure de la politique pour ensuite tenter de dénicher quelques personnalités belges qui collent avec les préceptes du machiavélisme.

Le Prince de Machiavel

Contextualisons le sujet avant d’illustrer l’œuvre de Machiavel de visages belges. La toute première chose, en préambule, est de casser cette association du mot « machiavélisme » aux adjectifs sournois, et de surcroit, à tout ce qui se rapporte à la méchanceté. C’est assez différent de la réalité. Ici, nous emploierons ce terme uniquement pour désigner la doctrine de l’auteur. Parlons d’emblée brièvement du contexte et de son auteur. Nicolas Machiavel [1469-1527] est un penseur, homme politique de la renaissance italienne. À l’époque, la « botte » est un territoire composé de nombreux petits États. C’est notamment le cas de Florence, berceau de Machiavel. Il reçoit une éducation en adéquation avec l’époque : étude des auteurs grecs et enseignement humaniste. Il semble très intéressé par la quête du savoir et de la connaissance. Dès son plus jeune âge, il accède à des fonctions publiques de haut rang. Cela lui permet de voyager en Europe occidentale et d’y accomplir de nombreuses missions pour la puissance florentine. L’année 1512 marque le retour des Médicis aux rênes du pouvoir, ceux-ci chassent César Borgia et Machiavel, ayant travaillé pour le régime fraichement renversé, est emprisonné, torturé et finalement exilé par la puissante famille. Il faut croire que les plus grands livres sont écrits en captivité, puisqu’il prend sa plume et décide de rédiger « Le Prince » [1513]. Il nous est difficile d’aborder l’entièreté de cette pièce maîtresse de Machiavel, toutefois abordons-en les grands principes. Il est un fait que cet ouvrage se veut un guide plutôt pratique, empirique et descriptif pour tout homme d’État. L’exercice du pouvoir, en plus d’être périlleux, n’est pas accordé à n’importe quel mortel. Il faut donc relever d’habilité et peaufiner sans cesse des stratégies afin de conserver son pouvoir le plus longtemps possible. Afin d’arriver à ce saint Graal, de la pérennité aux commandes d’un pays, Machiavel présente plusieurs axes. En effet, il faut : primo, assurer son pouvoir face à ses semblables, et secundo, face à ses voisins.

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{ POLITIQUEL MACHIAVEL }

Le premier pivot se concentre ainsi sur un ensemble de conseils de diplomatie. On peut y apprendre à gérer les relations avec les autres principautés. Ce premier axe est à combiner avec le suivant afin d’assurer ses arrières sur tous les plans. Le deuxième pivot, semble le plus intéressant lorsque l’on se concentre sur la politique intérieure, c’est son guide du « bon dirigeant ». En effet, Machiavel décrit entre autres « comment les princes doivent tenir leurs promesses » ou bien « comment un prince doit se comporter pour acquérir de l’estime ». C’est-à-dire comment agir chez soi, dans sa politique intérieure. Enfin, le dernier pivot, se concentre sur la guerre, à la foi sur le plan des affrontements juridiques mais aussi armés. Or, chacun est responsable de la création de sa propre chance. C’est pour cela qu’en complément de ces conseils, Machiavel pense que le bon dirigeant doit être intrinsèquement doté de deux qualités fondamentales : la virtù et la fortuna. Dans sa conception antique, la première correspond à la force, voyez-y plutôt un synonyme de qualités personnelles, c’est l’habilité. La seconde est associée à la notion de hasard et de chance, que l’on pourrait presque rattacher à la notion de Providence. Notion qui était par exemple chère au dictateur de l’Allemagne nazie. Il est certain que ces deux qualités ne s’exercent pas l’une sans l’autre. On peut donc résumer ces conceptions : il faut savoir saisir les opportunités en dépit des aléas de l’existence. Préoccupé par la situation politique de l’époque, il adresse ouvertement son œuvre à Laurent de Médicis. Il est clair que Machiavel tente de se réhabiliter en offrant tous ses conseils au dirigeant florentin. Or, il était loin de se douter que son œuvre deviendrait un must dans la catégorie politique. Avec le recul historique nécessaire, on se rend compte de l’admiration de Machiavel pour César Borgia, qui, finalement, se rapproche le plus des caractéristiques de ce dirigeant idéal. Malgré ce que l’on pourrait croire, l’auteur n’est pas un chaud partisan du pouvoir autocratique. Au contraire, on apprend dans son livre « Discours sur la première décade de Tite-Live » qu’il privilégie la démocratie. Il met l’accent sur l’intelligence collective à gouverner, c’est en quelque sorte le précurseur de l’idée du Contrat social. Après tout, qui mieux que le peuple sait ce qui est bon pour lui ? Il faut toutefois tempérer cette position avec la raison d’État prônée dans « Le Prince ». Le bien public – mais aussi la conservation du pouvoir – étant alors supérieur à la légalité et parfois même à la morale : les moyens importent peu pourvu que l’on arrive à ses fins. C’est à ce titre que cet ouvrage majeur sera très mal considéré par l’Église et que naîtra le terme « machiavélique » pour désigner notamment les personnes dépourvues de morale.

À la recherche du Prince charmant…

Maintenant que la majeure partie de son œuvre est explicitée, intéressons-nous aux nouveaux Princes. Pour une question de simplicité, et afin de mettre un nom sur cet « idéal du machiavélisme », nous préférerons dire  le Prince pour désigner les qualités décrites par l’auteur florentin. Ces Princes sont nombreux, mais voici un petit top 3 personnel des sommités belges incarnant cet idéal :

Elio Di Rupo : l’Astre wallon

Si la longévité politique avait un prénom, ce serait certainement celui d’Elio (à ne pas confondre avec Hélios, dieu grec du soleil). Tout d’abord docteur en chimie, il a rapidement choisi la politique, où il a occupé – entre autres – les postes suivants : bourgmestre de Mons durant 18 années ; 3 fois ministre-président  ; 3 fois vice-premier  ; 1 fois premier ministre ; et enfin président de parti, ne l’oublions pas. Et ce n’est pas encore terminé ! En effet, Di Rupo, à 68 ans, a accepté de redevenir Premier citoyen wallon. Plus la durée au pouvoir est longue, et plus l’exercice devient fragile. Malgré tout, Elio Di Rupo a su s’imposer sur le long terme au sein du paysage belge. Son ascension sur la scène politique en 1999 >>

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{ POLITIQUEL MACHIAVEL }

a été une suite logique incontournable de la notoriété de Di Rupo. On peut dire que le jeune fils d’immigrés italiens a clairement saisi les concepts de virtù et de fortuna. Certains disent qu’en Italie Machiavel est une lecture obligatoire pour les politiciens du pays, cela s’applique-t-il également aux enfants d’Italiens ?

Bart De Wever : le Marionnettiste anversois

Habituellement, pour le Prince, l’objectif classique est d’accéder au pouvoir et d’y rester. Or ici, Bart De Wever n’a jamais occupé de fonction exécutive dans un gouvernement. On peut avancer plusieurs pistes : une entrée au gouvernement est parfois – cela dépend des personnalités – un quitte ou double pour la popularité. Or, le pouvoir ne s’exerce pas uniquement dans un gouvernement. On sait qu’en Belgique, il existe un certain partage des compétences, à la fois entre l’État fédéral et les entités fédérées. Au-delà de ça, il existe, si nous pouvons le dire ainsi, des « petits dirigeants » comme les bourgmestres et gouverneurs de province. C’est à cet échelon qu’il s’illustre. Le pouvoir, il le connait donc bien : tout d’abord bourgmestre d’Anvers depuis 7 années et président de la NVA depuis 16 années, il occupe des places de choix dans le processus décisionnel. Il joue le marionnettiste de la Flandre. Régner sur Anvers, c’est quand même s’occuper de la commune la plus peuplée, puisqu’elle comptabilise plus de 500.000 administrés. En comparaison, la république de Florence, de l’époque de Machiavel, comptait environ 100.000 habitants. Depuis l’arrivée de De Wever à la présidence de la NVA, ses résultats électoraux ont explosé. Il est terminé le temps où il fallait s’allier avec le CD&V afin d’obtenir un score décent, désormais la Nieuw-Vlaamse Alliantie se suffit à elle-même. Ce qui permet à Bart De Wever d’être nommé informateur en 2010. On peut dire qu’il a su profiter des circonstances mais qu’il possède également un certain talent pour avoir relevé son parti. Deviendra-t-il le patron du théâtre flamand dû à une scission du pays ou bien sortira-t-il des coulisses pour monter sur scène ? Qui sait ce que le destin réserve encore à Bart De Wever…

Charles Rogier : le Recordman du 16 rue de la Loi

Il nous faut certainement dépoussiérer ce nom, qui aujourd’hui ne trouve plus écho que dans une partie de la population. Rogier, « [un] homme généreux et sympathique  » fut Premier ministre de la Belgique durant 5614 jours, à savoir un peu plus de 15 années. Une première fois de 1847 à 1852 et ensuite de 1857

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à 1868 sous Léopold Ier. C’est le premier à former un gouvernement « homogène ». C’est-à-dire que l’exécutif étatique n’est composé que de ministres issus de la famille libérale. Dès 1840, il s’impose déjà comme chef naturel au mouvement par son autorité et son expérience des dossiers, étant donné qu’il avait lui-même été membre du gouvernement provisoire de 1830 ! Il faut dire que la révolution belge est « the place to be » à cette époque, c’est le moment idéal pour entrer dans l’Histoire. Le premier gouvernement Rogier, donc 100% libéral, est marqué par plusieurs éléments : l’abaissement du cens, permettant davantage d’électeurs (surtout la petite bourgeoisie des villes) ; la loi sur l’enseignement moyen (1850) afin d’organiser – et fatalement de renforcer l’emprise étatique – l’enseignement sous l’autorité civile  ; ou encore, la loi sur les grosses successions dans l’optique de contrer le déficit budgétaire. Le second gouvernement Rogier voit se produire un fait atypique pour nos yeux contemporains. Effectivement, le chef du gouvernement s’occupe également du portefeuille de l’Intérieur. Ce second passage aux rênes de l’exécutif permet une nouvelle fois d’affaiblir les catholiques à l’aide de lois sur le temporel des cultes. Lorsqu’en 1867, Napoléon III se heurte à un refus des puissances européennes face à son offre d’achat du Luxembourg, c’est la Crise luxembourgeoise. Après cela, Rogier s’efface petit à petit au profit de Frère-Orban, ministre des Finances qui prend davantage d’ampleur. Qui pourra se vanter d’arriver à détrôner le recordman du 16 ? Si notre premier candidat n’avait pas déjà 69 ans, on aurait pu penser à lui. En attendant, voyons ce que fera le jeune et populaire Premier De Croo. Malgré que l’œuvre de Machiavel ait déjà un âge avancé, elle demeure une pièce majeure dans les écrits politiques au même titre que l’« Art de la guerre » de Sun Tzu et bien d’autres. Finalement, c’est un peu une énigme du monde moderne. Applicable de manière universelle aux quatre coins du globe, il n’en demeure pas moins énigmatique et sujet à de nombreuses interprétations. De nombreux dirigeants antérieurs à l’époque auraient certainement voulu pouvoir bénéficier de cet ouvrage, c’est la chance que nous avons depuis 1532. Certains l’ont appliqué au pied de la lettre, d’autres en ont fait la préface, c’est le cas du dictateur Mussolini ou plus récemment Silvio Berlusconi. En tout cas, toutes ces personnes auront la chose suivante en commun : rien ni personne n’est éternel, tôt ou tard un Prince devra quitter le pouvoir. La question est de savoir comment laisser son empreinte dans l’Humanité ? 


{ INTERVIEW CZEKALSKI }

INTERVIEW

D’AURÉLIE CZEKALSKI

AUTOUR DES ENJEUX CLIMATIQUES DU MOMENT PROPOS RECUEILLIS PAR CONSTANCE SOMMA ET ALEXANDRE SOMMA

Aurélie Czekalski est députée bruxelloise MR depuis 2019. Elle siège au sein de la commission environnement et énergie du Parlement bruxellois. Aurélie est également conseillère communale à Uccle. Les enjeux climatiques et environnementaux la passionnent et nous sommes partis à sa rencontre.

  Ces deux dernières années, les enjeux climatiques ont été propulsés au cœur de l'actualité et ont donné lieu à la naissance de mouvements structurés tels que la Coalition pour le climat en Belgique ou encore les différentes marches pour le climat partout dans le pays et en Europe. Pensezvous qu'il s'agisse « d'un effet de mode » ou au contraire d'une réelle préoccupation de la part des citoyens ?

Une mode, c’est une manière de vivre, de se comporter, propre à un moment donné. Je ne pense pas qu’il faille parler d’un effet de mode. Ici, nous sommes face à une prise de conscience et à une réelle préoccupation pour une amélioration de la qualité de vie. Et c’est tant mieux ! J’ai d’ailleurs pu m’en rendre compte lors de rencontres avec des associations ou avec les citoyens dans le cadre de mon travail parlementaire. Cette préoccupation n’est pas nouvelle et n’est pas l’apanage d’un seul parti ! J’ai grandi avec un papa qui répétait en guise de boutade : « On pratique l’écologie, c’est encore plus fort que de le voter ! ». On essayait à notre petit niveau d’agir pour la planète. On visait à réduire au maximum nos déchets, on recyclait, on compostait… Il y a plein de gestes simples qui peuvent être faits : ne pas gaspiller, ne pas jeter ses papiers ou ses mégots. À un moment, ce n’est pas une question d’écologie mais de civisme. Je suis mal à l’aise avec une écologie qui se veut parfois trop moraliste, trop punitive et qui veut davantage changer les hommes que protéger la planète. En tant que libérale, il

me parait essentiel de rappeler que les gens doivent avoir le choix et surtout, quand ça touche la sphère privée. Je me retrouve dans l’écologie du MR qui est une écologie positive, incitative et pas punitive ou faite de contraintes. Je ne peux pas accepter une écologie intransigeante qui pénalise les gens car ils n’habitent pas à côté de leur boulot. Tout le monde n’habite pas à 5km de son travail et ne peut pas y aller en trottinette.

  La COP 26 doit s'ouvrir dans quelques mois à Glasgow, affichant déjà des objectifs ambitieux pour le climat et pour la réduction du carbone. N’y a-t-il pas parfois un écart entre ce qui se décide au niveau mondial et puis l'implémentation de ces décisions dans les différents pays ? Par exemple, la Région bruxelloise, dispose-t-elle d'une politique ambitieuse en la matière ? Il y a parfois et malheureusement des décalages par rapport à la réalité du terrain et je le regrette. Lors de ces réunions, les représentants belges (le gouvernement fédéral et les entités fédérées) défendent la position et les intérêts de notre pays mais aussi font en sorte que cet écart entre ce qui se décide au niveau international et l’implémentation au niveau belge soit le moins important possible. En ce qui concerne la Région bruxelloise, que font les autorités régionales ? Rien. Où en sont-ils ? Pas très loin. Les représentants bruxellois font beaucoup de déclarations mais on ne voit rien venir. Il faut du concret en matière d’isolation des bâtiments publics et privés. À Bruxelles,

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{ INTERVIEW CZEKALSKI }

c’est un vrai problème. Cela ne sert à rien de rajouter des éoliennes et développer les énergies renouvelables si la performance énergétique du bâti est classée E ou F ! La transition nécessite une approche intégrée, cohérente et concertée entre tous les acteurs et les différents niveaux de pouvoir du pays. Le plan bruxellois évoque peu les moyens mis en œuvre pour parvenir à la nécessaire concertation. De plus, les solutions ne sont toujours pas budgétées et les citoyens ne sont pas accompagnés comme il se doit dans les démarches à entreprendre. Il y a de grandes lacunes dans les objectifs de la Région. C’est ce que le groupe MR répète chaque semaine au Parlement bruxellois. Les objectifs sont là mais la mise en œuvre toujours pas.

  On annonce des mesures importantes comme la gratuité des transports en commun, la création d'un péage urbain mais est-ce que toutes ces mesures ont ou auront des effets concrets dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Il est impératif d’associer les citoyens, les entreprises, les universités, les centres de recherche, etc.

Nous prônons une écologie responsable et cohérente qui se base sur la responsabilité, le principe de pollueur/payeur, les partenariats public-privé… La gratuité prônée par certains n’est pas une logique de gestion responsable. C’est toujours facile d’être généreux avec l’argent des autres ! Pour revenir sur la gratuité de la STIB… Rien n’est gratuit. La gratuité a toujours un coût, puisqu’elle doit forcément être financée par quelqu’un. Nous attendons les explications du Gouvernement bruxellois sur les modalités de financement d’une telle mesure. Il est grand temps que le Gouvernement bruxellois avance sur tous les défis liés à la mobilité de façon constructive et réfléchie. Il est par exemple important de mettre en place un abonnement unique à Bruxelles qui permette de se déplacer avec tous les opérateurs. Quant à leur proposition de taxation kilométrique « SmartMove », ils créent un mur fiscal à l’entrée de Bruxelles sans alternative crédible. Bruxelles souffre déjà énormément avec la situation actuelle liée au Covid-19, ce n’est pas le moment de venir taxer encore plus les citoyens. Il faut accompagner la transition vers d’autres modes de transport et renforcer l’offre plutôt que de toujours chercher à augmenter la pression fiscale. De plus, à Bruxelles, il faut avoir une vraie réflexion et aborder la politique de mobilité dans sa globalité : accès aux métros/trams, pistes cyclables sécurisées et concertées avec les communes et services de secours et de sécurité. Il faut aussi une vraie politique de métro comme à Madrid où dorénavant chaque Madrilène a une bouche de métro à 600 mètres de chez lui. Voilà l’alternative à la voiture.

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Rappelons que la pollution automobile n’est qu’une infime partie de la pollution de l’air. La principale source d’émissions de CO2 à Bruxelles provient des bâtiments. Il faut travailler absolument sur le dossier de l’isolation du bâti. Et les pouvoirs publics doivent être exemplaires en la matière !

  N'est-il pas temps d'avoir des positions plus clivantes et surtout plus claires en la matière comme par exemple sur la sortie de la Belgique du nucléaire ? Que pensez-vous du plan national énergie-climat 2021-2030 ? Est-il assez ambitieux ou au contraire trop modeste ? Le Président du MR, Georges-Louis Bouchez l’a rappelé : dans le dossier du nucléaire, un rapport est attendu en novembre 2021 sur la sécurité d’approvisionnement en électricité du pays et le prix de celle-ci. La sécurité d’approvisionnement doit être garantie ainsi qu’un prix raisonnable pour les particuliers et les consommateurs. Le triangle habituel, c’est la sécurité d’approvisionnement, les objectifs climatiques et une énergie abordable.

Quant au Plan Énergie Climat, le plan bruxellois vise d’ici 2030 : • une réduction d’au moins 40% des émissions directes de CO2 en 2030 par rapport à 2005 tout en intégrant un cadre de réduction des émissions indirectes ; • une réduction de 21% de sa consommation d’énergie finale (par rapport à 2005) ; • 1170 GWh d’énergie produite à partir de sources renouvelables ;

Le Gouvernement s’engage à approcher l’objectif européen de neutralité carbone à l’horizon 2050. Comme je vous le disais précédemment, les objectifs sont là. Ils sont certes des fois moins ambitieux que nos voisins mais ils ont été posés. Là où la Région bruxelloise faillit à son rôle, c’est sur la mise en œuvre, la budgétisation et l’accompagnement de cette transition. La grande lacune en Région bruxelloise, c’est la rénovation et l’isolation du bâti quand on sait que plus de 60% des émissions de CO2 proviennent du chauffage des bâtiments. Il faut accélérer le tempo en la matière mais les Ministres Van den Brandt et Maron se focalisent plus sur la mobilité. Là aussi, ils prennent la problématique à l’envers. Ils contraignent, interdisent au lieu d’accompagner dans la transition. Si on prend l’exemple de la mobilité électrique, la Région peine à placer des bornes de recharge sur le territoire. C’est l’histoire de l’œuf et la poule. Tant qu’il n’y a pas de borne, le citoyen n’achète pas de véhicule électrique et tant qu’il n’y a pas de demandes, la Région ne place pas de bornes.


{ INTERVIEW CZEKALSKI }

La Région néglige aussi certaines potentialités comme l’utilisation de l’hydrogène, l’exploitation de la géothermie ou encore de la riothermie. Des projets commencent à voir le jour mais c’est lent et le Bruxellois attend. 2030, c’est demain.

  Est-ce que vous pensez que les nouvelles technologies (par exemple la 5G) pourraient venir en aide aux efforts dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Et si oui, comment ? Pour les nouvelles technologies, c’est primordial. Cela passe par les compteurs intelligents, les micro-réseaux et la production d’énergie locale, les drones, l’intelligence artificielle, la géolocalisation, etc.

Comme vous citez l’exemple de la 5G, je peux vous dire que sur le plan environnemental, il ne faut pas perdre de vue que l’accès aux technologies et leur déploiement sera un enjeu crucial dans la réalisation des objectifs de développement durable. Cela nous permettrait également de développer des procédés de production à faible consommation d’énergie et d’atteindre rapidement une mobilité propre. La 5G devrait jouer un rôle clé en matière d’environnement en favorisant, par exemple, le développement de technologies intelligentes accélérant la transition énergétique ou optimalisant l’utilisation des ressources naturelles. On peut aussi citer l'exemple de capteurs pour l'arrosage des plantes. Pour réussir cette transition, la numérisation, le recours à l’intelligence artificielle, à la robotique, à l’analyse des Big Data et à l’Internet des objets seront des enjeux clés.  Pour conclure, on retiendra que le climat est au cœur des préoccupations des politiques et des citoyens. Toutes les têtes sont tournées vers ce sujet et malheureusement il manque souvent d’ambition dans les politiques mises en place à Bruxelles qui se résument à parfois beaucoup de jolies phrases, de belles paroles mais peu de concrétisation au final.

  Un dernier mot ?

J’ai été étudiante et je sais à quel point cette période est difficile pour vous. J’étais même très impliquée dans la vie estudiantine et le folklore étudiant nous manque à toutes et tous. Je vous souhaite bon courage et surtout bonne chance pour vos examens ! 

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{ ENVIRONNEMENT RECONDITIONNEMENT }

LA MINE DE DEMAIN SE TROUVE EN VILLE :

VERS UNE VALORISATION DES DÉCHETS ÉLECTRONIQUES PAR KEVIN KARENA

Notre époque est marquée par l’essor de la technologie et une course effrénée à la consommation sinon à la surconsommation. La ruée compulsive à l’acquisition du dernier smartphone est un exemple éloquent. Au rythme de l’innovation et du marketing, il est sans cesse question d’obtenir ce qui se fait de nouveau et de mieux. N’est-il pas temps d’inverser la tendance ?

Au niveau mondial, les téléphones sont en moyenne remplacés tous les 21 mois selon un rapport de Statista sur la fréquence de changement des GSM. Il se vend plus de 50 smartphones toutes les secondes à tel point que la croissance des utilisateurs de mobiles est plus rapide que la croissance de la population mondiale. Les mobiles obsolètes sont jetés et occasionnent, de fait, une quantité astronomique de déchets électroniques. Le succès de la vague des smartphones a un coût social et environnemental trop souvent négligé. L’objet technologique, qui est devenu l’extension de notre main, nécessite pour sa fabrication plus de 40 métaux dont les tristement célèbres minerais du sang en République démocratique du Congo. L’écosystème se retrouve traumatisé, le degré de pollution évolue de façon funeste et la population locale est réduite à un travail épouvantable. Nous vivons un cycle qui voit les ressources se raréfier et l’extraction de certains métaux revêtir de sombres facettes. Nous prenons plus de risques, creusons toujours plus profondément à travers la croûte terrestre pour des résultats en constante dégradation. Et si nous pouvions obtenir de meilleurs résultats sans mettre des vies en danger, sans même qu’il soit nécessaire de creuser ?

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En Belgique, la quantité de téléphones enfouis dans nos tiroirs est estimée à plus de 3 millions d’unités soit l’équivalent de ce qu’on peut appeler une montagne de métaux précieux. À titre illustratif, une mine rentable contient 5 grammes d’or par tonne de minerai tandis qu’une tonne de cartes électroniques en contient en moyenne pas moins de 200 grammes, soit une concentration en or 40 fois supérieur à une mine traditionnelle. Nos déchets électroniques comme ceux issus de nos téléphones mobiles sont d’une grande valeur. Grâce au minage urbain, leur recyclage donne progressivement naissance à une industrie au poids économique important qui s’inscrit dans une logique d’économie circulaire. Le concept est intéressant en ce sens qu’il transforme nos villes en centre de production minière. Les déchets électroniques, perçus comme un fardeau de notre ère digitale, sont en fait une opportunité insoupçonnée. Nous voilà face à un gigantesque potentiel permettant un approvisionnement en métaux plus responsable. Au-delà des impératifs d’efficience et de réduction de l’impact environnemental, il subsiste la question géostratégique de la dépendance de l’Europe en


{ ENVIRONNEMENT RECONDITIONNEMENT }

approvisionnement de matières premières critiques. Umicore est une entreprise belge parmi les plus actives au monde en matière de recyclage de métaux précieux. Elle a mainte fois tenté de sensibiliser les citoyens à se débarrasser de leur vieux téléphone sans rencontrer le succès escompté. Elle opte désormais pour nouvelle stratégie en s’alliant au groupe de télécommunications Proximus, sensible aux défis environnementaux, pour relever le défi de la prise de conscience directe et à grande échelle. Une association qui veut promouvoir le recyclage et les mines urbaines. Catherine Bals nous en dit plus sur les initiatives du Groupe Proximus. Elle est à la tête des départements réputation et durabilité. Du point de vue de la réduction de l’impact environnemental, ses équipes promeuvent une dynamique de confiance, d’inclusivité et d’accessibilité. Une attention particulière est portée sur la réalisation des ambitions 2030 du net zéro et la réduction de l’empreinte carbone.

Vous avez lancé la campagne « Don’t miss the call ». Quel est l’objectif derrière cette stratégie ?

Nous avions commencé par proposer des appareils à faible consommation d’énergie et au cycle de vie prolongé. La production de smartphones représente jusqu’à 90% de sa consommation totale d’énergie, contre 10% pour son utilisation. Avec les mines urbaines la production globale de gsm est moins énergivore et plus circulaire. L’extraction des matières premières contenues dans 100.000 téléphones portables produit 316 tonnes de CO₂ et 12.750 tonnes de déchets toxiques en moins que la production de ces matières par l'exploitation minière traditionnelle. Elle consomme aussi 25,4 millions de litres d'eau de moins. Notre campagne « Don’t miss the call » est une façon d’assumer nos responsabilités et de conscientiser les Belges aux bonnes habitudes du recyclage de vieux téléphones portables. L’objectif est de récolter 100.000 vieux GSM dans les différents points de collecte. Ce dépôt se fait en échange d’un bon d’achat de 10 à 350 euros. Extraire les matières de nos vieux appareils nous évite de puiser des ressources naturelles limitées. Grâce au minage urbain, nous rendons un grand service à l'homme et à la nature. Cette campagne est également l'occasion de récolter des fonds pour Eight, une organisation belge qui lutte contre la pauvreté dans les villages aux abords des mines classiques.

Le recyclage est une tendance qui a le vent en poupe. En matière de smartphone, nous sommes capables de recycler plus de 90% des matériaux, cependant seul 5 à 8% des téléphones portables sont recyclés chaque année. Quelle est votre analyse ?

C’est un constat problématique. Chez Proximus depuis quelques années déjà, nous louons et reprenons les décodeurs pour capter plus facilement la masse de déchets électroniques qui se dégage après usage. Ces décodeurs reviennent puis subissent les mises à jour et les remises à niveau nécessaires afin de pouvoir ensuite être remis dans la chaine de distribution sans avoir été des sources de pollution excessive. Ce travail a déjà été réalisé sur 2 millions d’unités. C’est quelque peu différent du minage urbain car il s’agit de récolter pour reconditionner et prolonger la vie et non pas de démanteler pour exploiter les matières premières.

Proximus s’est investi dans une expérience de sensibilisation au sein des écoles avec le projet GoodPlanet Belgium. Comment cela se déroule-t-il avec les jeunes générations ?

Il s’agit d’une collecte de GSM qui se déroule dans les écoles secondaires. L’émulation qui nait entre les écoles poussent les jeunes à essayer de déposer un maximum de vieux téléphones à recycler. En échange, les écoles sont récompensées par du matériel ICT. Les jeunes sont sensibles à la problématique et adoptent sans grande difficulté les bons réflexes. Ils participent à leur échelle à l’exploitation progressive des mines urbaines. Valoriser les matières premières de nos vieux smartphones ou leur donner une seconde vie est une culture qui va devoir s’installer plus largement au sein de nos sociétés pour réaliser un changement de paradigme et accompagner la transition numérique d’un impact environnemental positif. Il semble désormais évident que notre exploitation des ressources naturelle ne pourra plus se poursuivre en l’état. Nous usons excessivement des cadeaux de la nature sans lui laisser le temps de nous en procurer de nouveau. Or, nous sommes en mesure de donner une deuxième, troisième, sinon quatrième vie aux précieuses ressources que nous offre la planète. Le « reconditionnement » de GSM est une solution pour laquelle nous optons de plus en plus. Il ne s’agit pas d’un téléphone d’occasion mais bien d’un appareil répondant aux critères de qualité du neuf. Le GSM reconditionné est en pratique comme neuf avec un avantage non négligeable : son prix est nettement moins élevé. L’engouement pour cette merveille technologique ne s’estompera pas, mais nous pouvons redéfinir le paradigme, amoindrir le sinistre impact social ainsi que la désolante et disgracieuse empreinte environnementale dû au processus de fabrication des smartphones. Embrayer le pas d’une consommation plus responsable, d’une exploitation plus intelligente et plus empathique est à portée de main. Une vision ambitieuse pour notre avenir commun serait que le refurbishment, le recyclage des matériaux électroniques et les impératifs de durabilité s’imposent comme norme. Nous pouvons faire le choix d’un avenir où l’innovation ne se fera pas au détriment de la planète. Les choses durent toujours plus longtemps lorsque nous faisons l’effort d’en prendre soin ! 

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/ DÉRISION / PAR CORALIE BOTERDAEL

Les enfants du télétravail Le travail à domicile, c’est pas de la tarte…

C’est te planter à l’heure moins une minute devant ton ordinateur les yeux en quiquine de poupousse, le haut en chemise italienne et le bas en culotte de pyjama. C’est scotcher le chat au pied de ta table afin qu’il ne se roule pas sur le clavier et ne pourchasse pas la souris d’ordinateur. Et parfois, le mercredi après-midi, c’est gaver Ondine de lait maternel pour qu’elle dorme enfin ; c’est bâillonner, attacher, enfermer le petit Gustave pour qu’il ne sabote pas ta téléconférence ; c’est confisquer son smartphone et sa console à Anatole pour qu’il bûche ses leçons et ne devienne pas un délinquant. C’est chaque fois, télécommuniquer, bombarder tes mails d’émoticônes et vouloir en inventer de nouveaux pour t’assurer que tes interlocuteurs ont compris que tu rigolais, ou pas… C’est tout digitaliser, te réinventer pro de l’informatique. C’est aussi te brouiller avec ton Wifi, vouloir jeter ton matos par la fenêtre, t’emmêler dans les groupes de conversation ; c’est t’emporter, regretter ton message et le supprimer en espérant que ton chef ne l’a pas lu. C’est de temps à autre vivoter, faire semblant de bosser et souvent t’esclavager, ne pas savoir te déconnecter ; c’est surtout ne pas préférer la télé au travail, arrêter de sucer ton pouce, devenir responsable et autonome.

Le travail au bureau, c’est pas que du bonheur non plus…

C’est te lever à la bourre car tu as « snoozé » 4 fois ton réveil, faire l’impasse sur la douche, avaler fissa un expresso, t’engouffrer dans les embouteillages et inhaler ta bouffée de particules fines du matin ; c’est t’agiter, t’énerver, te grouiller pour arriver de toute façon en retard au boulot. C’est avoir une tonne de taf et l’irrépressible envie de te rendre à la machine à café pour connaitre tous les ragots. C’est devoir boucler un dossier urgent et composer avec les intrusions intempestives de tes collègues qui ont une question à soumettre, une blague à tester ou un monologue à tenir. C’est participer à des réunions interminables où tu finis par délibérer sur le dentier de la voisine du 5e. C’est aussi te farcir la musique pourrie de ton collaborateur qui chante faux et à tue-tête et supporter les humeurs de ton chef qui t’emm*.

C’est donc courir derrière l’efficacité et la productivité comme tu t’acharnes sur un tapis roulant, tu t’épuises sans avancer vraiment. En fin de journée, c’est récupérer Gustave à l’école, Ondine à la crèche, retourner au bureau car tu n’es plus certain d’avoir bien éteint la photocopieuse, déposer Gustave à la danse et oublier Ondine dans la voiture en allant chercher Anatole au commissariat.

Le moite-moite, c’est le meilleur des deux mondes !

C’est enfin arrêter de tondre la banquise, c’est pouvoir véritablement, dans une combinaison intelligente, aménager ton travail en fonction des besoins et gagner en efficience. C’est à la fois mettre fin au rythme métro-boulot-dodo, à la course après la montre, aux heures perdues dans les bouchons et leur pollution tout en maintenant un lien social, un contact humain avec tes collègues. C’est bénéficier chez toi d’un environnement paisible, calme propice à la concentration lorsque tes mouflets sont à l’école et également profiter au bureau d’une ambiance plus animée, effervescente qui enrichit la créativité lorsqu’ensemble vous agitez vos neurones. C’est non seulement varier les cadres de travail mais aussi et du coup, varier tes compétences, activer différents modes de fonctionnements et favoriser la polyvalence. Tu jongles alors entre technologies numériques et actions de terrain, entre communication collaborative et interactions humaines ; tu deviens le maitre du temps et du stress, la star de l’organisation et de la planification, le Yoda du Work-life balance et de l’Optimal efficiency. C’est en somme ce que le clic-clac est au canapé, l’hybride à la voiture, le Pod à la machine à laver, c’est le 2 en 1 pour une gestion moins cruche des potentialités. C’est en effet : équilibrer, diversifier, adapter, optimiser… C’est une solution d’avenir pour les entreprises, les travailleurs et la planète bleue ! Et puis surtout, c’est un monde où tu ne dois subir les griffures de ton chat ou la mauvaise haleine de ton collègue qu’un matin sur deux. 

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© Fédération des Étudiants Libéraux


BLUE LINE PRÉSIDENT ET ÉDITEUR RESPONSABLE : Adrien PIRONET Avenue de la Toison d’or, 84 - 86 1060 Bruxelles

CONTACT  : Tél : +32 2 500 50 55 info@étudiantslibéraux.be

RÉDACTRICE EN CHEF : Adeline BERBÉ

RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT : Constantin DECHAMPS

ASSISTANTS DE RÉDACTION : Coralie BOTERDAEL - Antoine DUTRY

RÉDACTION : Romain Beaumont, Adeline Berbé, Coralie Boterdael, Ömer Candan, Constantin Dechamps, Alban Duraku, Guillaume Ergo, Mikaël Hosseini, Marc Jadot, Jak Jakaj, Kevin Karena, Adrien Pironet, Alexandre Somma, Constance Somma

DIRECTION ARTISTIQUE : Daphné ALGRAIN

AVEC LE SOUTIEN :


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