NUMÉRO 218
DÉCEMBRE 2021
Business zu Lëtzebuerg
Jelena Zelenovic Matone, la cyber force 5 453000 074017 12 5€
Édito #Croissance
Sustainable Lëtzebuerg Il n’y a ni planète B, ni plan B. Face à la crise climatique, d’aucuns attendraient des signaux en provenance des décideurs politiques pour se mobiliser. Mais la COP26 qui s’est terminée le 12 novembre à Glasgow par un accord à l’arraché tiendra-t-elle ses promesses sur le terrain ? Au vu de la pression exercée par la Chine et l’Inde pour éviter qu’une sortie explicite du charbon soit mentionnée dans le texte final, l’efficacité du multilatéralisme reste à démontrer en matière climatique. Entre des négociations en Écosse torpillées en coulisses par les pays largement dépendants des énergies fossiles et, dans le même temps, un air suffoquant à New Delhi et la fermeture d’écoles à Pékin pour cause de pollution, les réalités s’entrechoquent. Gageons que la « diplomatie verte » montera en puissance dans les années à venir. Car il ne faudra pas attendre « 5 minutes avant 2030 », ou pire, avant 2050.
tergiversations à l’échelon mondial, les élus nationaux peuvent faire la différence en adaptant leur prisme de décision. Mais l’organisation gouvernementale est-elle encore adaptée à des sujets aussi transversaux que la crise climatique et la refonte de notre mode de vie vers une approche « décarbonée » ? Après avoir mis sur pied, en 2014, l’initiative public-privé Digital Lëtzebuerg pour accélérer le positionnement du pays dans le vaste champ du digital, le gouvernement DP-LSAP-déi Gréng pourrait répliquer ce modèle. Pour créer une cellule chargée de suivre l’avancée des grands chantiers « durables » dépendant de plusieurs ministères et aux ramifications multiples, comme la crise du logement, la R & D ou les pensions. Imaginer que cette entité « Sustainable Lëtzebuerg » soit placée sous l’autorité directe du Premier ministre aurait valeur de signal politique fort et de vision sociétale.
Comme le début d’un chapitre de l’histoire collective à écrire dans lequel le Grand-Duché Faute d’avancée rapide sur le plan global, notre impact sur l’environnement doit se vivre pourrait se comparer à des pays similaires voire plus grands, quant à sa capacité à au quotidien, en adaptant nos habitudes, notre routine. À commencer par l’alimentation, concrétiser la croissance « qualitative », qui doit, autant que possible, passer en mode Un « Sustainable Lëtzebuerg » qui s’avère bio, local (ou régional, voire européen) et équi- indispensable pour contenir la hausse des table, avec des bienfaits qui se feront ressentir températures d’ici 2030, pour atteindre la neutralité carbone en 2050… et au-delà. sur le climat, l’économie de proximité, les Un prérequis pour, tout simplement, péren « petits » producteurs… et notre santé. Sans niser le succès économique du pays. parler de la diminution nécessaire de notre consommation de viande, a fortiori celle importée de pays lointains. En réponse aux Rédacteur en chef THIERRY RAIZER DÉCEMBRE 2021
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ÊTRE VIGILANT, C’EST ÉVITER L’ACCIDENT ! CHUTE DE HAUTEUR
La chute de hauteur est une des principales causes d’accident du travail. Soyez vigilants ! Utilisez les mesures de protection pour sécuriser la vie de vos salariés. En cas de nécessité, les salariés doivent porter les équipements de protection individuelle les protégeant contre la chute de hauteur. (+352) 247-76100
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Décembre 2021
Ristretto 12 #POLITIQUE 14 PAUL GALLES
« Pas que du négatif à la COP26 » –
16 #ENTREPRISES 18 JULIE JAGER
« J’ai choisi le bio par conviction » –
20 #PLACEFINANCIÈRE 22 FRANÇOIS MASQUELIER
« Un bon trésorier doit être curieux» Data Dada 26 #ASSURANCES
Un secteur qui (r)assure sur le long terme
p. 28 Patrick Hansen, CEO de Luxaviation, voit dans l’électrification du secteur des jets privés une nouvelle opportunité pour le groupe luxembourgeois.
Conversations 28 PATRICK HANSEN
« J’ai le plus beau job du Luxembourg » –
42 JELENA ZELENOVIC MATONE
« La diversité est déterminante pour la performance » –
46 ALEXANDRE MAGNETTE
« Le bilan carbone, c’est l’inverse du ‘greenwashing’ » –
50 DIANE PIERRET
« Les banques doivent être créatives » –
54 CHRISTEL HENON
Photos
Guy Wolff
« Nous ne montons pas un film pour avoir de bonnes critiques » –
p. 50 Diminuer les coûts et gagner en efficacité : une nécessité pour les banques, prévient Diane Pierret, professeur assistant à la Luxembourg School of Finance.
60 TOM BAUMERT
« Il faut laisser faire le marché » DÉCEMBRE 2021
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IGN S E D W E N
Décembre 2021
2.000 (en millions d’euros)
RÉSULTATS NETS DES PRINCIPALES ENTREPRISES RÉGULÉES PAR LE CAA
1.500
Assurances non-vie Assurances-vie
68 Enjeux
Les pensions, une dette qui ne dit pas son nom
Réassurances
1.000
Source Rapports annuels et annexes du Commissariat aux assurances (CAA)
500
–
70 MARC WAGENER « Nous ne sommes pas la Grèce, mais il faut préparer l’avenir »
0 2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
p. 26
–
Sur 10 ans, le secteur des assurances affiche une progression honorable, selon son régulateur. Mais de nouveaux risques, technologiques et climatiques, devront être intégrés au business model des entreprises.
72 GOUVERNANCE PUBLIQUE
L’insaisissable mur des pensions
–
74 PISTES DE RÉFORME(S) « Nous surestimons l’état de santé du système des pensions »
98
Business Club
–
76 ALTERNATIVES
Lifestyle
Le « momentum » des retraites complémentaires
106 MA MAISON 108 MON ARGENT 110 MON STYLE 112 MA COLLECTION 114 MA RECETTE 116 MON MENTAL
–
78 ROMAIN SCHNEIDER « Le premier pilier des pensions doit être fort »
–
80 CONSEILS
7 astuces pour préparer sa retraite
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Portfolio
Travail & sentiments
120 La liste p. 112 Laura Ferber, gérante du groupe de salons de coiffure éponyme, présente sa collection vestimentaire, en phase avec son travail.
6 ambassadrices de la finance durable Débat public 10 MARS DI BARTOLOMEO 64 MICHEL SIMONIS
Advertoriaux 24 BRUCHER THIELTGEN
Faire face à une complexification croissante
38 SOGELIFE
Satisfaire les attentes d’une clientèle fortunée
40 CUBIC CONSULTING
La cybersécurité, enjeu stratégique
Photos
Guy Wolff
66 I-HUB
L’outsourcing : un levier de performance
p. 8 4 Amoureux et associés, 10 duos de dirigeants d'entreprise prennent la pose et révèlent les mécaniques de cette configuration de couple particulière.
82 PWC LEGAL
L’« avocat-entrepreneur », une source de valeur ajoutée pour l’entreprise DÉCEMBRE 2021
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Débat public Notre Constitution actuelle, datant de 1868, ne répond plus entièrement aux réalités institutionnelles et sociétales d’aujourd’hui. Il est donc impératif qu’elle soit modernisée. C’est la raison pour laquelle, il y a 20 ans, les travaux parle mentaires sur la réforme constitutionnelle ont été entamés, et ces travaux touchent à leur fin. Les contenus qui ont fait leurs preuves ont été sauvegardés, d’autres ont été modifiés, voire ajoutés. Par conséquent, la réforme de la Constitution ne constitue pas une révolution, mais une évolution. Dès le début des travaux parlementaires, de nombreuses questions constitutionnelles ont été au centre du débat public. Ainsi, un référendum a été organisé en 2015 sur les questions du droit de vote des résidents étrangers, du droit de vote à partir de 16 ans, et d’une limitation à 10 ans de la durée des mandats pour les membres du gouvernement. Le résultat de ce réfé rendum n’a pas laissé de doutes et a été, par la suite, respecté sans équivoque. Des allégations selon lesquelles le droit de vote pour les étrangers aux élections législatives serait introduit en catimini sont donc dénuées de tout fondement. Il s’agit carrément d’un mensonge. À relire noir sur blanc dans les propositions de révision ! Il est tout aussi faux de prétendre que la population n’a pas été consultée. Une telle affirmation reviendrait à ignorer l’existence de la campagne participative
Mars Di Bartolomeo Député LSAP « Är Virschléi » de 2015, qui a conduit, entre autres, au renfor cement des droits de l’enfant ou à l’ancrage du dialogue social dans le texte constitutionnel. Notre langue luxembourgeoise fait son entrée dans la Constitution sans mettre en cause notre attachement au multilinguisme. Ce texte fondamental modernisé ne se prête nullement à la politique politicienne, mais mérite d’être jugé suivant les progrès qu’il apporte par rapport au texte actuel. Entre-temps, le chapitre concernant la justice a passé le pre mier vote à la Chambre des députés à une grande majorité. Ce premier vote ne signifie pas que le citoyen est mis devant le fait accompli. En réalité, ce premier vote est nécessaire afin de pouvoir lancer la procédure en vue d’un éventuel référendum. Dans les prochaines semaines, la Commission des institutions s’attellera à finaliser les travaux sur les trois autres chapitres. Si, finalement, je puis me permettre un vœu, c’est celui de ne pas se fier à des slogans, des demi-vérités ou des insinuations, mais de comparer le texte actuel avec les propositions de révi sion. Cela vous permettra de vous convaincre que les travaux des dernières années représentent une réelle plus-value pour notre loi fondamentale et notre vivre-ensemble. Ce débat public, en principe mensuel, est un rendez-vous qui donne une carte blanche aux représentants élus au Parlement. Photo ROMAIN GAMBA
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NOVEMBRE MARS 2020 2021
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Ristretto #Politique Sélectionné par IOANNA SCHIMIZZI
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PRUDENT
« Si la situation épidémique dérape, il faudra s’adapter. »
Alors que la troisième dose vient d’être ouverte aux personnes de plus de 65 ans, un élargissement n’est pas exclu dans le futur, estime le directeur de la Santé, Jean-Claude Schmit, dans une interview accordée à Paperjam le 10 novembre. Mais une généralisation à toute la population reste, pour le moment, au stade de la discussion : « Il n’est pas exclu d’élargir le cadre de cette vaccination, c’est un point de discussion. Mais il n’y a pas beaucoup de données. Or, faut-il viser tout le monde ou seulement les gens à partir d’un certain âge ? Nous verrons. » 2
DÉTERMINÉ
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PRAGMATIQUE
« Les frontières étaient invisibles, et elles ont réapparu avec le Covid-19. »
Le chef de la diplomatie, Jean Asselborn (LSAP), a présenté le 9 novembre, lors de sa déclaration annuelle, les grandes orientations de la politique étrangère et européenne du Luxembourg. Il a notamment évoqué l’épidémie de Covid-19, ses conséquences, mais aussi la situation des demandeurs d’asile afghans. CONVAINCU
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« On a redécouvert les vertus de la puissance publique. »
Premier président de la Cour des comptes en France, ancien commissaire européen en charge des affaires économiques et financières dans l’équipe de Jean-Claude Juncker, le socialiste Pierre Moscovici était de passage à Luxembourg fin octobre. Il a fait le point avec Paperjam sur le rôle de la Cour des comptes. Pour lui : « Si elle n’avait pas été présente (la puissance publique, ndlr), la société n’aurait pas tenu aussi bien, l’économie non plus, les individus n’auraient pas été aussi résilients... » 5
PRUDENT
« Le travail n’était pas inintéressant, mais pas suffisamment approfondi. »
Alors que le Premier ministre Xavier Bettel (DP) est soupçonné, suite aux révélations de Reporter.lu, d’avoir plagié son travail de fin de diplôme d’études approfondies (DEA) en droit public et sciences politiques à l’Université de Nancy, en 1999, son ancien professeur Étienne Criqui, membre du jury, a relativisé auprès de Paperjam cette notion de plagiat. L’Université de Lorraine a indiqué avoir ouvert une enquête pour faire pleinement la lumière sur ce cas.
« Il faut faire plus face aux crises humanitaires. »
Le Haut-Commissaire auprès de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, était en visite à la Chambre des députés le 9 novembre. Lors d’une entrevue avec les députés, il a notamment expliqué que les interventions humanitaires se faisaient de plus en plus dans des pays où les pouvoirs sont illégitimes et non reconnus par la communauté internationale.
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MAEE et Matic Zorman
ENGAGÉ
Photos
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THE 7
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Ristretto #Politique
« Pas que du négatif à la COP26 » Le député CSV Paul Galles faisait partie de la délégation luxembourgeoise qui s’est rendue à la COP26 à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre. Il partage un bilan en demi-teinte de la conférence.
Les résultats obtenus à la COP26 vous satisfont-ils ? Je ne crois pas qu’il n’y ait que du négatif, je dirais que le verre est à moitié plein. Il faut se rendre compte que, durant deux semaines, il y a presque 200 partenaires qui discutent au niveau politique, là où normalement on a des discussions de quelques heures pour fixer des traités. Il y a eu notamment de bons accords sur le méthane ou la déforestation. Sous la pression de l’Inde et de la Chine, notamment, le pacte de Glasgow a aussi été édulcoré à la dernière minute… Le texte amendé demande aux pays signataires de réduire l’utilisation du charbon, alors que la rédaction initiale leur demandait de la supprimer, à terme. 99 % des gens qui sont à la COP sont convaincus qu’il faut agir, mais on arrive quelquefois à des résultats décevants comme celui-là. Comment expliquer leur réaction ? On demande beaucoup aux pays en voie de développement, qui sont en train de devenir de nouveaux pays industrialisés. On leur demande de sauter l’étape par laquelle nous sommes passés pour nous industrialiser, mais il faut leur proposer des alternatives aux énergies fossiles, pour passer directement aux énergies renouvelables. Les pays occidentaux ont-ils leur part de responsabilité ? Doivent-ils investir plus pour les pays en voie de développement ? Oui, je pense que les pays développés et industrialisés doivent agir pour les aider. Il faudrait une stratégie globale au niveau des Nations unies pour financer cette transition. En marge des négociations pour la déclaration finale, un accord a été trouvé pour mettre fin, d’ici 2022, au financement à l’étranger de projets d’énergies fossiles. Pourquoi le Luxembourg ne l’a-t-il pas signé ? La ministre de l’Environnement Carole Dieschbourg (déi Gréng) nous a expliqué, à la Chambre des députés, après la COP26, que le pays s’était donné le temps de la réflexion, mais qu’il allait finalement signer cet accord, comme l’ont fait des pays partenaires, comme l’Allemagne. Le Luxembourg, l’Allemagne, le Danemark, le Portugal et l’Autriche ont publié une déclaration commune
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affirmant que l’énergie nucléaire n’est pas une solution dans la lutte contre la crise climatique et ne doit pas être incluse dans la taxonomie de l’UE comme étant durable. Le climat était-il tendu, sur ce point, à Glasgow ? Oui, c’était tendu. J’avais l’impression qu’au sein du gouvernement il n’y avait pas un consensus parce que le ministre des Finances, Pierre Gramegna (DP), avait, parallèlement à la signature de cette déclaration, dit que l’énergie nucléaire était du « vert foncé », dans le sens où elle n’émet pas de CO2, alors que la ministre de l’Environnement insistait sur le fait que c’est une énergie dont elle ne veut pas du tout. Quelle est votre position sur le nucléaire ? J’essaie d’être un peu plus nuancé parce que la transition énergétique sera un devoir immense dans les prochaines décennies et je ne suis pas sûr que l’on va l’atteindre uniquement grâce aux énergies renouvelables. Pour moi, le nucléaire n’émet certes pas de CO2, mais représente un très grand risque pour la sécurité, et il y a la question du stockage des déchets nucléaires. On pourrait utiliser à terme l’énergie nucléaire qui existe déjà et des réacteurs suffisamment sécurisés, et non pas des réacteurs âgés que l’on prolonge, comme Cattenom. On pourrait investir dans l’innovation et les nouvelles technologies de la fusion atomique, par exemple. Comment jugez-vous les ambitions du Luxembourg ? Il a fallu près de huit mois, depuis le vote de la loi climat, pour fixer les objectifs sectoriels. C’est trop long. Au niveau social, ils ont renforcé des mesures existantes ou réalisé de petites mesures. Je crois que le gouvernement oublie la vraie importance du social. Beaucoup de gens dans le pays ressentent une pression morale et financière. Le modèle français du chèque énergie est intéressant parce qu’on donne d’abord l’argent aux bénéficiaires, qui ne peut être utilisé qu’à des fins précises. J’apprécie aussi la solution suisse de l’« argent climat » qui soutient la population de façon pertinente. Pour Paul Galles, la dimension sociale de la crise climatique ne doit pas être oubliée. Interview IOANNA SCHIMIZZI Photo ROMAIN GAMBA
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Ristretto #Entreprises Sélectionné par CATHERINE KURZAWA et THIERRY LABRO
POÉTIQUE
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« C’est une génération qui a soudainement été empêchée de prendre son envol, comme un oiseau qui aurait eu les ailes cassées. Cela ne veut pas dire qu’on ne va pas le soigner, qu’il ne volera jamais. Mais, quand il aurait dû prendre son envol, il n’a pas pu. » Multi-entrepreneure, Emmanuelle Duez (fondatrice de The Boson Project) a animé une conférence dans le cadre de la Journée des présidents de la CLC, le 9 novembre, au Mudam. FATALISTE
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« Nous sommes allés à la COP23, mais aujourd’hui, pour nous, il ne s’agit plus d’aller faire du lobbying auprès de politiciens, mais de rester concentrés sur nos technologies et nos projets. » Le directeur de la communication de Boson Energy, Heike Carl Zatterstrom. RASSURANT
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« Non, Noël ne sera pas reporté cette année ! » Lors d’un sommet sur l’évolution de la logistique au Luxembourg organisé le 11 novembre, le directeur général de la Chambre de commerce, Carlo Thelen, s’est voulu rassurant, à l’approche des fêtes, sur les capacités d’approvisionnement pour répondre à la demande. 4
OPTIMISTE
« Dans un futur très proche, nous voudrions mettre le BIM au centre d’un écosystème qui permette d’automatiser et de digitaliser toute une série de procédures. » Moreno Viola, chargé de direction pour le CRTI-B, à l’issue de la conférence sur la modélisation assistée par ordinateur dans le secteur de la construction, organisée les 8 et 9 novembre. 5
AMBITIEUX
« Nous proposons d’abord que les politiques européens puissent adapter la loi pour permettre de flécher 50 % des investissements publics – publics parce que ce sont nos impôts – vers les acteurs innovants de la tech européenne. »
DÉPITÉ
« Les mesures proposées étaient très sensées. C’est triste de voir que notre délégation n’a pas compris. J’espère que sa position évoluera. » Le CEO de Luxair, Gilles Feith, après le refus de la délégation du personnel de voir le CovidCheck appliqué au sein de la compagnie aérienne dès le 15 novembre. 7
RÉALISTE
« Les réseaux sociaux de nos professionnels peuvent toucher 10 fois plus de personnes que nos canaux de médias sociaux corporate. » Bénédicte Schuler, en charge du marketing et de la communication chez Deloitte Luxembourg, interrogée par Paperjam sur l’impact des réseaux sociaux dans la communication d’entreprise.
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Marie De Decker pour la CLC, Romain Gamba et Patricia Pitsch (archives)
Ex-vice-président responsable de l’innovation chez Orange et partner de Mandarina Group, Luc Bretones a développé une idée de plus en plus entendue en Europe à l’occasion des Luxembourg Internet Days, qui se sont déroulés du 16 au 18 novembre.
Ristretto #Entreprises
« J’ai choisi le bio par conviction » Avec la reprise de la boulangerie Bakhaus et son intégration à Oikopolis, Julie Jager veut proposer une alternative locale, bio et végane.
Vous êtes passée du restaurant bio Chez Julie à la boulangerie, avec Bakhaus. Pourquoi ? Le restaurant représentait une charge de travail trop importante pour moi, surtout après la naissance de mes deux enfants. Mais grâce à cette expérience, j’ai collaboré avec une jeune pâtissière française et j’ai réalisé que la pâtisserie est encore plus mon domaine de prédilection que la restauration. Aujourd’hui, on peut faire des choses fantastiques en pâtisserie végétale. Lesquelles ? Nous proposons une bûche avec un biscuit noisette, un praliné chocolat et une mousse au chocolat. La spécificité réside dans le biscuit sans œufs, ni beurre, ni produits laitiers : ils sont remplacés par un mélange de compote et une mousse au chocolat à base de tofu soyeux. Cela donne quelque chose de fort en bouche au niveau gustatif, et quelqu’un qui ne le sait pas ne remarque pas que c’est un produit végan. Pourquoi avoir choisi le bio ? Par conviction. À la base, je cuisinais moi-même des ingrédients bio, et, de fil en aiguille, je me suis aperçue de leur utilité pour tout un chacun et de leur impact au niveau écologique. Qu’est-ce qui vous a attirée chez Bakhaus ? C’est une histoire de contacts et d’opportunités : lorsque j’ai rencontré son fondateur, Frank Obertin, en 2017, le pain était son dada. Je voyais des possibilités de développement intéressantes sur base des viennoiseries qu’il préparait dans son commerce de Remerschen à l’époque. Bakhaus a été intégré dans Oikopolis, M. Obertin est parti à la retraite, et je suis devenue associée-gérante de Bakhaus en janvier 2020. Aujourd’hui, notre gamme compte une cinquantaine de références en boulangerie, en viennoiserie et en pâtisserie. Le marché bio est très prisé au Luxembourg. Comment se distinguer ? Nous maîtrisons la production de A à Z : notre moulin moud nos grains, nous travaillons nos propres farines, et notre levain est une souche initiée par M. Obertin. Une quinzaine d’artisans travaillent nos produits à la main, contrairement aux acteurs industriels, qui utilisent des machines. Le côté artisanal nous distingue des autres boulangeries plus industrielles. Estimez-vous qu’il y a encore de la place sur le marché local du bio pour de nouveaux acteurs ? Les acteurs implantés le sont bien et couvrent pour le moment l’essentiel de la demande. Il y a des capacités
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de production qui sont assez importantes. Donc, je ne dirais pas forcément qu’il y a de la place pour de nouveaux acteurs. L’accent est mis sur l’origine locale des ingrédients, mais certains ne peuvent pas provenir de la région, comme le chocolat et le tofu… En effet, mais nous avons envie de proposer des produits gourmands : c’est pourquoi nous avons un pain au chocolat végan. Ce produit-là n’est pas local, mais je pense qu’il faut réussir à trouver un bon équilibre avec la demande des clients. La fibre locale peut-elle entrer en collision avec une ambition d’expansion, éventuellement au-delà des frontières ? Nous avons encore la possibilité de grandir tout en poursuivant nos achats en local. Certains de nos produits sont distribués dans quelques fermes du côté belge, mais cela reste très anecdotique. Quels sont les projets de développement de Bakhaus ? Actuellement, nous écoulons nos produits via Naturata, des enseignes spécialisées comme Alavita, mais aussi, depuis peu, les supermarchés Match. J’aime beaucoup le contact client, et donc, j’aimerais à terme que l’on se développe en B2C avec une boutique, pourquoi pas près de la capitale. Quand voulez-vous y arriver ? À court ou à moyen terme, mais le contexte actuel ne facilite pas les choses. Avec le télétravail, les cartes sont rebattues, et il faut réfléchir à ce que l’on fait. Je ne suis plus aussi insouciante qu’en 2012, lorsque j’ai ouvert mon restaurant. Avez-vous d’autres projets ? Au niveau du développement produit, j’estime qu’il reste beaucoup à faire pour la pâtisserie et la viennoiserie. Aussi, nous avons développé cette année une gamme de produits précuits surgelés pour La Provençale, cela fait partie des nouveautés. Julie Jager a revendu son restaurant en 2017 pour se consacrer à Bakhaus. Interview CATHERINE KURZAWA Photo GUY WOLFF
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Les investissements comportent divers degrés de risque. Swissquote Bank Europe SA – RCS B78729. Banque basée au Luxembourg et régie par la CSSF.
Ristretto #PlaceFinancière Sélectionné par MARC FASSONE
PRÉOCCUPÉ
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« Nous voyons ces résultats comme un cri silencieux pour l’action. » C’est ce qu’affirme Keith O’Donnell, managing partner d’Atoz, à propos de l’enquête sur les conséquences sociales de la crise sanitaire menée par le cabinet et rendue publique le 3 novembre. 2
MILITANT
« La coopération entre les centres financiers et l’échange de bonnes pratiques sont essentiels pour progresser rapidement sur certaines des questions les plus urgentes, comme le financement du climat, la transformation numérique ou la reprise économique après la pandémie actuelle. » Dr Jochen Biedermann, directeur général du World Alliance of International Financial Centers, a lancé à Luxembourg, le 9 novembre, un programme de tables rondes semestrielles, dont la vocation est de favoriser la création d’un marché financier européen unique. 3
OPTIMISTE
« Notre clientèle internationale continue de considérer Londres comme un hub financier majeur après le Brexit. »
François Pauly, CEO de la banque Edmond de Rothschild, a mis en contexte le partenariat conclu le 26 octobre avec le Groupe Hottinger pour renforcer sa présence à Londres. 4
AMBITIEUX
« 2022 va très probablement être l’année où le plafond du demi-milliard d’euros de chiffre d’affaires pourra être brisé. »
CONFIANTS
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CONVAINCU
« La hausse des taux d’intérêt est compatible avec la hausse des marchés financiers. »
C’est ce qu’estimait Vincent Juvyns, le global market strategist de J.P. Morgan Asset Management, lors de la présentation des perspectives macroéconomiques de la banque pour le dernier trimestre de cette année. 20
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Photos
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Matic Zorman (archives)
François Mousel, partner, clients and markets leader chez PwC Luxembourg, commente ainsi les excellents résultats annuels du cabinet, présentés le 25 octobre. L’exercice 2020-2021 a vu l’activité des services de conseil progresser de 4,4 %, l’activité d’audit croître de 9,8 % et l’activité tax de 0,7 %.
Liontrust Sustainable Investment
LIONTRUST GF SF MULTI-ASSET GLOBAL FUND This is an Irish-domiciled UCITS fund that will seek to identify companies which help create a cleaner, safer and healthier society for the future and seek to generate attractive returns for investors. The Liontrust Sustainable Investment team do this by identifying the key structural growth trends that will shape the sustainable global economy of the future and 21 investment themes to capture opportunities within these. Key features of the Fund are:
SFDR Article 9 Fund
13-strong team with 20 years of sustainable investing Over €14bn AuMA in sustainable funds Award winning process and strategy in the UK
liontrust.eu/gf-sf-mag Past performance is not a guide to future performance. This advertisement should not be construed as advice for investment. Do remember that the value of an investment and the income from it can fall as well as rise and you may not get back the amount originally invested. Issued by Liontrust Fund Partners LLP (2 Savoy Court, London WC2R 0EZ), authorised and regulated in the UK by the Financial Conduct Authority (FRN 518165) to undertake regulated investment business.
NEW FUND LAUNCH
Ristretto #PlaceFinancière
« Un bon trésorier doit être curieux » Nouveau président de l’EACT (European Association of Corporate Treasurers), François Masquelier veut donner plus de poids au métier de trésorier d’entreprise.
Le métier de trésorier d’entreprise est encore peu connu. Comment peut-on le décrire ? C’est un métier assez récent (40-50 ans). Il rapporte au CFO, est en lien avec l’externe (banques, impôts…) et l’interne (comptabilité, audit). Il s’assure de la gestion du cash et de la relation bancaire. On peut le comparer à une sorte de banquier interne du groupe, car il est aussi bien emprunteur que prêteur. Il y a un lien fort avec la gestion de risque. Il gère également les opé rations liées au front-office. Pourquoi le Luxembourg est-il une Place attractive pour les trésoriers ? Il l’est et pourrait l’être plus encore. Sa position centrale, sa main-d’œuvre qualifiée et multiculturelle, l’infrastructure bancaire avancée, un écosystème compétent et une grande accessibilité des autorités en font un ensemble homogène... J’ajouterais que plusieurs groupes internationaux basés à Luxembourg ont des départements de trésorerie experts : PayPal, Aperam, RTL, Koch, Ferrero, Amazon… Quelles qualités doit posséder un bon trésorier ? C’est déjà un technicien qui doit avoir une bonne culture financière et de gestion (assurances, taxes, juridique, IT…). Côté soft skills, il faut de bonnes qualités relationnelles, être communicant. Ce qui manque souvent, c’est la curiosité, car le métier est très évolutif. On parle dorénavant de la finance durable comme d’une nouvelle norme. Comment percevezvous le rôle du trésorier dans ce nouvel élan ? Le trésorier a un rôle à jouer dans l’ESG, car, en digita lisant les échanges, il devient écoresponsable. Si une société fait un placement avec un excédent de trésorerie, elle essaiera de le rendre durable. Il y a aussi de plus en plus de femmes en trésorerie : je suis pour la parité justifiée et la diversité sociale, notamment en intégrant des compétences en data mining et IT, car le métier a évolué. Beaucoup de CFO n’ont pas la fibre ESG, et le trésorier peut finalement donner cette impulsion. La finance durable était un plus, cela devient un must ; on s’ouvre à un marché plus large d’investisseurs, et le Luxembourg a raison de le défendre. Mais, à titre privé, je ne suis pas encore convaincu du ratio coût / bénéfice de ces placements. Pourriez-vous choisir trois étapes-clés de votre parcours pour vous présenter ? Une première étape bancaire, puisque j’ai travaillé en corporate finance et salle des marchés pendant six ans. Puis, une étape corporate en gestion de trésorerie et d’ERM pendant 26 ans, notamment chez RTL Group.
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Enfin, une étape entrepreneur depuis 2020, avec ma société de conseil. J’ai en parallèle un rôle associatif et de lobbying comme président de l’Atel (Association des trésoriers d’entreprise à Luxembourg, ndlr) depuis plus de 20 ans, et désormais de l’EACT. Mes activités se répartissent à 60 % en consulting et à 40 % en associatif. Quel manager êtes-vous ? Assez consensuel, ce qui peut être aussi un défaut. Dans l’acceptation des idées, l’écoute constructive. Je me vois plutôt visionnaire, éclectique, et je me sens complémentaire aux autres. Parfois, j’ai du mal à dire non : j’en fais trop. Comment avez-vous vécu votre nomination à l’EACT ? C’est une reconnaissance à différents niveaux. J’écris et je publie beaucoup, car j’aime pousser les idées et transmettre ma vision future de la trésorerie. J’avais cocréé cette association il y a 20 ans, dont j’ai été le premier président. Elle compte aujourd’hui 14.000 membres issus de 8.500 sociétés, réparties dans 22 pays en Europe. Il y a eu une rotation de présidence : j’ai été coopté et j’ai saisi l’opportunité. Quel est votre objectif durant votre mandat ? Créer une fédération d’associations locales pour avoir une voix européenne et peser plus lourd dans la prise de décisions, à Bruxelles. À l’échelle d’un pays, nous serions inaudibles. L’axe principal est de partager les bonnes pratiques, d’éduquer le marché et d’uniformiser les standards de trésorerie en Europe. C’est aussi influencer, pour que les nouvelles réglementations soient adaptées au cas par cas, et créer plus de coo pération entre associations nationales. Comment et où vous voyez-vous dans 10 ans ? Retraité ! Bien que j’aurai sans doute beaucoup de mal à arrêter… Je ferai profiter les autres de mon expérience et resterai vraisemblablement très actif dans les associations. Après RTL, François Masquelier a fondé son entreprise, Simply Treasury. Interview AURÉLIE BOOB Photo ROMAIN GAMBA
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Le cabinet d’avocats Brucher Thieltgen & Partners prône une approche plus transversale des dossiers.
Juridique
Faire face à une complexification croissante Contenu sponsorisé par BRUCHER THIELTGEN & PARTNERS
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pour ensuite s’investir durablement dans le développement du cabinet. Comment a évolué le cabinet ? MARIE BENA Au fil des années, il a évolué dans le respect des valeurs et envies qui nous animent depuis le début, en préservant la dimension humaine, la flexibilité, dans une démarche entrepreneuriale. Aujourd’hui, nous sommes une équipe de 35 collaborateurs, dont 23 avocats, venant d’horizons différents, partageant la volonté d’apporter au client un service à haute valeur ajoutée, en phase avec ses
attentes. Nous cherchons à renforcer en permanence notre expertise en restant connectés aux évolutions du marché. En un peu plus de 15 ans, comment le marché a-t-il évolué ? NICOLAS THIELTGEN Il a considérablement changé. Le tableau de l’Ordre du Barreau de Luxembourg, en 2005-2006, devait compter un millier d’avocats. Aujourd’hui, on dénombre 3.300 membres. Cette croissance exceptionnelle a accompagné le développement de l’économie luxembourgeoise, et plus particulièrement du secteur
Matic Zorman
En 2005, quel a été l’élément déclencheur conduisant à la création de votre cabinet d’avocats ? NICOLAS THIELTGEN À l’époque, nous travaillions ensemble pour un grand cabinet américain au Luxembourg. Très rapidement, répondant à un souhait de plus d’indépendance, avec l’envie de proposer un service et un conseil juridique variés et de haute qualité à nos clients, nous avons créé ce cabinet. Nous étions trois, Jean Brucher, Marie Bena et moi-même. Nicolas Bernardy nous a rejoints quelques mois plus tard, comme avocat stagiaire,
Photos
Les organisations doivent aujourd’hui faire face à des enjeux réglementaires de plus en plus complexes. Pour les soutenir, le métier d’avocat s’adapte, afin de proposer des solutions pragmatiques qui tiennent compte du contexte de chaque client.
EXPERTISES COMPLÉMENTAIRES
financier. Elle répond aussi à des besoins croissants de la société, avec une complexification perceptible de nombreux aspects. Depuis 2005, de nombreuses nouvelles législations et procédures ont vu le jour, comme celle relative à la protection des données personnelles, pour n’en citer qu’une. NICOLAS BERNARDY Dans le domaine du droit des affaires, on a aussi vu le nombre de contentieux considérablement augmenter, suite notamment à la crise de 2008. Ces dossiers relèvent eux aussi d’une complexité croissante, exigeant de s’appuyer sur une grande diversité d’expertises. Comment se positionne votre cabinet ? À quels besoins répondez-vous? NICOLAS THIELTGEN Nous sommes un cabinet ancré au Luxembourg avec un rayonnement international important. L’activité s’organise autour de trois pôles : la pratique du droit bancaire et financier, le droit commercial et droit des sociétés, et la gestion des contentieux. J’aime nous considérer comme un pont entre des acteurs internationaux qui souhaitent s’établir ou développer des activités au départ du Luxembourg, en mettant à leur
« J’aime nous considérer comme un pont entre des acteurs internationaux qui souhaitent s’établir ou développer des activités au départ du Luxembourg. » Nicolas Thieltgen Managing Partner, Brucher Thieltgen & Partners
disposition notre maîtrise du cadre juridique local. Nous nous positionnons à leurs côtés, pour les orienter dans la réalité juridique et des affaires au Luxembourg. D’autre part, nous pouvons aussi accompagner les acteurs locaux, à la recherche d’une expertise juridique à l’international ou impliqués dans un dossier à l’étranger, en leur permettant de profiter de notre large réseau de partenaires. MARIE BENA C’est principalement cette connaissance du cadre luxembourgeois que les clients internationaux viennent chercher, une capacité à les accompagner dans une grande diversité de dossiers, dans des procédures vis-à-vis des administrations ou des juridictions nationales, ou encore auprès des régulateurs, comme la CSSF. Il y a des spécificités, une manière de travailler, propres au Luxembourg, qu’il faut pouvoir bien appréhender. D’autre part, nous connaissons les préoccupations de nos clients, les besoins inhérents au monde des affaires, nous parlons le même langage qu’eux. Nous pouvons dès lors guider efficacement nos clients dans la poursuite de leurs objectifs. NICOLAS BERNARDY Ce positionnement nous permet d’accompagner aussi bien des acteurs internationaux, dans le cadre d’un développement ou encore d’un dossier de contentieux, que des institutions locales, comme des banques, dans la mise en œuvre de divers chantiers réglementaires. Comment les métiers du droit doivent-ils évoluer pour appréhender la complexité grandissante de nos sociétés ? NICOLAS THIELTGEN L’important est de rester centré sur les enjeux du client et d’aborder chaque problématique sous tous ses angles. Dans cette perspective, chaque client, chaque dossier, est pris en main, non pas par un avocat, mais par une équipe pluridisciplinaire, intégrant une diversité d’expertises. Cela permet de prendre en considération les différentes
facettes d’un même problème, de mieux le comprendre pour, in fine, apporter la solution la plus appropriée. MARIE BENA Cette organisation, avec davantage de transversalité, est aussi intéressante pour nos collaborateurs. Nous ne sommes pas des partisans du taylorisme appliqué aux métiers du droit. Au contraire, l’idée est de favoriser le partage de connaissances permettant à chacun de grandir, d’évoluer, d’adopter une approche plus globale du droit. Qu’est-ce que cette approche apporte aux clients ? NICOLAS BERNARDY Plus de sécurité et de réels gains d’efficacité dans la manière d’accompagner un dossier. Dans notre approche, le fait de travailler en équipe avec des spécialistes de chaque domaine du droit permet de soulever des questions annexes, périphériques au sujet initial, mais tout aussi cruciales. Nos avocats ont une connaissance précise de l’ensemble du dossier et peuvent l’analyser en globalité au lieu de se concentrer sur un aspect particulier pris hors de son contexte. En adoptant une vision plus globale, la diversité des expertises permet une meilleure compréhension des enjeux du client et de lui proposer la solution la plus adaptée à ses besoins. NICOLAS THIELTGEN Les attentes du client ont fortement évolué ces dernières années. Ils attendent de nous que nous soyons réellement impliqués dans leurs affaires, que nous connaissions leur organisation, que nous devenions partenaires de leur développement. Il faut donc adopter une approche pragmatique, en proposant, plus que des avis juridiques, des solutions qui s’inscrivent dans un contexte donné.
Nicolas Thieltgen Managing Partner de l’étude depuis 2015, Nicolas Thieltgen est responsable du département Droit bancaire et financier . Il est reconnu pour son expertise dans les contentieux bancaires et financiers et dans les litiges entre actionnaires.
Nicolas Bernardy Nicolas Bernardy, associé en charge du département Droit commercial – Droit des sociétés depuis 2015, est spécialisé en droit des sociétés, droit de la faillite et autres procédures collectives, avec un accent sur les restructurations et les fusions et acquisitions.
Marie Bena Marie Bena, associée, dirige le département Contentieux depuis 2005. Elle est spécialisée dans les litiges complexes et de grande envergure. Elle assiste ses clients sur des questions liées au droit commercial, droit du travail et de l’immobilier.
ns rmatio d’info t s lu p Pour cabine rtners a sur le en & P Thieltg r e h c Bru aw.lu
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Data Dada #Assurances
Un secteur qui (r)assure sur le long terme
2.000 (en millions d’euros)
Sur 10 ans, le secteur des assurances affiche une progression honorable, selon son régulateur. Malgré les inondations de juillet, 2021 devrait même permettre d’atteindre des records de croissance avec 11,5 milliards d’encaissements en assurance non-vie et 20 milliards en assurance-vie au 3e trimestre 2021, soit respectivement 12 % et 43 % de plus qu’en 2020, indiquent les derniers chiffres du Commissariat aux assurances (CAA). Dans le même temps, de nouveaux risques technologiques et climatiques devront être intégrés au business model des entreprises. Auteur AURÉLIE BOOB 1.500
1.000
LÉGENDE Résultats nets des principales entreprises régulées par le CAA.
Nombre d’emplois dans les principales entreprises régulées par le CAA.
Réassurances Assurances-vie
Réassurances Assurances-vie
Assurances non-vie
Assurances non-vie
Source
Rapports annuels et annexes du Commissariat aux assurances (CAA).
500
1.303
1.334
2.391
2.265
1.932
1.702
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2.381
1.377
2.431
2.077
2.248
2013
2014
1.396
2.520
2.568
1.181 2.631
2.802
0
2011 26
2012 DÉCEMBRE 2021
2015
2016
194 entreprises de réassurances de droit luxembourgeois
Catastrophes naturelles Baisse de rendement sur les actifs et chute du revenu net de 30 % chez Swiss Re, le leader luxembourgeois de la réassurance, suite aux catastrophes naturelles de 2017. Une absorption des coûts qui s’est ressentie sur deux années : 2017 et 2018.
Le move post-Brexit Déplacements des head quarters européens des compagnies d’assurances de Londres vers Luxem bourg suite au Brexit.
279
Concentration en cours Le secteur poursuit sa concentration avec, entre 2011 et 2021, une diminution des entités (passant de 355 à 279), mais une progression de l’emploi.
1.622
La facture climatique Le développement durable et surtout les catastrophes naturelles se matérialisent d’ores et déjà dans les interventions des assurances. Zoom sur trois chiffres-clés au Luxembourg
2.885
48 %
2.787
8.723
2.692
3.759
3 fonds de pension
Parmi les entreprises du secteur, l’Association des compagnies d’assurances et de réassurances (Aca) compte 141 membres, dont 69 assureurs-vie et non-vie, 17 réassureurs et 55 membres associés.
1.622
1.511
11 succursales de compagnies étrangères
Source Annexes des rapports annuels du CAA 2011-2020
Effets collatéraux Hausse de la sinistralité en Europe avec les inon dations dans le sud de la France (Aude) et les incendies en Grèce. Des coûts partagés entre les assureurs et les réas sureurs (assureurs des assureurs). Ces derniers ont vu, eux aussi, leurs résultats nets baisser.
1.262
71 entreprises d’assurances de droit luxembourgeois
8.284
Près de la moitié des membres de l’Aca mettent en œuvre la durabilité dans leurs activités au sein de leur organisation interne.
230 M€
2.687
C’est le montant versé par les assureurs ces trois dernières années pour les sinistres générés par les catastrophes naturelles (y compris les inondations).
3.762
125 M€
C’est la somme déboursée par les assureurs uniquement pour les inondations de l’été 2021. Source
2017
2018
2019
Aca
2020 DÉCEMBRE 2021
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Conversation
« J’ai le plus
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du Lu
Patrick Hansen
beau job Interview THIIERRY LABRO
Luxaviation sera majoritairement américaine avant la fin de l’année. Un tournant pour le « bébé » de Patrick Hansen, qui a déjà commencé ses activités à New York en septembre. Face à Warren Buffett et Bill Gates, « je dois trouver de l’argent », assure le CEO d’un des leaders mondiaux de l’aviation d’affaires, qui entend devenir le chef de file de la révolution électrique.
Photo GUY WOLFF
xembourg »
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Conversation BIO EXPRESS
Carrière Il est aujourd’hui CEO de Luxaviation (depuis février 2010), directeur de Saphir Capital Partners et directeur non exécutif de Maritime Construction Services. Services depuis 2009.
y a eu des confinements, nos mouvements ont diminué, tant dans l’air qu’au sol. Mais lorsque les confinements ont pris fin, nous avons vu une augmentation significative de l’activité. Comme s’il y avait une poussée de nos clients qui voulaient sortir de leur pays. Une poussée comme nous n’en avions jamais vu. Le meilleur exemple de tout cela, c’était en décembre 2020, avec l’énorme augmentation du trafic vers Saint-Martin, où nous avons une base. Tous les gens sont allés làbas. Cela m’a donné beaucoup d’espoir sur ce qui allait suivre. Les mois qui ont suivi ont été moins difficiles que ce que nous avions imaginé au début de la pandémie. Voici pour la vue macro de la situation. Si on y regarde de plus près, nous sommes présents sur tous les continents, dans beaucoup de pays, et c’est notre diversification géographique qui nous a montré les avantages et les limites de notre business model. L’Afrique du Sud a été une catastrophe pendant tous les mois du
« C’est irréaliste de penser que vous allez gagner une bataille aux États-Unis contre Warren Buffett et Bill Gates. Mon objectif est d’aller là-bas pour prendre mes parts de marché, pour devenir un des plus grands dans l’électrification de l’aviation d’affaires. » 30
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confinement. Il ne s’y passait rien. L’Australie n’a commencé à rouvrir que début novembre. L’Asie est encore largement fermée. Ces pays souffrent. En tant que Luxembourgeois, on a vu que l’Europe allait mieux. Dubaï allait très bien, et l’Asie était fermée. La somme de ces différences explique pourquoi nous avons pu traverser cette crise. L’image de Luxaviation reste celle d’une société luxembourgeoise, avec des jets qui arrivent et qui partent d’ici, mais ce n’est plus du tout la réalité… Sur nos 1.400 employés, seuls 100 travaillent ici. Et encore, les pilotes et équipages ne sont quasiment jamais au Luxembourg. Nous avons une responsabilité sur 5.000 petits-déjeuners dans le monde : ceux de la famille de nos employés. Et ce n’est pas parce que l’Europe va bien que tout va bien partout. Comment gère-t-on cet aspect quand on est le chef d’une entreprise mondialisée ? La crise vous a-t-elle appris à mieux gérer ces différences culturelles ou sociétales ? Depuis toujours, Luxaviation est luxembourgeoise, parce que son équipe dirigeante est luxembourgeoise, mais la société a toujours été internationale. Les clients sont internationaux, et les vols sont internationaux. D epuis 2015, le sujet est récurrent : comment fédérer tout le monde autour d’une culture commune, fournir un service excellent à une clientèle exigeante, avoir du respect en interne pour ses collègues ? Nous y travaillons d epuis ce moment-là en collaboration avec le groupe Ritz-Carlton, qui est confronté aux mêmes problématiques. Dans la crise, nous avons rencontré des situations particulières, compte tenu de notre activité sur plusieurs latitudes. Si on tourne très bien dans un pays X en Europe, c’est difficile de dire « on prend votre argent » pour supporter les collègues à l’autre bout du monde, avec lesquels ils ont peu à faire au quotidien. Cela crée un certain nombre de tensions que j’ai essayé d’apaiser avec mon équipe dirigeante. Comment y parvient-on ? J’ai passé beaucoup de temps à parler. Je parle, je parle et je parle. J’ai passé toutes mes journées au bureau à discuter sur Teams avec les équipes, pour que tout le monde travaille dans la même direction. Pour y parvenir, il faut pouvoir leur montrer cette direction. Quelle est-elle ? La place de numéro 1 mondial de l’aviation d’affaires ? Je n’ai pas l’ambition d’être numéro 1 mondial. C’est un mauvais objectif. Ce qui est très clair, en revanche, c’est que je suis et veux rester leader dans notre niche de l’aviation d’affaires. Une force dominante qui sait e mmener
Shutterstock
En avril 2020, au tout début de la pandémie, vous étiez furieux contre des journaux, comme le Financial Times, qui affirmaient que l’aviation d’affaires profitait de la crise pour travailler davantage, ce qui n’aurait pas reflété la réalité. Vos résultats annuels semblent montrer que vous n’avez pas si mal traversé la crise que cela. C’est aussi votre sentiment ? Lorsqu’en avril, tous les avions étaient au sol et que notre chiffre d’affaires se réduisait à peau de chagrin, je préférais être très pessimiste et essayer de nous préparer à traverser une crise, plutôt que de dire « ce n’est qu’une crise, et dans un mois, ça sera réglé ». Au cours des 18 mois qui ont suivi, chaque fois qu’il
Ses débuts Il a commencé sa carrière dans la finance et la banque et a créé avec succès plusieurs entreprises, dont une qui a été vendue à une société cotée au Nasdaq (MMW) et une autre vendue à une société cotée à la Bourse d’Australie (REA).
Photos
Plus de 10 ans après son arrivée aux manettes de Luxaviation, Patrick Hansen conserve les mêmes yeux pétillants qu’un enfant qui déballerait ses cadeaux sous l’arbre de Noël. L’année et demie qui vient de s’écouler depuis le début de la crise l’a conforté dans l’idée que l’entreprise spécialisée dans l’aviation d’affaires devait avoir une empreinte mondiale et qu’il devait être aux avant-postes de la révolution électrique menée à coups de milliards de dollars par des « gamins » auxquels il tend la main depuis quatre ou cinq ans. Depuis son bureau de l’avenue Kennedy, au Kirchberg, les seuls avions que l’on voit sont des maquettes. Alors que l’Australie rouvre ses aéroports pour son plus grand bonheur, le CEO de Luxaviation a lâché son smartphone, qu’il scrute « reli gieusement », pour un tour d’horizon sur le destin de cette pépite luxembourgeoise qui tutoie les plus grosses fortunes de la planète.
Formation Patrick Hansen, né au Luxembourg en 1972, est titulaire d’un diplôme d’ingénieur commercial de l’ICHEC Bruxelles et d’un MBA en finance obtenu à la McGill University.
Patrick Hansen
LUXAVIATION EN CHIFFRES
l’industrie, nos clients et nos employés sur une route en laquelle nous croyons. Tout le monde a compris qu’il fallait se mobiliser et avancer. Nous ferons partie de la révolution de l’aviation électrique. Cela implique à court terme d’aller aux États-Unis. Pourquoi ? C’est impossible ? Le numéro 1 mondial a toujours été Warren Buffett. Imaginez que je suis à table avec lui, à me trouver un marché qui soit partout sauf aux États-Unis. Pendant la crise, la porte s’ouvre, et Bill Gates vient s’asseoir à la table parce qu’il vient de s’acheter Signature Aviation (dont la société d’investissement, Cascade, a rejoint un deal à 4,3 milliards de dollars en février, ndlr). Les deux ont bien plus d’argent que nous n’en aurons jamais. Nous devons nous positionner par rapport à cette concurrence. Ils sont plus riches, nous sommes plus agiles. Nous ne serons jamais numéro 1.
1.100
Le groupe Luxaviation compte 1.100 employés.
251
avions, dont 246 opérés et propriétés de clients.
26
Présent dans 26 aéroports (FBO).
50.000 clients.
23 mios €
Ebitda de 23 millions d’euros, à fin 2021.
connaissons les gens, nous sommes proches de ce segment qui gagne en visibilité. Nous avons joué notre carte de first mover. Dans le futur, nous allons nous positionner avec eux pour dire que nous allons les opérer, car quelqu’un devra opérer tous ces engins lorsqu’ils vont voler, qu’ils devront décoller et atterrir quelque part. Notre pari est de considérer que le premier endroit où cela va être possible avec la réglementation sera les aéroports. Nous sommes sur 26 aéroports dans le monde. Nous devons les préparer à accueillir ces engins électriques. Ils doivent repartir dans les 30 minutes, donc il faudra les recharger très vite. Nous allons prendre cela en charge. Troisième point, nous avons environ 50.000 clients loyaux à travers le monde. Ils seront les premiers utilisateurs de cette technologie. Est-ce qu’ils sont demandeurs ? Non. Bien sûr que non, puisqu’ils ne savent pas que cela existe ou que cela n’est pas d isponible. En ont-ils besoin ? Oui. Aujourd’hui, ils le satisfont avec les moyens qui existent, comme l’hélicoptère.
Source
Luxaviation
Est-ce que c’est frustrant ? Après toutes aujourd’hui, je sais qu’ils ont l’argent. Il y ces années, vous pourriez avoir envie a trois ou quatre ans, nous sommes allés d’aller titiller les plus puissants. dans la Silicon Valley. Nous nous posions la Non, c’est marrant. Savoir que l’on doit creuser question de savoir ce que nous allions devenir un petit trou dans leur jardin est très marrant. si tout devenait digital. La question est très Une chose est d’avoir une vision de l’endroit destructrice. La réponse était de nous concen- Là, vous parlez surtout de la question du où l’on veut arriver, et l’autre est d’avoir des trer sur les trois choses sur lesquelles nous décollage et de l’atterrissage verticaux… objectifs irréalistes. C’est irréaliste de penser sommes bien placés : l’opération d’un engin, Oui, je parle de vols de 50 à 150 kilomètres, que vous allez gagner une bataille aux États- que ce soit un petit jet ou un hélicoptère ; qui vont être pris en charge par des engins Unis contre Warren Buffett et Bill Gates. Mon l’expérience client ; et, enfin, notre longueur électriques. La COP26 s’est tenue exactement comme objectif est d’aller là-bas pour prendre mes parts d’avance sur l’informatisation interne. La de marché, pour devenir un des plus grands question est devenue : Pouvons-nous valoriser les autres. C’est toujours la réunion de la dans l’électrification de l’aviation d ’affaires. tout cela dans le monde des eVTOL (avions dernière chance, mais on n’a pas franchement Sachant qu’il y a 10 ans, nous n’avions qu’un électriques à décollage et atterrissage verti- l’impression que les dirigeants vont se mettre avion, c’est un très grand défi ! caux, ndlr) ? Il y a quatre ans, c’était e ncore d’accord, ni même avoir des ambitions à la une idée farfelue. Nous suivons cela, nous hauteur des enjeux. À quel moment considérez-vous que vous avez atteint la destination que vous aviez envie d’atteindre ? Si, en avril 2020, un de mes objectifs était de traverser la crise avec le moins de dommages LA COMPOSITION LXA Capital possible, alors nous avons atteint cet objectif. DE LUXAVIATION 7 % Le prochain est de développer notre présence Le conseil d’administration aux États-Unis. Patrick Hansen Luxaviation Holding 2 Est-ce que cela prend deux ou trois ans ? John Penning 45,83 % Dans mon plan, j’ai cinq ans pour devenir un LPS Holding Ltd Pit Hentgen acteur significatif et être le leader dans 15,83 % Tianchi Song l’électrification. Wei Han Tan Technologiquement, est-ce que l’aviation est prête pour cette révolution ? C’est une question d’attitude. Tous ces gens qui construisent de gros avions ne sont pas aptes à développer des avions électriques très rapidement pour jouer un rôle important dans cinq ans. Cette innovation va être poussée par de jeunes sociétés avec de brillants ingénieurs. Le problème va être la régulation autour de ces engins volants. Techniquement, c’est absolument faisable pour de jeunes pousses qui ont reçu l’argent pour se développer. Il y a deux ans, j’aurais été plus dubitatif, mais
L’équipe dirigeante Patrick Hansen, CEO Mike Berry, directeur opérationnel Sally Jones, directrice financière Christophe Lapierre, chief strategy officer Michel Tohane, directeur des FBO Services
LUXAVIATION HOLDING
CM Luxembourg Investment Company (China Minsheng Investment Group)
31,34 %
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Conversation Patrick Hansen
convaincu que nos clients peuvent l’acheter. Je me confronte au jet-lag… Il y a 10 ans, je le Votre plaidoyer pour l’électrique, c’est une croyance, du marketing pour À partir de 2022, nous allons mettre ce carbu- vivais beaucoup mieux. Je ne suis pas C hristophe votre société ? Vous roulez en voiture rant dans nos avions. Au lieu de demander si Colomb qui découvre l’Amérique. Le grand électrique, par exemple ? le client est pour ou contre, nous allons dire défi reste le financement. Je ne peux pas être Je ne roule plus en électrique. J’ai arrêté. Je que nous avons mis ce carburant et demander à table avec Warren et avec Bill si je n’ai pas roule énormément en Europe, et je dois avoir au client de dire non s’il n’en veut pas. Nous un peu plus d’argent. Surtout si je viens dans la certitude de faire des allers-retours sans emmenons nos clients et l’industrie dans une leur jardin prendre les fruits. Je dois trouver difficulté. Dès que je ne serai plus coincé dans certaine direction. C’est aberrant de penser l’argent pour financer ce challenge. les Ardennes parce que je veux faire l’aller-retour que ce sera du 100 %. Mais plutôt du 5 %, 10 %... à Bruxelles dans la journée, je réexaminerai ou 20 % maximum. Il y a un marché, mais Luxaviation doit être américaine… la situation. Nous faisons plein de choses à pas les raffineries, ni l’infrastructure. Tout le Aujourd’hui, nous vendons beaucoup de nos court terme pour favoriser la décarbonisation. monde a compris qu’il aurait intérêt à a cheter services à des Américains lorsqu’ils vont en dehors des États-Unis, et ils les apprécient Mais ce n’est pas parce je roule beaucoup, ou ce carburant. en raison de leur qualité, qu’ils ne trouvent pas à l’électrique, que ça change beaucoup la pas chez eux. Je veux que nous conservions situation de Luxaviation. La situation de la Vous n’avez pas répondu à ma question : société est surtout dirigée par deux facteurs : ce changement vers l’électrique est cet ADN, chéri également par les Asiatiques. ce qui entre dans le fuel (c’est la question du dû à des convictions, ou à un sens aigu La question est plus réglementaire que cela : carburant durable), et savoir si on compense du business ? je ne peux pas vendre ces services d’opérateur nos émissions de CO2 ou non. Est-ce que nos J’ai trois filles. Si vous m’aviez posé cette ques- d’avions aux États-Unis parce que je n’ai pas véhicules sont électriques ? Est-ce que nos bâti tion il y a 10 ans, je vous aurais répondu que plus de 51 % de capital américain dans la société. ments sont respectueux de l’environnement ? ce n’était pas mon dada. Mes trois filles, qui Chaque tonne que nous émettons en vol – en ont 12 ans, 10 ans et 5 ans, en parlent avec moi. Du coup, vous cherchez du capital ce moment, presque chaque tonne – est au C’est devenu bien plus qu’une opportunité. américain… Ce qui ne tombe pas si mal, moins une fois compensée, sinon deux fois. J’ai réalisé que nous devions faire quelque puisque vos actionnaires chinois, À partir de 2022, cela deviendra au moins une chose pour la planète. Je dois y contribuer. China Minsheng Investment (CMI), fois toute tonne. Il y a une compensation obli- Certains diront que ce serait plus simple de sont dans une situation compliquée… gatoire et une volontaire. L’obligatoire est déjà ne plus faire voler mes avions. Je ne peux pas Après, vous me dites que je suis opportuniste ! en place, mais cela ne concerne que les émis- arrêter du jour au lendemain. sions au-dessus d’un certain endroit : l’Europe. Ce n’était pas une critique ! Oui, je suis en train de lever du capital amériLa partie volontaire est effectuée dans tous Est-ce que cela vous tenterait ? cain. Mais cela n’a rien à voir avec les Chinois. les autres endroits. À partir de 2022, nous Vous êtes là depuis plus de 10 ans ; aurons acheté les droits pour les deux volets. vous pourriez très bien avoir fait J’entre sur le marché américain. C’est utile d’avoir C’est extrêmement important, mais personne le tour de la problématique… du capital, mais aussi des investisseurs avec un ne le voit. Pour les gens, un jet pollue. C’est Au cours des 18 derniers mois, je me suis réseau et un savoir. C’est nécessaire pour rentrer vrai, mais votre maison aussi, les vaches aussi, bien moins amusé, parce que je devais faire intelligemment aux États-Unis. Mon art doit des choses qui ne sont pas nécessairement être de faire que tout cela matche ensemble. les fabricants de ciment aussi… en ligne avec mon caractère. Mais j’ai le plus Nous sommes en train de ficeler tout cela. Vous n’en parlez pas, vous qui faites beau job du Luxembourg. J’aime visiter le beaucoup de marketing… monde. J’aime développer mes affaires. J’aime Nous parlons de quelle enveloppe ? Il y a beaucoup de gens qui en parlent et qui rencontrer un client, même seulement pour Un montant à neuf chiffres. En centaines ne font rien. Je préfère agir… 400 jets sont lui vendre pour quelques milliers d’euros de de millions. arrivés à la COP26 à Glasgow. La plupart ont prestations de services. Je fais tout ce qui demandé qu’ils soient remplis de fuel « vert ». m’amuse, et je gagne de l’argent. C’est un Quelle sera votre marge de manœuvre ? Nous sommes parmi les premiers à vouloir nous secteur extrêmement sexy. J’ai une équipe Aujourd’hui, ce n’est pas vraiment un approvisionner de ce carburant. S eulement, il autour de moi qui a appris à me supporter. secret, vous avez un large contrôle ne faut pas se leurrer : il n’y a que deux raffi Pour moi, c’est fantastique. La découverte des sur la société. Vous n’êtes pas menacé, neries dans le monde – une en Finlande et États-Unis, c’est comme lorsque nous avons parce qu’il ne vous resterait que 2 % du capital de la société… une en Californie. Même pour faire voler notre commencé l’aventure. Je n’ai pas réfléchi à ça… parc, ça ne suffit pas. Et l’avoir au point de départ de nos avions est impossible. Le prix Qu’est-ce que vous découvrez Mais si ! Évidemment que si ! de ce carburant est exorbitant. Mais je suis de si particulier ? Il faut trouver une bonne balance entre le contrôle et la taille du projet. La société est bien plus grande que moi. J’ai une très bonne équipe de gestionnaires. Il faut, si on veut aller là où on veut aller, qu’on ouvre le capital… Je n’ai pas trop peur pour mon futur.
« Pour les gens, un jet pollue. C’est vrai, mais votre maison aussi, les vaches aussi, les fabricants de ciment aussi… » 32
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À quelle échéance cela va-t-il arriver ? D’ici la fin de l’année. C’est mon but. L’année prochaine sera une année de gros changements pour moi. Je veux qu’en 2022, les a cquisitions que j’ai préparées puissent être entièrement réalisées.
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Conversation Patrick Hansen
Est-ce que Luxaviation pourrait être amenée à déménager aux États-Unis ? Non. Regardez mon jardin. J’ai un grand labyrinthe. Si vous volez au-dessus de mon jardin, vous comprendrez que le quartier général restera ici. L’organisation de la société est compliquée, fractionnée, entre autres, par activité… Oui. Nous avons tellement de sociétés… mais il faut toujours gérer les risques. Nous avons fait des acquisitions. Parfois à 70 %, parfois à 30 %. C’est extrêmement fractionné, mais le quartier général restera ici. Vos actionnaires de CMI – plus de 30 % de votre capital – sont la structure d’investissement d’une des banques les plus exposées à une faillite éventuelle d’Evergrande. Cette structure est elle-même fortement endettée au point d’avoir renégocié sa dette en 2019. Pas forcément idéal pour vous. Quel genre d’actionnaires sont-ils ? Ce n’est pas tout à fait la même structure. Jusqu’à 2017-2018, ils étaient actifs. Entrés en 2015, ils avaient investi dans un opérateur chinois, et ils étaient dans une ambiance de gold rush pour prendre le lead du marché chinois. En 2018, cette attitude a changé. Ils m’ont informé qu’ils allaient endosser un rôle beaucoup plus passif. Nous avons de bonnes discussions, mais il n’y a plus cette ambition de conquête. Nous avons dû nous adapter.
MOMENTS-CLÉS 2008 Fondation de Luxaviation. 2011 Acquisition de Fairjets. 2013 Acquisition d’Abelag.
2015 Acquisition d’Execujet. 2019 Cession de la maintenance à Dassault Aviation. 2020 Cession des 20 % de Lufthansa Bombardier Acquisition du terminal VIP du Bourget. 2021 Entrée sur le marché américain à New York Entrée au capital de la start-up allemande Lilium. 2021 Partenariat avec Shell pour le carburant sur les FBO.
Ils n’ont pas tellement le choix. Ils sont surtout occupés à essayer de s’en sortir, non ? Je ne sais pas. Ils font leurs choix. Ils m’en informent. Nous, nous avons dû faire une croix sur le marché chinois et sur un certain nombre
de choses que nous avions planifiées. Nous avons fait quelques acquisitions d ’hélicoptères, quelques FBO (des points de présence dans des aéroports, ndlr). Nous avons dû adapter notre structure bilantaire en fonction de ce qu’ils m’avaient annoncé. C’est dommage, parce que le marché chinois est peut-être un des plus dynamiques au monde en termes de clientèle potentielle pour la niche dans laquelle vous travaillez… C’était clairement une volonté en 2015. Nous n’allons pas attaquer le marché chinois sans avoir beaucoup d’argent pour le faire. Si je n’en ai pas, je n’y vais pas. J’aurais juste eu une chance parce que j’avais des actionnaires chinois qui pouvaient m’aider. J’ai abandonné cette idée en 2018. Dans la gouvernance de Luxaviation, on peut aussi voir que François Pauly a été remplacé par Pit Hentgen au conseil d’administration. Pourquoi ? M. Pauly est devenu CEO d’Edmond de othschild (en mai dernier, ndlr), et il n’était R pas compatible pour lui d’avoir les deux m andats. Ils sont issus du même groupe d’investisseurs (François Pauly et Pit Hentgen sont cousins, issus de l’entreprise familiale Lalux, ndlr). C’est avec plaisir que j’accueille Pit. À propos de recrutement, on disait que l’aviation commerciale allait connaître un boom incroyable et que les pilotes
L’AVION ÉLECTRIQUE DANS LE VENT
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Lilium : le chouchou de Luxaviation La start-up de Munich devrait faire décoller ses premiers jets électriques dès 2024 en Allemagne, puis en Floride et au Brésil. Luxaviation espère permettre à ces jets, qu’ABB rechargera en 30 minutes, d’effectuer 20 à 25 vols par jour.
Archer : la fusée américaine Après avoir levé un milliard de dollars auprès d’United Airlines, Archer est entré en bourse pour lancer au plus vite son Maker, un avion électrique à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL) qui a déjà reçu le feu vert des autorités et qui intéresse le constructeur automobile Stellantis.
Joby et les poids lourds Uber, Linkedin, Zynga ou les premiers investisseurs de Tesla et de Toyota se bousculent pour financer ce constructeur de taxis du ciel, autonomes sur 240 km et capables d’atteindre 350 km / h.
Photos
eCaravan : du neuf avec du vieux Il y a près de deux ans que MagniX et AeroTEC ont fait voler un Cessna Grand Caravan de 750 chevaux. L’eCaravan avait 160 km d’autonomie grâce à 1,8 tonne de batteries lithium-ion à bord, et de la place pour neuf passagers.
AeroTEC, Lilium, Archer et Joby
Boeing, Airbus, Embraer ou Bell y accordent autant d’attention que la Nasa, leurs fournisseurs ou même les constructeurs automobiles. Selon IDTechEx Cambridge, d’ici 2041, les avions électriques – plutôt hélicoptères, tiltrotor ou tiltwing – représenteront près de 15 milliards de dollars. Les start-up s’occupent de casser les codes à coups de milliards levés dans les Spac.
Conversation Patrick Hansen
What else? (Il va chercher son smartphone dans son bureau, ndlr) Je suis un fan de statistiques. 29.327 heures aujourd’hui. Ce qui est 30,5 % plus élevé que l’an dernier à la même époque. Nous espérons atteindre les 38.000 heures.
seraient des personnels rares et très prisés. Ça doit être encore plus compliqué pour vous de recruter les plus qualifiés, dans l’état d’esprit que vous souhaitez avoir… Il y a beaucoup de pilotes sur le marché aujourd’hui. Lorsque l’on parle de « pilotes », beaucoup de gens pensent qu’ils vont sur une ligne commerciale, parce que cela leur permet de savoir quand ils vont aller à tel ou tel endroit, et où ils dormiront le soir. Chez nous, c’est complètement différent. Les pilotes ne savent pas le matin où ils vont dormir le soir ni pendant les deux semaines s uivantes. Dans le p assé, notre filière, c’était les m ilitaires. À 35 ou 40 ans, ils partent à la retraite, mais sont fit to fly. Ce sont des gens qui comprennent mieux notre lifestyle. Ils comprennent beaucoup mieux les règles que ceux qui n’ont jamais dû porter un bagage… Quelles sont les technologies qui vous intéressent ? L’hydrogène, non ? Oui. Mais il faut toujours regarder le cas d’usage. L’hydrogène sera plus approprié à l’aéroport pour électrifier les avions que dans les avions directement. Il faut aussi savoir où nous nous positionnons. Nous n’avons pas les ressources financières pour faire de la recherche et du développement. Nous pouvons supporter des sociétés comme Lilium, pour réfléchir à l’entraînement des pilotes, pour adapter les simulateurs aux réglementations… Nous pouvons aider, mais pas faire de la recherche fondamentale. Nous sommes actifs dans un certain nombre de forums autour des engins électriques du futur ou de la mobilité urbaine. Vous le disiez tout à l’heure, vous êtes assez en avance sur la digitalisation. Au point de tout savoir de vos clients ? C’est cela, votre capacité à leur fournir un service de très haute qualité ? La qualité de service, chez nous, est définie par un certain nombre de choses. La sécurité en premier, mais c’est le cas chez tout le monde. Les entraînements et formations de nos équipages et non-équipages sont très stricts. Au-dessus de la moyenne du monde de l’aviation, sûrement. Plus la partie de l’hospitalité – très peu de gens font cela. Nous suivons des procédures, nous ne laissons rien au hasard. Le recrutement est lui aussi très strict. Nous devons avoir les bonnes personnes, et pas seulement les gens qui sont disponibles ou qui en ont envie. Enfin, il y a une partie d’intelligence informatique, ce que nous faisons depuis sept ans. Avant qu’une rock star n’entre dans notre avion, je connais tout d’elle, ce qu’elle aime manger ou boire, par exemple. Donnez-moi des statistiques ! Par exemple, en 2020, vous avez comptabilisé 31.364 heures de vol, soit 39 % de moins qu’en 2019.
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Il vous manque encore 20.000 heures par rapport à 2019. Oui. Aujourd’hui, ce sont surtout les petits avions qui volent. L’Australie était fermée, l’Afrique était fermée, personne ne vole jusqu’aux États-Unis, l’Asie est fermée. Il y a encore de la marge à rattraper ! Au début, on disait que l’aviation ne se récupérerait pas avant 2024-2025. Aujourd’hui, on a rapproché le moment du « retour à la normale » à 2022-2023. Vous partagez cette analyse ? J’espère que, dès que les lockdowns seront finis, nous récupérerons immédiatement notre clientèle. Ce soir, je vais regarder en Australie, et je suis sûr que nous aurons vendu plein de vols long-courriers. Je suis sûr que nos clients seront là. Ils attendent. Vous espérez terminer l’année sur un bénéfice ? Oui.
FAST & CURIOUS Première voiture électrique ? Ma première voiture électrique était une BMW hybride. Premier voyage en avion ? Lorsque j’ai eu 18 ans, mon parrain m’a offert un vol pour New York depuis Luxembourg, avec escale à Reykjavik. Plutôt chardonnay américain ou rioja espagnol ? Chardonnay américain ! Bruce Springsteen ou Moby ? Bruce Springsteen est mon chanteur favori. Le jet de vos rêves ? Le Falcon 10X. L’aéroport où vous voudriez être présent ? Singapour. eCaravan de MagniX ou Lilium jet ? C’est clairement biaisé, puisque nous collaborons avec Lilium ! Retrouvez l’interview vidéo Fast & Curious de Patrick Hansen sur paperjam.lu.
Vous aviez déjà bien limité les pertes… La mesure est l’Ebitda. La perte est le résultat d’inscription comptable. Cette année, nous tournerons autour d’un Ebitda de 23 millions d’euros. Vous y arriverez. Ça paraît évident. Si vous comptez trouver des investisseurs américains, il faut pouvoir leur présenter une mariée dans ses plus beaux habits… On a réalisé beaucoup de travail au cours de la dernière année. J’achète plein de données partout où c’est possible pour connaître chaque développement, pour savoir où je peux attaquer un marché, et comment. J’aime les statistiques, et je suis cela religieusement. C’est grâce à cela que je détecte des problèmes et des opportunités.
BRAND VOICE
Assurance-vie
Satisfaire les attentes d’une clientèle fortunée Contenu sponsorisé par SOGELIFE
L’assurance-vie attire une clientèle fortunée prête à investir pour préserver son patrimoine. Pour répondre aux exigences de celle-ci, les compagnies optent pour la diversification des produits et misent sur le digital pour permettre de fluidifier les process et d’améliorer l’expérience des clients et partenaires. Les HNWI (high net worth individuals) et UHNWI (ultra high net worth individuals) ont des attentes et objectifs bien précis, en adéquation avec leurs patrimoines. Des besoins auxquels les spécificités du Luxembourg permettent de répondre. « Un de nos atouts principaux réside dans la possibilité de faire cohabiter au sein d’un même contrat tous types de solutions d’investissements, des plus simples comme les Fonds Externes ou le Fonds Général au plus sophistiquées comme les Fonds Internes Dédiés en gestion discrétionnaire, les Fonds Internes Collectifs, ou les Fonds d’Assurance Spécialisés en gestion libre ou conseillée. Nous possédons l’expertise pour utiliser pleinement la large diversité des actifs disponibles règlementairement au Luxembourg. », explique Emmanuel Roque, Directeur du Développement Commercial chez SOGELIFE. Cet éventail de solutions permet de répondre aux attentes de cette clientèle 38
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SOGELIFE EN CHIFFRES
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SOGELIFE couvre neuf marchés.
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En août 2021, la compagnie a dépassé les 13 milliards d’euros d’encours.
exigeante, non seulement lors de l’entrée en relation, mais tout au long de la vie du contrat. En effet, la possibilité de modifier au fil du temps une police luxembourgeoise constitue une autre particularité du Grand-Duché. « Un contrat luxembourgeois est modulable à souhait : ajouter un gestionnaire ou en supprimer un, changer la ou les banques dépositaires ou l’intermédiaire d’assurance est possible à tout moment. Ces caractéristiques techniques en font un véhicule stable et durable dans le temps. C’est bien la vocation de nos
contrats d’assurance-vie, rachetables à tout moment, mais qui peuvent aussi accompagner un investisseur jusqu’à sa succession, voire au-delà en cas de démembrement, et quelle que soit la situation internationale. » Grâce aux équipes d’ingénierie patrimoniale et juridique, la compagnie est en mesure d’accompagner les clients en cas de changement de résidence fiscale et autres situations cross-border afin de s’assurer que les contrats restent conformes. Au-delà de cette flexibilité, les HNWI sont à la recherche de sécurité. Les dispositions du cadre réglementaire, à travers le triangle de sécurité et les garanties octroyées aux preneurs d’assurances, transformés de fait en « créanciers super privilégiés », offrent une protection sur les actifs unique en Europe. S’appuyer sur un réseau de partenaires Pour accompagner au mieux cette clientèle fortunée,
SOGELIFE s’appuie sur son modèle BtoBtoC. « Pour avoir la chance de proposer nos services au client final, il faut d’abord compter sur des partenaires de confiance que sont les acteurs de la gestion privée en Europe (banques privées, gestionnaires de fortune, courtiers, family offices). Ce sont eux qui soumettent à leur clientèle nos solutions d’assurance-vie haut de gamme. Nous n’avons pas pour vocation de travailler en direct avec les clients ». Pour la compagnie d’assurance-vie luxembourgeoise, travaillant en libre prestation de services et couvrant neuf marchés européens, le moteur de l’économie liée aux placements financiers haut de gamme est la confiance. « Grâce au soutien de nos partenaires, groupe comme hors groupe, nous poursuivons notre croissance. Notre collecte annuelle se situe autour de deux milliards d’euros par an, principalement en Unités de Compte, et nous avons dépassé en août 2021 les 13 milliards
Emmanuel Roque, Directeur du Développement Commercial
« L’objectif est de rendre l’expérience de nos clients et partenaires la plus agréable possible. »
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Léo Biewer (Maison Moderne)
Emmanuel Roque Directeur du Développement Commercial chez SOGELIFE
d’euros d’encours. Cette tendance s’accélère, témoignant de notre faculté à saisir les opportunités de la reprise ». Afin de compléter son offre, SOGELIFE a intégré à ses contrats d’assurance des produits ISR (investissement socialement responsable). « Le parallèle entre les thématiques ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) et l’assurance-vie est évident : tous deux se placent dans une perspective de long terme et ont pour vocation la préservation et la transmission aux nouvelles générations. En outre, pour accéder à un large panel d’investissements ESG,il est nécessaire de recourir à tous types de véhicules, parfois non cotés et/ ou aux juridictions multiples : l’assurance-vie luxembourgeoise, grâce à son environnement réglementaire et son savoir-faire, est parfaitement adaptée à cela. » Des processus fluidifiés grâce au digital « La crise du Covid nous a conscientisés sur l’importance
du digital. L’objectif est de rendre l’expérience de nos clients et partenaires la plus agréable possible. Les parcours doivent être simplifiés de A à Z, tout en tenant compte de la complexité de notre environnement. Le digital est un outil incontournable au service d’une nouvelle fluidité opérationnelle. Chez SOGELIFE, nous offrons la possibilité de réaliser des souscriptions en ligne et offrirons début 2022, la signature électronique. » Grâce à cela le client, qui peut déjà accéder à ses informations, pourra réaliser à distance des opérations transactionnelles sur ses contrats et interagir avec ses conseillers et la compagnie d’assurance. Dans ce contexte, la compagnie a développé le programme D-Light, articulé autour d’un processus de co-création en trois axes : l’écoute des besoins des clients et partenaires, le travail autour des points d’amélioration et
le développement de plusieurs projets. SOGELIFE a notamment créé un espace BtoC, en complément du site dédié aux partenaires, pour que la clientèle accède aux informations qui la concerne. « Nous avons également mis en place une fonction de track and trace permettant à nos partenaires de suivre les demandes de la clientèle et les dossiers se trouvant en gestion chez nous. Outre le fait d’offrir une certaine autonomie à chacun, cet outil garantit une vue en transparence. »
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Guy Marong, CEO & Fondateur de Cubic Consulting.
Service et conseil
La cybersécurité, enjeu stratégique
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La digitalisation croissante de nos sociétés n’a pas seulement déplacé l’économie dans l’espace numérique, elle y a aussi attiré les criminels. Aujourd’hui, il n’est pas une semaine qui passe sans que l’on évoque l’une ou l’autre attaque informatique conduisant à des fuites de données, à l’immobilisation opérationnelle d’une entreprise, ou encore à des demandes de rançon. Et toutes les cyberattaques ne sont pourtant pas ébruitées…
Cela signifie que la menace, désormais, est omniprésente. Qui plus est, elle est bien plus organisée qu’il y a quelques années encore. « Le grand public n’a peut-être pas une idée précise de la cybercriminalité, estime Guy Marong, Managing Partner et fondateur de Cubic Consulting, société spécialisée dans la cybersécurité. Ce qui est clair, c’est qu’on n’est plus face à des individus isolés qui commettent des attaques ponctuelles, lorsque l’occasion se présente.
Au contraire, nous avons à présent affaire à une vraie industrie, structurée, qui dispose de spécialistes et d’intermédiaires dont certains travaillent quotidiennement, selon des horaires de bureau. » Cette industrialisation de la cyber criminalité fait sens, dans la mesure où une attaque au ransomware, par exemple, requiert des compétences variées : développement du logiciel, conception d’un mail permettant de transporter
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Face à une cybercriminalité devenue une réelle industrie, les acteurs publics et privés doivent désormais adopter des pratiques de cybersécurité plus structurées et réfléchies.
Simon Verjus (Maison Moderne)
Contenu sponsorisé par CUBIC CONSULTING
BRAND VOICE
TROIS IMPÉRATIFS EN CYBERSÉCURITÉ
le malware, capacité à évaluer la somme à demander à la victime pour décrypter ses données, etc. Être à la hauteur L’évolution des pratiques des cybercriminels, passés d’activistes isolés, et souvent amateurs, à de véritables spécialistes travaillant en réseau, impose une grande prudence aux acteurs publics et privés. Plus que jamais, il s’agit, en matière de cybersécurité, d’être à la hauteur aux niveaux technique et opérationnel. « Nous n’en sommes plus à cocher des cases nous permettant de rester en conformité, ou de procéder à de petits ajustements techniques, prévient Guy Marong. Notre point de vue, en tant que spécialistes de la cybersécurité, est qu’il faut à la fois élever le niveau technique en matière de défense, tout en impliquant le management dans le processus. Aujourd’hui, une cyberattaque peut avoir des conséquences stratégiques importantes pour l’entreprise, et les managers, comme le board, doivent impérativement pouvoir prendre les bonnes décisions quand un tel événement se produit. » Guy Marong sait mieux que personne de quoi il parle. Durant de nombreuses années, il a en effet travaillé dans différents pays d’Europe et d’Asie pour le groupe Sony, devenant CISO (Chief Information Security Officer) global en 2015. Chargé de la protection informatique de cette multinationale, il a été confronté à de nombreuses attaques d’envergure. « Cet apprentissage du terrain est sans doute le meilleur qui soit. La cybersécurité, c’est
« La cybersécurité, c’est comme un combat, avec une stratégie et un champ de bataille. »
« Sans mesure de la performance, on ne peut pas savoir si on a pris la bonne voie. » comme un combat, où il y a des réflexions stratégiques à mener et un champ de bataille sur lequel il faut tenir ses positions », précise celui qui est rentré dans son Luxembourg natal pour y fonder Cubic Consulting. Sécurité active et gestion du risque Au-delà de l’implication du management, Guy Marong estime que toute entreprise souhaitant renforcer sa cybersécurité doit déployer une vraie politique de gestion du risque d’une part, et un dispositif « tactique » de sécurité active, qui la défend en temps réel contre la menace d’autre part. « Évidemment, il faut aussi disposer d’une vision stratégique, évaluer dans quelle direction évoluent l’économie et donc la menace, poursuit le Managing Director de Cubic Consulting. Enfin, des métriques doivent être proposées pour mesurer l’effica cité des dispositions qui sont prises. Sans cela, on ne sait pas si l’on a pris la bonne voie ou non. » Parmi les technologies qui appellent une sécurisation renforcée, Guy Marong pointe notamment le cloud. « Il est indispensable d’avoir une grande expérience dans le secteur pour savoir comment aborder correctement le problème. De notre côté, nous pouvons dire au client : ‘Vous utilisez AWS ou Microsoft Azure, voici la protection qui vous est proposée, et voici ce qu’il faut encore faire pour mitiger totalement le risque.’ » Un travail en consultance C’est précisément cette expérience du travail au sein de grandes multinationales que Guy Marong et son équipe veulent mettre à disposition de toutes les entreprises
luxembourgeoises. « Avoir dû gérer les impératifs liés à la protection d’un groupe installé dans de nombreux pays, avec différentes cultures et un parc informatique de plus de 50.000 PC permet d’identifier plus rapidement les problèmes lorsqu’on travaille sur une échelle plus réduite, estime le chef d’entreprise. Pour accompagner ces structures plus modestes, nous mettons à leur disposition un consultant, qui se rend dans l’entreprise une fois par semaine ou quelques jours par mois, afin de former, d’améliorer les compétences techniques et managériales des équipes, et de les aider ainsi à mettre en place une réponse plus sophistiquée à la menace. Cette formule est moins coûteuse que d’employer une personne dédiée, à l’année. De plus, il est souvent plus facile de pointer les problèmes quand on vient de l’extérieur que quand les critiques sont internes. » En amenant une certaine discipline, une structuration de l’effort lié à la cybersécurité, Cubic Consulting veut aussi permettre à ses clients de prioriser les démarches en fonction de leurs moyens. La démarche apparaît aujourd’hui incontournable pour les acteurs luxembourgeois. « Le Luxembourg, en tant qu’État, peut être une cible pour d’autres pays comme la Russie ou la Chine. Il s’agit aussi d’une place financière dont certains acteurs pourraient être visés par les cybercriminels. Enfin, l’espionnage industriel est un autre risque pour certains acteurs présents sur le territoire. L’accélération de la digitalisation et le télétravail ne font que renforcer cette vulnérabilité », conclut Guy Marong.
La formation du management La cybercriminalité peut mettre en danger l’activité d’une entreprise. Il s’agit donc d’un enjeu stratégique dont le management doit maîtriser les tenants et aboutissants afin de prendre les bonnes décisions au moment opportun.
Les développements techniques La cybersécurité est évidemment aussi une question de technique : accélération du « patching » permettant de repérer et réparer les problèmes, développement d’une architecture IT mieux adaptée, gestion des applications et des end points, etc.
La vision stratégique L’entreprise doit être capable d’évaluer où se trouvent les risques les plus importants pour son activité et quels sont les éléments de sa ligne défensive qui laissent à désirer. Par ailleurs, elle doit aussi pouvoir anticiper l’évolution de l’économie et de la technologie pour adapter sa défense.
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La cybersécurité doit être thématisée dans les écoles et les universités, estime la présidente de Women Cyber Force.
Conversation Jelena Zelenovic Matone
« La diversité est déterminante pour la performance » Active dans le secteur technologique, qui reste très largement masculin et monoculture, Jelena Zelenovic Matone veut tenter de changer progressivement la donne avec l’association Women Cyber Force, fondée en mars dernier et dont elle est la première présidente.
Interview THIERRY RAIZER
La crise a donné lieu à une hausse de l’usage du digital au sens large. Comment percevez-vous l’évolution des cyberattaques depuis le printemps 2020 ? Les impacts des attaques perpétrées depuis le début de la crise ne sont pas juste financiers, techniques ou opérationnels. Nous faisons face à des attaques qui se sont d’une part multipliées et d’autre part diversifiées, en se concentrant par exemple sur les sites internet publics dédiés à la gestion de la crise. Ces attaques, qui sont également plus sophistiquées, n’ont pas de limite puisqu’elles touchent aussi des institutions et des organismes sensibles pour la société dans son ensemble, comme les hôpitaux. On parle donc potentiellement d’impacts sur des vies humaines. Cette tendance va se poursuivre à l’avenir, avec la connectivité de plus en plus grande et l’internet des objets. Ce contexte implique la mise en place de coalitions public-privé et de collaborations sur les plans national et international pour aboutir rapidement à des actions concrètes afin d’agir sur ces risques qui peuvent, dans certains cas, devenir vitaux. Quels seront les principaux risques « cyber » dans les prochains mois, et donc en 2022 ? Ils sont nombreux et certains sont déjà en cours. Je pense notamment à la poursuite et à l’évolution des ransomware ; aux attaques encore plus sophistiquées sur des chaînes d’approvisionnement qui toucheront un ensemble de parties prenantes ; aux challenges liés au télétravail, dont les risques encourus par les e-mails échangés au sein même d’une entreprise et aux devices personnels. Autant de défis qui illustrent le besoin de sensibilisation du
Photo GUY WOLFF
grand public, et plus particulièrement de formation de base pour tous les employés d’une entreprise ou d’une organisation. Ils représentent potentiellement, grâce à des comportements adaptés, la première ligne de défense face aux attaques.
croître. Nous devons réfléchir à une solution d’ensemble que je baptiserais « Industry 5.0 » : nouer des partenariats avec des universités pour introduire des notions de cybersécurité dès le début des cursus ainsi que dans les écoles supérieures.
Vous évoquez aussi le manque de ressources comme l’un des enjeux-clés de vos métiers… C’est en effet d’ores et déjà un problème quotidien avec lequel nous devons composer. L’écart entre nos besoins et les ressources disponibles sur le marché de l’emploi ne fait que
Le travail dans la cybersécurité est perçu par les non-professionnels comme celui de la police qui tente de rattraper les voleurs ou de colmater une brèche, à l’image du plombier. Les changements induits par la crise vont-ils modifier cette perception? Nous sommes entrés dans un nouveau monde avec la crise du Covid-19, un monde dans lequel internet est, plus que jamais, la voie principale utilisée par les humains pour communiquer, dans le cadre privé ou professionnel. En tirant les leçons et les bonnes pratiques de la crise, nous devons veiller à maintenir à jour notre « cyberhygiène », qui s’étend des opérations de monitoring de base jusqu’aux évolutions législatives et au partage des bonnes pratiques, en particulier avec l’usage croissant du télétravail. La reprise et la continuité des activités d’une entreprise qui seraient mises à mal par une cyberattaque seront aussi des préoccupations et des enjeux auxquels il faut répondre sur le long terme. Sur ce dernier point, le Covid-19 a certainement joué un effet d’accélérateur sur les innovations en matière de cybersécurité. La notion de « cyberassurance » devrait aussi gagner en importance dans les entreprises à court et moyen terme.
BIO EXPRESS Sentinelle et ambassadrice Née en 1980 en Serbie, Jelena Zelenovic Matone a grandi au Canada. Elle possède un bachelor of applied science (BAS) dans les technologies de l’information et un MBA (Université de Toronto). Canada-Europe Après ses premières expériences professionnelles dans la grande distribution et l’alimentaire au Canada, elle est revenue en Europe il y a une dizaine d’années. Institutions européennes D’abord senior operational risk et ISO pour le Mécanisme européen de stabilité (ESM), elle a rejoint la Banque européenne d’investissement en septembre 2019 comme chief information security officer (CISO), également en charge des risques opérationnels.
Vous êtes de plus en plus sur le devant de la scène en tant que figure de proue des professionnels de la cybersécurité. Êtes-vous à l’aise avec ce nouveau rôle ? DÉCEMBRE 2021
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Conversation
Que recommanderiez-vous à une jeune fille pour entamer des études menant vers la cybersécurité ?
Je dirais déjà tout simplement que le manque de talents prévu d’ici aux cinq prochaines années par les CISO en place laisse présager de nombreux débouchés pour les jeunes qui arriveront sur le marché du travail. Les métiers de la cybersécurité apportent une découverte permanente à tous ceux qui sont curieux de découvrir de nouveaux horizons. Surtout, ils permettent de s’enrichir énormément sur le plan humain. J’ai eu la chance de rencontrer des managers inspirants et des collègues formidables tout au long de mon parcours. Et je ne suis pas un cas isolé. Je conseillerais aux jeunes étudiantes qui veulent s’investir dans la cybersécurité de s’entourer d’un ou de plusieurs mentors pour découvrir un secteur qui n’est ni une « boîte noire », ni un univers formé uniquement par des codeurs. La cybersécurité a tellement évolué qu’elle couvre pléthore de compétences techniques et comportementales. Je crois vraiment que la nouvelle génération peut aussi faire la différence dans notre domaine grâce à sa vision, ses compétences et son expérience du monde dont nous ne disposions pas à notre époque. Si vous croyez en vous-même, les possibilités sont infinies.
« Nous sommes entrés dans un nouveau monde avec la crise du Covid-19. » 44
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Pourquoi avez-vous décidé d’embrasser cette carrière ? J’ai toujours aimé les mathématiques et les sciences, au grand dam de mes parents, qui voulaient que je fasse des études « plus concrètes ». Mais quoi de plus concret que les maths ? En effectuant des études dans l’IT, j’ai suivi les pas de mon frère, de cinq ans mon aîné, qui était en quelque sorte mon role model. Ce cursus me permettait aussi de pratiquer les mathématiques. Je dois par ailleurs reconnaître que mes parents n’ont jamais fait de différence entre mon frère et moi et m’ont toujours soutenue dans mes choix. Les encouragements d’une famille sont cruciaux, peu importe le genre de l’enfant. J’ai eu aussi la chance de croiser les bonnes personnes au bon moment. À mon arrivée en Europe, j’ai pu partager mon expérience avec mes collègues, ce qui m’a évidemment poussée à relever de nouveaux challenges. Je dois aussi noter que le soutien de mes supérieurs à la Banque européenne d’investissement s’est avéré essentiel depuis mon arrivée. Quelle est votre philosophie dans la vie professionnelle… et dans la vie de tous les jours ? Les succès et les échecs ne sont jamais loin les uns des autres, qu’il s’agisse de vie personnelle ou professionnelle. Je crois avant tout à l’importance de la prise de conscience de nos propres capacités et à la reconnaissance de nos propres forces pour mieux aborder les opportunités, mais aussi les menaces, qui se présentent à nous et transformer l’ensemble en succès. On se pose parfois la question du « management au féminin ». Le management est-il lié à une question de genre ? Certaines études mettent en lumière le fait que les femmes managers auraient de meilleures compétences relationnelles et seraient plus impliquées auprès de leurs équipes que leurs équivalents masculins. Au-delà de ces aspects auxquels je crois, c’est la qualité d’une équipe qui peut vraiment faire la différence sur votre capacité à être un « bon » leader. Or, l’élément déterminant pour la performance d’une équipe est la diversité des genres dans tous ses aspects, puisque cette même diversité élargit le champ des compétences, des influences et des réflexions pour aboutir aux résultats escomptés. Être une femme entraîne-t-il une différence dans l’approche de la cybersécurité ? Outre ce que je viens d’évoquer, les femmes sont probablement plus enclines à gérer des situations de crise ou des événements majeurs. Je crois que nous disposons d’une capacité à encaisser les coups tout en restant crédibles et intègres.
POST Luxembourg
Avec Women Cyber Force, comment voulez-vous convaincre davantage de femmes à s’intéresser au monde de la cybersécurité ? Les femmes sont sous-représentées dans le secteur, et ce n’est rien de le dire. Notre association veut mener des actions au niveau européen pour promouvoir le sujet auprès de jeunes filles et de femmes qui veulent éventuellement réorienter leur carrière. Nous avons besoin non seulement d’une diversité des genres, mais aussi d’une diversité des profils. Parmi nos prochaines actions, nous ambitionnons d’intervenir dans des écoles secondaires pour présenter nos métiers. Nous voulons bien entendu aller plus loin en partageant notre expertise pour que les notions de cybersécurité soient abordées à l’école. Dans le même temps, nous allons développer tout un volet événementiel et de réseautage afin de permettre aux femmes actives dans le domaine de renforcer leurs connexions entre elles et de se former. Nous nous ouvrirons bien entendu à toutes celles et ceux qui sont intéressés par le sujet. En coulisses, nous ressentons d’ores et déjà un fort intérêt, ce qui nous incite à poursuivre le montage de nos actions.
AWARDS
« Reconnaissance et responsabilités » La très enthousiaste Jelena Zelenovic Matone a vu récemment son action reconnue par plusieurs prix : CISO of the Year en 2019 par Cybersecurity Luxembourg ; CISO Sentinel Global en 2021 par Finnovex, et Ambassador of the Year 2021, prix remis par Post Luxembourg à « une personnalité qui a acquis la réputation d’être un leader d’opinion reconnu dans le domaine de la cybersécurité ». « Ces prix sont un véritable honneur et un encou ragement. Ils entraînent aussi leur lot de responsabilités, résume Jelena Zelenovic Matone. La présidence de Women Cyber Force s’ajoute à un agenda déjà bien rempli, mais qui me comble de satisfaction lorsque je constate que nous recevons un accueil favorable de la part de l’écosystème IT du pays et des organismes publics. »
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Je crois sincèrement qu’il est de notre devoir – et donc de mon devoir –, en tant que professionnels, de sensibiliser le grand public à notre secteur. Que nous aimions ou non être sous les feux de la rampe, nous le devons à l’ensemble de la société et aux générations à venir. Nous devons sensibiliser le grand public aux menaces actuelles et à venir qui pèsent et pèseront sur notre monde de plus en plus connecté, de plus en plus digitalisé. Comme je le disais, nous manquons cruellement de ressources humaines dans nos métiers, c’est une autre bonne raison pour mettre la lumière sur la cybersécurité. Il me semble aussi primordial de défendre la diversité dans le secteur. Le fait d’avoir un enfant me pousse peut-être à réfléchir davantage aux générations suivantes, dans l’espoir qu’elles développeront une véritable culture de la cybersécurité.
Jelena Zelenovic Matone
62 % Comment votre style de management vous permet-il d’affronter des incidents critiques ? Je dirais tout d’abord que je ne suis pas une adepte du micromanagement. Je fais plutôt confiance aux personnes que je recrute pour leurs compétences. Le manager doit, selon moi, partager une vision, emmener son équipe autour de celle-ci et se préoccuper d’éléments stratégiques comme la réglementation, les nouvelles menaces et, bien entendu, les projets qui permettront à l’équipe de grandir. Cette configuration permet que chacun soit à sa place dans le travail quotidien et sache répondre présent en cas d’incident critique. On parle de compétences soft alors que vos métiers sont d’abord associés à des compétences techniques… En effet, les métiers IT, et de la cybersécurité en particulier, sont souvent associés à des considérations techniques. Or 50 % des compétences dont nous avons besoin sont techniques, l’autre moitié concerne les relations interpersonnelles et des aspects du business. Notre rôle est en réalité très transversal. Nous avons donc besoin de faire preuve d’empathie pour comprendre les besoins de chacun en interne, tout en assurant des relations optimales avec des fonctions et métiers-clés comme les DPO (délégués à la protection des données, ndlr), la sécurité informatique, les CFO, le CEO et le senior management en général. Nos recommandations et nos plans d’action peuvent parfois paraître rudes et nécessitent beaucoup de pédagogie dans certains cas, ce qui nous amène à communiquer considérablement pour expliquer les raisons de nos choix. Ma priorité quotidienne n’est pas purement technologique, même si elle fait partie de notre travail et, plus largement, de la transformation digitale de notre organisation. La clé de voûte est l’information. Notre équipe doit en effet s’assurer d’anticiper et de gérer les risques qui pourraient empêcher nos collègues d’utiliser et de tirer profit de l’information. L’importance de la cybersécurité est-elle suffisamment prise en compte par la direction et les organes de gouvernance des entreprises et des institutions ? Je pense que la prise de conscience est maintenant un fait. La cybersécurité est désormais en haut des agendas des dirigeants et des conseils d’administration. Elle est perçue parmi les principaux risques pour les entreprises. À l’inverse, pour ceux qui tarderaient ou seraient dubitatifs, je poserais cette question : quel serait le coût engendré par un manque d’investissement dans la cybersécurité ? Ce coût serait bien plus élevé que celui consenti par un investissement planifié et maîtrisé dans les personnes et les outils.
C’est la part des CISO qui estiment éprouver des difficultés à recruter les bons talents dans les cinq prochaines années, selon l’étude menée en 2020 par le cabinet de recrutement Marlin Hawk.
16,8 % Selon le Women in Digital Scoreboard 2020 de la Commission européenne, les femmes représentent, au Luxembourg, seulement 16,8 % des spécialistes des TIC (technologies de l’information et de la communication). La moyenne européenne n’est pas beaucoup plus haute, à 17,7 %.
Quels sont les bonnes pratiques et les pièges à éviter en matière de stratégie de cybersécurité ? Parmi les bonnes pratiques, je dirais : avoir une stratégie soutenue par des sponsors et qui repose sur un budget réaliste ; être prêt à faire face à l’imprévu ; répartir le travail au sein de l’équipe tout en supervisant l’avancement de la stratégie ; se concentrer sur ce que la stratégie peut apporter à l’organisation et… mettre son ego de côté. Parmi les pièges à éviter, je dirais : un manque de coordination entre collègues ; éviter les plannings trop détaillés, lorsque cela est possible ; éviter les actions redondantes avec d’autres et veiller à ne pas agir trop tard sur certains éléments. Quel est le profil parfait pour un manager dans la cybersécurité ? Le manager « parfait » dans la cybersécurité est curieux, proactif, il a soif d’apprendre en permanence et dispose bien entendu d’une vaste expérience des systèmes IT et de la gestion des risques liés aux systèmes informatiques. La personne en question doit avoir plusieurs années d’expérience dans des entreprises ouvertes sur l’international et des structures hiérarchiques. Le tout avec des certifications, une orientation « business » et « people ».
environnement teinté par la diversité et l’inclusion. Je me sens ici comme à la maison. Nous disposons, en tant qu’experts de la cybersécurité, d’un environnement propice à l’innovation, au développement et au partage de bonnes pratiques soutenues, avec le soutien direct ou indirect du gouvernement. Cette atmosphère et l’écosystème d’acteurs en place rendent en effet le pays attractif pour les talents qui sont aussi attirés par la présence, au Luxembourg, d’entreprises et d’institutions importantes, actives tant au niveau local que sur le plan international. Une attention pourrait toutefois être portée sur le coût de la vie, notamment sur le logement, pour s’assurer que les nouveaux diplômés en provenance de l’étranger puissent venir s’installer pleinement ici. Car nous avons besoin de nouveaux talents, pas uniquement pour nos besoins opérationnels, mais aussi pour qu’ils nous inspirent avec leurs points de vue divers et neufs. Dans 50 ans, vivrons-nous dans un brave new world ou dans un monde où les humains seront « augmentés » grâce à l’intelligence artificielle ? Nous vivrons certainement dans un monde qui sera totalement différent de celui que nous connaissons actuellement ! Un monde que nous pouvons difficilement imaginer aujourd’hui. Si vous pensez que Google a été fondé il y a à peine 23 ans, on peut s’imaginer que le travail de certaines entreprises actives dans l’intelligence artificielle rapprochera le monde de demain des vues futuristes que l’on pouvait voir dans les livres de prédictions édités dans les années 60. Je pense que l’impact de l’intelligence artificielle sera considérable dans les prochaines années dans le domaine du travail, dans la science… dans la vie en général ! C’est pour toutes ces raisons et celles que j’ai évoquées dans l’entretien que je crois profondément que les professionnels de la cybersécurité ne sont qu’au début de leur chemin, qui sera encore jalonné de nombreuses nouvelles demandes.
Le Luxembourg figure parmi les économies attractives pour les talents. Partagez-vous ce constat ? Que faudrait-il faire pour assurer l’attraction de nouveaux talents ? Mon expérience personnelle me permet de confirmer que le Luxembourg propose un DÉCEMBRE 2021
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Conversation
« Le bilan carbone, c’est l’inverse du ‘greenwashing’ »
Le bilan carbone est écologique, économique et stratégique, résume Alexandre Magnette.
La méthode du « bilan carbone » éclaire les entreprises sur leur impact environnemental et ouvre la voie à une stratégie collaborative en vue de le réduire, explique Alexandre Magnette, associé de CO2 Strategy. Interview THIERRY RAIZER avec NICOLAS LÉONARD
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Photo ROMAIN GAMBA
Alexandre Magnette
BIO EXPRESS
Le « bilan carbone » est souvent évoqué pour mesurer l’empreinte environnementale des entreprises. Mais, en pratique, qu’est-ce qu’un bilan carbone ? Le bilan carbone est une méthode et une marque déposée provenant de France et s’applique à tout type d ’entreprise, dans tous les secteurs. C’est un outil de diagnostic, sorte de matrice qui permet de mesurer les émissions de CO2 à tous les échelons de l’entreprise. Il s’agit d’une photo prise sur une année. Un bilan carbone n’est donc jamais figé par nature, c’est le point de départ vers une réflexion et, idéalement, une stratégie composée d’actions concrètes.
Diplômé en électromécanique dans sa Belgique natale, Alexandre Magnette a travaillé pendant 13 ans en tant qu’ingénieur technicien chez Betic. Après une rencontre lors d’une formation donnée par Frédéric Mathot sur la stratégie carbone, il a fondé la branche luxembour geoise de CO2 Strategy, la société créée en Belgique il y a 10 ans par Frédéric Mathot, qui est désormais son associé au Luxembourg. Outre cette casquette dédiée au bilan carbone des entreprises, Alexandre Magnette dirige depuis 2018 son propre bureau d’ingénieurs-conseils experts en énergies renouvelables, BuildTec, basé à Steinfort.
Comment un bilan se déroule-t-il ? L’entreprise qui souhaite le réaliser doit simplement compléter un fichier Excel avec un La technique est relativement simple et n’évolue ensemble de données. C’est une étape impor- pas vraiment au fil du temps. En revanche, tante, et sa durée dépend de l’organisation l’enrichissement de la base de données des préalable des données de l’entreprise et de sa facteurs d’émissions que nous récoltons – de documentation en interne. Après avoir réper- façon anonyme – au fur et à mesure de nos torié et identifié les facteurs d’émission de missions est intéressant et apporte une valeur gaz à effet de serre, nous ramenons l’ensemble ajoutée dans le traitement de nouveaux cas à l’unité unique qu’est le CO2. Les tonnes de de figure. CO2 émises par l’entreprise sont réparties, schématiquement dans un camembert, entre Jusqu’où peut aller le périmètre les d ifférentes catégories d’émissions directes de votre intervention ? (sur le site de l’entreprise) et indirectes (en Nous voulons aller le plus loin possible pour dehors du site). Le bilan c arbone va donc per- être efficaces au maximum. La méthode du mettre de ramener tous les flux d’une entre- bilan carbone comprend trois domaines, trois prise (les achats, l’énergie, les déplacements, scopes. Les scopes 1 et 2 concernent la facture les transports…) en une seule unité, à savoir d’électricité, de gaz et la consommation des le CO2. Cette approche permet de comparer véhicules possédés par l’entreprise. Le scope 3 différentes activités qui étaient auparavant englobe les émissions directes et indirectes incomparables. Comment en effet comparer de toute l’activité de l’entreprise. C’est le plus l’impact de l’achat de papier avec la consom intéressant, car il permet d’agir réellement mation électrique sans passer par l’approche sur l’ensemble des p aramètres qui concernent CO2 ? Il est du reste plus facile de cerner les l’entreprise. domaines d’actions prioritaires en classant les flux d’activité selon leur degré d’émission. Pour aller le plus loin possible, tout est donc une question de volonté initiale… Concrètement, que mesurez-vous ? La méthode est relativement simple, et le bilan Nous considérons l’ensemble des produits et en soi est très lisible et compréhensible par des services proposés par une entreprise, mais tous. Mais le point de départ doit en effet venir aussi un acteur du secteur public. Nous nous du chef d’entreprise qui doit être prêt – à l’exbasons sur des catégories du bilan carbone pour ception des salaires qui ne nous regardent effectuer cette analyse, dont l’énergie consommée pas – à jouer le jeu des « livres ouverts » pour sur le site, les achats et leur livraison, les déchets, mesurer l’impact environnemental de l’entreles biens immobilisés, l’énergie consommée prise, de ses fournisseurs et de ses sous-traitants. dans la fabrication des produits ainsi que la fin Nous mesurons in fine un ensemble de flux, de vie de ces produits. Nous transformons soit tout ce qui demande de l’énergie d’une manière ou d’une autre. Jusqu’aux courriels ensuite tous ces flux en kilos de CO2. envoyés, qui ne sont pas si négligeables. Des émissions tangibles, mais d’autres Le bilan est-il un catalogue de solutions ? qui sont invisibles… L’enjeu est en effet de diriger les actions vers Non. Nous ne venons pas avec des solutions, l’énergie invisible en tenant compte d’un max mais avec des constats. Nous sommes des généimum de flux propres à l’entreprise. Chaque ralistes, nous pointons les flux à fortes émissions. bilan carbone est unique. Les idées doivent, en revanche, venir de l’équipe, du cœur de l’entreprise. Imposer des solutions Comment vos techniques de mesure serait contre-productif, car les principaux concerévoluent-elles ? nés ne se les approprieraient pas. Cependant,
lorsque de bonnes pratiques sont évoquées, partagées et mises en place par les équipes, nous constatons que les résultats sont vraiment remarquables. Or, beaucoup d’entreprises ont déjà mené des actions notables sans forcément les mesurer, comme l’utilisation de plastique recyclé qui peut avoir un impact important selon le type d’activités. Le changement se conçoit au quotidien, par des petits gestes successifs, qui permettent de prendre le chemin de la neutralité carbone. Car il ne faut absolument pas attendre 2050, qui est beaucoup trop loin. Peut-on prendre trois cas de figure d’entreprises et passer en revue les principaux piliers sur lesquels il faudrait intervenir ? Parlons tout d’abord du principal secteur économique du pays, la place financière. Quels sont les principaux points d’attention ? La place financière concentre un grand nombre d’entreprises de services pour lesquelles l’électricité et le chauffage vont peser beaucoup, de même que la fabrication et la configuration du bâtiment. Les déplacements des employés et les data centers seront aussi à comptabiliser, sans oublier les activités sur des sites annexes éventuels. Les goodies restent également des facteurs qui semblent accessoires, mais qui, en réalité, sont des leviers de progression rapide si l’on prend le temps d’y réfléchir et de trouver des alternatives qui ont du sens. Quels conseils pratiques suggérez-vous pour maîtriser et réduire la consommation énergétique ? La priorité est la collecte de l’information. Je recommanderais dès lors de mettre des compteurs sur les circuits électriques, circuits de chauffage et de climatisation, et de découpler les différentes sphères d’activités de l’entreprise afin d’identifier clairement les secteurs énergivores. Les gestes simples, qui vont de la pose de capteurs à veiller à bien fermer les fenêtres dans les halls d’entreposage ou d’adapter les lumières avec des ampoules moins énergivores, doivent devenir la norme et faire partie des acquis. Mais il y a encore beaucoup à faire. Pour les déplacements, il faut mettre en place des politiques de mobilités partagées et favoriser au maximum les transports en commun et la mobilité douce. Enfin, il faut lister ses achats et mettre en place une politique d’achat plus respectueuse de l’environnement. Qu’en est-il de l’industrie ? Si nous prenons l’exemple d’un fabricant de béton que nous avons accompagné, le bilan carbone a démontré que plus de 80 % des émissions proviennent des matières premières achetées, environ 10 % de la logistique et seulement 2 % de l’ensemble de ses énergies (électricité et chauffage). L’entreprise a donc DÉCEMBRE 2021
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Conversation Alexandre Magnette
DIX GESTES ÉCONOMES AU TRAVAIL
contacté ses fournisseurs pour leur demander ce qu’ils mettaient en place pour diminuer l’impact des produits qu’ils vendaient. Sachant que si un fournisseur diminue ses émissions, cette diminution sera reprise dans le bilan carbone de son client. Sans action tangible de la part de ses fournisseurs, le client peut aussi en rechercher d’autres, ce qui prouve, là aussi, que ce critère va entrer en ligne de compte dans le positionnement de chaque entreprise. J’ajoute que, dans le cas de cette entreprise, les chauffeurs qui se sont réunis ont, par exemple, suggéré de couper le moteur en attendant sur les chantiers, de réviser les camions régulièrement ou encore d’optimiser le nombre de trajets sur une journée… Ces actions combinées ont permis de réduire de 15 à 20 % les émissions dues aux livraisons de béton. Quid d’une entreprise active dans les transports ? À l’évidence, le type de carburant va influer fortement sur le bilan. L’électrification du parc automobile va sans aucun doute avoir un impact considérable. Cependant, l’origine de l’électricité consommée est aussi un facteur-clé. Les énergies fossiles restent encore prédominantes dans le mix énergétique actuel. Il existe heureusement des fournisseurs d’énergies propres qui proposent des solutions simples et immédiates. L’optimisation des trajets reste également une action déterminante. Après le bilan carbone vient le stade de la stratégie carbone. Quelle est la nuance ? Le bilan est important, car il donne une photo, qui cependant ne permet pas de s’acheter une bonne conscience en compensant le CO2 émis sans avoir pris la peine de le réduire. Nous recommandons vivement, après le bilan, de définir une stratégie qui implique l’ensemble du personnel et permet de donner un sens aux nouveaux gestes quotidiens.
« Le change ment se conçoit au quotidien, par des petits gestes. » 48
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Les nouvelles technologies représentent entre 6 et 10 % de la consommation mondiale d’électricité, soit près de 4 % de nos émissions de gaz à effet de serre, indique l’Ademe, l’Agence de la transition énergétique en France, dans La face cachée du numérique. Avec une tendance à la hausse, quelques gestes pratiques rassemblés dans cette brochure permettent d’agir au quotidien. Sélection : 1. Ne laissez pas les appareils allumés ou en veille en permanence. 2. Ne laissez pas votre chargeur branché « à vide ». 3. Limitez le nombre de programmes ou d’onglets ouverts dans votre navigateur et inutilisés. 4. Tapez directement l’adresse d’un site, utilisez l’historique de vos consultations, créez des favoris dans votre navigateur. 5. Utilisez, autant que possible, le mode « économie d’énergie » de votre ordinateur ou de votre smartphone. 6. Nettoyez régulièrement votre boîte mail. 7. Ciblez les destinataires et supprimez les pièces jointes d’un message auquel vous répondez. 8. Optimisez la taille des fichiers que vous transmettez. 9. Privilégiez le wifi quand vous utilisez votre smartphone plutôt que la 4G ou la 5G. 10. Préférez les réunions en audio plutôt qu’en visio.
Ce n’est pas que l’affaire du patron, mais c’est à lui de faire redescendre l’importance de la réduction du bilan CO2 à tous les niveaux de l’entreprise. Peut-on dire que la compensation doit être le geste ultime ? La compensation est complémentaire et indispensable à la stratégie globale de réduction. Sachant que la déforestation est responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, sans compensation, on s’attaquerait à seulement 80 % du problème. À l’inverse, compenser sans agir, c’est déjà ça, mais ça ne résoudra pas les enjeux qui nous occupent. C’est pour cette raison que nous incluons toujours la notion de compensation, dans notre cas, via l’ONG luxembourgeoise Graine de vie. Comment faire la différence avec du greenwashing ? La définition du greenwashing de l’Ademe (l’Agence de la transition écologique en France, ndlr) est la suivante : « Le greenwashing, ou en français l’éco-blanchiment, consiste pour une entreprise à orienter ses actions marketing et sa communication vers un positionnement écologique. C’est le fait, souvent, de grandes multinationales qui, de par leurs activités,
olluent e xcessivement la nature et l’environp nement. Alors, pour redorer leur image de marque, ces entreprises dépensent dans la communication pour ‘blanchir’ leur image, c’est pourquoi on parle de green washing. » Or, le bilan c arbone est justement l’inverse. C’est un outil qui va aider à prendre de bonnes décisions pour réduire ses émissions. C’est une démarche excessivement concrète et qui repose sur des chiffres qui sont propres à l’entreprise. Certains secteurs ou types d’entreprises sont plus en avance que d’autres ? Pas à notre connaissance. En revanche, nous comptons parmi nos clients, en Belgique et au Luxembourg, plusieurs entreprises familiales. La raison est peut-être que ce type d’entreprise a une vision souvent beaucoup plus orientée sur le long terme que d’autres. Faudrait-il imposer un bilan carbone aux entreprises ? L’expérience montre que si on impose les bilans carbone comme en France ou en Wallonie pour une partie des entreprises, celles-ci feront le minimum pour répondre aux obligations. Alors que si la décision est volontaire, l’entreprise est prête à aller très loin dans la démarche. Je préconise donc une démarche volontaire, mais avec une aide de l’État pour subventionner une partie des frais de l’étude. Si vous deviez, in fine, convaincre un chef d’entreprise de réaliser un bilan carbone, que lui diriez-vous ? Le bilan carbone est, par nature, bon d’un point de vue écologique, mais aussi économique. Les réductions de CO2 sont souvent accompagnées d’une réduction des coûts, et ce dans toutes les catégories d’émissions sous revue. Nous observons qu’il n’est pas rare qu’une entreprise diminue ces coûts de fonctionnement de 10 à 15 %. Enfin, cette démarche recouvre un aspect stratégique. Le chef d’entreprise verra les choses autrement via cette image globale qu’est le bilan carbone, qui l’incitera peut-être à mener des actions concrètes sur l’existant avant, par exemple, de poser des panneaux solaires. Une stratégie de maîtrise du CO2 est aussi une source de communication positive en interne, utile pour retenir les talents et en attirer de nouveaux. C’est aussi une source de communication externe non pas pour faire du greenwashing, mais pour avoir un impact sociétal et donner envie d’agir à son personnel, ses clients, ses fournisseurs… et pourquoi pas ses concurrents !
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«J’œuvre pour un Luxembourg qualitatif plutôt que quantitatif. » 92 % sont d’accord * * 46% sont complètement d’accord , 33 % sont d’accord et 13 % sont plutôt d’accord.
Extrait du texte Les Évolutionnaires Enquête menée sur Delano.lu et Paperjam.lu durant les mois de juin et juillet 2021 (1.641 participants)
DÉCOUVREZ Les Évolutionnaires
Conversation
« Les banques doivent être créatives »
Pour Diane Pierret, le secteur bancaire de demain sera composé de grandes banques autour desquelles graviteront des fintech et des plateformes de services bancaires.
Diane Pierret, professeur assistant à la Luxembourg School of Finance, dresse le diagnostic de la santé des banques européennes qui tentent de retrouver le chemin de la rentabilité. Interview MARC FASSONE
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Photo GUY WOLFF
Diane Pierret
BIO EXPRESS
La baisse de rentabilité des banques n’est-elle qu’une parenthèse dans leur histoire ou devient-elle structurelle ? Cette baisse de rentabilité est clairement structurelle. Son origine remonte à la crise de 2008. Avant, le secteur était extrêmement profitable. Ce qui, en soi, n’était pas forcément une bonne nouvelle, car il existe des rentabilités saines et des rentabilités malsaines. Et, jusqu’en 2008, on était dans ce dernier cas de figure. En général, une rentabilité très élevée pour une banque signifie qu’elle a pris des risques également très élevés. La rentabilité sans risque en finance, cela n’existe pas. Avant la crise de 2008, les établissements financiers avaient investi dans des actifs dont les prix n’étaient pas liés à leur valeur fondamentale. En général, quand la valeur de marché dévie trop fortement de la valeur fondamentale, c’est que l’on est face à une bulle. Les banques se sont pourtant jetées sur ces actifs dont la croissance constante entraînait pour elles une rentabilité très élevée. Depuis, la problématique s’est inversée. Les établissements financiers ont dû énormément augmenter leurs fonds propres. Ce que, à 95 %, elles ont fait non pas en allant sur les marchés, mais en puisant dans leurs profits, réduisant d’autant tout effet de levier potentiel. Et dans un monde où se financer par des fonds propres coûte plus d’argent que se financer par la dette, la rentabilité diminue encore plus. Dans le même temps, la supervision a évolué dans un sens où les établissements financiers ne peuvent plus prendre autant de risques qu’ils ne le faisaient auparavant, ce qui pèse également sur leur rentabilité. Sur quels leviers les banques peuvent-elles jouer pour renouer avec la rentabilité ? Principalement en diminuant leurs coûts et en gagnant en efficience. C’est-à-dire en restructurant et en recourant encore plus aux technologies digitales. C’est leur première marge de manœuvre en fait. La seconde, c’est la créativité. Le secteur bancaire est très compétitif ; pourtant, d’une banque à l’autre, on ne relève pas ces dernières années beaucoup d’évolution dans les produits qu’elles proposent au consommateur. C’est pourtant là où se livre la bataille. Elles doivent proposer des alternatives pour faire face à cette concurrence, mais également à celle des fintech et autres plateformes de services qui n’ont pas à subir toutes les régulations et contraintes qui frappent les banques. Doivent-elles se poser la question de la pertinence de leur modèle d’affaires et de leur pérennité ? Nous n’allons pas vers un monde sans banque parce que l’économie a besoin des banques. Leur rôle – leur fonction sociale – est de faire se rencontrer les gens qui disposent de trop de liquidités et ceux qui en manquent. Si elles
Une universitaire à la carrière internationale Diane Pierret est née à Messancy (Belgique) en 1986. C’est une spécialiste en matière de banque, d’intermédiation financière, de risque de liquidité, de risque systémique, de réglementation et de politique monétaire. Elle est, depuis septembre 2019, professeur au département de finance de l’Université du Luxembourg. Elle a auparavant enseigné comme professeur assistant à l’Université de Lausanne ainsi qu’à la New York University Leonard N. Stern School of Business en tant qu’assistante de recherche. Une violoniste reconnue Passionnée de musique, elle était second violon dans l’Orchestre symphonique et universitaire de Lausanne.
n’existaient pas, on ne saurait pas à quelle porte aller frapper… Le modèle de la banque va rester sinon on va revenir au Moyen Âge. Les banques sont à la fois le moteur et la plomberie de l’économie.
C’est, pour les banques, un sujet complexe. Si elles le font toutes, il n’y aura pas de problème de concurrence les unes par rapport aux autres. D’autant que, même s’il ne doit pas exister de frais si vous voulez changer d’établissement bancaire, cela reste en pratique compliqué... Les banques doivent donc trouver le juste tarif, pour éviter que leurs clients ne retirent leurs dépôts pour les garder sous leur matelas ou les investir dans d’autres produits financiers, ce qui reviendrait pour les banques à perdre leur principale source de financement. Les banques ne peuvent plus prendre de risque compte tenu des contraintes réglementaires auxquelles elles sont soumises. La nature ayant horreur du vide, qui peut prendre leur place ? Les investisseurs n’ont pas besoin des banques pour prendre des risques. Vous pouvez toujours investir dans une start-up ou dans des produits financiers directement. Ce qui est vrai, c’est que, pour les entreprises, cela devient compliqué de se faire financer par des banques sur des projets risqués. Et sachant que le marché des obligations corporate est beaucoup moins développé en Europe qu’aux ÉtatsUnis, les sociétés restent, dans une large mesure, tributaires des banques.
Les banques se sont longtemps plaintes des taux d’intérêt trop bas. Leur remontée programmée n’est-elle cependant pas autant un risque ? D’abord, si remontée des taux il y a, elle se fera par paliers, et la Banque centrale européenne Les grandes banques européennes – (BCE) fera en sorte de pouvoir rediminuer rapi- les « grands champions » – sont très discrètes sur le marché américain. Est-ce dû dement les taux si cela s’avérait nécessaire. Après, l’impact d’une hausse ou d’une baisse à un manque d’ambition ou de moyens ? des taux dépend vraiment de la structure et du Le marché américain est un marché où on business model d’une banque. Prenons l’exemple trouve beaucoup de barrières à l’entrée en ce des établissements dont les taux de dépôts moment. Des barrières réglementaires. Beaureprésentent l’essentiel de la dette. Lorsque les coup de banques européennes traditionnelletaux sont descendus au-dessous de zéro, cela ment très récentes aux États-Unis – notamment a constitué un gros problème de pénaliser les la Deutsche Bank, – ont diminué voire cessé déposants en leur faisant payer les dépôts. Ce leur activité outre-Atlantique à cause de la qui aurait été l’équivalent de demander à un régulation américaine qui est plus sévère que épargnant de vous apporter de l’argent pour la régulation européenne. vous financer et exiger qu’il vous paye pour cela. Certaines banques ont cependant indirecte- D’instinct, on aurait pu penser que ment répercuté ce coût en jouant sur les frais. c’était le contraire. En quoi le régulateur De plus, ces banques n’ont pas pu bénéficier américain est-il plus sévère que le des taux bas pour se financer par rapport à régulateur européen ? d’autres établissements dépendant moins des Durant la crise de 2008, les autorités améridépôts et allant chercher leurs liquidités sur les caines ont été plus réactives et rapides que marchés. Il faut également envisager l’impact leurs homologues européens. En Europe, on d’une hausse des taux sur leurs investisseurs est plus resté dans l’expectative. Notamment qui peuvent, en fonction de l’évolution des taux, parce qu’on n’avait pas à l’époque les ressources préférer investir dans des actifs divers comme pour réguler et superviser les banques comme les actions et les obligations au lieu de laisser aux États-Unis. Là-bas, les établissements leur argent à la banque. Enfin, la BCE doit faire financiers ont été obligés de se décapitaliser attention aux inégalités économiques entre les immédiatement après la crise, ce qui a direcpays pour ne pas aggraver celles-ci. Il y a une tement stabilisé le secteur. En Europe, le moudimension politique qui est extrêmement impor- vement de recapitalisation a été plus tardif et a commencé en 2011. En jouant la carte de la tante et qu’il ne faut pas négliger. recommandation plutôt que de l’obligation. Deux ans de délai, c’est énorme, car les casVous dites que les banques sont réticentes à répercuter les taux négatifs sur leur seroles restent. Si vous ajoutez à cela la crise de clientèle. Ce tabou n’est-il pas tombé ? la dette souveraine, cela explique pourquoi le DÉCEMBRE 2021
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Conversation Diane Pierret
Tous ces acteurs que l’on regroupe sous la dénomination « shadow banking » peuvent-ils faire peser sur l’économie un risque systémique similaire à celui porté par les banques en 2008 ? Et devrait-on les réguler aussi sévèrement que le sont les banques ? Risque systémique, c’est un bien grand mot qui recouvre beaucoup de choses. La régulation, c’est un peu comme un serpent qui se mord la queue. Après la crise de 1929, les gouvernements ont institué une assurance sur les dépôts. Si un établissement financier venait à faire faillite, le gouvernement assurait les dépôts des déposants. Ce mécanisme a changé les incitants des banques qui, voyant qu’une grosse part de leur modèle d’affaires – le fait d’être financé par les dépôts – était assurée, ont pu ainsi prendre plus de risques. Ce trop-plein de risques a conduit à une nouvelle crise qui a entraîné de nouvelles régulations dont on commence à voir les effets secondaires : comme le fait que, face aux nouvelles exigences en termes de capitaux propres, les banques ont commencé à aller chercher des actifs qui ne demandaient pas trop de capital d’un point de vue de la régulation, mais qui restaient fort risqués. Elles ont donc continué à prendre des risques en faisant de l’arbitrage régulateur. Autrement dit, elles ont investi dans des actifs qui n’étaient pas sur les écrans du régulateur. En résumé, lorsqu’une réglementation ferme une porte, les banques en ouvrent d’autres. Exactement ! Et c’est cela qui est dangereux, car les portes peuvent s’ouvrir vers des champs hors du domaine et du contrôle du régulateur. À chaque nouvelle réglementation, régulateurs et superviseurs doivent anticiper les éventuelles échappatoires et penser au pire des scénarios. C’est d’ailleurs pour cela que les stress tests ont été introduits : pour répondre à la question « quel est le pire du pire que les banques pourraient imaginer faire ? ». Le régulateur aussi doit se montrer créatif. Quelles seraient les bonnes mesures à prendre pour solidifier le tissu bancaire européen ? Même si cela a été un peu tardif, beaucoup a été fait. Notamment avec la création de l’Union bancaire qui met plus de pouvoir au niveau européen et limite ainsi cette tendance qu’ont les banques centrales nationales à souvent 52
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Les banques européennes n’ont pas attendu pour se restructurer. Entre 2009 et 2019, le secteur aurait perdu 500.000 emplois, selon les données de la Fédération bancaire européenne. Les effectifs des banques européennes – Royaume-Uni inclus – sont passés, sur la période, de 3,1 millions de salariés à 2,6 millions. Il s’agit principalement pour les banques de répondre aux difficultés de la banque de détail ou d’accompagner la consolidation du secteur. Le Luxembourg semble relativement épargné. De 2009 à 2019, l’effectif a oscillé entre 26.420 personnes et 26.337. Il était à 26.106 fin 2020.
défendre d’abord leurs ouailles et à endosser le rôle de lobbyiste au sein du système européen des banques centrales lorsqu’une réglementation contrevient de trop aux intérêts de leurs ressortissants. Mais, surtout, mettre plus de pouvoir au niveau européen contribue à avoir un regard plus uniforme sur les risques bancaires, à récolter des données uniformes – ce qui était loin d’être le cas avant – et à pouvoir comparer des banques hétérogènes et à voir comment elles vont évoluer les unes par rapport aux autres, notamment en fonction de leur capitalisation de départ. Et cela renforce le pouvoir de sanction et donc de dissuasion face à des banques pouvant être tentées de faire de l’arbitrage régulatoire. Le dernier stress test mené par la BCE en juillet dernier concluait justement que le secteur bancaire était assez solide pour résister à une nouvelle crise. Êtes-vous d’accord avec ce constat ? Le ratio dette/capital est actuellement à 15 % en Europe, ce qui est du jamais-vu. Le fait que les banques aient autant de fonds propres est quelque chose de rassurant. Mais est-ce que cela sera suffisant ? Personne ne peut le dire. Ces stress tests sont basés sur les expériences passées. En quelque sorte, on refait la crise. La prochaine sera très probablement très différente, ne serait-ce parce que, par définition, nous sommes bien préparés aux risques que nous avons déjà expérimentés. Prenez l’exemple de Dexia. L’exposition à la dette souveraine n’était pas considérée comme un risque en 2011. La dette souveraine était tenue comme le meilleur actif en termes de rentabilité et avait une obligation de capital de zéro. Dexia a passé le stress test d’alors haut la main, c’était même une des plus vertueuses. Trois mois après, elle s’effondrait parce qu’une grande partie du bilan était en dette souveraine, et surtout grecque. Ce n’est
pas la cause unique de la chute de cette banque, mais cela illustre bien le fait qu’à chaque fois, les régulations sont faites pour répondre aux risques passés. C’est l’exemple typique de l’échec d’un stress test. D’où pensez-vous alors que la prochaine crise financière puisse venir ? On peut tout imaginer : du cyber-risque au risque climatique – risque auquel la BCE commence sérieusement à s’intéresser –, la palette est vaste. Cette crise pourrait aussi venir du secteur bancaire. Un certain nombre de banques sont appelées à disparaître parce qu’elles ne seront plus rentables. Ce qui veut dire que celles qui vont survivre seront celles qui auront pu faire suffisamment d’économies d’échelle. Bref, les grandes banques. Or, une trop grande banque n’est jamais une bonne chose du point de vue du risque systémique. Ce sont des banques qui ont de très grandes chances d’être secourues en cas de crise où elles pourraient faire défaut. Ce qui leur donne des incitants pour prendre des risques. Une autre source potentielle de danger est la forte imbrication actuelle du risque bancaire avec le risque souverain. À cause de la pandémie, le gouvernement a fortement soutenu les entreprises. Des entreprises auxquelles les banques sont fortement exposées. Maintenant que les soutiens publics à l’économie vont disparaître plus ou moins progressivement, la corrélation entre le risque de la dette souveraine et le risque des banques s’en trouve augmentée. L’appel au rapprochement entre les acteurs bancaires européens lancé par la BCE n’en est que plus paradoxal. Comment voyez-vous évoluer le secteur dans les années qui viennent ? On aura, d’un côté, de grandes banques multinationales qui seront très liées aux gouvernements et, autour, toute une armée de fintech et de plateformes qui, sans être des banques, délivreront des services bancaires sans être régulées, comme le sont les banques. Tant que ces firmes resteront modestes en termes de taille, cela ne posera pas de risque. Mais s’il émergeait une fintech ou une plateforme de services à la taille comparable à celle de… disons la Deutsche Bank, il sera alors grand temps que les régulateurs s’inquiètent et commencent à contrôler ce genre de sociétés.
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Est-ce la raison de l’apparition de nouveaux acteurs qui financent l’économie hors du système bancaire traditionnel comme le private equity ? Oui, bien sûr.
L’EMPLOI SOUS PRESSION
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secteur bancaire européen à une rentabilité plus basse que le secteur bancaire américain.
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Christel Henon fréquente aujourd’hui davantage les plateaux que les salles d’audience.
Conversation Christel Henon
« Nous ne montons pas un film pour avoir de bonnes critiques » Avocate depuis près de 30 ans, présente notamment dans les procès Clearstream et LuxLeaks, Christel Henon s’est muée en productrice de films avec sa société Bidibul Productions. Après certains succès, elle s’est lancée dans un nouveau projet : l’adaptation d’un best-seller littéraire avec John Malkovich. Interview JULIEN CARETTE
Avocate ou productrice ? Qu’est-ce qui vous définit le mieux ? Je continue à faire du droit, étant donné que dans la production cinématographique il y a énormément de contrats en tout genre. Mais je me sens à l’heure actuelle beaucoup plus productrice, voire scénariste, puisque je coécris désormais. Mais pas (encore) réalisatrice. Même si je viens de refaire un passage par la case études, afin d’accomplir une formation en réalisation cinématographique. Il est d’ailleurs prévu que je tourne mon premier court métrage en décembre… Une formation effectuée en vue de perfectionner votre background de productrice ? En partie, oui. Je conçois le métier de productrice comme étant assez global, ne se limitant pas à aller chercher l’argent pour financer un film. Produire va bien au-delà de ça. Il y a tout un aspect artistique s upplémentaire. Il faut donc pouvoir appréhender toute la filière, du scénario à la réalisation. Et c’est en cela que cette formation diplômante m’aide. Tout cela est très éloigné des dossiers que vous traitiez en tant qu’avocate, dans l’affaire Clearstream par exemple… J’ai, en effet, été l’avocate pendant dix ans de Denis Robert, l’acteur principal de cette affaire. Je suis intervenue sur le fond dans les dossiers français, tout en le défendant lorsqu’il était attaqué à Luxembourg. C’est Canal+ France, pour qui Denis Robert travaillait, qui m’avait contactée puis mandatée…
Photo GUY WOLFF
Comment une grande entreprise comme Canal+ vient-elle chercher une avocate à Luxembourg pour un dossier aussi important ? Par le biais d’un autre avocat, Pierre Louis Dauzier, avec qui j’avais travaillé dans diverses affaires. Il était le juriste attitré de Havas et Canal+. Et il m’avait justement sollicitée dans le cadre du dossier de Denis Robert lors des premières procédures, afin de l’aider à établir celui-ci. Avant donc de me recommander auprès de ses clients. Robert était attaqué en matière de droit de la presse. Un domaine que je n’avais alors jamais traité – ce que j’avais signifié d’ailleurs à l’époque – puisque je m’occupais e ssentiellement de droit
des affaires : due diligence, rachat ou vente d’entreprises… Mais ils voulaient absolument que je défende le dossier… Pourquoi ? J’avoue m’être aussi posé la question, car je n’avais encore jamais traité de droit de la presse. J’avais d’ailleurs cité d’autres confrères. Mais je pense que Pierre Louis Dauzier avait parlé de moi en termes tellement élogieux qu’ils me voulaient vraiment.
Juriste par vocation Née le 29 avril 1968 à Verdun (France), Christel Henon s’est rêvée juge dès l’âge de 9 ans. Elle réalise une maîtrise de droit à Metz, puis un DESS en droit notarial à Lille et un diplôme supérieur en notariat à Paris. Avant d’être assermentée avocate à Luxembourg en 1994 et de devenir avocate à la Cour en 1996.
Vous étiez aussi partie prenante dans le procès LuxLeaks… On était venu me chercher en raison de mon expérience dans le dossier Clearstream. C’est comme ça que j’ai aussi défendu le journaliste Édouard Perrin, dans ce dossier LuxLeaks. Je me suis occupée de l’instruction avant de contacter un confrère pour reprendre le d ossier. À l’époque, nous avions déjà lancé Bidibul Productions et le cinéma m’accaparait trop pour parvenir à m’investir à 100 %. Mais on est revenu vers moi pour le procès en appel. Et j’ai alors mis mon rôle de productrice entre parenthèses pendant cinq mois pour me consacrer à ce dossier.
Fiduciaire, étude et Bidibul Avant de fonder l’étude Henon (devenue par la suite Henon-Hornung), elle a travaillé dès son arrivée au Luxembourg en 1992 à la Fiduciaire Centrale, avant de créer son propre établissement, Fisogest, en 1993. En 2008, elle lance avec son associé Lilian Esch la société de production cinématographique Bidibul Productions.
Lorsqu’on plaide des affaires aussi médiatisées que celles-là, pourquoi décide-t-on de mettre tout ça de côté pour se plonger dans le monde du cinéma ? Tout simplement parce que le cinéma est très excitant aussi ! Monter un film est un sacré challenge. On connaît son point de départ, mais on ne sait jamais si on pourra mener sa
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Conversation Christel Henon
production jusqu’au bout. Un peu comme ces grands d ossiers qui me sont passés entre les mains en tant qu’avocate et dans lesquels on ne sait jamais à l’avance si on parviendra à l’emporter. À l’image justement de cette affaire LuxLeaks où il n’existait pas de jurisprudence et où les journalistes du monde entier gardaient un œil fixé sur nous en vue du verdict. Dans les deux cas, il faut savoir se montrer déterminé, rester dans la réflexion tout le long, en cherchant les bonnes réponses à donner, tout en se refusant à baisser les bras.
DES SUITES AVEC LEGARDINIER ? Le romancier français Gilles Legardinier, et ses six millions de livres vendus dans le monde, est de retour en librairie depuis début octobre avec Mardi soir, 19 h. Un roman qui sera peut-être adapté un jour au cinéma par Christel Henon et Bidibul Productions. « Gilles m’a déjà dit qu’après Complètement cramé !, il aimerait que l’on continue à adapter ses autres romans ensemble… », sourit la productrice. Le potentiel est évident : Demain j’arrête !, son premier succès, s’étant ainsi vendu à plus d’un million d’exemplaires. Legardinier n’ayant pas cédé ses droits à ses maisons d’édition (Fleuve noir puis Flammarion), il gère lui-même les adaptations à l’écran de ses œuvres.
le premier ayant franchi les deux millions d’entrées, alors que le second a dépassé la barre du million malgré une sortie chahutée par la Covid-19. Mais les critiques avaient été très négatives… Nous ne montons pas un film pour avoir de bonnes critiques. Notre objectif est de faire passer un bon moment aux gens. De produire des films qui font plaisir. Si vous prenez Les Blagues de Toto, nous avons fait un m eilleur score au box-office en deuxième semaine, avant de voir nos chiffres continuer à grimper. Soit le schéma inverse de beaucoup de productions qui déclinent avec le temps. C’est donc que le bouche-à-oreille était bon ! On ne le cache pas : on aime les films familiaux, grand public. Les divertissements ! Ce qui ne veut pas dire qu’on exclut le reste pour autant. Il suffit de regarder notre catalogue pour s’en rendre compte.
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Votre prochaine production, à savoir l’adaptation cinématographique de Complètement cramé !, le best-seller (plus d’un million de livres vendus) de Gilles Legardinier, possède aussi une certaine envergure. Peut-on dire que c’est votre projet le plus personnel ?
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« J’ai toujours aimé l’aventure, même quand elle m’emmène loin du métier d’avocate. »
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Comment êtes-vous arrivée dans le milieu du cinéma ? J’étais l’avocate de certaines sociétés de production audiovisuelle, dont LuxAnimation. Cette dernière avait été fondée en 2002 par Lilian Eche, avec qui j’ai ensuite créé la société de production Bidibul et qui est toujours mon seul associé. À l’époque, il faisait surtout de l’animation. Et un jour, je lui ai lancé : « Tu n’aurais qui nous ont fait vibrer. C’est comme ça que Comment décide-t-on de s’engager sur pas envie de faire du cinéma avec de vrais gens ? », nous fonctionnons. Nous ne voulons pas être un film comme l’adaptation des Blagues avant d’ajouter : « Moi, cela me plairait bien… ». mis dans une case et avoir une ligne éditoriale de Toto, dont on sait dès le départ qu’il C’était dit sur le ton d’une boutade, mais cela unique. On avance au gré des rencontres ou ne restera pas comme un chef-d’œuvre du cinéma ? En ayant plutôt en tête une partait d’un vrai ressenti. J’avais été invitée sur des projets que nous lançons. stratégie de rentabilité ? le plateau d’un de leurs films, Les Enfants de On sait effectivement qu’on ne remportera Timpelbach, et l’ambiance m’avait vraiment plu. Vous êtes les seuls au Luxembourg pas un Oscar. Mais, comme je vous le disais, Cela m’avait donné envie de m’investir dans ce à vous aventurer régulièrement dans milieu. J’ai toujours aimé l’aventure, même des productions que l’on peut estampiller nous aimons le divertissement. Et Les Blagues quand elle m’emmène loin du métier d’avocate. « commerciales très grand public ». de Toto sont une licence connue par énormément Évidemment, quand nous avons créé Bidibul À l’image des films Boule et Bill ou de monde. Ici, le matériel de départ est une série de Productions en 2008, je n’étais pas censée m’en- des Blagues de Toto. Vous aimez bien gager professionnellement à 100 % dans ce nou- le strass et les paillettes ? bandes dessinées déclinées sur le principe d’un veau projet, mais, petit à petit, cela s’est installé Non, pas du tout. Je suis plutôt du genre à gag par page. On en a donc toute une collection, comme une réalité. Jusqu’au moment où j’ai dû besogner en coulisses. D’ailleurs, je n’accepte mais pas de vraie histoire. Or, on a besoin faire un choix professionnel… que rarement ce genre d’interview. Pour en d’une bonne histoire pour réaliser un film. revenir aux films que vous citez, si nous prenons Donc, la décision de se lancer dans un tel projet, Le positionnement de Bidibul est un peu de tels projets, c’est que nous les aimons. Après, on la prend quand on est certain d’avoir une atypique au Luxembourg, avec un grand il est évident qu’à un moment, nous nous trame assez forte pour tenir la route. Dans ce écart qui va de films d’auteur comme interrogeons sur la cible que l’on peut atteindre. cas-ci, on a marqué notre accord et racheté, Chambre 212, du Français Christophe Est-ce un projet indépendant ? Grand public ? avec notre partenaire français, la licence liée Honoré, jusqu’à ce qu’on peut appeler Mais, quelle que soit la réponse, le but restera au cinéma quand on a vu qu’on tenait un message de vrais « blockbusters à la française »… le même : le défendre et l’emmener le plus loin d’actualité à raconter : l’acceptation de la Nous avons aussi produit Sibel, qui est un film possible. Que ce soit en festival, au niveau des différence. Et qu’on pouvait toucher avec celui-ci en langue sifflée et où, lorsqu’il y a des dialogues, entrées dans les salles, en SVOD ou à la vente les enfants comme les parents, sans être trop ces derniers sont en turc. C’est donc sans doute à l’international. moraliste. On ne fait jamais un film en se disant : encore un peu plus indépendant que du « Telle production a marché précédemment et on va faire des entrées en surfant sur la même Christophe Honoré. Mais il y a un dénominateur Boule et Bill et Les Blagues de Toto sont commun à tous nos films : ce sont des projets vos deux plus gros succès commerciaux, vague. » La vie est trop courte pour s’embarrasser de ce qui ne vous apporte pas du plaisir. Après le succès du numéro 1 au cinéma, on a eu en main le scénario du deuxième épisode de Boule et Bill et nous avons décidé de ne pas suivre. Parce que cela ne nous convenait pas. Par contre, le deuxième tome des aventures de Toto est en route…
CAR APRÈS CES DERNIERS 18 MOIS, L A QUALITÉ DE VOS ÉVÉNEMENTS EST PLUS IMPORTANTE QUE JAMAIS
W W W. S T E F F E N T R A I T E U R . L U
Conversation Christel Henon
Outre Complètement cramé ! dont nous parle Christel Henon dans cette interview, d’autres adaptations sont actuellement dans les tuyaux de Bidibul Productions. Comme celle d’un long métrage d’animation du Petit Nicolas de René Goscinny et Jean-Jacques Sempé, sous-titrée « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? », et sur laquelle travaillent d’autres partenaires locaux comme Studio 352 (filiale de Mélusine Productions), mais aussi Onyx Lux et Philophon. Ou encore d’un autre film d’animation très attendu, à savoir The Kid, an animated adventure, une adaptation du chef-d’œuvre de Charlie Chaplin.
Et c’était le cas ? Oui. Les mastodontes français, tels Pathé, Gaumont…, étaient intéressés. Ils sont tou- capoter… Mais, à l’époque, j’étais partie trois jours sur les best-sellers. Dans notre cas, Gilles mois aux États-Unis, afin de dégoter l’acteur a été touché par mon message. Il m’a contac- pour notre premier rôle. J’en avais un peu marre tée et on a échangé plusieurs mois avant de d’être snobée par les agents lorsque nous les se rencontrer et qu’il nous choisisse. Il a eu contactions. Donc, je m’étais rendue sur place le sentiment que j’avais compris son livre. afin de rencontrer ces agents, me faire connaître. Que le message que je voulais faire passer sur À l’époque, Malkovich était déjà mon premier grand écran était celui qu’il avait lui-même choix. Mais cela ne passait pas avec ses reprévoulu mettre dans son livre. En d’autres termes : sentants… Du coup, quand on a relancé la que nous n’allions pas juste réaliser un « nou- production, je me suis arrangée pour récupével objet commercial ». Ce n’est pas l’appât rer ses coordonnées. Et je suis donc passée du gain qui l’a motivé. Si ça avait été le cas, directement par lui, court-circuitant ses agents. ce n’est pas nous qu’il aurait choisis. Je lui ai expliqué qui nous étions, quel projet nous avions et je lui ai demandé si je pouvais Avec Complètement cramé !, vous avez lui envoyer notre scénario. Les discussions ont aussi enfilé la casquette de scénariste… duré six mois. On a fait le deal directement En fait, au départ, nous avions engagé des avec lui, ne repassant par ses agents qu’une scénaristes, de grands professionnels qui ont fois que tout était O. K. pour formaliser les écrit des succès. Mais ces derniers n’ont pas choses avec leur service juridique. compris l’essence du bouquin. Ce n’est pas de la grosse comédie « franchouillarde ». Il y a de Et le reste du casting ? l’humour certes, mais aussi beaucoup de sensibilité Il n’est pas encore complètement bouclé, mais et d’émotion. On est davantage dans la comé- Fanny Ardant et Émilie Dequenne ont donné die britannique que française. Et là, dans ce leur accord. À côté, six rôles secondaires seront scénario, l’âme de cette œuvre n’était plus pré- dévolus à des acteurs du cru, sur un tournage sente. Gilles s’en est rendu compte et il m’a où la présence luxembourgeoise sera impordit que je devais l’écrire avec lui. Il avait remar- tante. Le Film Fund finance le film à hauteur qué que c’était moi qui apportais les idées pour de 1,5 million sur les six actuellement au budget… tenter de débloquer les soucis scénaristiques… Six millions d’euros, c’est à la fois C’est vous qui vous occupez aussi beaucoup et peu pour une telle production. du casting ? Avec Boule et Bill, on se situait aux alentours En tant que productrice déléguée et coscénariste, des 16 millions… j’interviens sur beaucoup de points p endant Sur Boule et Bill, nous n’étions pas producteurs toutes les phases : développement, préparation délégués, mais coproducteurs. Ce n’était donc et tournage. Je fais beaucoup, mais avec des pas nous qui étions à la manœuvre dans les équipes autour de moi. Je ne suis pas seule. Et, négociations, notamment avec les acteurs. Et pour le casting, je me suis chargée de recruter puis, l’époque n’est pas la même économiqueJohn Malkovich pour le premier rôle… ment parlant. Certains plafonds ont été revus à la baisse, les financements sont plus c ompliqués Comment y êtes-vous parvenue ? à trouver. Même chez nous, les dotations du Ce film aurait pu se faire une première fois Film Fund Luxembourg ont déjà été bien plus en 2018. Un souci d’assurance avait tout fait hautes. Les différents acteurs fi nanciers qui 58
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interviennent dans une production mettent moins d’argent qu’auparavant. Nous sommes dans l’« après-Covid »… Rappelons qu’au Luxembourg, il n’existe qu’un guichet de financement pour les producteurs cinématographiques : le Film Fund. Il est impossible de se passer de partenaires étrangers… Oui. On doit trouver des coproducteurs à l’international pour chaque film. On essaie toujours de faire en sorte qu’ils soient le moins nombreux possible, mais ce n’est pas simple. Il faut aussi parvenir à jongler avec les réglementations en vigueur dans chaque pays. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, on n’alloue pas l’argent comme on le souhaite. Il y a des contraintes à prendre en compte. Dans le cas de Complètement cramé !, par exemple, le million et demi d’euros apporté par le Film Fund doit être dépensé à 100 % dans l’économie luxembourgeoise. À côté, le reste du budget – 4,5 autres millions – vient de France via les subventions obtenues par notre partenaire hexagonal, Superprod Films, sous la forme d’un crédit d’impôt cinéma ou du Fonds de soutien cinéma et audiovisuel. D’autres acteurs interviennent aussi, tels notre distributeur (Universal), notre vendeur international… Pour une businesswoman comme vous, la tentation n’est pas forte d’essayer de vous développer ailleurs pour éventuel lement rencontrer un plus grand succès commercial ? Non. Je ne cherche pas la notoriété. Avoir mon nom dans les journaux, ce n’est pas vraiment ma définition de l’aventure. Ce que je veux, c’est sortir les films dont j’ai envie. Et, tant que c’est possible au Luxembourg, pourquoi q uitter le pays où je vis ? Je préfère travailler avec des producteurs déjà installés de longue date à l’étranger que d’aller leur faire concurrence. Le fait qu’au Luxembourg il n’existe qu’une source de financement, comme on le disait, peut être handicapant. Cela peut limiter le nombre de projets, mais le but est-il vraiment de les multiplier tant que ça ? De faire du chiffre ? Chez Bidibul, ce n’est clairement pas notre philosophie. Et si, dans le futur, la possibilité existait de réaliser une production de très grande ampleur, il y aurait toujours la possibilité de trouver des partenaires internationaux plus éloignés géographiquement que ceux qui nous accompagnent aujourd’hui pour le cofinancement.
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« LE PETIT NICOLAS » ET « LE KID » DE CHAPLIN ARRIVENT
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Tout à fait. Cela fait sept ans que je le porte, depuis que j’ai commencé la lecture du livre dans un avion qui m’emmenait en Corse en 2014. Le vol n’avait pas été assez long pour le terminer, mais je l’avais quand même lu d’une traite, continuant à tourner les pages durant toute la nuit qui avait suivi. Ce n’est pas forcément l’histoire en elle-même qui m’a touchée, p lutôt tout ce que ça dit entre les lignes. Les petites leçons de la vie, l’humour, tout ça mêlé à de la profondeur. Une fois ma lecture terminée, j’avais envoyé un message à l’auteur, Gilles Legardinier. Chose que je n’avais jamais faite avant. Deux lignes, pas plus. Mais avec un nota bene à la fin, qui disait qu’au cas où, j’étais productrice de cinéma. Sans grand espoir, me disant qu’il devait y avoir du monde pour adapter un tel succès.
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Tom Baumert veut se concentrer sur les 90 premiers jours suivant sa prise de fonction pour prendre le pouls du secteur et de celles et ceux qui le font vibrer.
Conversation Tom Baumert
« Il faut laisser faire le marché » Le 1er décembre prochain, Tom Baumert aura la lourde tâche de prendre le relais de Nicolas Henckes à la direction de la CLC. Celui qui s’est rapidement frayé une place dans les arcanes du patronat évoque ses priorités avec, en filigrane, une approche libérale assumée. Interview THIERRY RAIZER
La crise a-t-elle eu un impact sur l’esprit d’entreprendre ? L’impact a été très faible selon ce que j’ai perçu via la House of Entrepreneurship. Il est évident qu’en mars, avril et mai 2020, les demandes qui nous ont été adressées sont tombées à un niveau très bas, mais nous sommes entretemps revenus au niveau de 2019, nous l’aurons même probablement dépassé d’ici à la fin de l’année. J’ajoute que la crise et les confinements ont aussi été des moments mis à profit par certains pour décider de devenir entrepreneur. Sans compter que nous n’avons pas encore connu cette vague de faillites d’entreprises tant redoutée en raison des confinements et de la pression qui était mise sur le cash des entreprises, en particulier dans l’événementiel, le tourisme et l’horeca. Nous devons toutefois rester prudents et surtout attentifs à l’égard des secteurs du tourisme et de l’événementiel. Craignez-vous que les répercussions réelles de la crise arrivent d’ici quelques semaines, à mesure que les effets des aides du gouvernement touchent à leur fin ? Je suis davantage préoccupé par les restrictions sanitaires avec lesquelles les commerces doivent composer que par la fin des aides, en particulier dans l’horeca, qui risque de perdre une partie de la clientèle qui n’est pas vaccinée et qui ne voudra probablement pas effectuer un test payant à chaque fois. Il est inévitable que la poursuite des restrictions entraîne un impact, soit avec des fermetures, soit avec une refonte du business model de certaines entreprises. Le même constat vaut pour le secteur du voyage, et évidemment l’événementiel. Je reste néanmoins optimiste
Photo ANDRÉS LEJONA
et je pense que, d’ici au printemps 2022, on devrait être sortis de la phase pandémique. Il reste six mois à affronter, mais avec des restrictions moins fortes que par le passé, les conséquences devraient être gérables. Faut-il lever certaines restrictions sanitaires ? C’est mon avis personnel, mais à un moment donné il faut dire que l’État doit laisser la liberté à chacun de se faire vacciner en connaissance de cause. La communication a déjà été effectuée sur le sujet, chacun dispose de suf-
BIO EXPRESS Le jeune visage du patronat Né le 9 avril 1985 à Luxembourg Diplômé de la Solvay Brussels School of Economics and Management. Rejoint la Chambre de commerce en 2013 en tant que conseiller aux entreprises après une expérience à Spuerkeess. Devient le CEO de la House of Entrepreneurship en 2016 et est nommé, en octobre 2018, directeur Entrepreneurship de la Chambre de commerce, en rejoignant son comité de direction. En décembre 2021, il devient le nouveau directeur de la Confédération luxembourgeoise du commerce (CLC), succédant à Nicolas Henckes, qui était en poste depuis juin 2017 et qui relève un nouveau défi en reprenant la direction de l’entreprise Hospilux.
fisamment d’informations pour prendre une décision. Je suis vacciné par conviction, mais je sais que beaucoup le sont pour retrouver une liberté. Mais jusqu’à quel moment cette partie de la population va-t-elle accepter des restrictions ? Si l’on motive les gens à se faire vacciner pour recouvrer leur liberté, autant leur redonner une liberté totale si on veut susciter leur adhésion lors des prochaines campagnes de vaccination. Faut-il imaginer de nouvelles aides, plus ciblées, pour les secteurs que vous venez d’évoquer ? J’aurais plutôt tendance à ne pas cibler de nouvelles aides, car il y aura toujours des exceptions dans chaque secteur. Je plaiderais plutôt pour une nouvelle aide conditionnée à une perte de chiffre d’affaires à déterminer. Que faut-il prévoir comme mesures pour favoriser la relance économique ? Je pense tout d’abord à un signal qui serait adressé aux indépendants, en particulier aux petits indépendants, qui ont effectué des sacrifices durant la crise, à savoir leur donner la possibilité de toucher le chômage partiel au même titre que leurs équipes. L’inscription d’une telle possibilité dans la loi représenterait un pas important pour ces entrepreneuses et entrepreneurs. Si on parle de relance, je pense aussi spontanément aux bons d’hôtels qui ont déjà bien fonctionné. Pourquoi ne pas utiliser à nouveau ce procédé ou le décliner à d’autres desseins ? Je pense aussi à des aides pour permettre aux entreprises de disposer de liquidités, par exemple via les instruments dont dispose la Société nationale de crédit et d’investissement (SNCI). DÉCEMBRE 2021
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Conversation
Faut-il limiter l’usage des chèquesrepas aux restaurants pour les soutenir durant la période que nous traversons ? Les supermarchés proposent aussi une partie de restauration. Je verrais dans cette décision une intervention de l’État assez forte et finalement assez difficile à mettre en place.
« Le chemin est encore long pour que les entrepreneurs soient pleinement intégrés au débat public et politique. »
Outre des aides toujours en mode relance, faut-il stimuler l’investissement des entreprises, là aussi en octroyant de nouveaux subsides ? La panoplie d’aides en la matière est déjà suffisamment large. Faut-il en inventer d’autres ou, au contraire, adapter celles déjà existantes si le des Classes moyennes et la Chambre de com- Il faut laisser faire le marché. À l’État de défibesoin se fait sentir ? Je plaide plutôt pour la merce, pour répondre à l’évolution des habitu- nir un cadre, au marché d’ajuster l’offre en seconde option. Je pense, en revanche, qu’il faut des de consommation, ndlr) afin de leur permettre fonction de la demande des consommateurs. sensibiliser les entreprises à ces aides qui paraissent de développer des stratégies commerciales ad Ceci vaut pour les types de commerces, mais parfois nébuleuses quant aux formalités admi- hoc. L’autre levier en la matière est la plate- aussi les types de produits. nistratives à effectuer. Nous devons changer la forme Letzshop, dont la CLC est l’une des perception à l’égard de ces aides tout en veillant parties prenantes depuis sa création, égale- Comment percevez-vous les investissements d’un géant technologique comme à faire sauter des freins administratifs s’ils se ment dans le cadre du Pakt Pro Commerce. Amazon dans le commerce de détail présentent. Et surtout vulgariser l’ensemble du aux États-Unis ? langage utilisé pour les démarches administra- La CLC a aussi été à l’origine de la création Je ne suis pas surpris. Un géant comme Amazon tives préalables à l’obtention de ces aides. J’ajou- du cadastre commercial, pensé comme va essayer de diversifier son offre. Nous obserterais que la mise en lumière des réalisations un outil qui permet de disposer d’une vue effectuées par les entrepreneurs grâce à ces actualisée et précise du paysage commervons déjà actuellement différents types de cial national. Quels enseignements vous aides doit être faite dans ce même sens. commerces qui vont cohabiter, certains sans livre actuellement ce cadastre en ligne ? caissières par exemple, pour des raisons de Le « consommer local » a gagné Le cadastre, une initiative commune de la CLC, business model, d’autres qui se concentrent en importance depuis le début de du ministère de l’Économie DG des Classes sur un modèle avec un conseil plus qualitatif. la crise. Est-ce un objectif pour la CLC moyennes et de la Chambre de commerce, per- La digitalisation a déjà accéléré – et va encore, d’encourager cette tendance ? met de faire des recommandations sur la base dans le futur, accélérer – ces tendances. Je Notre rôle se situe à un niveau macroécono- du concret, en fonction de la situation dans une crois à un mix commercial avec différentes mique, tout d’abord avec une offre de consul- localité. Il nous offrira surtout la possibilité options pour des clients qui, d’une manière tance auprès des communes qui le souhaitent. d’ajuster les stratégies commerciales des com- générale, utilisent de plus en plus différents Nous proposons en effet 20 heures de conseil munes en fonction du retour mesurable sur le canaux pour faire leurs achats. Nous l’avons gratuit aux communes dans le cadre du Pakt terrain, en termes de passage par exemple. L’am- vu durant la crise avec l’utilisation massive du Pro Commerce (mis en place par la CLC, le bition est d’être dans le concret en mesurant commerce en ligne, ce qui doit nous pousser ministère de l’Économie direction générale [DG] autant que possible les données relatives à l’ac- à continuer à accompagner les commerçants tivité commerciale, mais aussi en s’interrogeant locaux dans leur digitalisation via Letzshop. sur des éléments comme la sécurité ou encore l’éclairage public, qui concourent à une atmos- L’ouverture dominicale des commerces phère commerciale agréable. Le cadastre nous reste un combat pour la CLC ? DES ACHATS EN LIGNE DÉCONFINÉS permettra d’ailleurs de faire le bilan de l’évolu- Oui. Le consommateur est demandeur, les Comme le révélait le Statec en décembre 2020, 35 % des tion de l’activité commerciale au sortir de la entreprises également, et je pense qu’une parinternautes ont acheté en ligne des produits alimentaires crise. Nous avons pour ambition d’établir l’an tie des employés sont prêts aussi. ou des produits de première nécessité pendant le confi nement, dont 60 % plus souvent qu’avant. 51 % ont plus prochain un rapport détaillé du paysage comsouvent commandé des repas en ligne. Le pic du plus haut mercial national. Quel sera, à terme, l’impact du télétravail taux d’achats en ligne a été observé parmi les 35-44 ans. sur le commerce local ? 25 - 34 ans 45 - 54 ans Qu’en est-il des grandes surfaces ? Je dois d’abord noter que le télétravail va rester 37 % 36 % Doit-on reconsidérer leur développement profondément ancré dans les habitudes de 50 % 35 - 44 ans 65 - 74 ans afin d’éviter une trop grande concurrence nombreuses entreprises à qui il revient de trou42 % 29 % à l’égard des plus petits commerces ? ver la meilleure manière de s’organiser. Je suis 40 % à nouveau contre une intervention étatique qui Le cadastre commercial permet de tout mesu55 - 64 ans 16 - 24 ans 32 % 29 % rer, mais je ne considère pas les grandes sur- rendrait obligatoire le télétravail. Quant à l’im30 % faces comme une concurrence à l’égard des pact sur le commerce, nous allons certainement petits commerces. Chacun propose une expé- voir la mise en place d’un nouvel équilibre au rience différente à la clientèle, du centre-ville niveau de la fréquentation des villes par exemple, 20 % aux périphéries. Tout nouveau projet de grand entre les différentes régions du pays. Les commagasin attire le scepticisme, et ce depuis que merçants trouveront des solutions, j’en suis 10 % Cactus a ouvert sa première grande surface à convaincu. C’est aussi pour cette raison que Bereldange en 1967. Or, je ne connais pas encore j’aime travailler auprès d’eux : ils sont orientés de grande surface qui ait fermé au Luxembourg. vers des solutions et sont souvent plus engagés 0 % 62
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Tom Baumert
DES PROJETS DE LOI À DÉBALLER
qu’on ne le pense dans les bonnes pratiques et les normes environnementales. La recherche du profit à tout prix n’est pas, et de loin, leur principale raison d’être. Vous deviendrez, le 1er décembre, directeur de la CLC. Comment vous sentez-vous à l’approche de ce nouveau chapitre de votre carrière ? J’ai le sentiment du devoir accompli après huit années passées à la Chambre de commerce, dont six à la tête de la House of Entrepreneurship, que nous avons développée en quelque sorte comme une start-up. Nous avons débuté avec 9 personnes, pour compter aujourd’hui 48 collaborateurs. Cette évolution, à laquelle j’ajoute l’utilité particulière de la House of Entrepreneurship durant la crise, illustre la pertinence de cet organe créé par la Chambre de commerce.
Parmi les dossiers que Tom Baumert trouvera sur son bureau à son arrivée figurent les revendications relatives aux projets de loi déchets et emballages déposés par le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable dans le cadre de la transposition de directives européennes. À l’idée du ministère de réduire l’usage d’emballages en droite ligne avec la stratégie nationale « zéro déchet », la CLC et la Chambre de commerce s’insurgent contre des moyens qui risquent justement de contrecarrer cet objectif. Entre la construction de 136 points de collecte dans les magasins de plus de 400 m2 et de 45 centres de recyclage dans ceux de plus de 1.500 m2, l’introduction d’un prix dissuasif sur les emballages de service, l’interdiction de conditionner des fruits et légumes emballés dans des lots de moins de 1,5 kg ou encore l’arrivée de consignes sur tous les emballages de boissons, les organisations patronales redoutent des coûts qui se répercutent in fine sur les prix de vente, dans un marché où le client a besoin de quelques minutes seulement pour aller faire ses courses dans l’un des pays voisins… En coulisses, les discussions se poursuivent sur des textes dont la date de vote n’est pas encore fixée.
Mais pourquoi vous orienter vers la CLC ? J’avais l’impression d’être arrivé à la fin de ma mission, mais je voulais rester dans le giron du patronat et mener un travail que je définirais plus comme « advocacy » que comme lobbyiste. Je n’avais pas pour intention primaire de postuler, mais, après réflexion, je me suis dit que l’enjeu était intéressant. Il m’a d’ailleurs paru important de rencontrer les membres du Et au Luxembourg, pensez-vous que bureau, que je connaissais, bien entendu, afin cette perception se soit améliorée de comprendre leur vision et leurs ambitions. ces dernières années, sous l’effet, par Il est indispensable que la symbiose soit par- exemple, de l’initiative start-up nation ? faite, notamment entre le président (Fernand Oui, l’esprit d’entreprendre s’est amélioré, Ernster, ndlr) et le directeur. Je me sens sou- comme le montre le Global Entrepreneurship tenu au début d’une mission où, contrairement Index, mais le chemin est encore long pour au secteur privé, le résultat du travail est par- que les entrepreneurs soient pleinement intéfois difficile à mesurer. grés au débat public et politique. Certaines prises de parole de responsables politiques Vous êtes jeune – 36 ans –, vous avez gravi durant la crise ont montré que les deux mondes rapidement les échelons au sein de l’orgase côtoient sans forcément toujours se comnigramme de la Chambre de commerce… prendre. Nous devons poursuivre la valoriQuelle est votre « recette magique » pour sation de l’entrepreneuriat. conduire ce parcours au pas de charge ? J’avoue ne pas la connaître. Je travaille beaucoup. En s’adressant notamment aux plus jeunes, Je m’engage beaucoup. J’écoute aussi beaucoup dans les écoles ? et je suis curieux. J’essaie de structurer mes pen- Les Jonk Entrepreneuren font déjà beaucoup sées autour des clients que l’on sert, ceux de la pour présenter la vie des entreprises aux élèves. House of Entrepreneurship jusqu’à présent. Maintenant que nous disposons d’un beau À partir du 1er décembre, ce seront les 1.700 vivier de start-up, nous devons aussi les utimembres (entreprises et fédérations) de la CLC. liser pour raconter leur histoire aux plus jeunes afin de contribuer à générer de l’intérêt pour l’entrepreneuriat. Cette démarche de sensiVotre parcours vous a permis de vous bilisation, quasi culturelle, prend du temps, rapprocher aussi des entrepreneurs, mais elle peut porter de jolis fruits. de leur façon de penser… Oui, et ma formation dans une école de commerce (Solvay, ndlr) concourt aussi à cette On parle beaucoup de start-up, proximité. Je suis pour une économie ouverte, autrement dit d’entreprises nées autour mon approche est libérale. J’accorde aussi de de la technologie au sens large, mais peutl’importance à la place et la perception de l’en- être moins des commerces qui se montent. trepreneur au sein de la société tout entière, Or, comme l’avaient dit en janvier 2018 en m’inspirant d’exemples étrangers intéres- les présidents de la Chambre des métiers – sants, comme le Canada, où l’entrepreneuriat Tom Oberweis – et de la Fédération des est beaucoup plus valorisé. En Europe, c’est artisans – à l’époque Michel Reckinger, le Luxembourg est aussi une « PME nation »… un peu moins évident.
On considère souvent comme plus « sexy » les start-up technologiques. C’est une tendance mondiale. Or l’on constate, à la House of Entrepreneurship, que 99 % des projets de création d’entreprise ne présentent pas le profil de la start-up. La grande majorité des entrepreneurs le sont donc dans des secteurs qui existent depuis longtemps, en l’occurrence dans le commerce et l’artisanat. Eux aussi innovent à leur manière. Il est donc important de poursuivre l’accompagnement des porteurs de projets de création de PME, qui demeurent la colonne vertébrale de notre économie. Vous inscrivez-vous dans une forme de continuité avec votre prédécesseur, Nicolas Henckes ? Nicolas a fait un formidable travail de refonte de la CLC, de son organisation et de sa proposition de service à destination de ses membres. Je vais bien entendu m’inscrire dans la continuité de cette refonte tout en imprimant mon propre style, peut-être plus orienté vers la recherche du compromis, que je ne considère pas en soi comme un échec. Comptez-vous, comme votre prédécesseur, rester environ 5 ans à la direction de la CLC ? Je suis impatient de commercer à travailler à la CLC, d’entrer en contact avec les membres et d’avoir les premiers contacts avec l’équipe. Je me concentre sur les 90 premiers jours de mon nouveau job. Non, je ne vais pas me fixer un quelconque maximum à ce moment. Quelles sont justement vos priorités pour commencer ce nouveau travail ? Je vais tout d’abord rendre visite à un maximum de membres pour bien comprendre la situation sur le terrain. J’ai, bien entendu, déjà eu l’occasion de parler avec un certain nombre d’entre eux depuis l’annonce de ma prise de fonctions. Je n’arrive pas non plus tout à fait en terrain inconnu. Ces prises de contact me font dire que, malgré la crise, l’état d’esprit est très encourageant. J’ajoute que je voudrais recueillir l’adhésion de l’équipe de permanents et de nos membres avant de lancer une vision pour les prochaines années, une vision qui ne sera pas que ma vision, mais bien une vision collective, condition sine qua non pour qu’elle soit suivie de résultats. Quelle sera la clé pour négocier avec le gouvernement ? La représentativité et le support de nos 1.700 membres confèrent un poids non négligeable durant les négociations. Quelle sera la clé pour négocier avec les syndicats ? La même clé.
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Débat public On ne parle pas assez de la manière dont la crise du logement frappe les plus vulnérables. Depuis peu, nous essayons, en complément de nombreuses autres actions, de créer du logement abordable, surtout par l’affectation de terrains qui nous ont été légués. Or, même si cette ambition est financièrement soutenue par l’État, le cadre légal et réglementaire risque de la contrecarrer. Comment ? Par exemple en interdisant la construction d’un immeuble d’une demi-douzaine de studios et appartements. Le problème n’est jamais la qualité architecturale, technique ou environnementale du projet. Le problème n’est pas le profil des personnes qu’on pourrait y héberger. Le problème est qu’à cet endroit-là, il faut construire, en vertu du PAG, une maison unifamiliale, libre des quatre côtés, avec deux emplacements pour les voitures, le tout entouré d’un jardin. Il n’y a aucun doute : les urbanistes auront établi des coefficients garantissant une qualité de vie de très haut niveau. Mais cette qualité de vie reste réservée à ceux qui en ont les moyens financiers. Ceux qui auraient, avec nettement moins de mètres carrés, une chance de sortir de leur précarité restent à la porte. Alors que le pacte logement 2.0 fait des ouvertures dans la bonne direction, continuons donc à innover afin que le logement abordable devienne de nouveau réalité.
Michel Simonis
Directeur général de la Croix-Rouge luxembourgeoise Le logement reste une denrée rare, et les terrains une ressource précieuse, très limitée. Si nous voulons agir et un jour proposer des logements accessibles à des personnes à faible revenu, nous devons apprendre à partager ces ressources avec plus de bénéficiaires, et donc accepter des densités plus élevées. Et les colocations ? Ce qui est d’usage chez les étudiants reste très difficile à réaliser pour des personnes isolées et/ou à faible revenu. Elles aimeraient, pourtant, au vu de leur situation financière ou familiale, partager leur cuisine et leur salle de bains. Alors que le carsharing est promu, le flatsharing l’est beaucoup moins, et les bénéficiaires d’un Revis se voient pénalisés dans leur allocation dès qu’ils cherchent à utiliser des ressources de façon plus raisonnable. Dommage ! Ignorer les difficultés des plus vulnérables ne va pas les faire disparaître : les attitudes doivent changer. Et, s’il faut inventer de nouvelles règles, qui permettent d’être plus flexibles et efficients, il est possible de le faire en refusant la construction d’immeubles de mauvaise qualité, ne permettant pas une qualité de vie correcte. Nous le devons à ceux qui recherchent désespérément un toit… et finalement à la communauté tout entière. Faisons-le ! Retrouvez sa contribution dans son intégralité sur paperjam.lu. Ce débat public, en principe mensuel, est un rendez-vous qui donne une carte blanche aux représentants de la société civile. Si vous voulez témoigner, contactez la rédaction de paperjam à l’adresse suivante : temoignage@paperjam.lu. Photo ANDRÉS LEJONA
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Technologies
L’outsourcing : un levier de performance
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Depuis quelques années, de nombreuses fraudes menacent l’équilibre et la réputation des entreprises. Une menace très inquiétante qui révèle souvent des intentions plus sombres. Derrière la fraude financière se profilent le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les 39 pays membres du GAFI (groupe d’action financière), dont le Luxembourg, se sont engagés à suivre des règles pour assurer la lutte contre le blanchiment de capitaux et
lutter contre le financement du terrorisme à la suite notamment des attentats du 11 septembre 2001. De ce fait, les institutions financières doivent se soumettre à une série de contrôles à l’égard de leurs clients et justifier les vérifications faites auprès du régulateur. Des procédures indispensables, mais chronophages Les revues de dossiers sont obligatoires pour les entreprises soumises aux lois
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Les réglementations AML et KYC font désormais partie du lot quotidien des entreprises pour veiller à lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Rencontre avec Pascal Morosini, CEO de i-Hub.
Simon Verjus (Maison Moderne)
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LES CHIFFRES-CLÉS
anti-blanchiment au vu de la réglementation KYC. En cas de non-conformité, ces entreprises sont sévèrement sanctionnées. Ces procédures de revues qui comportent un volet de collection de données et de documents sont très énergivores et ne présentent pas toujours de réelle plus-value à être traitées en interne. D’une part, parce qu’elles nécessitent une masse salariale importante et de l’expertise face à des données toujours plus nombreuses et pointues. D’autre part, parce que les entreprises ne sont pas toujours équipées opérationnellement pour réaliser cette revue et que l’investissement lié à l’automatisation des procédures et des systèmes informatiques engendre souvent un coût très important pour les entreprises. Le volume des données, leur caractère privé et la nécessité de revues fréquentes en font une activité que de nombreuses entreprises ont choisi d’externaliser pour plus de performance. « L’externalisation permet en effet aux clients de se décharger de ces volumes et de se focaliser sur les dossiers problématiques plutôt que de se lancer dans la chasse aux documents », précise Pascal Morosini, CEO de i-Hub. La loi AML de 2004, autorisant les établissements financiers à travailler sur la base d’une numérisation ou de documents
Le volume des données, leur caractère privé et la nécessité de revues fréquentes en font une activité que de nombreuses entreprises ont choisi d’externaliser.
« Avec KYC Partner, i-Hub gère, via une plateforme, les mises à jour et la révision obligatoire des dossiers KYC des professionnels soumis aux lois anti-blanchiment. » Pascal Morosini
signés en ligne, a facilité l’automatisation des procédures et a permis à des sociétés spécialisées du secteur digital de prêter main-forte aux entreprises financières. Les PSF (Professionels du Secteur Financier de support) de support agissent donc comme sous-traitants de fonctions opérationnelles pour le compte de professionnels financiers, notamment dans le cadre de la gestion des revues. L’outsourcing, une solution efficace C’est la solution qu’apporte i-Hub, entreprise spécialisée dans les procédures KYC et filiale de Post Luxembourg, pour aider les entreprises dans la revue des dossiers. « Avec KYC Partner, i-Hub gère, via une plateforme, les mises à jour et la révision obligatoire des dossiers KYC des professionnels soumis aux lois anti-blanchiment », explique Pascal Morosini. La plateforme digitale propose une solution à la pointe de la technologie en optimisant le suivi des procédures KYC, avec une palette complète de fonctionnalités, basée sur des algorithmes perfectionnés. KYC Partner regroupe des actions de collecte de données, de vérification continue des éléments, de scoring et screening des dossiers en fonction de leur
niveau de risque et d’un système de notifications et d’alertes. Cette plateforme normée et personnalisée tient compte des spécificités de chaque client et de ses besoins. Ce service optimal est assuré par des équipes dédiées et spécialisées qui travaillent notamment avec les registres de commerces mondiaux pour faciliter les mises à jour des informations liées aux personnes morales. i-Hub met à la disposition de ses clients un service innovant unique qui n’existait ni au Grand-Duché ni même en Europe : la mutualisation. Sur base du consentement au partage, chaque utilisateur final peut avoir des rôles différents et a la possibilité de regrouper l’ensemble de ses relations d’affaires sous un identifiant unique afin d’en faciliter sa gestion. Les données spécifiques restent en silo dans les dossiers clients auxquels elles appartiennent. Seules les données communes sont partagées. La société facilite, grâce à son rôle de tiers validateur, la démarche de mise à jour des documents en centralisant les modifications et en actualisant l’ensemble des relations d’affaires. Dans un contexte où la cybersécurité est primordiale, tout est mis en place pour garantir la sécurité des informations. Les bases de données sont doublement chiffrées et le SOC (Security Operations Center) analyse constamment le trafic pour repérer toute anomalie. Le risque d’usurpation d’identité étant un risque majeur, les données d’identité demandent une attention particulière. Pour cette raison, ces données sont hébergées localement dans un data center Tier IV de haute performance, et la continuité de service est garantie par la certification ISO 22301. Un label engageant l’entreprise à assurer aux clients une continuité des affaires en toutes circonstances.
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250 000 personnes physiques dans le système
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s vez plu Retrou ions sur : rmat d’info m
co i-hub.
www.
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Enjeux
Les pensions, une dette qui ne dit pas son nom
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Le Luxembourg trône en tête des pays européens mis sous pression en raison de leur système de pension. Si aucune nouvelle réforme n’est entreprise, le pays devra y consacrer 18 % de son PIB en 2070, contre 9,2 % en 2019, soit une hausse de 8,7 %, indique la Commission européenne. Le « mur » construit par les généreuses pensions risque de peser lourd dans le budget de l’État, alors que, dans le même temps, le pays devra maintenir sa compétitivité, tout en s’adaptant à la crise climatique.
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Autriche + 1 %
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France -2,2 %
Espagne -2,1 %
Danemark -2 %
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Suède -0,1 %
Lituanie + 0,4 %
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UN POIDS GRANDISSANT Systématiquement pointé par les agences de notation dans leurs diagnostics sur le Grand-Duché, le financement du vieillissement de la population demeure délicat. Les projections de l’évolution (en %) des dépenses liées aux pensions en fonction du PIB entre 2019 et 2070 issues de l’Ageing Report de la Commission européenne sont édifiantes.
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Source Ageing Report de la Commission européenne, mai 2021
Slovaquie + 5,9 %
Slovénie + 6 %
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République tchèque Belgique + 2,9 % + 3 % Allemagne Chypre + 2,1 % + 2,1 % Finlande + 1,3 %
Malte + 3,8 %
Roumanie + 3,8 %
Hongrie + 4,1 %
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Irlande + 3 %
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Pays-Bas + 2,3 %
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Bulgarie + 1,4 %
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0 1 « Nous ne sommes pas la Grèce, mais il faut préparer l’avenir » Marc Wagener, président du Conseil national des finances publiques, recom mande des ajustements rapides pour qu’ils soient indolores. p. 70
2 L’insaisissable mur
Analyse avec Alain Reuter, président de la Caisse nationale d’assurance pension. p. 72
3 « Nous surestimons l’état de santé du système des pensions »
Le directeur de la Fondation Idea, Muriel Bouchet, pro pose des pistes de réforme des pensions pour préserver leur soutenabilité. p. 74
4 Le « momentum »
des retraites complémentaires
Comment les 2e et 3e piliers des pensions peuvent apporter un complément à la pension légale. p. 76
5 « Le premier pilier doit être fort »
Interview avec le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider. p. 78
6 7 astuces
pour se préparer
Certains conseils peuvent aider à vivre un départ de la vie active de façon sereine. 7 astuces de la Banque de Luxembourg.
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1 Marc Wagener
Président du Conseil national des finances publiques (CNFP) depuis janvier 2021, Marc Wagener est par ailleurs COO de la Chambre de commerce et a été le premier directeur (20142019) de la Fondation Idea. Un cursus qui lui permet de jeter un regard, tantôt avec la casquette du CNFP, tantôt en son nom propre, sur la problématique du financement des retraites. Si on appliquait les normes comptables internationales à l’État, on devrait prendre en compte les dépenses futures des retraites dans le bilan annuel du pays. Faut-il agir de la sorte ? Oui, on pourrait tout à fait le faire ; en quelque sorte, réaliser un bilan du patrimoine de l’État, en n’omettant aucun élément matériel. On y retrouverait, à côté de la dette publique au passif, les participations de l’État et les avoirs / actifs du Fonds de compensation commun au régime général des pensions à l’actif. Mais on y retrouverait aussi une provision pour les pensions futures à verser. Ce montant, reprenant notamment les retraites des 450.000 actifs actuels, pourrait se déterminer avec une certaine précision sur la base de la législation. Certains observateurs avancent qu’il n’y a pas de dette publique au Luxembourg parce que 70
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MARC WAGENER Président, Conseil national des finances publiques
« Si notre situation est aujourd’hui équilibrée, c’est notamment aux travailleurs frontaliers que nous le devons. »
À quel point les dépenses liées au vieillissement de la population, dont les retraites, menacent-elles la soutenabilité à long terme des finances publiques ? Je souhaite d’abord préciser que notre situation actuelle est très bonne, voire excellente ! La soutenabilité dépend de deux composantes majeures : la situation de la dette actuelle et les dépenses publiques futures, liées notamment au vieillissement de la population. Or, le Luxembourg n’a pas de dette publique importante qu’on devrait réduire chaque année dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance européen. Quant à notre régime de pension, il génère pour le moment tous les ans un excédent des cotisations sur les prestations. Notre passé est plutôt bon, notre présent aussi. Mais nous sommes, par contre, peut-être en train de prendre une petite hypothèque sur le futur plus lointain… Qu’est-ce qui permet actuellement au système d’être soutenable ? Si notre situation est aujourd’hui équilibrée, c’est notamment aux travailleurs frontaliers que nous le devons. Ce sont eux qui alimentent particulièrement notre système de retraite, mais ce sont eux aussi qui auront droit, bien sûr, demain, à des prestations de pension. De plus en plus de frontaliers et autant de retraites à venir qu’il faudra financer… Les frontaliers sont plus jeunes en moyenne que les résidents, ils représentent quelque 50 % des cotisants, plus de 40 % des cotisations ponctionnées, mais seulement environ un quart des pensions versées. Cependant, dans le futur, cela va changer. D’abord en pente douce, avant de risquer de devenir exponentiel. Les frontaliers vont de plus en plus solliciter des retraites au Luxembourg. Et cela, sans forcément réinvestir ces fonds sur notre territoire. En matière macro économique, c’est une bombe à retardement… Qu’entendez-vous par « long terme » ? On se réfère souvent à l’horizon 2070… C’est l’échéance prise par l’Ageing Working Group, un groupe de travail dédié au vieillissement de la population composé des experts de la Commission européenne. 2070 est un horizon très pertinent, du fait qu’on se projette sur 50 ans. Soit juste un peu plus qu’une génération en matière de vie active.
Romain Gamba
De vertueux, le système des pensions pourrait virer au rouge dans les cinquante prochaines années, sur fond d’explosion des bénéficiaires. Après la réforme de 2012 et pour éviter d’être confrontés au « mur », Marc Wagener préconise une série d’ajustements indolores, mais à mettre en place sans tarder.
celle-ci est inférieure aux avoirs du Fonds de compensation. Alors que si, il y a bien une dette, mais il y a aussi des avoirs et des engagements. Il n’y a peut-être pas un contrat noir sur blanc signé entre l’État et les 450.000 cotisants, mais la législation est telle qu’elle ouvre le droit à une pension aux cotisants, sur la base de différents paramètres. Donc, avoir ce « bilan de l’État luxembourgeois » pourrait être intéressant pour se rendre compte de nos richesses et de nos engagements.
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« Nous ne sommes pas la Grèce, mais il faut préparer l’avenir »
Enjeux Retraite
L’Ageing Working Group a justement publié un nouveau rapport en mai dernier sur les projections démographiques, économiques et budgétaires pour les États membres de l’UE. Que peut-on en retirer pour le Luxembourg ? Il ne faut pas prendre ce rapport ou l’évaluation que nous réalisons au CNFP comme des prévisions certaines. Nous sommes là pour attirer l’attention sur les risques qui peuvent survenir. La seule certitude, c’est la réalité actuelle : 450.000 personnes cotisent pour payer les retraites de 200.000 personnes (régime général hors fonctionnaires, ndlr). Schématiquement, si, dans 50 ans, ils sont 900.000 pour prendre en charge les 450.000 retraités, alors le système tel qu’on le connaît actuellement peut se poursuivre. Mais un autre demi-siècle plus tard, ils devront être cette fois deux millions à cotiser pour ces 900.000. Et ainsi de suite. C’est sur ce genre de problématique que nous voulons attirer l’attention. Le Luxembourg a connu deux ou trois décennies de croissance qui, à mon avis, ne seront pas forcément reproductibles avec une telle vigueur à l’avenir. 2070 est encore loin. Mais au lieu de laisser venir cet avenir non souhaitable et devoir alors effectuer des choix compliqués et très incisifs, l’idée pourrait être de contrebraquer doucement dès aujourd’hui. Ce grand laps de temps avant de voir arriver les grandes conséquences de ce vieillissement, n’est-ce pas le plus gros danger ? Tout à fait. Si on attend 20 ou 30 ans avant d’agir, il faudra alors mettre en place une vraie réforme incisive. Avec des mesures drastiques. Et ça, alors qu’on aura sans doute déjà dû puiser fortement dans nos réserves et augmenter les taux de cotisation. Chaque année qui passe est une année de plus où les personnes cotisent dans un système favorable pour les bénéficiaires actuels, mais probablement insoutenable pour la collectivité sur le long terme. Sur quels facteurs faut-il agir ? Ce n’est pas le rôle du CNFP de proposer des politiques publiques. Si je devais donner mon avis personnel, je pencherais pour un policy mix intégré jouant à la fois sur le taux de cotisation, sur le niveau des prestations et sur l’âge de la retraite. La Commission européenne recommande au Luxembourg de reculer l’âge de la retraite de 65 à 72 ans pour faire face au financement du vieillissement de la population… L’âge de la pension est fixé légalement à 65 ans. Mais, dans les faits, on n’y est pas. Je pense même avoir lu que nous sommes presque la lanterne rouge sur le plan européen en matière d’âge de départ à la retraite. Si on pouvait déjà tendre davantage vers les 65 ans, ce serait un investissement significatif.
Que préconisez-vous pour les deux autres leviers : le taux de cotisation et le niveau des prestations ? Le taux de cotisation chez nous se situe à 24 % du salaire brut d’un salarié, ce coût étant partagé entre l’employeur, l’employé et l’État. Comme vous me demandez mon avis, en ce qui concerne les prestations, je pose une question : est-ce le rôle de l’État de fournir des pensions pendant 20 ou 30 ans qui sont trois ou quatre fois supérieures au salaire minimum ? C’est un vrai débat philosophique auquel la Suisse a, par exemple, répondu par la négative en considérant que l’État est là pour fournir plutôt une pension de subsistance. Dans le calcul d’une pension, il y a une partie forfaitaire : c’est le minimum vital de la pension. Elle doit être sanctuarisée, voire augmentée. Tout en rabotant, par contre, les tranches plus élevées. Je ne suis vraiment pas contre un État fort, mais si on veut réformer le système des retraites, on n’échappera pas à un vrai débat sociétal. Qui sera donc tout sauf simple… La Fondation Idea a calculé que, pour financer l’actuel système de pension jusqu’en 2070, il faudrait réaliser une croissance annuelle de 5 % et, d’ici là, notre PIB devrait être multiplié par 10. Il faudrait donc qu’en 2070, on soit les PaysBas d’aujourd’hui. On voit quand même qu’il y a un truc qui cloche, non ? Nous ne sommes pas la Grèce, le FMI ne va pas frapper à notre porte. Nous restons maîtres à bord, mais il faut préparer l’avenir. Même si je sais que, politiquement, rien n’est simple. La problématique des retraites renvoie à la crise climatique, l’autre grand héritage pour les générations à venir. D’un côté, on a besoin d’une croissance quasi illimitée pour le système des retraites, alors que de l’autre, la tendance est plutôt de prôner une croissance raisonnable… L’un n’exclut pas l’autre. Un PIB, ce n’est jamais qu’un nombre de personnes qui travaillent et leur productivité. Et, pour atteindre une hausse de 3 % du PIB, par exemple, vous pouvez, schématiquement parlant, soit ajouter l’équivalent de 3 % de travailleurs, soit faire en sorte que la productivité grimpe de 3 %, ou une combinaison des deux. Jouer sur la productivité me semble être le seul moyen de garder une croissance tout en luttant efficacement contre le réchauffement climatique. La marge de progression existe. D’où l’importance de la digitalisation pour permettre une productivité plus importante pour un temps de travail similaire. Le Luxembourg a déjà une économie fortement orientée sur le savoirfaire, les services, peu consommatrice en ressources, du moins comparativement à d’autres pays. Il doit continuer dans cette voie.
Les pensions pour les nuls
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Le coût du vieillissement de la population se divise en 4 composantes : les soins de santé, les soins de longue durée, l’éducation et les pensions. À l’heure actuelle, il représente 16 % du PIB et pourrait s’élever à 26 % dans 50 ans.
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Le système des retraites des salariés est basé sur 3 piliers : le régime de pension légale mis en place par l’État (1er pilier) et deux régimes complémentaires, l’un pouvant être souscrit pour le salarié par l’employeur (2e pilier), l’autre par le salarié lui-même sous la forme d’une épargne privée (3e pilier).
93 %
L’assurance pension obligatoire est définie sous deux régimes : le régime général, qui couvre le secteur privé (93 % de la population active), et deux autres régimes spéciaux pour les assurés du secteur public.
65 vs 60
L’âge légal de départ à la retraite est fixé à 65 ans. Dans les faits, peu vont jusque-là. En 2020, sur les 11.169 personnes ayant pris leur pension, près de 75 % l’ont fait anticipativement. Et à un âge moyen de 60 ans.
24 %
Tel est le taux de cotisation global aux pensions : 8 % à charge de l’assuré, 8 % à charge de l’employeur et 8 % à charge de l’État.
2.126
En 2019, la pension de vieillesse moyenne dans le secteur privé était de 2.126 euros par mois.
4,93
C’est le montant total, en milliards, des pensions versées en 2020 dans le secteur privé.
197.414
C’est le nombre de pensions mensuelles versées en 2020 aux anciens salariés. En 5 ans, ce chiffre a augmenté de près de 15 %.
20.233
C’est le nombre de pensions mensuelles versées en 2020 à d’anciens agents du service public (État, communes et CFL). Pour une somme totale de près de 617 millions d’euros, directement ponctionnés dans le budget de l’État dans les dépenses du ministère de la Fonction publique.
49,1 %
Tel est le pourcentage des pensions versées fin 2020 à des non-résidents, contre un tiers en 2000.
Interview JULIEN CARETTE
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2 Gouvernance publique des projections se basant sur la réalité de la période à laquelle elles sont conçues.
L’insaisissable mur des pensions
4,8 ans pour réagir Sur la base des différents scenarii, la balle est dans le camp du gouvernement et du législateur pour décider de la modification ou non de leur politique sociale, du taux de cotisation – inchangé à 24 % depuis 1975 – ou du niveau des prestations. La réforme de 2012 a ainsi revu le calcul des pensions en diminuant les dépenses dédiées aux grandes pensions, afin d’ajouter quelques années à la réserve. Bien sûr, des événements majeurs peuvent survenir et remettre en cause brutalement l’équilibre du système des pensions. La pandémie aurait pu en être un exemple. « Il y a eu une crainte avec l’arrêt de l’économie en mars 2020, reconnaît Alain Reuter. Avec le chômage partiel, nous n’avions que 80 % des recettes, mais, au niveau des dépenses, nous devions bien sûr toujours payer 100 % des pensions. » Toutefois, dans l’hypothèse d’une telle catastrophe, la bonne santé de la réserve du régime général garantirait un tampon de sécurité. « Elle nous donnera le temps nécessaire pour prendre les mesures politiques qui s’imposent : avec zéro recette, nous aurions 4,8 ans pour réagir », prévient Alain Reuter. En décembre 2020, le montant de la réserve atteignait plus de 23 milliards d’euros, soit en effet 4,8 fois le montant des prestations annuelles – la limite légale étant de 1,5.
La crainte du « mur des pensions » ne se vérifie pas dans la réalité et ne doit pas inquiéter outre mesure, rassure le président de la Caisse nationale d’assurance pension. Pour Alain Reuter, la dette recule avec les années et, à court terme, la réserve du Fonds de compensation est suffisante en cas d’urgence.
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Celui-ci note que les modèles mathématiques européens prévoyant à terme une réserve vide en 2070 sont de fait « une extrapolation dans le futur qui ne se vérifie pas ». En cause : l’imprévisibilité de l’évolution de l’économie nationale et internationale, qui contrecarre
UNE RÉSERVE SOUS MONITORING Les projections de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) montrent que la réserve du régime de pension tombera en dessous de la limite légale de 1,5 fois le montant des dépenses annuelles en prestations à partir de l’année 2035. Elle sera épuisée dès 2043, et, à la fin de la simulation, le régime aura accumulé une dette de plus de 46 % du PIB. Une nouvelle version de ces projections est attendue en 2022 (voir interview du ministre de la Sécurité sociale en page 78). Réserve
Seuil 1,5*Dépenses
Solde Inspection générale de la sécurité sociale
40 % 30 % 20 % 10 % 0 % -10 % -20 % 2015
2020
2025
2030
2035
2040
2045
2050
2055
2060
Source
« Je ne veux pas dire que le mur des pensions n’existe pas, mais c’est quand même quelque chose dont on ne se rapproche pas. » Pour le président de la Caisse nationale d’assurance pension (CNAP), Alain Reuter, le fameux « mur des pensions » ne représente « pas un grand risque ». Du moins à court terme. L’Ageing Working Group (AWG) de la Commission européenne, qui prévoit une situation critique de la soutenabilité du système de pension, et dont les conclusions de mai dernier sont reprises dans le dernier rapport (octobre dernier) du Conseil national des finances publiques (CNFP) – voir l’interview de Marc Wagener en page 70 –, poserait des questions : « Le problème est que la méthode qu’ils utilisent est bonne pour l’Allemagne ou la France, mais ne convient pas pour un pays de 650.000 habitants », estime Alain Reuter. Les projections de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) portant sur 10 ans et mises à jour tous les cinq ans (voir ci-contre) seraient plus rassurantes sur l’évolution de la situation financière des pensions. « Nous remarquons que cette dette ne s’approche pas : elle était censée avoir lieu dans cinq ans, mais, chaque nouvelle année, elle doit à nouveau avoir lieu dans cinq ans », pointe Alain Reuter.
Des plus-values essentielles Le Fonds de compensation (FDC), qui gère cette réserve par le biais d’une sicav-FIS, a donc un rôle-clé. La réserve est ainsi placée dans le but de « garantir la pérennité du régime général de pension », selon le Code de la sécurité sociale. Pour éviter les pertes, les placements doivent respecter une diversification
À l’étranger
ALAIN REUTER Président, Caisse nationale d’assurance pension
« Il y a eu une crainte avec l’arrêt de l’écono mie en mars 2020. »
CNAP
Une réinvention nécessaire En ce qui concerne le plus long terme – l’horizon 2070 – qui s’annonce plus sombre (voir interviews en page 70 et en page 78), Alain Reuter veut croire que le pays saura se réinventer d’ici là, au moins sur le plan économique. « Le Luxembourg a jusqu’à présent toujours réussi à exploiter les niches. Or, de nouvelles vont peut-être apparaître. Et le pays peut développer son secteur financier ou celui de l’assurance. » Sans compter une potentielle « augmentation de la productivité ». Et de rappeler que, jusqu’ici, « il y a toujours eu des choses qui ont mis en doute l’approche du mur ». Selon son président, l’échéance à venir pour la CNAP, c’est le prochain rapport de l’IGSS, qui sera publié en 2022 et établira la feuille de route sur la période 2023-2033. « Si nous constatons que la réserve diminue à partir de 2025, nous aurons un problème. Si cela a lieu en 2028, le problème sera moindre. Et si cela survient en 2034, alors le rapport constatera que le problème ne se pose qu’après la période sous étude. »
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appropriée des risques. Pas de restrictions géographiques donc, et presque tous les secteurs économiques sont concernés – quitte à ce que cela ne soit pas tout à fait cohérent avec les engagements climatiques du pays (voir encadré). « Avec notre stratégie, nous partons du principe que la perte maximale que le FDC est prêt à accepter sur une année est de 20 % du capital investi, ceci sur la base d’un intervalle de confiance de 99 % », explique le premier conseiller auprès du Fonds de compensation, Marc Fries. Depuis sa création en 2004, le fonds n’a connu qu’une année de perte, avec 2,5 % de baisse en 2018 du fait d’une « très grande volatilité des actions en fin d’année ». Ces dernières années ont été florissantes : la réserve a connu un excédent de 1,6 milliard en 2020, dont 400 millions dus à l’excédent des cotisations et 1,2 milliard aux revenus générés par les investissements. En 2021, « la valeur de la sicav a augmenté jusqu’à fin octobre de 2 milliards, une plus-value provenant essentiellement de la valorisation des actions », prévient déjà Marc Fries.
Auteur PIERRE PAILLER
Un fonds et trop de carbone Le Fonds de compensation laisse apparaître une politique d'investissement en décrochage partiel avec les objectifs climatiques mondiaux. Ses responsables renvoient la responsabilité au législateur de décider d’exclure certains secteurs. Alors que l’accord de Paris fixe comme objectif de limiter le réchauffement climatique de la planète à 2 °C, voire si possible à 1,5 °C, d’ici la fin du siècle, la trajectoire du portefeuille du Fonds de compensation (FDC), telle qu’évaluée fin 2019, se situerait entre 2 °C et 3 °C, selon le rapport d’investisseur responsable 2020 du FDC. En outre, les montants investis par le FDC dans les entreprises charbonnières auraient augmenté de 16 % entre 2019 et 2020, selon Greenpeace (13 % selon les calculs du FDC). En contradiction manifeste avec les engagements du Luxembourg. Un constat qui fâche, d’autant plus que des exemples vertueux existent : le fonds de pension néerlandais ABP a annoncé le 26 octobre dernier qu’il arrêtait d’investir dans les énergies fossiles. Et, quelques jours plus tôt, trois fonds de pension de la ville de New York déclaraient de leur côté viser la neutralité carbone d’ici 2040. Si le FDC a fait quelques efforts dans ce sens, comme la publication du premier rapport d’investisseur responsable, difficile de comprendre ce qui l’empêche d’avoir des ambitions similaires. La stratégie de diversification des risques du FDC, inscrite dans la loi, semble au cœur de la problématique. Le FDC confie la gestion de son portefeuille à 24 gérants à travers le monde, qui ont pour mission d’investir au sein d’un indice de référence déterminé. « Nous choisissons des indices qui sont déjà diversifiés géographiquement et par secteur, comme l’indice MSCI World », explique le président de la CNAP, Alain Reuter. « Or, l’indice contient bien sûr des titres de producteurs de charbon ou de pétrole, comme Shell ou BP. » Si 127 entreprises ne respectant pas les normes internationales,
telles qu’entérinées dans les 10 principes du Pacte mondial des Nations unies ou pouvant être liées aux armes, font partie d’une liste d’exclusions, ce n’est pas le cas du pétrole. Ce n’est d’ailleurs pas aux responsables du Fonds de déterminer des exclusions sectorielles, rappelle le premier conseiller du FDC, Marc Fries : « Notre conseil d’administration n’est pas un conseil d’éthique. C’est au niveau du gouvernement et de la Chambre des députés de décider si un ou plusieurs secteurs particuliers, comme ceux du pétrole ou du tabac, doivent être exclus. » Les 24 gérants ont par ailleurs toute latitude pour investir dans tel ou tel titre au sein des indices. Il faut donc agir en amont, au moment de les choisir. Or Alain Reuter l’assure : « Depuis 2017, tous nos gérants d’actifs doivent poursuivre une politique, ou bien de promotion des caractéristiques environnementales ou sociales, ou bien d’impact positif d’investissement durable », pour répondre aux critères de la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), mise en place en avril 2021 par la Commission européenne. Et, sur les six mandats de gestionnaire en cours de remplacement, la compatibilité des postulants avec les objectifs climatiques sera désormais au cœur de la décision préalable à la sélection finale. « Nous développons depuis 10 ans et continuons de développer cet objectif d’avoir des gérants qui soient des investisseurs responsables », assure Marc Fries. Surtout, la comparaison avec la place financière, qui représente 4.500 milliards et dont les investissements se situent sur une trajectoire allant au-delà de 5 °C, est à l’avantage du FDC. « Nous sommes encore de bons élèves », estime ainsi Alain Reuter.
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3 Pistes de réforme(s)
Difficile d’imaginer que le régime des pensions reste soutenable à long terme, selon le directeur de la Fondation Idea. Muriel Bouchet propose une réforme du système en diminuant les dépenses tout en protégeant les plus vulnérables.
« Nous surestimons l’état de santé du système des pensions »
« Nous allons devoir atterrir à un moment donné », prévient le directeur de la Fondation Idea, Muriel Bouchet, au sujet de la soutenabilité du système des pensions. Certes, le budget de la Sécurité sociale est toujours en excédent. Mais pour combien de temps encore ? « Cela est superficiel et lié à l’explosion du nombre de frontaliers et, par voie de conséquence, à celle des cotisations. Mais il y a un effet de décalage : l’explosion du nombre des pensions viendra dans plusieurs années », explique celui qui a travaillé pour trois banques centrales, dont la BCL. Selon les projections de mai 2021 émises par l’Ageing Working Group (AWG) de la Commission européenne, le budget des pensions devrait ainsi passer de 9,2 % du PIB en 2019 à 13,9 % en 2045 et 18 % en 2070, soit la plus forte hausse au sein de l’Union européenne. Ce qui se fait déjà ressentir sur l’excédent du budget de la Sécurité sociale, qui diminue progressivement : de 2 % du PIB en 2000, il est prévu à 1,2 % en 2022 et devrait être à 0,9 % en 2025. Pour contrecarrer une telle charge pesant sur les finances publiques, la croissance économique fait office de solution miracle. Celleci est en effet « soutenue au Luxembourg, même malgré la pandémie », reconnaît Muriel B ouchet. Mais, selon les estimations de la Fondation Idea, il faudrait une croissance forte et continue de l’ordre de 5 % pour préserver l’équilibre du système. Un tel rythme est-il envisageable sur deux ou trois générations ? La réponse par l’affirmative est corrélée à une évolution considérable du nombre de frontaliers, qui sont d’ores et déjà plus de 200.000. « C’est la quadrature du cercle », estime Muriel Bouchet, pour qui l’augmentation massive des frontaliers pose question dans un pays qui connaît déjà une grave crise du logement et d’importants problèmes de mobilité. « Au niveau démographique, nous allons plafonner, ou du moins 74
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réel. La loi de 2012 prévoit que, si le régime des pensions n’est plus à l’équilibre, le gouvernement peut déposer un projet de loi visant que cette indexation ne soit plus que partielle. La Fondation Idea recommande de ne pas attendre un éventuel déséquilibre du régime, mais bien d’agir maintenant en indexant uniquement la tranche de pension ralentir, et c’est en cela que nous surestimons qui correspond à celle d’une pension minimum – l’état de santé du système des pensions. » 1.956 euros – tout en désindexant le reste. Ainsi, les petites pensions seraient liées intégralement Revoir les clés de répartition à l’évolution des salaires réels. Mais, pour une Dans un tel cas de figure, d’importantes réformes pension de 8.000 euros par exemple, 2.000 euros, paraissent indispensables. La Fondation Idea donc un quart, seraient liés au salaire réel, en s’était déjà penchée sur la question en 2018 avec excluant les 6.000 euros restants. L’âge de la retraite est aussi l’un des leviers une série de propositions qui visent, dans les grandes lignes, à accentuer la dernière réforme à actionner, même si la Fondation Idea préconise « de ne pas venir avec une augmentation du régime des pensions, datant de 2012. Celle-ci prévoit ainsi de diminuer graduel- dirigiste de l’âge », mais de lier le montant de la lement la partie des pensions qui dépend des pension à l’évolution de l’espérance de vie à 60 ans. revenus cotisables et d’en augmenter la partie Si celle-ci augmente, le capital de pension constiforfaitaire, qui dépend de la durée de la carrière. tué par le salarié reste le même, mais la menMais si elle prévoit de porter graduellement la sualité diminue, afin que la somme des pensions majoration forfaitaire fixée à 23,50 % du salaire versées soit toujours identique. Avec toujours social minimum à 28 % en 2052, la Fondation l’idée de protéger les petites pensions en n’apIdea vise un taux de 50 %. Idem concernant la pliquant ce coefficient de longévité qu’à la pardiminution progressive du taux de majoration tie qui dépasse la pension minimum. proportionnelle : la réforme le fait passer de 1,85 % en 2012 à 1,6 % en 2052. La Fondation Idea Ouvrir davantage le régime complémentaire envisage quant à elle de le baisser à 1 % d’ici 2052. Il s’agit aussi de rendre le régime complémenAutre moyen de jouer avec le levier du mon- taire plus attractif pour les revenus les plus tant des pensions : l’indexation sur le salaire faibles. Au sein du deuxième pilier, la dotation annuelle individuelle fiscalement déductible est de 1.200 euros, un montant qui n’a pas été réévalué depuis longtemps. La Fondation Idea imagine le rehausser au moins à 2.000 euros. LE POIDS DU VIEILLISSEMENT SUR Avec, en parallèle, une baisse du taux de taxaLES FINANCES PUBLIQUES En points de % du PIB selon l'Ageing Report tion forfaitaire de la pension complémentaire (AR) de la Commisssion européenne. épargnée par le salarié via son employeur, actuellement de 20 %. « Un taux rédhibitoire AR 2018 10 AR 2021 pour les revenus les plus faibles, explique Muriel Bouchet. Cela finit par être un système réservé 8 aux revenus élevés. » Il s’agirait d’appliquer un taux progressif en fonction du revenu du sala6 rié. Une manière de permettre aux revenus les 4 plus faibles de participer avec profit au régime complémentaire. Cet ensemble de modifica2 tions permettrait donc de « diminuer les dépenses totales des pensions en écrémant les pensions 0 les plus élevées, tout en maintenant le pouvoir d’achat des pensions les plus faibles », résume -2 Muriel Bouchet. Si réforme il y a, elle devra Situation Dépenses soins en effet prendre garde à ce que celles et ceux budgétaire de longue durée initiale qui perçoivent les revenus les plus faibles n’en Dépenses pour l’éducation Dépenses deviennent pas les victimes. de pensions Dépenses soins de santé
(et le chômage) Indicateur de soutenabilité à long terme
Auteur PIERRE PAILLER
4 Alternatives
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Un instrument de fidélisation Ces instruments du 2e pilier sont d’ailleurs désormais ouverts aux indépendants depuis le 1er janvier 2019. Avec un bémol, note Jérôme Wiwinius : « Pour le moment, le produit de régime volontaire pension pour les indépendants est uniquement proposé pour les résidents, puisque la situation fiscale n’est pas clarifiée. Là, clairement, il y a encore un gap », juge-t-il. L’intérêt de ces instruments du 2e pilier est bien sûr, pour l’employé, de mieux se protéger contre les risques de décès ou d’invalidité, ainsi que de se constituer une meilleure retraite, en particulier pour ceux gagnant plus de cinq fois le salaire social minimum [SSM] – soit le plafond de cotisation de la sécurité sociale pour le 1er pilier. L’employeur a aussi de quoi y trouver son intérêt, notamment en améliorant la compétitivité de l’entreprise lors des recrutements et en fidélisant ses employés. Il peut ainsi renforcer ce dernier point en prévoyant une condition d’acquisition des droits : si l’employé quitte l’entreprise avant trois ans (ce qui est le maximum permis par la nouvelle
JÉRÔME WIWINIUS Responsable corporate Lalux Assurances
« Les clients demandent de plus en plus des fonds de type ESG. »
Des plafonds déductibles à revoir Dans le cadre du 3e pilier, il est possible de cotiser 3.200 euros par an sous deux conditions : percevoir l’argent entre 60 et 75 ans et que la durée du contrat soit d’au moins 10 ans. Le produit est déductible, ce qui le rend « très intéressant d’un point de vue fiscal », estime Pierre Dubru, life and relation management director au sein du groupe Bâloise Assurances. « En faisant sa déclaration fiscale, la personne, en classe d’impôt 1, qui investit 3.200 euros, bénéficie d’un gain fiscal de 1.335 euros, car elle a profité de la déductibilité », explique-t-il, en partant de l’hypothèse que cette personne gagne 75.000 euros par an. Avec la possibilité, dans ce cas aussi, d’investir indifféremment dans des fonds d’investissement ou dans du taux garanti. Et ce même si le taux garanti, fixé à 0 %, a désormais tendance à être délaissé au profit des fonds, puisqu’il ne permet plus de couvrir le taux d’inflation. « La tendance va vers les fonds d’investissement, surtout quand vous avez un horizon de placement d’au moins 10 ans », constate ainsi Pierre Dubru. « Il n’y a pas de raisons de rester dans du taux garanti, où votre argent perd de la valeur. » Si les personnes se tournent davantage vers les régimes complémentaires, les spécialistes estiment qu’il reste une marge de progression pour mieux les faire connaître, à côté du 1er pilier. Une meilleure sensibilisation des futurs retraités est indispensable, remarque Pierre Dubru. Mais, surtout, « il faut augmenter les plafonds déductibles », juge-t-il. Dans le 2e pilier, le plafond à 1.200 euros des cotisations personnelles n’a ainsi jamais été adapté. Et, bien que la condition d’âge ait été supprimée en janvier 2017, celui de 3.200 euros, dans le cadre du 3e pilier, date aussi. L’attrait fiscal est aussi un levier sur lequel jouer : abaisser le taux d’imposition de 20 % sur les dotations annuelles de l’employeur rendrait aussi le régime complémentaire attractif pour les petits revenus. « Ce sont des vis qu’on peut tourner pour rendre le système plus intéressant », résume Jérôme Wiwinius. LaLa La Photo (archives)
Contrairement au 1er pilier constitué par le – très généreux – régime général des pensions, les 2e et 3e piliers restaient jusqu’ici sous- développés. Mais, alors que la soutenabilité du régime général des pensions est remise en cause sur le long terme, les régimes volontaires de pensions pour les salariés et les indépendants (2e pilier) et les assurances pension (3e pilier) représentent des moyens alternatifs pour s’assurer une pension plus importante. En tout cas, l’intérêt à leur égard progresse, constate Jérôme Wiwinius, responsable corporate chez Lalux Assurances : « De plus en plus de gens décident d’investir dans les régimes volontaires de pension employeur. » Dans le cadre du 2e pilier, l’employeur peut décider de mettre en place, pour tout le personnel ou pour une catégorie de personnels, un mécanisme où est définie une prime – le plus souvent un pourcentage du salaire – payée chaque année par l’employeur. Dans la plupart des nouveaux contrats, l’affilié a alors le choix d’investir cette prime soit dans un rendement garanti, soit dans des fonds d’investissement (l’employeur peut faire une sélection dans le plan qu’il propose). « Une des tendances que nous observons est que les clients demandent de plus en plus d’avoir dans leur gamme des fonds de type ESG », remarque Jérôme Wiwinius. Il est aussi possible de prévoir, toujours dans le cadre du 2e pilier, une couverture liée aux risques purs : décès, accidents, invalidité. Un système que l’employeur peut proposer en tant que complément de l’épargne, mais aussi indépendamment l’un de l’autre. En outre, si l’employeur a décidé de mettre en place un régime complémentaire de pension,
l’affilié a la possibilité de cotiser personnellement, en plus de ce qu’offre l’employeur, jusqu’à 1.200 euros par an : ce sont les cotisations personnelles. Une possibilité très intéressante fiscalement puisqu’elle est totalement déductible.
loi du 1er janvier 2019), l’argent est alors reversé à la société.
Auteur PIERRE PAILLER
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Le poids des 2e et 3e piliers (épargne retraite, couverture risques, assurance pension) du régime des pensions reste très relatif par rapport au régime général, mais ils font désormais l’objet d’un intérêt marqué, sous l’effet d’ajustements législatifs.
Le « momentum » des retraites complémentaires
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5 Romain Schneider
La Commission européenne propose, pour maintenir cet équilibre, de faire L’Ageing Working Group de la Commission passer l’âge légal de la retraite de 65 européenne prévoit que les dépenses à 72 ans. Cela vous paraît-il envisageable ? des pensions vont passer de 9,2 % du PIB Je suis plutôt sceptique. Il faut noter que l’âge en 2019 à 18 % en 2070 au Luxembourg. effectif de départ à la retraite a déjà augmenSoit la plus forte hausse au sein de l’Union té ces dernières années à une moyenne européenne. Cela vous inquiète-t-il ? de 61,3 ans. Mais il reste encore un fort potenUn tel rapport est toujours important. Mais tiel de réduction de la différence entre l’âge l’échéance est encore lointaine. L’Inspection légal et l’âge effectif. Par ailleurs, si je prends générale de la sécurité sociale (IGSS) fait éga- un salarié dans une entreprise de construction, lement des rapports, tous les 5 ans, sur une qui a un travail assez lourd, je ne vois pas période de 10 ans, qui reflètent bien la situa- comment il pourrait encore repousser son âge tion des pensions au niveau national. Or, de départ au-delà de 65 ans. Lors de la réforme le moment où le taux de 24 % concernant les de 2012, nous avons mis en place une formule dépenses serait dépassé n’arriverait pas en 2025, hybride, avec la possibilité, lorsqu’on est à la mais en 2027 ou 2028, ou peut-être même encore plus tard. Et l’épuisement des réserves est actuellement prévu en 2070. C’est tout de même une longue période. Or, nous avons bien vu par le passé, notamment lors de la pandémie, à quel point les recettes et les dépenses peuvent parfois vite varier. Donc je ne suis pas tellement inquiet. D’autant qu’au 31 décembre 2020, la réserve était presque de 24 milliards d’euros, ce qui ROMAIN SCHNEIDER représente 4,8 années de dépenses qui sont Ministre de la Sécurité sociale couvertes sans dépenser un euro de cotisations. C’est tout de même une situation agréable à gérer : si, avec le temps, nous voyons qu’il y a une diminution des recettes ou une augmentation encore plus poussée des dépenses, nous pouvons réagir à temps. Aucune réforme n’est donc prévue ? Au niveau du programme gouvernemental, une réforme des pensions n’est pas prévue. Mais le gouvernement doit bien sûr rester 78
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« Il reste un fort potentiel de réduction de la différence entre l’âge légal et l’âge effectif de départ à la retraite. »
Le 1er pilier est très généreux au Luxembourg. Cela doit-il être remis en question dans les prochaines années ? Il faut des pensions correctes vu le niveau de vie très élevé au Luxembourg. Et la majorité des pensions est à un niveau correct. Il faudrait cependant pouvoir réfléchir à augmenter les pensions de bas niveau. Certaines pensions s’élèvent parfois à plus de 9.000 euros. Est-ce le rôle de l’État de prendre en charge de tels montants ? Le système est basé sur la solidarité : ceux qui paient aujourd’hui des cotisations paient aussi les pensions de demain. Dans ce sens, il faut plafonner, ce que nous avons fait. Or ce plafond n’est pas exagéré, il est à un niveau correct par rapport aux salaires qui sont payés. Les 2e et 3e piliers, qui concernent les régimes complémentaires de pension, sont par ailleurs sous-développés. Ne s’agit-il pas d’un levier pour réduire les dépenses ? C’est sûrement un moyen. Nous avons fait une réforme de la pension complémentaire des entreprises il y a quelques années, en adaptant le montant déductible des impôts et en donnant des incitatifs pour le 3e pilier. Mais tout le monde n’a pas les moyens de cotiser pour une pension complémentaire en dehors de son salaire. Donc le 1er pilier doit être fort pour permettre à chaque citoyen de vivre dans les meilleures conditions. La trajectoire du portefeuille du Fonds de compensation (FDC), qui gère la réserve des pensions, se situerait entre 2 °C et 3 °C, selon le rapport d’investisseur responsable 2020 du FDC. Comment expliquez-vous cette contradiction avec la politique climatique du pays ? Le FDC a été créé pour gérer la réserve des pensions dans l’optique d’avoir un rendement effectif avec une diversification pour minimiser le risque. Il faut donc un équilibre entre cette diversification d’un côté et des investissements durables de l’autre. Mais il faut savoir que 1,6 % des investissements du FDC va vers le secteur des énergies fossiles, ce qui est minime. Je crois donc que le Fonds gère la réserve d’une manière très durable et très responsable. Interview PIERRE PAILLER
LSAP
attentif. Cela est d’ailleurs prévu dans la loi sur les pensions où nous avons fixé que, tous les 5 ans, l’IGSS doit présenter un rapport. Le prochain rapport sera d’ailleurs établi au premier trimestre 2022. Il sera discuté au sein du gouvernement et il lui reviendra de d écider s’il est nécessaire de mettre en place un groupe de travail technique sur les pensions, afin d’analyser quelles pourraient être les mesures à prendre pour garder l’équilibre pour les années à venir.
retraite, de continuer à travailler. Ce sont des modèles qui pourraient être exploités.
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Le système des pensions n’est pas dans une situation inquiétante, selon le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider (LSAP). Si aucune réforme n’est sur la table actuellement, le gouvernement dit vouloir rester attentif, tout en veillant à préserver les revenus des retraités au regard du niveau de vie « très élevé » au Luxembourg.
« Le premier pilier des pensions doit être fort »
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« Je suis optimiste et non conservateur, militant et non partisan, libre et indépendant. » 86 % sont d’accord * * 37 % sont complètement d’accord , 30 % sont d’accord et 19 % sont plutôt d’accord.
Extrait du texte Les Évolutionnaires Enquête menée sur Delano.lu et Paperjam.lu durant les mois de juin et juillet 2021 (1.641 participants)
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Enjeux Retraite
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Conseils
7 astuces pour préparer sa retraite Prendre sa retraite, cela ne s’impro vise pas. S’il n’existe pas de formule universelle pour la préparer, certains conseils peuvent faciliter le départ de la vie active et permettre d’entamer ce nouveau chapitre de façon sereine sur le plan patrimonial. Tour d’horizon avec les experts de la Banque de Luxembourg autour de 7 recommandations. Auteur JULIEN CARETTE
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Commencez tôt C’est le conseil de base en vue de la retraite : pour être à l’abri financièrement après sa carrière, il est impor tant de mettre en place au plus tôt un plan d’épargne. « De préférence, dès que l’on entre dans la vie active, explique Peggy Damgé, private banking adviser à la Banque de Luxembourg. Il faut profiter du troisième pilier de la retraite luxembourgeoise : cette épargnepension que le particulier peut mettre en place lui-même. Commencer tôt permet d’investir progres sivement. Psychologiquement, c’est plus facile. » Et c’est déductible de votre revenu imposable jusqu’à 3.200 euros par an. Ne laissez pas dormir votre capital « Les taux d’intérêt étant pour le moment nuls, voire négatifs, ceux-ci ne couvrent donc même plus l’inflation, explique Peggy Damgé. Du coup, en laissant dormir vos liquidités, vous êtes certain de perdre en pouvoir d’achat. » Le mot d’ordre est donc d’investir si on en a les moyens.
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Entourez-vous des bonnes personnes S’entourer de conseillers possédant les connaissances nécessaires pour s’occuper de votre patrimoine est un pas important. « Il faut profiter du savoir-faire d’un spécialiste en gestion de patrimoine », reprend Peggy Damgé. Il pourra dresser votre profil, faire le point sur vos droits acquis et vous conseiller ensuite sur les meilleures enveloppes de placement.
Faites un bilan patrimonial Ce spécialiste sera aussi à même de réaliser votre bilan patrimonial : une cartographie complète de votre patrimoine qui sera ensuite étudiée en fonction de votre situation professionnelle, fiscale, familiale et immobilière. Cette démarche permet, entre autres, de mieux anticiper votre retraite. « La vie change, et les lois changent aussi. Ce que l’on croyait acquis hier ne l’est plus forcément aujourd’hui. Il est donc bon de savoir où on en est », résume Stefania Bidoli, tax & estate planner à la Banque de Luxembourg.
Restez investi « Lorsque vous décidez d’investir dans les marchés financiers, le meilleur conseil que je pourrais donner en matière de gestion de portefeuille est qu’il ne faut pas en sortir dans un moment de panique. Il est important de rester investi, explique encore Peggy Damgé. Les statistiques le disent : ceux qui ne sortent pas au moment d’une forte chute, comme celle que l’on a connue, par exemple, en mars 2020, au moment du premier confinement, obtiennent toujours un meil leur rendement au final. Car ils profitent de la hausse, qui finit toujours par arriver. »
Si vous êtes tenté par l’étranger, pensez global À l’heure de la retraite, beaucoup envisagent de partir vivre à l’étranger, là où le climat est plus clément, et la vie parfois meilleur marché. Certains pensent plutôt à partager leur vie entre deux résidences. Des perspectives qui nécessitent un accompagnement adéquat. Et à ce niveau-là, les conseillers luxembourgeois sont les mieux armés. « Si vous allez voir un fiscaliste en France ou en Belgique, celui-ci se limitera à la fiscalité de son pays. Ce n’est pas le cas chez nous. Le Lux embourg est tellement international que nous avons l’habitude des situations transfrontalières, explique Anne-Lise Grandjean, tax & estate planner à la Banque de Luxembourg. Nous avons davantage cet aspect international que les grands pays qui nous entourent. » Préparez votre transmission La fiscalité au niveau de votre succession est aussi une chose à avoir en tête au moment de votre retraite. « Au Luxembourg, en ligne directe ou entre époux, il n’y a pas de droit de succession, rappelle Stefania Bidoli. Pour les autres héritiers, le taux est progressif. Le maximum étant fixé à 48 % entre tierces personnes. Alors qu’en France, par exemple, on peut connaître un taux de 45 % en ligne directe… »
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BRAND VOICE
Légal
’« avocat-entrepreneur », L une source de valeur ajoutée pour l’entreprise
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En quoi le réseau global de PwC aide-t-il PwC Legal à mieux servir ses clients ? C. B. Tout d’abord, en tant que cabinet d’avocats indépendant, nous maîtrisons une grande variété de matières juridiques. L’appartenance au réseau PwC nous offre une vision plus large des problématiques rencontrées par les clients. Nous pouvons leur donner accès s’ils le souhaitent aux nombreux métiers qui sont proposés au sein du réseau, et qui sont à même de les aider
dans le développement de leur entreprise. A. R. L’avantage est que le client, si telle est sa volonté, ne doit pas sortir du réseau pour obtenir une réponse à ses questions ou un service en particulier. Par exemple, si l’un de nos clients est victime d’une fuite de données, au-delà de l’assistance juridique que nous pouvons lui proposer, nous pouvons le mettre directement en contact avec les différents départements de PwC spécialisés en matière de cybersécurité.
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Catherine Baflast et Audrey Rustichelli, respectivement Managing Partner et Deputy Managing Partner chez PwC Legal Luxembourg, évoquent l’évolution de l’exercice de leur profession et les bénéfices de leur appartenance au réseau de PwC.
Simon Verjus (Maison Moderne)
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CHIFFRES-CLÉS
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Le tout, avec un seul contact au sein de PwC Legal. Quels sont les profils professionnels que l’on retrouve chez PwC Legal ? Parle-t-on uniquement d’avocats ? A. R. Nous réunissons avant tout des spécialistes du droit, qui ont chacun leur discipline favorite et qui se répartissent dans nos différents départements. Cela étant dit, nous nous nous sommes entourés de juristes qui ont un double profil : ils sont des professionnels du droit, certes, mais disposent aussi d’une formation généraliste dans les meilleures business schools. Cette double formation les aide à mieux comprendre les besoins des clients, qui sont eux-mêmes des entrepreneurs. C. B. Ces doubles profils sont intéressants, car ils cadrent avec l’ADN entrepreneurial du réseau PwC. Chez PwC Legal, nous cherchons à faire de nos collaborateurs des « avocats-entrepreneurs », qui ont une vision plus large des problématiques des clients, sont force de proposition et ne se contentent pas d’offrir une assistance ou une expertise sur la mise en conformité, par exemple. Il est indispensable aujourd’hui, pour l’avocat, de connaître le monde économique qui l’entoure et de comprendre les enjeux stratégiques de son client. L’avocat n’est donc pas uniquement là pour mitiger les risques, mais aussi pour créer des opportunités ? A. R. Nous nous définissons en effet comme des accompagnateurs. En offrant une
« Aujourd’hui, la transversalité est devenue un réflexe pour nos collaborateurs. » Audrey Rustichelli Deputy Managing Partner, PwC Legal
MNKS est devenu membre du réseau PwC en 2018 pour devenir PwC Legal.
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PwC Legal développe une expertise sur 5 matières principales : corporate, fusionacquisition & private equity, fonds d’investissement, droit du travail et nouvelles technologies.
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Le réseau PwC Legal compte 3.700 spécialistes du droit dans le monde.
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Présent dans le monde entier, le réseau PwC Legal dispose de bureaux dans 98 pays, sur les cinq continents.
information régulière à nos clients, à travers de nombreuses publications, en créant des opportunités pour ces derniers de développer de nouveaux marchés, en proposant des idées innovantes, en étant créatifs, nous devenons parfois des gestionnaires de projet. C’est là une des évolutions probables du métier d’avocat d’affaires. Cette vision implique de former vos collaborateurs à de nombreuses problématiques. Quelle est votre politique à ce niveau ? C. B. Notre appartenance au réseau PwC nous permet de proposer à nos collaborateurs un accès à l’ensemble du catalogue de formations du réseau. C’est un aspect important, car les collaborateurs – et même les candidats – sont en demande d’une offre de formation poussée. La nouvelle génération qui arrive sur le marché du travail est curieuse et elle cherche à diversifier ses compétences. C’est l’une des beautés du métier d’avocat que de pouvoir proposer cette diversité de thématiques, qui requiert une expertise multiple. A. R. Pour être plus spécifique, on constate que l’intérêt pour les formations aux soft skills est de plus en plus marqué. Mais les formations sur le digital appliqué au secteur juridique ont également le vent en poupe. À titre d’illustration, comprendre le fonctionnement de la blockchain ou des cryptomonnaies est devenu essentiel.
Les cabinets d’avocats ont parfois une image de grandes structures inaccessibles aux PME. Qu’en est-il de PwC Legal ? C. B. Il est vrai que PwC Legal est le « bras armé » légal du réseau PwC, ce qui nous permet effectivement d’assister, dans le respect des règles d’indépendance de l’avocat, de grandes entreprises qui font appel aux services du réseau. Mais nous avons également à cœur de nous positionner comme un acteur proche des structures locales, quelle qu’en soit la taille, de la start-up à la multinationale en passant par la PME. Quelles sont aujourd’hui les principales thématiques sur lesquelles vous êtes sollicitées ? A. R. Il y a toute une série de thématiques très actuelles qui concernent une bonne partie de notre clientèle, à commencer
« Chez PwC Legal, nous cherchons à faire de nos collaborateurs des ‘avocatsentrepreneurs’. » Catherine Baflast Managing Partner, PwC Legal
par l’intégration des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). De nombreux gestionnaires de fonds ont en effet besoin d’un accompagnement pour franchir cette étape et pour comprendre les problématiques liées à ce sujet. En outre, les sujets IT sont devenus une priorité dès lors que la crise sanitaire et les confinements ont fait émerger certaines problématiques. Certaines entreprises veulent en effet revoir leur architecture, migrer vers le cloud, résilier certains contrats et en souscrire d’autres… Tout cela demande un support de spécialistes du droit. C. B. Cette digitalisation nous concerne d’ailleurs. Toute une
série de procédures peut en effet être automatisée afin de permettre de nous concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée qui font une vraie différence pour nos clients. Il s’agit donc d’un axe fondamental de développement. Concrètement, comment organisez-vous le travail au sein de PwC Legal ? Comment prenez-vous en charge chaque demande ? C. B. Nous avons des équipes dédiées pour chaque projet, pour chaque client. La plupart de nos clients disposent d’un ou deux points de contact chez nous, ce qui facilite la prise en charge de leurs nouvelles demandes. Même si leur demande sort de l’ordinaire, leur contact au sein du cabinet peut les orienter vers la personne la plus compétente pour les aider. Notre volonté est de faciliter la prise de contact afin de régler le plus rapidement possible le problème du client. C’est en cela que nous nous définissons comme un « trusted advisor », un conseiller qu’on peut consulter, en toute confiance, quelle que soit la situation rencontrée. A. R. Nous mettons également un point d’honneur à travailler de façon transversale sur chaque demande. En effet, chaque sujet est souvent multidimensionnel et requiert des compétences très variées. C’est la raison pour laquelle nous avons mis un terme à l’organisation en silos, afin de multiplier les interactions entre départements. Aujourd’hui, la transversalité est ainsi devenue un réflexe pour nos collaborateurs.
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Portfolio
& Travail
sentiments Ces couples partagent plus que des sentiments, puisqu’ils sont aussi associés dans leur propre entreprise. Une configuration qui apporte, d’une manière ou d’une autre, une touche particulière à leur enseigne et à sa gestion. Rencontre avec des patrons pas comme les autres. Auteurs CATHERINE KURZAWA & IOANNA SCHIMIZZI
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Photos GUY WOLFF
Claude Poos et Josée Raach Härebuttek Josée Raach et Dammebuttek Josée Raach C’est dans la Grand-Rue de Grevenmacher que Josée Raach a ouvert en 1994 sa boutique de confection pour hommes, Härebuttek Josée Raach. Aidée par son partenaire et futur mari Claude Poos, la commerçante poursuit sur sa lancée entrepreneuriale, et, en 2006, le duo ouvre sur la même artère la Dammebuttek
Josée Raach. « Nous pouvons pleinement nous identifier avec un proverbe de Confucius : ‘Choisissez un travail que vous aimez, et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie’. » Le couple ne compte pas ses heures, mais, durant ses rares vacances, essaie de ne pas parler travail : « Ce qui nous aide à déconnecter, c’est le fait de savoir compter sur nos employés engagés. » Le duo estime qu’une gestion entrepreneuriale en couple est un gage d’efficacité : « Les processus de décision sont courts, et il existe une culture d’entreprise basée sur la confiance. »
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Nicolas et Pauline Szele Le Fin Gourmand Si Pauline, évoluant dans le secteur hospitalier en France, n’était pas destinée à la restauration, la rencontre avec son mari Nicolas a totalement changé son parcours professionnel. « Nous nous sommes rencontrés en 2010, année où j’ai rejoint le restaurant familial créé en 1988. Au début, Pauline nous donnait un petit coup de main, mais au fur et à mesure, nous avons senti une bonne
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symbiose dans le fait de pouvoir travailler côte à côte. » Depuis, le couple est à la tête d’une famille de deux petites filles, et de deux restaurants et une épicerie. « Nous avons rapidement décidé de ne plus rapporter nos soucis à la maison afin de préserver notre entente », explique Nicolas Szele. Et s’ils devaient donner un conseil aux couples qui veulent sauter le pas ? « Il faut être complémentaires et respecter le travail de l’autre, surtout bien distinguer le rôle de chacun dans l’entreprise. »
Annick et Fernand Ernster Ernster l’esprit livre « On s’est rencontré il y a presque 43 ans », évoque Fernand Ernster au sujet d’Annick. Si, au départ, elle se destine au secteur bancaire, son épouse vient prêter main-forte au pic des ventes de la rentrée des classes et intègre finalement l’entreprise familiale au début des années 90. « Le chef de l’entreprise dans sa globalité, c’est toi », assure Annick, qui se concentre surtout sur
les ressources humaines et la rentrée. Au travail, le duo incarne la quatrième génération de cette entreprise familiale. Ils passent très peu de temps ensemble, tant chacun vadrouille entre les différentes implantations. Leur conseil aux couples désireux d’entreprendre ensemble ? « Définir dans quel but on le fait, et régulièrement remettre en question les objectifs afin de ne pas les perdre de vue », dixit Fernand. La cinquième génération est d’ores et déjà en place avec Paul, actif depuis plus de deux ans dans l’entreprise.
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Martine Feipel et Jean Bechameil Artistes La Luxembourgeoise Martine Feipel et le Français Jean Bechameil sont en couple depuis 2008. Ils comptent aujourd’hui parmi les duos d’artistes incontournables de la scène luxembourgeoise et internationale. Ils ont notamment porté les couleurs du Grand-Duché en 2011 à la Biennale de Venise. « Nous avons eu un coup de foudre d’amour et artistique, nos projets se rejoignaient
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lorsque nous nous sommes rencontrés, se souvient Martine Feipel. Le fait de créer à deux est une force, on se lance dans des projets plus fous, et cela rend l’aventure plus joyeuse. » S’ils devaient donner un conseil à des couples qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat, ce serait : « Allez-y ! La vie d’entrepreneur n’est pas toujours facile, mais partager cette aventure avec un allié de travail et de vie est un atout indéniable, on se sent soutenu par l’autre en permanence », affirme Jean Bechameil.
Myriam Muzzolini et Claudio Boi BMW Muzzolini « Pouvoir compter l’un sur l’autre sans réserve. » C’est le conseil que donneraient Myriam Muzzolini et Claudio Boi, couple à la maison comme au travail au sein de la concession BMW Muzzolini. « Quand mon papa nous a quittés, j’ai dû revoir mes projets de carrière dans le travail et prendre en main l’entreprise, Claudio était déjà là en qualité de responsable de la
carrosserie », raconte Myriam. « Toute la difficulté est de ne pas parler travail à la maison, et donc de décrocher. On se dit tout le temps qu’on devrait penser à autre chose qu’au travail lorsqu’on est chez nous, et parfois on y arrive », s’amusent-ils. Et qui est le chef entre eux ? « C’est évident : Myriam ! » répondent-ils. « Mais nous nous concertons continuellement pour les décisions importantes concernant le quotidien dans le travail et pour le cap à suivre pour la ‘Maison Muzzolini’. »
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François Hardy et Leslie Otto Ville Neuve Ils se sont rencontrés il y a 20 ans, à l’époque où ils étaient étudiants. Depuis, François Hardy et Leslie Otto ne se quittent plus. « Il est apparu comme une évidence que nous étions faits pour travailler ensemble », confie François. Le couple a d’abord travaillé dans l’événementiel avant de bifurquer vers le retail voici 15 ans, avec l’enseigne de prêt-à-porter Ville Neuve. Le duo se dit passionné mais, parfois, chacun peut, à sa guise, se couper du travail pour des sorties en pleine nature, que ce soit à pied ou à VTT. Le couple pilote 10 points de vente en Belgique et au Luxembourg, mais aucun des deux ne se considère comme le chef. À chacun ses spécialités, et, « pour une décision importante, nous nous consultons toujours », déclare François Hardy. L’entraide prime également en cas de coup dur, « on se sent plus fort à deux que seul », conclut-il.
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Njomza et Louis Linster Restaurant Léa Linster À l’inverse des couples qui ont d’abord été ensemble dans la vie avant de l’être au travail, Njomza et Louis Linster se sont rencontrés au travail, au sein du restaurant familial Léa Linster à Frisange. « J’ai commencé à travailler dans le restaurant en 2010, et Louis de manière permanente en 2012, et nous sommes ensemble depuis 2015 », explique Njomza, qui officie
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en salle, quand son époux tient les fourneaux du restaurant gastronomique créé par sa maman Léa en 1982. « Nous n’avons jamais connu de difficultés à travailler ensemble. Au final, chacun a son lieu de compétences, et nous ne sommes pas forcément ensemble toute la journée, ajoute Louis. Notre conseil est donc de fixer les tâches respectives de chacun pour ne pas interférer sur le poste de l’autre. Nous sommes très complémentaires, et je crois qu’on ne ferait pas autant confiance à un associé. »
Émilie et Philippe Vaux Le Cœur de Meule Ils se sont rencontrés au travail, en tant que saisonniers à Megève. Elle officiait à la réception, et lui dans la salle d’un hôtel-restaurant. Aujourd’hui, les quadragénaires pilotent Le Cœur de Meule, une fromagerie-crémerie ouverte à Mamer en 2017, et son épicerie depuis novembre à Bertrange. « J’apprends de nouvelles choses sur lui en travaillant avec lui », confie Émilie Vaux,
sur son mari Philippe. « C’est une formidable aventure, on change de statut et on se décou vre », ajoute-t-elle. Le couple a deux jeunes enfants, une autre responsabilité, mais « ce sont des difficultés aussi pour les couples qui ne travaillent pas ensemble », relativise Philippe Vaux. Le duo est unanime : il n’y a pas un patron plutôt que l’autre, chaque décision est prise col légialement. « On aime travailler ensemble, on adore se taquiner et embrigader le client avec », déclare Émilie.
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Marie-Thérèse et Fred Kraemer Menuiserie Kraemer Mariés depuis 1968, et à la tête de la menuiserie familiale depuis 1972, Marie-Thérèse et Fred Kraemer ont su mener de front depuis presque 50 ans leur vie personnelle et le développement de leur entreprise fondée en 1928. « Nous som mes passés de 2 à 30 salariés, raconte MarieThérèse. Nous avons toujours bien distingué nos domaines de compétences : à Fred
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la technique et la gestion des équipes, et à moi la comptabilité et la partie administrative. » Parents de deux grandes filles, le couple confie n’avoir jamais « laissé le travail à la porte de la maison, mais nos week-ends étaient toutefois dédiés à la famille ». Leurs deux filles ne sou haitant pas reprendre la menuiserie familiale située à Bettendorf, les Kraemer se sont entourés d’un jeune associé-gérant et pensent déjà à la transmission de l’entreprise dans les prochaines années.
Guy et Nicole Kirsch Groupe Kirsch, restaurants Bestial & Aal Schoul La complémentarité est résolument l’ingrédient- clé du couple Kirsch, actif dans la boucherie et la restauration : « Je suis avant tout boucher, et Nicole avait déjà un très bon sens de l’accueil et du service, car elle a pratiqué ce métier dans différents établissements depuis son arrivée de Roumanie
au Grand-Duché, résume le Luxembourgeois. Nicole règle les choses avec plus de calme, de douceur et de féminité. Elle sait aussi m’apaiser, ce qui est souvent nécessaire. » Le couple estime que la gestion en duo apporte un plus, même si le métier n’est jamais de tout repos. « Être sur la même longueur d’onde est absolument nécessaire », glisse le boucher. Il ne voit pas de problème à être partout ensemble. « Quand nous rentrons à la maison, c’est vraiment pour s’occuper de nous et profiter de notre couple », précise Nicole.
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TECHNOLOGIE & INNOVATION
Demy Schandeler : une transition vers l’électromobilité grâce à BIL Lease Entreprise indépendante au caractère familial, Demy Schandeler a su maintenir une croissance constante grâce à l’aide de la Banque Internationale à Luxembourg, société anonyme (BIL) et sa filiale Société Luxembourgeoise de Leasing BIL Lease, société anonyme (BIL Lease). Un soutien qui permet à l’entreprise d’enta mer sereinement sa transition vers l’électromobilité.
En 1949, Dominique (Demy) Schandeler, fort d’une expérience de 30 ans dans le secteur des bus, r eprend l’entreprise de son employeur et crée la s ociété Demy Cars. Celle-ci, grâce à ses deux a utobus, dessert les villages de Keispelt, Meispelt, Nospelt, Capellen et Mamer avant de faire son entrée dans la capitale en se voyant confier plusieurs lignes. Si les premières liaisons permettent d’assurer le transport des ouvriers vers leur lieu de travail et les élèves vers l’école, l’envie de v oyager se fait sentir. Dans les années 1950, l’entreprise acquiert alors de nouveaux véhicules et construit un n ouveau garage. Les années 1960 voient l’émergence des premiers voyages organisés à l’étranger. Au même moment, l’entreprise change de nom et de génération pour devenir Demy Schandeler et fils. Depuis, la société ne cesse de grandir, avec l’ouverture de six agences de voyages, d’une succursale à Eischen et la construction d’un nouveau bâtiment administratif. Depuis 2008, la 3e génération composée des cousins Laurent, Joël et Gast a pris la relève. « Demy Schandeler possède aujourd’hui une flotte d’environ 250 bus et minibus réalisant chaque jour un total de 14.700 km et compte plus de 400 salariés », précise ce dernier.
Un virage vers plus de durabilité Avec cette 3 e génération, Demy Schandeler investit davantage en faveur de la durabilité
5 Avec l’acquisition, en 2021, de cinq bus hybrides grâce à BIL Lease, Demy Schandeler entame sa démarche vers l’électromobilité.
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et a de ce fait été labellisée RSE. L’entreprise veille non seulement à la qualité des emplois et à l’inclusion sociale, mais souhaite aussi soutenir l’économie locale et opter pour des véhicules le moins polluants possible. « Notre bâtiment administratif est écoresponsable et nous collaborons avec la SuperDrecksKëscht pour nos déchets. Nous veillons en outre à réduire nos courses à vide pour diminuer nos émissions carbone. » D’ici 2025, le transport public luxembourgeois sera électrique à hauteur de 80%. Cette transition vers l’électromobilité représente donc un défi important pour l’entreprise et s’accompagne de divers investissements : véhicules, bornes de recharge, nouveaux dépôts. « BIL Lease est l’un de nos plus importants partenaires pour cette transition grâce à l’aide fournie pour le leasing des bus et la construction d’un dépôt à proximité de Steinfort accueillant une douzaine de véhicules. » BIL Lease permet depuis 30 ans aux entreprises d’utiliser un véhicule, une machine ou un équipement moyennant un loyer et d’en devenir propriétaires au bout de plusieurs années.
BIL Lease Depuis 30 ans, la Société Luxem bourgeoise de Leasing BIL Lease, société anonyme, filiale de la BIL, est active dans le financement d’un large éventail d’équipements professionnels moyennant la technique du leasing financier. Les avantages sont multiples pour les entreprises et les professionnels : préfinancement à 100% par BIL Lease (TVA comprise), aucun engagement de fonds propres, neutralité en ce qui concerne le bilan, mais aussi déductibilité fiscale des loyers en tant que charges d’ex ploitation. Afin de soutenir Demy Schandeler et lui permettre de répondre aux exigences écologiques gouvernementales, nous avons p roposé un leasing financier de véhicules répondant aux critères de mobilité verte. Raoul Schmit Responsable de relation à la BIL
Une relation de confiance depuis 25 ans Si Demy Schandeler a fait appel à cette offre de leasing financier auprès de BIL Lease, c’est parce qu’une relation spéciale unit ces acteurs depuis de nombreuses années. « Nous avons pris l’habitude de communiquer et de nous transmettre des données, ce qui permet de trouver rapidement des solutions à un problème. Nous soutenons régulièrement les investissements de Demy Schandeler en participant à l’acquisition de matériel, notamment », explique le Responsable de relation commerciale. Une aide qui a rendu possible l’acquisition de cinq bus hybrides par Demy Schandeler, lui permettant ainsi de réaliser un
premier pas dans sa transition. « Nous avons devant nous d’importants projets communs pour l’achat de nouveaux véhicules. En raison des investissements prévus pour les deux années à venir, nous souhaitons poursuivre cette collaboration fructueuse avec la BIL et pouvoir continuer à compter sur l’offre BIL Lease. » À l’occasion du 30 e anniversaire de cette dernière, Demy Schandeler et BIL Lease entendent toutes deux continuer cette relation de confiance sur le long terme et recourir à ce soutien financier pour les projets futurs.
Banque Internationale à Luxembourg SA, 69 route d’Esch, L-2953 Luxembourg, RCS Luxembourg B-6307 - T: 4590-1 www.bil.com
1. Chaque jour, les bus de la flotte de Demy Schandeler sont nettoyés dans le garage grâce à de l’eau de récupération. 2. Laurent et Gast Schandeler, Raoul Schmit (BIL) et Joël Zangerlé (Demy Schandeler). 3. Créée en 1949 par Dominique Schandeler, la société s’appelait alors Demy Cars. 4. Élément (pièce) d’un moteur électrique. 5. Plusieurs bus hybrides ont rejoint la flotte de véhicules de l’entreprise. 6. Des entretiens sont régulièrement effectués pour garantir le parfait état des bus. 7. Demy Schandeler possède également des minibus pouvant accueillir jusqu’à huit personnes.
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Leasing financier Nous vous aidons à développer votre entreprise : www.bil.com/leasing
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Bienvenue au Club ! 98
Business Club
Chers membres, Quel bonheur de finir ce mois de novembre sur une note positive avec le Club Talk inspirant de Virginie Delalande ! Ne jamais abandonner, toujours croire en son potentiel et avoir un état d’esprit à toute épreuve. Elle a démontré que c’était possible en surmontant son handicap de sourde profonde pour devenir avocate. Si vous n’avez pas eu la chance d’être présent à ce bel événement, contactez-nous pour avoir accès à l’enregistrement effectué. Ce 2 décembre, nous allons mettre à l’honneur, en présence de Franz Fayot, ministre de l’Économie, les finalistes des Paperjam Recovery Awards : ces entreprises qui n’ont jamais abandonné et qui ont fait preuve de résilience et de créativité pour surmonter les obstacles de la crise sanitaire. Joignez-vous à nous pour les célébrer. Venez aussi soutenir, le 15 décembre, ces start-up et l’esprit entrepreneurial de leurs dirigeants lors des Start-up Stories Awards : eux non plus n’ont pas baissé les bras et gardent cet esprit combattif pour atteindre leurs rêves. Au nom de toute l’équipe du business club, nous vous souhaitons de passer de belles fêtes en famille et avec vos amis et espérons vous voir nombreux aux événements que nous avons concoctés pour vous avec passion. Meilleurs vœux and stay safe!
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ARTUR SOSNA Paperjam + Delano Club Director ANA WISCOUR-CONTER Paperjam + Delano Club Deputy Director
DÉCEMBRE 2021
Inspire Venez écouter des experts, décideurs et influenceurs locaux ou internationaux s’exprimer sur des sujets d’actualité variés. Qu’il s’agisse de 10×6, tables rondes, débats, ou encore de keynotes, ces rendez-vous vous proposeront une dose d’inspiration pour penser à votre business de demain. Des rendez-vous suivis d’un cocktail dînatoire propice aux échanges et au networking.
Learn Offrez à vos collaborateurs un programme de formation annuel. La Paperjam Academy est un centre de formation continue agréé par l’État, offrant un portfolio ambitieux. Un large choix qui se décline par secteur, métier ou de manière transversale, proposé dans des domaines-clés, avec notamment 500 heures de formation dispensées sur neuf journées par les experts membres du Club.
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Engage Encouragez l’intégration de vos collaborateurs expatriés au Luxembourg en les faisant participer à nos événements Live et dédiés : Delano lives et Let’s Let’s Taste. taste. Le meilleur moyen de rencontrer la communauté des résidents étrangers au Luxembourg ! Créez de la valeur pour vos employés grâce aux événements événements du du Club. Club
1.300 SOCIÉTÉS
C’est le nombre de sociétés qui composent le club d’affaires le plus important du Luxembourg.
18.000 PERSONNES
C’est le nombre de personnes qui font partie de la communauté active du Paperjam + Delano Club et avec lesquelles vous aurez le potentiel d’interagir.
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Photos
Christophe Debailleul, Simon Verjus, Matic Zorman
Le Club en chiffres
ÉVÉNEMENTS Événements physiques et digitaux. Entre conférences, formations, networkings et workshops, ce sont presque 400 événements par an auxquels vous pouvez participer.
500 HEURES
Heures de formation par an qui couvriront hard et soft skills, et qui créeront une valeur sup plémentaire pour vos employés.
Network Rejoignez les 1.300 sociétés membres du Paperjam + Delano Club et développez votre réseau. Générez de nouvelles opportunités d’affaires dans un cadre convivial et informel avec nos formats Networking Circles, Déjeuners Carrousel, CEO Cocktails, ou encore les visites Dans les coulisses… Pour joindre l’utile à l’agréable !
COMMENT PARTICIPER AUX ÉVÉNEMENTS DU PAPERJAM + DELANO CLUB ? Vous êtes déjà membre Il vous suffit de vous rendre sur notre site web paperjam.lu, dans la section Club, afin de trouver l’événement auquel vous souhaitez participer. Remplissez le formulaire d’inscription en bas de page pour vous inscrire à nos événements physiques ou digitaux.
Vous n’êtes pas encore membre Il vous suffit de contacter l’équipe du Paperjam + Delano Club par e-mail via club@paperjam.lu, qui vous mettra en relation avec l’un de nos chargés de compte pour vous faire entrer dans le plus grand business club du Luxembourg.
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Vanessa Defournier (Inner Latitude) Sabina Guerrero (The Job Tailors)
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Corinne Migueres (RH Expert)
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Xavier Roblin (Bâloise Assurances Luxembourg) Marie-Adélaïde Leclercq-Olhagaray (Arendt)
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Ne manquez pas
Business Club Décembre 2021
Jeudi 02 décembre
Mercredi 15 décembre
Paperjam Recovery Awards
Les entreprises luxembourgeoises ont été résilientes et méritent d’être reconnues en tant que telles. Découvrez, lors de cette soirée de gala, les sociétés qui ont su se réorienter, se réinventer, se redresser, et faire preuve de solidarité envers d’autres entreprises pendant cette crise sanitaire mondiale. Cette cérémonie de remise des prix se fera en présence de M. Franz Fayot, ministre de l’Économie. PROGRAMME 18:30 – 22:30 LIEU Athénée de Luxembourg
Inscrivez-vous
SPONSORS
Start-up Stories Awards 2021
Retrouvez la crème de la crème des start-up de la Grande Région pour une grande soirée de gala. Après plusieurs rounds de sélection parmi 50 sociétés innovantes, ces awards sont attribués par un jury d’experts indépendants réunis par Paperjam. Cette cérémonie sera ouverte par Philippe Linster (HoST) puis continuera sur une keynote de Genna Elvin, CEO de Tadaweb. PROGRAMME 18:30 – 22:30 LIEU Kinepolis Kirchberg
Mercredi 12 janvier
CEO & Entrepreneur-Only Winter Cocktail
Le Paperjam + Delano Club vous propose un moment d’exception. Pour la première fois, nous recevrons Jean-François Zygel, improvisateur, pianiste virtuose et érudit, qui s’adressera aux dirigeants d’entreprises membres du Club grâce à la musique, pour démontrer de façon mélodique que stricte méthode et libre créativité sont indispensables à une bonne improvisation, comme à une bonne direction d’entreprise. PROGRAMME 19:00 – 22:30
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DÉCEMBRE 2021
Inscrivez-vous
Pour vous inscrire, rendez-vous sur le site du Paperjam + Delano Club : club.paperjam.lu
Inscrivez-vous
12 JANUARY
2022 Selected highlights
CEO- and Entrepreneurs- Only Winter Cocktail
Music and leadership with Jean-François Zygel 25 JANUARY
10×6 Luxembourg: Financial centre 2030 22 FEBRUARY
10×6 Women: Leaders’ role models 29 MARCH
10×6 Grand Luxembourg: What future? Is Schengen dead? 19 APRIL
10×6 Architecture : Passion 31 MAY
10×6 Inclusion: From words to action 9 JUNE
Paperjam + Delano Finance Awards 16 JUNE
Paperjam Golf Open 29 SEPTEMBER
Paperjam’s 2nd Real Estate Seated Dinner 15 DECEMBER
Speakers and registrations www.paperjam.lu/club
Paperjam Top 100 Les décideurs économiques les plus influents du Luxembourg
Le programme
Business Club Décembre 2021
Jeudi 2 décembre
Mercredi 15 décembre
Mercredi 19 janvier
Paperjam Recovery Awards HORAIRE 19:30 – 22:30 LIEU Athénée de Luxembourg SPONSORS Resultance, Chamber of Commerce Luxembourg, Spuerkeess
Lundi 6 décembre WEBINAR
Marcom Breakfast : Maîtriser la gestion d’une stratégie de relations presse performante HORAIRE 08:30 – 09:30 LIEU Silversquare
Start-up Stories Awards Comprendre et motiver son équipe, même à distance HORAIRE 13:30 – 14:30, Livestream
HORAIRE 18:30 – 22:30
TALK
Breakfast Talk : Recruter et manager à distance HORAIRE 08:30 – 10:00 LIEU Kaempff-Kohler
Jeudi 20 janvier TALK
LIEU Kinepolis Kirchberg
Jeudi 6 janvier
Networking Circle
Mercredi 8 décembre
HORAIRE 18:30 – 19:30
Mardi 11 janvier
Journée de workshops HORAIRE 09:30 – 12:45 LIEU Abbaye de Neumünster
Lunch Talk: Application concrète de la COP26 à Luxembourg HORAIRE 11:30 – 13:30
Mercredi 12 janvier
Breakfast Nouveaux Membres HORAIRE 09:00 – 09:45 LIEU Hôtel Novotel Luxembourg Centre
CEO- and EntrepreneursOnly Winter Cocktail : Musique et leadership HORAIRE 20:00 – 22:30
Vendredi 21 janvier TALK
Apéro-Talk avec Nathalie Reuter : Journal Drive HORAIRE 18:30 – 21:30
Mardi 14 décembre
Let’s Taste HORAIRE 18:30 – 19:30 LIEU Paladium - le Jardin Secret
Vendredi 14 janvier
Déjeuner Carrousel HORAIRE 12:00 – 14:00
Mardi 25 janvier
10×6 Luxembourg : Financial centre 2030 HORAIRE 18:30 – 22:30 LIEU Athénée de Luxembourg
Retrouvez le programme complet
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DÉCEMBRE 2021
Pour vous inscrire, rendez-vous sur le site du Paperjam + Delano Club : club.paperjam.lu
CEO- AND ENTREPRENEURS-ONLY WINTER COCKTAIL Musique et leadership: Conférence-concert exclusive avec Jean-François Zygel
Le Paperjam + Delano Club vous propose un moment d’exception. Pour la première fois, nous recevrons Jean-François Zygel, improvisateur, pianiste virtuose et érudit, qui s’adressera aux dirigeants des entreprises membres du Club à travers la musique, pour démontrer de façon mélodique que stricte méthode et libre créativité sont indispensables à une bonne improvisation, comme à une bonne direction d’entreprise.
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19h00: Accueil 20h00: Concert
Flashback 1
« Pour construire une bonne stratégie RSE, il faut s’ancrer sur l’ADN de votre société. » Catherine Bourin ABBL
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DÉCEMBRE 2021
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Crédits
Simon Verjus, Eva Krins, Matic Zorman
Vos événements Encore un mois riche en événements ! Le 10�6 Entrepreneurship : 10 CSR strategies, organisé en partenariat avec l’INDR et PwC, a permis à chacun des speakers de présenter en quoi consistait, selon eux, une stratégie CSR pertinente en entreprise. Les vainqueurs du dernier round des Start-up Stories, organisé en collaboration avec Start-up Luxembourg et Office Freylinger, sont Our Choice – Circular Fashion, Green Earth Trading et Schilz. Rendez-vous pour la finale le 15 décembre afin d’élire la meilleure idée présentée en 2021. Lors de ce premier Apéro-Talk, Nathalie Reuter a abordé avec 1 Luc Frieden les thématiques de la relance, la transition climatique et énergétique, ainsi que l’attractivité et la compétitivité des entreprises du Luxembourg. Lors de notre table ronde animée par 2 Nicolas Léonard (Paperjam), orga nisée en partenariat avec Nhood, 3 Ilana Devillers (Food4All), 4 Geneviève Krol (Fairtrade Lëtzebuerg), 5 Norry Schneider (CELL) et 6 Jeff Schmit (SDK Akademie) ont mené un débat sur les circuits à utiliser pour mieux consommer. Côté finance, le 10�6 Keytrade : Investment Day a réuni, au sein de l’hémicycle de l’ECCL, une audience avertie autour de plusieurs tables rondes. La journée a été clôturée avec 9 interventions d'experts présentant leurs fonds. L’édition 2021 du Tax Forum de Bonn Steichen & Partners, menée par 7 Alain Steichen, 8 Gaëlle Felly, 9 Daniel Riedel et 10 Pol Mellina, a dressé l’état des lieux et présenté les perspectives de la fiscalité impactée par la pandémie. Nos membres du secteur de la construction ont pu découvrir, en partenariat avec Prefalux Construction, un nouveau « The Place » au sein de « L’atelier de charpente » : pièce maîtresse de notre partenaire et b erceau de son activité depuis 1974. Plus de photos sur
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“ Sustainability is all about efficiency. ” Claude Seywert Encevo
paperjam.lu
« Le bois : un matériau durable pour un investissement rentable. » Bruno Hellemans Pictet Asset Management DÉCEMBRE 2021
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Ma maison
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François Benoy ouvre les portes de sa maison à Bonnevoie, où techno logie et éléments naturels se marient.
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Après quelques mois de recherches, c’est finalement à Bonnevoie que François Benoy et sa femme ont trouvé une maison à rénover pour vivre en ville, avec un petit jardin. « La maison ne nécessitait pas de gros travaux, mais nous souhaitions tout de même y apporter quelques améliorations, notamment énergétiques », précise François Benoy, député
et membre du parti déi Gréng. C’est ainsi qu’avec l’aide du bureau Engelke Architecte et les conseils de Convex, ils font remplacer une vieille construc tion à l’arrière par une nouvelle extension en bois avec une toiture végétalisée, isolent la maison avec des matières minérales et installent des chauffe-eau individuels. « Récemment, nous avons ajouté 26 panneaux photovoltaïques sur le toit. Cette installation produit le double de notre con sommation électrique ; elle sera ainsi rentabilisée en 10 ans », se réjouit François Benoy. En ce qui concerne la maison en ellemême, peu a été changé. « Nous avons gardé toute la volumétrie, à l’exception de l’extension, les anciens parquets, et avons juste un peu déplacé les cloisons entre les chambres et la salle de bains à l’étage. » Auteur CÉLINE COUBRAY Photos GUY WOLFF
RÉNOVATION SAINE 106
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1 Dans l’escalier, la famille a accroché des photos de Jeanine Unsen prises avant la rénovation de la maison et où l’on reconnaît Larisa Faber. 2 Pour les meubles, la famille a trouvé un juste équilibre entre mobilier contemporain, meubles sur mesure et meubles chinés ou de famille, comme en témoigne le buffet.
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3 Dans le salon, la décoration et le mobilier sont arrivés au fur et à mesure pour répondre exactement aux besoins. 4 La cuisine conserve un caractère très lumineux, notamment grâce à l’absence de meubles hauts. 5 Les enfants ont chacun leur chambre. Toutes ont conservé les revêtements de sol d’origine.
ET ÉNERGÉTIQUE DÉCEMBRE 2021
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Mon argent
Plutôt prudente, l’avocate spécialisée en propriété intellectuelle et droit des technologies Emmanuelle Ragot s’octroie quelques extras au fil du temps. Avez-vous une devise ou un principe par rapport à l’argent ? Je pense à cette citation de Sacha Guitry : « Le luxe est une affaire d’argent, et l’élégance est une question d’éducation. » C’est pour moi davantage un constat qu’une devise. À mes yeux, l’argent représente une liberté d’action. Quelle liberté offre l’argent ? Le fait de pouvoir couvrir ses besoins et avoir une vie digne. Je me souviens que, lorsque j’étudiais à Londres, j’ai vu un homme qui habitait dans sa voiture. Cela m’a marquée, j’ai profondément réalisé que tout pouvait basculer. Vous définissez-vous comme une cigale, ou plutôt une fourmi ? Je dirais une fourmi ailée : je peux être fourmi sans problème, mais je sais être cigale, je suis hybride, somme toute. J’ai un rapport assez sain à l’argent. Est-ce important de posséder, à vos yeux ? Oui, pour répondre aux besoins qui me permettent de me sentir en sécurité, évidemment : être propriétaire, c’est quelque chose qui me rassure. Pour le reste, non. J’ai une voiture, mais je pourrais ne pas en avoir, elle n’est pas du tout ostentatoire. Je suis davantage sur les achats axés sur la création de souvenirs, comme l’organisation de fêtes entre amis ou les voyages, sans oublier des causes que je soutiens depuis longtemps. Y a-t-il un objet auquel vous êtes particulièrement attachée, et pourquoi ?
Emmanuelle Ragot affectionne les œuvres de Jules Verne.
Si la maison brûle demain, so what ? Il y a peut-être cette collection de livres de Jules Verne que j’avais constituée à l’âge de 10 ans, et que j’ai précieusement gardée, que je serais triste de perdre. Elle ne vaut pas grand-chose, mais c’est un souvenir d’enfance, il y a une dimension affective. Vous souvenez-vous de votre premier salaire et de ce que vous en avez fait ? Je me rappelle qu’avec mon premier salaire d’avocate à Paris, je me suis payé un stage de planche à voile à Saint-François, en Guadeloupe. J’adorais ce sport, je le pratiquais beaucoup. Avez-vous des passions coûteuses ? Je suis très banale, à part les voyages, qui représentent un certain budget. Mais attention, je suis attentive au montant :
en général, je les organise moi-même et j’essaie de découvrir des choses authentiques de façon autonome. J’aime les voyages qui ont un intérêt culturel, et la possibilité d’échanger avec les populations locales, par exemple grâce à des amis qui sont sur place. Y a-t-il une destination de rêve que vous n’avez pas encore explorée ? Ma destination de rêve, c’est Tahiti. Cela remonte à mon enfance : une voisine avait chez elle des mâchoires de requin et des colliers de perles de là-bas. Ce sont des objets à travers lesquels j’ai voyagé. Mon attrait pour la planche à voile et le surf est clairement lié à cela. Mais attention, je ne passerais pas une semaine en clubhôtel : je veux découvrir la culture locale.
Une fourmi ailée 108
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Pour quel type d’objet seriez-vous prête à dépenser sans compter ou à faire monter les enchères ? Je suis très minimaliste, donc assez détachée de tout cela. Je suis consciente depuis très jeune déjà que nous allons tous mourir. Donc, quand bien même je mourrais d’envie d’avoir cet objet, je raisonne et souvent en conclus qu’après moi, il finira à la décharge. Certes, je peux craquer pour une belle photo ou un tableau, mais ce n’est pas une quête en soi. Qu’est-ce que, selon vous, l’argent ne peut pas acheter ou résoudre ? Mon rapport au temps : je pense que le temps ne s’achète pas.
Auteur CATHERINE KURZAWA Photo ROMAIN GAMBA
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Weekend "10 Things To Do" ¼ Every Saturday at 9:00 am
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For local and global players interested in expanding their business ¼ Once a month on Wednesday at 2:00 pm
¼ Briefings at 6:45 am and 11:45 am
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Anne Simon metteur en scène / créatrice de théâtre Comment définiriez-vous votre rapport à la mode ? J’ai un rapport assez ambigu à la mode. Je me retrouve souvent tiraillée entre le désir d’acheter un objet pour satisfaire un simple plaisir d’expression et un raisonnement sociopolitique et économiquement responsable qui m’en empêcherait… J’y arrive assez bien en général, mais je craque trop souvent encore pour des paires de chaussures extravagantes ! Quel a été votre premier achat mode significatif ? Ma première paire d’Irregular Choice. Qu’aimez-vous porter pour aller voir une pièce ? Tout, du k-way onesize à la robe longue de bal. Un accessoire d’hiver incontournable ? Des mitaines, de préférence mes Michigan Mittens – le Michigan ayant effectivement la forme de deux gants superposés ! Votre no-go absolu ? “If you believe in it, you can pull off almost anything!” Une adresse shopping coup de cœur au Luxembourg ? La boutique Kyō en ville, côte d’Eich. Quelle pièce aimeriez-vous transmettre, et à qui ? J’ai deux paires de chaussures de collectionneurs. L’une avec des talons en R2D2 que je donnerai à mon fils et une avec des talons Alice in Wonderland que j’offrirai à ma nièce – qui s’appelle Alice…
Soir de spectacle 110
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Mon style
Kim Clement a été photographié aux Rotondes, et Anne Simon au Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg.
Kim Clement urbaniste, Ville de Luxembourg Comment définiriez-vous votre rapport à la mode ? Curieux et durable. Les temps du fast-fashion sont révolus et chacun a une certaine responsabilité de consommer de manière consciente. Quel a été votre premier achat mode significatif ? Un jeans Levi’s W19 L14. Un achat qui signifie encore beaucoup dans ma garderobe actuelle… Qu’aimez-vous porter pour aller voir une pièce ? Des vêtements confortables qui n’en ont pas l’air. Je me réjouis de toute occasion qui me permet de me bichonner. En revanche, pour le théâtre il faut être malin en choisissant un pantalon pas trop serré ! Un accessoire d’hiver incontournable ? L’écharpe en point d’astrakan tricotée par ma tante Heidi. Votre no-go absolu ? Des socquettes. Quelle pièce aimeriez-vous transmettre, et à qui ? Tout ce qui brille dans mon armoire, à tous les futurs fêtards ! Une adresse shopping coup de cœur au Luxembourg ? Je trouve tout ce qu’il me faut dans les chouettes commerces du centre-ville de notre capitale, du plus simple au plus pointu.
Interview FABIEN RODRIGUES Photos ROMAIN GAMBA
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Laura Ferber est une jeune femme active. Aussi elle aime porter des vêtements dans lesquels elle se sent à l’aise pour bouger tout au long de la journée. « J’adore porter les blazers, affirme sans hésitation Laura Ferber. J’en ai de plusieurs sortes que je combine avec des blouses ou des teeshirts. » La jeune femme aime être élégante et n’hésite pas à porter des pièces vintage héritées de sa mère, véritable fashionista dans les années 1970, ou chinées pendant ses études à Paris, Berlin ou Londres. Elle avoue toutefois avoir une petite pré férence pour le noir et le beige, « des couleurs simples et faciles à combiner ». Elle les porte volontiers avec des jeans skinny ou des jupes, qu’elle préfère courtes. Aux pieds, pas d’hési tation, c’est principalement en baskets qu’elle déambule. Blanches, la plupart du temps, et « si possible produites de manière écologique ». Côté shopping, elle privilégie toujours les boutiques locales, avec une préférence pour Vitrin et Pall Center. Pour elle, s’habiller est avant tout un moyen de se sentir bien dans sa peau et non « un déguisement pour plaire ou séduire ». C’est pour cela qu’elle aime porter des vestes, car « elles donnent un côté stylé et raffiné tout en étant hyper confortables ». Autre point important, Laura Ferber veille toujours à avoir des cheveux bien soignés, un atout naturel qu’elle n’hésite pas à mettre en valeur, d’autant plus que c’est son domaine d’expertise professionnelle.
Auteur CÉLINE COUBRAY Photo GUY WOLFF
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DÉCEMBRE 2021
Ma collection
Laura Ferber, gérante de Ferber Group, l’entreprise familiale de coiffure.
Avec une pointe de vintage DÉCEMBRE 2021
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Ma recette
Sheyla Dostert a trouvé LA recette du gâteau au chocolat qui allie douceur et amertume. La senior communications specialist à la Ville de Luxem bourg partage son secret. Pour un gâteau Préparation : 30 minutes Cuisson : 40-45 minutes POUR LE GÂTEAU 160 g de beurre 100 g de chocolat noir de bonne qualité 200 g de sucre roux 45 g de cacao en poudre 180 ml de Baileys 180 g de farine 1 cuillère à café bombée de levure chimique 3 œufs POUR LA GANACHE 200 g de chocolat noir 120 ml de crème liquide 80 ml de Baileys
Préchauffez le four à 175°. Hachez d’abord le chocolat, puis en prélever 100 g pour le gâteau. Dans une casserole, faites chauffer le beurre et le cho colat à feu moyen jusqu’à ce qu’ils soient complètement fondus. Ajoutez le sucre, le cacao en poudre ainsi que le Baileys et fouettez le tout jusqu’à obtenir un mélange soyeux et sans grumeaux. Retirez du feu et laissez refroidir pendant quelques minutes. Dans un grand bol, mélangez au fouet la farine et la levure chimique. Incorporez le mélange de chocolat et mélangez jusqu’à obtenir une pâte homogène. Ajoutez les œufs et mélangez à nouveau. Vous pouvez maintenant verser la pâte dans un moule à gâteau beurré et faire cuire pendant 40-45 minutes. Pour la ganache, dans une casserole, portez la crème liquide et le Baileys à ébullition. Ajoutez le reste du chocolat et remuez régulièrement jusqu’à ce qu’il soit complè tement fondu. Réservez la ganache liquide à température ambiante. Remuez de temps en temps, pour éviter les grumeaux, jusqu’à ce qu’elle soit suffisamment épaisse pour être étalée sur le gâteau. Il n’y a plus qu’à déguster sans aucune culpabilité !
Gâteau au chocolat et au Baileys 114
DÉCEMBRE 2021
Auteur FABIEN RODRIGUES Photos ROMAIN GAMBA
Et si on passait Noël ensemble ?
Avec plaisir
Mon mental
Pendant quelques années, Benoît Leonardis a sombré dans la dépendance au crack. Sorti d’affaire aujourd’hui, il témoigne de son parcours. Ce n’est pas peu dire que Benoît Leonardis revient de loin. À seulement 40 ans, il a connu des jours sombres, très sombres, caché au fond d’une cave à fumer du crack. Lorsqu’il se remémore sa jeunesse, il se rappelle toujours avoir été un enfant turbulent et agité. « Je n’arrivais pas à rester en place, être assis calmement m’était impossible, se souvient-il. Il fallait que je bouge, que je parle, que j’attire l’attention. » Et pour cause : Benoît Leonardis souffre d’un trouble de déficit de l’attention (TDAH), mais sans qu’il soit alors diagnostiqué
Benoît Leonardis a su remonter la pente avec sa volonté et de l’aide qu’il a reçue.
comme tel. « Cette difficulté psychologique m’a amené à avoir des problèmes d’identité. Je voulais attirer l’attention, être le plus beau, le plus fort… Jeune adulte, j’étais très coquet et prenais soin de moi. Je faisais beaucoup de sport, surtout du tennis de table et du football, mais un accident physique m’a contraint à arrêter. C’est là que les choses ont commencé à déraper. » D’abord pour la fête... Privé de sport, Benoît Leonardis commence à sortir pour s’occuper. Il fait la fête, de plus en plus tard, et fréquente plus assidument le monde de la nuit. Lui qui n’a même jamais fumé de ciga-
rettes commence à fumer de la marijuana. Mais il a une vie professionnelle et sociale stable, il « maîtrise », comme il dit luimême, il s’amuse dans ce monde nocturne et festif. Pourtant, la marijuana ne suffit plus et il essaie la cocaïne, « de manière récréative » dans un premier temps. Pendant quelques mois… Puis un jour, il voit chez son dealer une pipe à crack. Curieux, il demande à essayer. Et là, l’effet n’est pas du tout le même. Il reçoit « comme un coup de poing dans la figure ». Lui qui a toujours des pensées agitées, une hyperactivité mentale permanente – due à son TDAH –, tout à coup, tout se calme. « Mon chaos mental s’est
apaisé. J’ai trouvé ça absolument génial. J’étais dans un état que je n’avais jamais connu. Et, du coup, j’ai voulu recommencer. » Le jour, Benoît Leonardis va au travail, continue à occuper son poste de manager, et exerce son activité en horaires décalés. Des conditions de travail qui lui permettent de ne pas croiser trop de monde, et de profiter pleinement de ses fins d’aprèsmidi et de ses soirées. « Au début, je pensais vraiment que je gérais complètement ma consommation, explique-t-il. J’en prenais le week-end et il y avait même des périodes pendant lesquelles je ne me droguais pas du tout. »
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« J’étais dans le déni d’une addiction. »
... Puis la descente aux enfers « En 2017, j’ai fait une grosse rechute. Je prenais du crack tous les jours. Dès qu’arrivait 14 h, j’attendais impatiemment 16 h, la fin de mon travail, pour aller me droguer. Au début c’était facile, car j’avais un bon salaire. Mais ma consommation a augmenté et mes besoins financiers avec. Jusqu’à 300 € par jour dépensés pour ma drogue. En plus des problèmes d’addiction sont alors arrivés les problèmes financiers. J’ai même volé ma famille et mes collègues », confie-t-il, honteux. Autour de lui, ses proches s’aperçoivent bien que quelque chose ne va pas. Mais comme il vient d’être promu, il prétexte du surmenage au travail, un burnout. « J’ai perdu beaucoup de poids et j’ai essayé de le cacher. Je mettais des joggings sous mes pantalons et des pulls sous mes chemises pour me donner plus de corpulence. » Il évite alors tout contact social, ne va plus manger avec ses collègues, ne voit plus ses amis. Tout son temps libre, il le passe seul dans une maison qu’un copain lui prête, à fumer du crack dans le sous-sol pour rester discret. « J’étais complète-
ment dans le déni d’une quelconque addiction. Pour moi, je maîtrisais la situation. » Sa santé et son hygiène se dégradent également. « Je ne me lavais plus. La maison que j’habitais était devenue un vrai taudis. Et tous les soirs je me disais que ça suffisait. Que j’allais arrêter. Mais la trêve ne durait pas et, le lendemain, je recommençais. J’étais devenu un vrai toxicomane et j’habitais dans l’antre du démon. » Remonter la pente Un jour de 2018, à 37 ans, il fait une crise de tachycardie. Il ne sait pas exactement comment, mais il se retrouve à l’hôpital. Là, il voit le médecin qui lui donne sur un bout de papier le numéro d’un addictologue. Pas suffisant. Il rentre chez lui et continue à se droguer. Mais, après deux jours, il trouve quand même le coura ge de prendre rendez-vous, « car j’avais peur que ma famille me découvre mort dans cette cave ». C’est alors qu’un nouveau chemin s’ouvre à lui. Parce qu’il est encore salarié, il peut être pris en charge pour aller dans un centre spécialisé aux Pays-Bas. « Au bout de quatre jours sans drogue, j’ai commencé à retrouver
ma lucidité. » Le chemin est difficile et le sevrage douloureux, mais il se sait en sécurité et entouré par des professionnels, donc il fait confiance et accepte de se faire aider. « J’ai ressenti une forte compassion et j’ai eu l’impression d’être compris. L’équipe soignante m’a donné les outils pour m’en sortir, un apprentissage dont je me sers encore aujourd’hui. » Il affronte cette réalité aussi avec ses parents, auxquels il avoue tout. De retour au Luxembourg, la situation n’est pas facile. Aucun accompagnement n’est prévu, aucun encadrement pour l’aider à ne pas replonger. « Heureusement, je me sens fort et je refais du sport, ce qui m’aide énormément. » Aujourd’hui, Benoît Leonardis a repris une activité professionnelle, il a une petite amie et apprend à maîtriser son TDAH, mais autrement que par la drogue…
Auteur CÉLINE COUBRAY Photos ROMAIN GAMBA Merci au Centre hospitalier du Nord qui réalise une campagne de prévention dédiée à la santé mentale et qui nous a permis de rencontrer Benoît Leonardis.
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FO N
0 PAR MIKE K 200 OE
DI N ER G
EN DÉ
ÉDITION DÉCEMBRE 2021
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La liste
ambassadrices de la finance durable
Elles ont – au moins – comme point commun de pratiquer la notion de durabilité depuis plusieurs années, bien avant que la crise climatique n’en fasse une nécessité absolue. Pour ces six ambassadrices impliquées dans des institutions et associations de la Place, le développement Auteurs M.F. et A.B. durable passe forcément par l’important levier qu’est la place financière.
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Denise Voss
PRÉSIDENTE, LUXFLAG
Nathalie Dogniez
ASSOCIÉE, PWC LUXEMBOURG
Nathalie Dogniez, c’est d’abord une carrière, chez KPMG pendant 14 ans puis chez PwC, depuis 2014, où elle est associée. En charge des pratiques ESG pour l’industrie de la gestion d’actifs à l’échelle européenne, elle participe activement au développement de l’écosystème ESG de la Place au sein de l’Alfi et de Luxflag. C’est aussi une conviction : celle que les enjeux environnementaux constituent le problème majeur de l’époque. Nathalie a trouvé dans la finance le moyen de prolonger dans la sphère professionnelle son engagement personnel via le recours à « cet immense levier que le système financier pouvait représenter à travers ce que l’on appelait à l’époque l’investissement ISR, puis l’investissement ESG et maintenant l’investissement durable ». Pour elle, l’enjeu n’est désormais plus l’ignorance du sujet, mais un greenwashing lié à l’engouement sans précédent du marché. « Des réglementations existent, il faudra les mettre en œuvre. Et pour ça, il faut des données complètes, fiables et digitalement exploitables. Aujourd’hui, mon objectif est d’utiliser mon expérience pour assurer un reporting qui soit complet, fiable, de qualité et transparent pour l’investisseur. » 120
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Denise Voss
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Catherine Bourin
MEMBRE DU COMITÉ DE DIRECTION, ABBL
Catherine Bourin est membre du comité de direction de l’ABBL depuis 2013. Elle est en charge, notamment, des domaines ayant trait à la finance durable et à la responsa bilité sociétale et environnementale. Son investissement dans ces thématiques ne date pas d’hier. Son mémoire de master en droit était consacré à la protection de l’environ nement, « alors que ce n’était pas encore une réelle préoccupation à l’époque ». Depuis, elle s’est investie dans la responsabilité sociale des entreprises. C’est elle qui a œuvré pour inclure la RSE dans les politiques managériales de l’ABBL. « Aujourd’hui, le développement durable est devenu un sujet incontournable. Celui qui ne s’en préoccupe pas est en train de rater un train qui est en marche depuis plusieurs années déjà », insiste-t-elle. Pour accompagner ses ouailles, l’ABBL a élaboré un guide RSE à destination interne. Elle aide également les banques à naviguer dans les nouvelles réglementations encadrant la finance durable et s’est attaquée à la formation des jeunes et des moins jeunes.
Matic Zorman (archives), LSE, BEI et Arendt
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Catherine Bourin
Photos
Nathalie Dogniez
Denise Voss a fait la plus grande partie de sa carrière au Luxembourg, où elle débarque en 1990 au moment où l’industrie des fonds prend son essor. Une destination presque prédestinée pour une Américaine formée à Boston, la capitale américaine des fonds d’investissement. Première femme nommée présidente de l’Alfi en 2015, elle est depuis la présidente de Luxflag, l’agence de labellisation de la Place. En quelque sorte l’aboutissement d’une carrière au cours de laquelle la thématique du développement durable a joué un rôle important. « La finance durable existe depuis un certain temps déjà, mais avec la COP21 de 2015 et l’accord de Paris, elle est devenue plus concrète pour la plupart d’entre nous. Pour moi, c’est à ce moment que j’ai compris que la finance durable était notre avenir et celui de nos enfants. » À la tête de Luxflag, elle veut faire « la différence », notamment grâce aux activités de labellisation des produits financiers et à travers le programme des membres associés de Luxflag. Selon elle, le moment est venu pour le secteur financier de jouer un rôle déterminant.
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Laetitia Hamon
La fibre durable est apparue chez Laetitia Hamon avant la fibre financière, lors d’un stage de fin d’études chez Oxfam, dans la gestion des déchets sur le continent africain. Sans parler de vocation, le développement durable est un principe qui a jalonné tout son parcours jusqu’ici. De Londres à Luxembourg, où elle a travaillé chez Thomson Reuters puis concomitamment à l’Alfi et chez Luxflag de 2008 à 2010, son engagement citoyen n’est jamais loin d’un parcours professionnel particulièrement cohérent. Elle choisit d’explorer le monde pendant un an avant de revenir à Luxembourg en 2012 chez KPMG pour s’occuper du département Sustainable Finance, qu’elle développera pendant 8 ans. « J’ai abordé les financiers, car c’étaient ceux qui étaient les plus sceptiques et qu’il fallait absolument convaincre il y a 15 ans », relate cette optimiste, convaincue qu’il ne faut jamais opposer finance et finance durable. Entrée à la Bourse en juin 2020, son credo est d’agir là où l’on se pose le plus de questions.
Anne Contreras-Muller
PRÉSIDENTE, MICROLUX
HEAD OF SUSTAINABLE FINANCE, BOURSE DE LUXEMBOURG
Eila Kreivi
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Eila Kreivi
HEAD OF CAPITAL MARKETS, BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT
Eila Kreivi a toujours travaillé dans le secteur financier, notamment à la BEI – depuis 26 ans – dans les marchés de capitaux, département qu’elle dirige depuis 2011. Le renforcement de l’orientation finance durable s’est accéléré ces trois dernières années, au point que la BEI est aujourd’hui désignée comme « banque du climat ». Eila Kreivi est convaincue que c’est la finance qui peut faire durablement bouger le monde, car selon elle « la taille donne le poids », et la BEI ne manque pas d’envergure. En 2018, Eila et ses équipes ont lancé le Sustainability Awareness Bond, l’un des projets dont elle est le plus fière. Depuis le premier green bond émis en 2007, la finance durable a quitté le retail pour s’institutionnaliser, portée par des investisseurs qui en apprennent toujours plus. Eila a appris en même temps qu’eux. « Aujourd’hui, je pense que le train est parti, on connaît sa direction, mais pas sa vitesse. Mais on sait qu’il n’y a pas de retour possible », résumet-elle. Fin janvier, Eila quittera son poste actuel pour devenir consultante senior en finance durable pour la BEI.
Anne Contreras-Muller est avocate de formation. Elle exerce chez Arendt dans le domaine des fonds d’investissement et a opéré une démarche volontaire d’orientation vers la finance inclusive il y a 10 ans. Quête de sens ? « J’avais besoin de trouver une autre finalité à l’application de mes compétences », explique celle qui est également devenue présidente de Microlux cet été. Les problématiques d’approche en fonds ou de l’institut de microfinance sont différentes, mais la finalité est identique : être utile et apporter sa pierre à l’édifice. La rentabilité important moins que l’autonomie financière. Aider les entrepreneurs qui n’ont pas accès aux services bancaires classiques ici ou dans les pays en voie de développement, c’est valoriser les initiatives de « gens courageux ». Sceptique face à la capacité des États à agir en faveur du changement, Anne se dit tout de même enthousiasmée par le dynamisme du Luxembourg à s’impliquer dans ce changement de paradigme, autorités financières com-prises. Elle déclare : « Même si l’on ne sauvera pas le monde, la somme des implications individuelles va finir par payer. »
Laetitia Hamon
Anne Contreras-Muller
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Crédits
Il veut jouer dans la cour des grands. S’il fait figure de hidden champion pour ceux qui ne voyagent pas en avion d’affaires, Patrick Hansen affiche un parcours qui n’en demeure pas moins synonyme de success-story. Celle de Luxaviation. 10 ans après en avoir pris les commandes, le CEO partage, en page 28, sa vision d’un secteur qui va aussi s’électrifier Les femmes ne représentent que 18 % de la main-d’œuvre dans le secteur IT, mais Jelena Zelenovic Matone veut contribuer à changer la donne. En page 42, la présidente de l’association Women Cyber Force évoque son parcours et une passion pour la chose IT qui ne se limite pas à la technologie Dans la lutte contre le réchauffement climatique, les entreprises font indéniablement partie de la solution. Mais comment réduire son impact environnemental sans savoir sur quels axes agir ? Le bilan CO2 est l’une des méthodes qui permettent, de façon pragmatique, d’améliorer son empreinte carbone. Illustration en page 46 avec Alexandre Magnette, associé chez CO2 Strategy Sous la pression réglementaire et dans un contexte de taux bas, les banques doivent innover pour assurer leur profitabilité et se distinguer des fintech, résume, en page 50, Diane Pierret, professeur assistant à la Luxembourg School of Finance De la robe d’avocate aux plateaux de tournage de films, le grand écart peut paraître improbable. La cofondatrice de la société de production cinématographique Bidibul Productions, Christel Henon, retrace ce scénario de vie peu commun en page 54 Il s’apprête à endosser un nouveau rôle, celui de directeur de la CLC. Le jeune (36 ans) CEO de la House of Entrepreneurship, Tom Baumert, dévoile sa vision du commerce, à quelques jours de son entrée en fonction, le 1er décembre Et si le Luxembourg avait une dette cachée ? Le sujet des pensions ne laisse pas indifférent, surtout lorsque les projections à 50 ans laissent augurer une situation financière délicate. Des enjeux – et des pistes de solution – couverts en page 68 La rubrique Data Dada de ce mois, en page 26, est consacrée au secteur de l’assurance et à son développement sur le long terme Découvrez les 7 ambassadrices de la finance durable en page 120 et ces couples qui sont aussi associés dans leur entreprise, au travers d’un portfolio, en page 84 Si vous recherchez un dessert simple mais qui fera son effet lors des fêtes de fin d’année, suivez, en page 114, la recette chocolatée de Sheyla Dostert.
Romain Gamba, Andrés Lejona et Guy Wolff
Clin d’œil
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