1 Marc Wagener
Président du Conseil national des finances publiques (CNFP) depuis janvier 2021, Marc Wagener est par ailleurs COO de la Chambre de commerce et a été le premier directeur (20142019) de la Fondation Idea. Un cursus qui lui permet de jeter un regard, tantôt avec la casquette du CNFP, tantôt en son nom propre, sur la problématique du financement des retraites. Si on appliquait les normes comptables internationales à l’État, on devrait prendre en compte les dépenses futures des retraites dans le bilan annuel du pays. Faut-il agir de la sorte ? Oui, on pourrait tout à fait le faire ; en quelque sorte, réaliser un bilan du patrimoine de l’État, en n’omettant aucun élément matériel. On y retrouverait, à côté de la dette publique au passif, les participations de l’État et les avoirs / actifs du Fonds de compensation commun au régime général des pensions à l’actif. Mais on y retrouverait aussi une provision pour les pensions futures à verser. Ce montant, reprenant notamment les retraites des 450.000 actifs actuels, pourrait se déterminer avec une certaine précision sur la base de la législation. Certains observateurs avancent qu’il n’y a pas de dette publique au Luxembourg parce que 70
DÉCEMBRE 2021
MARC WAGENER Président, Conseil national des finances publiques
« Si notre situation est aujourd’hui équilibrée, c’est notamment aux travailleurs frontaliers que nous le devons. »
À quel point les dépenses liées au vieillissement de la population, dont les retraites, menacent-elles la soutenabilité à long terme des finances publiques ? Je souhaite d’abord préciser que notre situation actuelle est très bonne, voire excellente ! La soutenabilité dépend de deux composantes majeures : la situation de la dette actuelle et les dépenses publiques futures, liées notamment au vieillissement de la population. Or, le Luxembourg n’a pas de dette publique importante qu’on devrait réduire chaque année dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance européen. Quant à notre régime de pension, il génère pour le moment tous les ans un excédent des cotisations sur les prestations. Notre passé est plutôt bon, notre présent aussi. Mais nous sommes, par contre, peut-être en train de prendre une petite hypothèque sur le futur plus lointain… Qu’est-ce qui permet actuellement au système d’être soutenable ? Si notre situation est aujourd’hui équilibrée, c’est notamment aux travailleurs frontaliers que nous le devons. Ce sont eux qui alimentent particulièrement notre système de retraite, mais ce sont eux aussi qui auront droit, bien sûr, demain, à des prestations de pension. De plus en plus de frontaliers et autant de retraites à venir qu’il faudra financer… Les frontaliers sont plus jeunes en moyenne que les résidents, ils représentent quelque 50 % des cotisants, plus de 40 % des cotisations ponctionnées, mais seulement environ un quart des pensions versées. Cependant, dans le futur, cela va changer. D’abord en pente douce, avant de risquer de devenir exponentiel. Les frontaliers vont de plus en plus solliciter des retraites au Luxembourg. Et cela, sans forcément réinvestir ces fonds sur notre territoire. En matière macro économique, c’est une bombe à retardement… Qu’entendez-vous par « long terme » ? On se réfère souvent à l’horizon 2070… C’est l’échéance prise par l’Ageing Working Group, un groupe de travail dédié au vieillissement de la population composé des experts de la Commission européenne. 2070 est un horizon très pertinent, du fait qu’on se projette sur 50 ans. Soit juste un peu plus qu’une génération en matière de vie active.
Romain Gamba
De vertueux, le système des pensions pourrait virer au rouge dans les cinquante prochaines années, sur fond d’explosion des bénéficiaires. Après la réforme de 2012 et pour éviter d’être confrontés au « mur », Marc Wagener préconise une série d’ajustements indolores, mais à mettre en place sans tarder.
celle-ci est inférieure aux avoirs du Fonds de compensation. Alors que si, il y a bien une dette, mais il y a aussi des avoirs et des engagements. Il n’y a peut-être pas un contrat noir sur blanc signé entre l’État et les 450.000 cotisants, mais la législation est telle qu’elle ouvre le droit à une pension aux cotisants, sur la base de différents paramètres. Donc, avoir ce « bilan de l’État luxembourgeois » pourrait être intéressant pour se rendre compte de nos richesses et de nos engagements.
Photo
« Nous ne sommes pas la Grèce, mais il faut préparer l’avenir »