2 Gouvernance publique des projections se basant sur la réalité de la période à laquelle elles sont conçues.
L’insaisissable mur des pensions
4,8 ans pour réagir Sur la base des différents scenarii, la balle est dans le camp du gouvernement et du législateur pour décider de la modification ou non de leur politique sociale, du taux de cotisation – inchangé à 24 % depuis 1975 – ou du niveau des prestations. La réforme de 2012 a ainsi revu le calcul des pensions en diminuant les dépenses dédiées aux grandes pensions, afin d’ajouter quelques années à la réserve. Bien sûr, des événements majeurs peuvent survenir et remettre en cause brutalement l’équilibre du système des pensions. La pandémie aurait pu en être un exemple. « Il y a eu une crainte avec l’arrêt de l’économie en mars 2020, reconnaît Alain Reuter. Avec le chômage partiel, nous n’avions que 80 % des recettes, mais, au niveau des dépenses, nous devions bien sûr toujours payer 100 % des pensions. » Toutefois, dans l’hypothèse d’une telle catastrophe, la bonne santé de la réserve du régime général garantirait un tampon de sécurité. « Elle nous donnera le temps nécessaire pour prendre les mesures politiques qui s’imposent : avec zéro recette, nous aurions 4,8 ans pour réagir », prévient Alain Reuter. En décembre 2020, le montant de la réserve atteignait plus de 23 milliards d’euros, soit en effet 4,8 fois le montant des prestations annuelles – la limite légale étant de 1,5.
La crainte du « mur des pensions » ne se vérifie pas dans la réalité et ne doit pas inquiéter outre mesure, rassure le président de la Caisse nationale d’assurance pension. Pour Alain Reuter, la dette recule avec les années et, à court terme, la réserve du Fonds de compensation est suffisante en cas d’urgence.
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DÉCEMBRE 2021
Celui-ci note que les modèles mathématiques européens prévoyant à terme une réserve vide en 2070 sont de fait « une extrapolation dans le futur qui ne se vérifie pas ». En cause : l’imprévisibilité de l’évolution de l’économie nationale et internationale, qui contrecarre
UNE RÉSERVE SOUS MONITORING Les projections de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) montrent que la réserve du régime de pension tombera en dessous de la limite légale de 1,5 fois le montant des dépenses annuelles en prestations à partir de l’année 2035. Elle sera épuisée dès 2043, et, à la fin de la simulation, le régime aura accumulé une dette de plus de 46 % du PIB. Une nouvelle version de ces projections est attendue en 2022 (voir interview du ministre de la Sécurité sociale en page 78). Réserve
Seuil 1,5*Dépenses
Solde Inspection générale de la sécurité sociale
40 % 30 % 20 % 10 % 0 % -10 % -20 % 2015
2020
2025
2030
2035
2040
2045
2050
2055
2060
Source
« Je ne veux pas dire que le mur des pensions n’existe pas, mais c’est quand même quelque chose dont on ne se rapproche pas. » Pour le président de la Caisse nationale d’assurance pension (CNAP), Alain Reuter, le fameux « mur des pensions » ne représente « pas un grand risque ». Du moins à court terme. L’Ageing Working Group (AWG) de la Commission européenne, qui prévoit une situation critique de la soutenabilité du système de pension, et dont les conclusions de mai dernier sont reprises dans le dernier rapport (octobre dernier) du Conseil national des finances publiques (CNFP) – voir l’interview de Marc Wagener en page 70 –, poserait des questions : « Le problème est que la méthode qu’ils utilisent est bonne pour l’Allemagne ou la France, mais ne convient pas pour un pays de 650.000 habitants », estime Alain Reuter. Les projections de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) portant sur 10 ans et mises à jour tous les cinq ans (voir ci-contre) seraient plus rassurantes sur l’évolution de la situation financière des pensions. « Nous remarquons que cette dette ne s’approche pas : elle était censée avoir lieu dans cinq ans, mais, chaque nouvelle année, elle doit à nouveau avoir lieu dans cinq ans », pointe Alain Reuter.
Des plus-values essentielles Le Fonds de compensation (FDC), qui gère cette réserve par le biais d’une sicav-FIS, a donc un rôle-clé. La réserve est ainsi placée dans le but de « garantir la pérennité du régime général de pension », selon le Code de la sécurité sociale. Pour éviter les pertes, les placements doivent respecter une diversification