Gestion de fortune
Une envie d’indépendance Dans le domaine de la gestion de fortune, de plus en plus d’actifs sont confiés à des gestionnaires indépendants, comme le révèle la toute récente étude ABBL/CSSF External Asset Managers Survey 2020.
Ces dernières années, à côté des banquiers privés, Luxembourg a vu aussi se développer une activité de gérants de fortune indépendants. Depuis 2017, cette dernière fait même l’objet d’une étude conjointe menée chaque année par l’ABBL et la CSSF. « Aujourd’hui, une vingtaine de banques luxembourgeoises ont mis en œuvre un service orienté vers les gestionnaires d’actifs externes. On voit un nombre croissant de clients fortunés ouvrir un compte dans une banque et confier le mandat de gestion de leurs actifs à un tiers. Dans cette relation triangulaire, chacun joue un rôle spé cifique », explique Jeff Mouton, head of the external asset manager working group de l’ABBL.
les clients se rendaient chez un banquier privé pour accéder directement à un ensemble de ser vices, dans un marché plus transparent, cer tains cherchent désormais à s’entourer des acteurs qui, ensemble, pourront répondre le mieux à leurs besoins, poursuit Jeff Mouton. Plus le client est important, plus il va vouloir se diversifier, en s’entourant d’une banque, d’un tiers gérant, d’un fiscaliste indépendant, ou encore de spécialistes de diverses classes de pro duits. » En multipliant les acteurs indépendants, chacun pouvant exercer une surveillance sur l’autre, le client dispose de plus grandes garanties de transparence et d’un levier de négociation plus important. « Un tiers gérant, avec un ou plusieurs mandat(s) de plusieurs Changement de perception centaines de millions d’euros, a un pouvoir de Il y a quelques années, les gestionnaires tiers négociation conséquent vis-à-vis des banques, étaient encore considérés comme les concur- dont il peut faire profiter ses clients. » rents des acteurs de la banque. Désormais, beaucoup ont compris l’opportunité qu’il y Sortir du cadre avait à travailler avec ces structures indépen- Cette tendance est aussi soutenue par la volonté dantes. Sur les 54 banques actives dans le des banquiers de gagner leur indépendance. secteur de la banque privée, 20 d’entre elles Après plusieurs années de carrière, certains disposent d’un département dédié à la ges- ressentent le besoin de sortir du cadre de leur tion de fortune indépendante. institution, pour mieux accompagner leurs En 2020, le volume d’actifs déposés au clients ou aller en chercher de nouveaux. « En Luxembourg liés à un mandat de gestion confié à un acteur tiers s’élevait à 44,7 milliards d’euros, un montant en progression de 12,5 % par rapport à l’année précédente. Cela correspond LES ACTIFS SOUS GESTION à 10 % des actifs gérés par l’ensemble des acteurs PAR LES « TIERS GÉRANTS » de la banque privée. Il est aussi intéressant En milliards d’euros de considérer le volume géré par des gestionnaires extérieurs disposant d’une licence octroyée par la CSSF (ils sont environ une centaine). On l’estime à 30 milliards d’euros, + % dont 15 déposés au sein des banques luxembourgeoises, les 15 autres étant confiés à des 44,7 institutions établies à l’étranger. 39,8
12,5
S’appuyer sur les meilleurs Plusieurs facteurs permettent d’expliquer la croissance du nombre de gestionnaires d’actifs indépendants dans le domaine du wealth management au Luxembourg. « Les attentes de la clientèle ont évolué. Quand, par le passé, 42
PRIVATE BANKING AVRIL 2021
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Source ABBL/CSSF External Asset Managers Survey 2020
tant que gestionnaires indépendants, avec moins de contraintes, plus de liberté d’action, ils peuvent continuer à accompagner des clients fortunés dans un environnement régulé », assure Jeff Mouton. Ces dernières années, on a ainsi vu plusieurs structures être fondées par d’anciens cadres dirigeants d’institutions bancaires bien établies. « On voit aussi des structures investir dans des segments très particuliers, comme les services dédiés aux sportifs de haut niveau, ou sur un territoire géographique donné », commente Jeff Mouton. En tissant des relations, en trouvant les moyens de mieux servir une clientèle très ciblée, ces structures explorent de nouvelles niches. « Au Luxembourg, la proximité avec l’industrie des fonds permet de développer des solutions sur mesure pour répondre à un segment de clientèle ou un autre », poursuit l’analyste. Attirer des acteurs étrangers Le statut de gestionnaire indépendant séduit aussi des structures étrangères, désireuses d’accompagner des clients en Europe. On l’a vu dans le cadre du Brexit, avec des institutions londoniennes qui se sont positionnées en gérants indépendants au Luxembourg pour continuer à servir leurs clients sur le continent. Des acteurs suisses, pays où les gestionnaires d’actifs externes sont beaucoup plus répandus, s’inscrivent dans une démarche similaire. Deux tiers des actifs suivis par un service de gestion de fortune indépendant le sont par des sociétés non luxembourgeoises. Ce qui traduit le caractère international du secteur. « Le développement des gestionnaires tiers crée une concurrence saine entre les acteurs de la Place, qui profite au client, ainsi qu’à l’en semble du secteur luxembourgeois, à la conquête du marché européen », conclut Jeff Mouton. Alors que le marché de la banque privée se consolide, certaines institutions bancaires peinant à faire face aux coûts réglementaires se disent aussi enclines à poursuivre leur activité de conseil sous ce statut. Auteur S. L.