Mayotte Hebdo n°1041

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LE MOT DE LA RÉDACTION

CONNAÎTRE

Indignes sont les mots de Salime Mdéré, premier vice-président du Conseil départemental de Mayotte, qui réfléchissait à « tuer » des délinquants lundi soir. Cela étant dit, prenons du recul. Comment se fait-il qu’un homme politique de cette ampleur, d’un naturel très calme et posé, à l’instar de sa commune natale de Bouéni, soit en proie à une telle hystérie ? Essayons ensuite d’y ajouter un peu d’honnêteté. Qui, parmi celles et ceux habitant à Mayotte depuis un certain temps, n’a jamais eu de telles pensées, après un vol à l’arrachée d’un sac à main, évidemment suivi de violences, une tentative de cambriolage et les séquelles psychologiques que cela entraîne, la vue d’un simple groupe de jeunes en survêtement au bord de la route, l’un ou plusieurs d’entre eux étant armés de machettes ou de pierres ? De chacun de nos reportages, analyses et interviews ne monte qu’une seule voix, tristement répétitive : « C’est pas une vie ». C’est cette détresse qui pousse petit à petit les Mahorais à s’enfermer chez eux, à se refermer sur eux-mêmes et à parfois souhaiter du mal à ceux qui en font vraiment, du mal. La même détresse qui a fait dégoupiller Salime Mdéré sur le plateau de la 1ère. La même qui fait passer les habitants de Mayotte pour des extrémistes aux yeux de ceux qui ne connaissent pas leur quotidien. Celle-là même qui ravive leurs espoirs, fussent-ils suscités par une opération mal organisée aux résultats encore hypothétiques. Connaître le territoire que l’on évoque, son histoire et son contexte, est un impératif dans notre profession, dont certains confrères métropolitains s’affranchissent pourtant. Mais les plus humanistes d’entre nous, s’ils ont raison de pointer du doigt l’avenir des personnes décasées qui travaillent ou étudient, les conditions de cette opération ou le manque de solutions de relogement, ne sauraient fermer les yeux sur les années de souffrance physique et psychologique qui ronge les habitants. Peu importe qu’elle soit provoquée par le désintéressement de l’État français, par l’hypocrisie meurtrière du gouvernement comorien, par les marchands de sable, les chefs de bandes, le droit d’exception mahorais, l’incompétence des élus locaux, ou un peu de tout cela à la fois. Le résultat, à la base, est le même : la survie en guise de quotidien, la peur au ventre lors de chaque sortie, la baisse du tourisme et des investissements extérieurs, et un développement toujours plus morne. Non, Wuambushu n’est pas la panacée, mais elle est nécessaire.

Bonne lecture à toutes et à tous.

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tchaks

Trio N’Gazi et Del Zid en concert

Si les temps sont mouvementés à Mayotte, il existe encore des initiatives positives, notamment dans le domaine culturel. Ainsi en est-il du concert organisé par l’association Hippocampus ce samedi 29 avril à l'auditorium du CUFR, à Dembéni. Le chanteur Trio N’Gazi, leader du groupe du même nom, se produira dans les murs du Centre universitaire samedi soir, en compagnie de Del Zid, à partir de 20 heures. Discret et humble, Trio N’Gazi est très influencé par le M’godro, rythme typique de Mayotte, mais s’est aussi distingué par ses créations mélodiques extrêmement touchantes. L’oreille attentive apercevra d’une pièce à l’autre la présence africaine, la couleur orientale, l’ouverture au blues. Ses trois albums, « Yatima », « Ulindra Uhodza » et « Ewa », lui ont notamment permis de remporter en 2008 le prix RFO « 9 semaines et un jour », et de se produire au « festival francopholie » de la Rochelle. L’entrée est de 10 euros pour les non adhérents, 5€ pour les adhérents et gratuite pour les moins de 10 ans.

Le proverbe

« Fumbo lahimbiwa mjinga mwendza ãkili ulirambua »

La chanson chantée à un idiot, un homme intelligent la comprend.

Une « volonté d’expansion de l’islam radical […] vers Mayotte »

C’est ce qu’a déclaré Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, au Figaro il y a quelques jours. Interrogé sur l’opération Wuambushu qu’il dirige, l’ancien maire de Tourcoing a affirmé que « les notes de renseignement nous évoquent la volonté d’expansion de l’islamisme radical, notamment vers Mayotte, une terre d’islam modéré », en évoquant le fait que l’île au lagon serait proche de la région des Grands Lacs. Le numéro 2 du gouvernement a en outre réaffirmé la nécessité de poursuivre cette opération, de « lutter contre l’habitat insalubre » et contre « tous les trafics, d’armes, de drogue » : « Nous allons détruire l’écosystème de ces bandes criminelles, qui utilisent les migrants, et mettre fin aux complicités qui existent sur le territoire mahorais ». M. Darmanin rappelle enfin sa proposition de durcissement du droit du sol à Mayotte, évoque une « bonne coopération » avec les Comores, et annonce que 817 relogements ont déjà été prévus.

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9ème édition des trophées votez

du 14 avril au 7 mai sur : entreprise.yt/vote

catégories & nommés

Jeune entreprise de l’année

Koko expériences

Sazilé swimwear

Tamimou wedding

Anlia Events

YEKA music

Entreprise dynamique de l’année

L'abattoir de volailles de Mayotte

Mayotte Tropic

Sublime institut

AC BTP

Le jardin maoré

Entreprise innovante de l’année

Mob'helios

Le jardin d'Imany

Maison Snoezelen

Maoclav concepts

Mayexperinfo

Entreprise citoyenne de l’année

Tand'M

Hôtel Caribou

Madora

Terre de Rose

Clap productions

Économie sociale et solidaire

Uzuri wa Dzia

Kaza

R2D2 Mayotte

Dipak

Habit'ame

formation & compétences

Wenka culture

Kaweni Nouvelle Aire

TotalEnergie Marketing Mayotte

Pro Dog Formation

Mayotte Home Services

Manager de l’année

Youssouf Abdou

Tafara Houssaini

Omar Saïd

Carla Baltus

Farrah Hafidou

Femme entrepreneure de l’année

Nadjlat Attoumani

Zily

Sophiata Souffou

Nemati Toumbou Dani

Farrah Hafidou

Bâtisseur de l’année

Hôtel Ibis

Gymnase de Mamoudzou

SIM projet Marzoukou

Logements sociaux SIM

Tsingoni village

Handicap et inclusion

Laiterie de Mayotte

Régie Territoire de Tsingoni

ADECCO

SIM

Transports Salime

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LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

NATURE : LA FLEUR YLANGYLANG, LE PARFUM ENVOUTANT DE MAYOTTE

Le 19 avril 2023, par C.Rougerie, S.Guibout et G.Liaboeuf pour France Télévisions. Direction Mayotte, que l’on

Grace à son climat tropical, Mayotte possède une flore incroyablement diversifiée, de 1 350 espèces. Une a fait la renommée de l’île : l’ylangylang. La fleur, très prisée des parfumeurs, a été surnommée il y a quelques années l’or jaune des mahorais. Elle se récolte à la main. Une fois ramassées, les fleurs sont confiées à Hassani Soulaimana, cultivateur à Ouangani (Mayotte). Il reçoit ce jour un groupe de touristes, pour leur livrer les secrets de la plante.

Un trésor local

Pour qu’elle dévoile son parfum, il faut passer par la distillation. Quand le parfum de l’ylang-ylang

atteint son paroxysme, les fleurs sont jetées dans une cuve d’eau bouillante. Deux heures après, l’huile essentielle de l’ylang-ylang, plus légère que l’eau, reste à la surface. Cette huile envoutante et apaisante est vendue autour de 7 euros, en plus des 45 euros de la visite. À Mayotte, baptisée l’île aux fleurs, l’ylang-ylang est un véritable trésor. "On peut l’utiliser dans notre collier pour les mariages", explique Taambati Abdou, gardienne du patrimoine mahorais au Santal Logis (Mayotte).

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appelle aussi "l’île aux fleurs". La reine là-bas, c'est l'ylang-ylang, une fleur jaune prisée des plus grands parfumeurs.
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N Pro Game

CAMÉLÉON DE LA MUSIQUE MAHORAISE

N PRO GAME, CINQ SINGLES ET UN ALBUM À SON ACTIF, NE SE LIMITE PAS QU’À UN STYLE DE MUSIQUE. FIER DE TRANSMETTRE SA MUSIQUE, TROIS DE SES TITRES ONT EXPLOSÉ, DONT L’UN D’EUX CUMULE PLUS DE DEUX MILLIONS DE VUES. AVEC UN PARCOURS INSPIRANT, PLUSIEURS COLLABORATIONS ET UN PUBLIC FIDÈLE, LE CHANTEUR FAIT LA FIERTÉ DE MAYOTTE.

PORTRAIT

PORTRAIT

Avec trois clips dépassant le million de vues, le jeune talent mahorais N Pro Game sait se faire remarquer. Son premier album, sorti en septembre 2022, est un mélange de plusieurs styles musicaux différents. On peut y retrouver des sonorités variées, des influences de drill, d’afro-beat, de RnB ou encore de trap mélodique. Un seul album donc, mais pas qu’une seule corde à son arc.

Dans cet album, qui a mis plus d’un an à sortir, on peut déceler un très grand soin de préparation. Soucieux de la qualité de son projet, l’artiste est très sélectif des beats et des thèmes, mais joue aussi sur l’émotion. Le jeune Mahorais essaie d’atteindre tous types de publics. L’un de ses souhaits est d’ailleurs que toutes les générations, enfants, adolescents ou encore adultes, l’écoutent et s’identifient à sa musique.

N Pro Game est donc proche de son public. Très actif sur les réseaux sociaux, il republie sur TikTok les playbacks de ses fans sur ses musiques depuis 2021. Et ce avant même la sortie de son album. Il réussit donc à séduire les plus jeunes, qui constituent la grande majorité de son public.

L’artiste est très fier de son premier projet, « Mufasa » , dans lequel il aborde des problématiques qui lui tiennent à cœur : « Je suis fier de mon petit bébé, jusqu’à maintenant les gens continuent de l’écouter » . N Pro Game chante notamment à propos de sa mère, qui a un rôle très important dans sa vie. Le

premier titre de son album, « Oh Mama » , lui est d’ailleurs dédié. Il parle aussi de lui, de ses émotions, raconte ce qu’il vit avec ses amis, dont il est très proche. Ces derniers figurent d’ailleurs dans tous ses clips, l’aident à enregistrer au studio et à réaliser ses vidéos. « J’appelle deux ou trois potes, on se lance, on crée un délire et voilà, le clip est tourné » , nous confie le musicien.

Capable d’aborder d’autres thématiques plus profondes comme la trahison, l’amour ou encore la jalousie, N Pro Game est un musicien plein de ressources. Le jeune homme n’hésite pas non plus à prendre la parole sur des sujet tabous : dans l’un de ses singles, « Texto » , il évoque sa maîtresse, racontant leurs ébats tout en se rappelant que son épouse l’attend à la maison. « Godra » , son remix de la chanson « Calm Down » de REMA, a fait plus d’un million de vues. Y faisant l’éloge d’une femme, N Pro Game n’a pas de limites concernant les thèmes abordés ou ses influences musicales.

3 TITRES QUI EXPLOSENT

Quant au titre « Texto » , c’est un véritable tube de l’été sauce mahoraise. Le clip a atteint les deux millions de vues sur YouTube. Selon l’artiste, ce son a été produit « sans prise de tête » . Il a d’ailleurs été filmé avec son téléphone portable, non pas par souci d’investissement, mais par volonté de spontanéité. « Je suis quelqu’un qui fonctionne

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PORTRAIT

à l’instinct et l’instinct, ça m’a toujours réussi. », affirme le rappeur.

Dans le clip, il y figure entouré de ses amis, rassemblés sur des chaises dans la rue. Ils dansent sur un son véritablement ensoleillé et festif. Un montage et une manière de filmer dynamique, nouvelle et jeune, qui font penser aux esthétiques drill nées dans les quartiers de Chicago il y a quelques années.

L’histoire de cette chanson est d’ailleurs mémorable pour l’artiste. « Texto est parti d’un délire avec les potes, on n’était même pas au studio, se rappelle-t-il. On fumait la chicha tranquillement dans ma chambre et c’est là que mon manager balance un instrumental drill mélodique, la tendance actuelle. » Pourtant très sélectif des mélodies, l’artiste nous raconte avoir « commencé à fredonner des mélodies tout en écrivant le refrain. On a fini le son en une soirée » C’est maintenant son plus gros hit.

Le chanteur a produit d’autres titres qui ont connu un grand succès. Dans « N’Tsetseye » , un son afrobeat avec une forte influence de rumba, le chanteur nous dépeint comment se passent les fêtes chez lui, les voulés ou encore les sessions chichas avec ses amis. Le clip représente vraiment cette ambiance de soirée, on y voit de la viande cuire au barbecue, l’artiste en train de cuisiner, des hommes qui se font couper les cheveux, et tout le monde danser. Un cadre vraiment convivial, presque familial, entoure le rappeur dans la plupart de ses vidéos, qui allient rythme ardent et harmonies qui donnent le sourire.

Enfin, son grand succès, le remix de « Calm Down » de REMA, intitulé « Godra » , consiste en un rythme très enjoué et une mélodie qui a fait le tour du monde. Malgré cela, l’artiste a réussi à le remixer parfaitement et en chantant en shimaoré, ce qui lui procure toute son originalité. Le clip, encore une fois, est gorgé de bonne ambiance, et N Pro Game y est comme toujours accompagné de ses amis. « Le son final est juste magnifique, se félicite le chanteur. C’est très joyeux. Cette joie-là, tu la ressens rien qu’en visionnant le clip. C’est toujours des moments avec les amis, à la plage ou dans une villa. »

«

JE SUIS FIER DE MON PETIT BÉBÉ, JUSQU’À MAINTENANT LES GENS CONTINUENT DE L’ÉCOUTER »

UN PARCOURS INSPIRANT

N Pro Game a commencé la musique en 2011 avec ses amis, mais aussi son grand-frère. Très jeune, il rejoint le collectif DIX-15 qui sert de plateforme aux artistes mahorais. Sa priorité est de propulser les jeunes talents de l’île du lagon le plus loin possible. Le rappeur commence alors à toucher la notoriété du bout des doigts. Les concerts s’amplifient aux quatre coins du territoire, et ses fans se multiplient.

Poussé dans la musique par les « grands » de son quartier, notamment Secteur B, il explique que c’est ce qui lui a permis de prendre confiance et de se lancer dans la musique. Il confiera aussi que Gagala, un autre artiste mahorais, l’a beaucoup inspiré. Une inscription à la SACEM en 2021 lui a permis d’être mieux rémunéré pour sa musique, même s’il passait déjà dans les boîtes de nuit de l’île, ou encore à la radio.

Au fil des sons, clips et autres projets, le jeune rappeur mahorais a fait des rythmes énergiques son cachet. Sa musique respire, elle est jeune, dynamique, et empreinte de la joie de vivre mahoraise, tout cela sans jamais s’enfermer dans une influence ou une sonorité d’une musique à l’autre. Son public, fidèle, remplit de plus en plus les fosses de ses concerts, et peuvent permettre à N Pro Game de rêver à un bel avenir. n

CHANTER EN SHIMAORÉ, UN MOYEN DE PRÉSERVER LA CULTURE

Le rappeur ne chante pratiquement qu’en shimaoré. C’est un moyen de transmettre la langue mahoraise, même à ceux qui ne la parlent pas à la base. Malgré les influences musicales drill et RnB qui viennent généralement des Etats-Unis, cela reste sa langue et sa culture de prédilection, dont il est fier. C’est ce qu’il essaie de transmettre dans ses chansons, notamment dans « N’Tsetseye » , où il évoque les festivités culturelles locales.

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DOSSIER

Wuambushu

La peur du CHAOS

ALORS QUE DÉBUTAIENT CETTE SEMAINE LES PREMIÈRES ACTIONS DE L’OPÉRATION WUAMBUSHU, LES ACTES DE VIOLENCES ET DE DÉLINQUANCE SE SONT MULTIPLIÉS, OCCASIONNANT DES FERMETURES DE ROUTE, DES CHANTIERS INCENDIÉS, DES MAISONS SACCAGÉES, DES DÉGÂTS HUMAINS, MATÉRIELS, MAIS AUSSI MORAUX. EN EFFET, LES HABITANTS DE MAYOTTE, SOUMIS À UN STRESS INIMAGINABLE POUR L’HEXAGONE, DOIVENT ENCORE ABORDER LES DEUX MOIS DE L’OPÉRATION QUI S’ANNONCE AVEC CRAINTE DE SE FAIRE AGRESSER PAR LES BANDES DE L’ÎLE.

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CHAOS

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ÉVÈNEMENT LES VIOLENTS PREMIERS JOURS DE WUAMBUSHU

Alors que cette semaine devait signer la « reprise en main » de l’État français sur le territoire de Mayotte, les premiers jours de l’opération gouvernementale ont plutôt eu l’odeur d’un pétard mouillé pour la population, déjà excédée de la mauvaise gestion des autorités. S’il est encore trop tôt pour parler d’un échec, l’opération Wuambushu est pour le moment synonyme des violences occasionnées par les délinquants, qui n’attendaient que les forces de l’ordre pour bloquer l’île.

Dimanche 23 avril

Alors que l’ensemble des policiers et gendarmes mobilisés pour cette opération finissaient d’arriver la semaine dernière, les premiers contrôles routiers avaient lieu ce week-end sur l’île au lagon. Et les délinquants, qui n’ont attendu que quelques heures après l’Aïd-el-Fitr pour se réveiller, n’ont laissé aucun répit aux nouveaux arrivants. Après un rassemblement à Kawéni, ce sont notamment les policiers de la CRS-8 qui ont été mobilisés à Tsoundzou, dans le quartier de Kwalé. Après un repérage au drone, les hommes de Laurent Simonin, directeur territorial de la police nationale de Mayotte, ont « réduit quatre barrages disposés sur la route de Kwalé et ont porté secours aux habitants des logements SIM attaqués par une bande de jeunes » , explique la police, qui n’a toutefois arrêté personne. La police aux frontières (PAF), quant à elle, a procédé à 14 interpellations. Il s’agissait de personnes en situation irrégulière.

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DOSSIER

Lundi 24 avril

La première journée officielle de l’opération Wuambushu aura été – pour le moment – la plus mouvementée. Dans la nuit, les bandes du centre de l’île ont déboisé de larges pans de végétation à côté du chemin du mont Combani, entre Vahibé et Miréréni, avec une force de frappe impressionnante, pour amener des troncs d’arbre sur le bitume. Bloquée, la route reliant Combani à Mamoudzou était sécurisée par les gendarmes, en attendant que la Deal ne libère la voie. À Hamouro, au niveau de la plage de Sakouli, des barrages éphémères mais non moins dangereux ont été érigés. Il s’agissait de morceaux de verre et de clous, afin de caillasser les véhicules. Mais c’est encore à Tsoundzou que les bandes délinquantes se défoulaient. Après avoir incendié les engins du chantier du stade (voir entretien ci-après), un camion et un véhicule de police, elles ont mené une véritable guérilla contre les forces de l’ordre. Les pyromanes, armés de pierres et donc de cocktails molotov, défiaient les effectifs de police et de gendarmerie habillés de ponchos blanchâtres, comme pour signifier leur caractère insaisissable. Plusieurs maisons ont été saccagées, comme le criait une femme excédée lors de la conférence de presse de Thierry Suquet, préfet de Mayotte, qui s’est rendu sur place. Comme si ça ne suffisait pas, le premier bateau post-Wuambushu de la SGTM qui rapatriait des étrangers en situation irrégulière s’est fait refouler à Anjouan par les autorités comoriennes. Si le motif officiel de la fermeture du port de Mutsamudu serait sa mise en travaux, de nombreux responsables politiques de l’Union ont déjà fait savoir que l’archipel refusait d’accueillir ses ressortissants. En soirée, le premier vice-président du Conseil départemental, Salime Mdéré, dérapait en déclarant sur Mayotte la 1ère « il faut peut-être en tuer » au sujet des délinquants, déclenchant une vive réaction nationale et la « condamnation ferme » du préfet.

Suite à ces violences, la Cadema annonçait la suspension de ses navettes gratuites et le ramassage des déchets en journée, afin de protéger ses agents. Mais la journée n’était pas encore terminée. Vers 22 heures, à Bouéni, une dizaine de jeunes cagoulés et venant vraisemblablement de Mzouazia s’en sont pris à plusieurs véhicules, blessant l’une des conductrices. Ils avaient également barré la route, rapidement dégagée par les gendarmes de Mzouazia. Ces derniers ont interpellé trois individus et saisi leurs armes : un marteau et des machettes.

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DOSSIER

Mardi 25 avril

Dès la nuit, Kawéni était le théâtre de violences urbaines. Des incendies, déclenchés à proximité du rond-point SFR et donc de la caserne de pompiers, ont alerté les policiers nationaux et municipaux. Exactement ce que souhaitaient les délinquants, qui ont commencé à caillassé les fonctionnaires, mais aussi la caserne de Kawéni, brisant les pare-brises de deux ambulances. Un seul individu a été interpellé.

Dans la matinée, c’est un peu plus au nord que les violences explosaient, dans le contexte du premier décasage de Wuambushu, prévu à Talus 2, sur les hauteurs de Majicavo Koropa. Si ce dernier a été suspendu par le tribunal judiciaire à la suite d’un recours d’une vingtaine de

familles du quartier, les délinquants de la zone n’en avaient cure. Plusieurs barrages ont été érigés et enflammés sur la route, avec notamment une citerne de fosse sceptique déposée là par les bandes, et volée sur le chantier de la halle à marée, dont les engins ont été ravagés par les flammes. Les affrontements avec les forces de l’ordre ont duré toute la journée, l’après-midi vers le centre pénitentiaire, jusqu’au soir, où les rues du quartier de Dubaï s’enflammaient encore. Gérées par les forces de l’ordre, ces violences récurrentes empêchent néanmoins l’État de mener au mieux son opération de décasages et d’expulsions. Le soir, les bandes de Vahibé tentaient de bloquer à nouveau la route avec un tronc d’arbre, rapidement enlevé par les riverains.

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DOSSIER

TÉMOIGNAGE MAISON

VANDALISÉE À KWALÉ : « J’AVAIS EN FACE DE MOI DES MEURTRIERS »

L’opération Wuambushu n’en est qu’à ses balbutiements mais la tension est déjà montée d’un cran à Mayotte. Les actes de violences se multiplient. L’histoire de Zahara* a ému toute l’île ces derniers jours. Sa maison a été vandalisée alors qu’elle se trouvait à l’intérieur. Ces faits d’une rare violence l’ont traumatisée. Elle revient pour nous sur ce moment, où elle a cru que tout allait basculer.

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Il est midi, ce dimanche 23 avril à Kwalé, dans le village de Tsoundzou 1, lorsque Zahara entend du bruit à l’extérieur de chez elle. « Les jeunes ont été repoussés par les CRS. Puis ils sont revenus et ils se sont rendu compte qu’on avait une caméra qui donnait sur la rue. Et ils ont commencé à caillasser la maison » , raconte-t-elle. Son domicile se trouve au bout du quartier, il est le plus exposé. Les délinquants s’acharnent et cassent toutes les vitres de la maison. « On ne pouvait pas les raisonner ! » , lance-t-elle. Ils demandent à avoir la caméra de surveillance mais Zahara leur répond qu’ils ne peuvent pas la débrancher. « Cette histoire de caméra n’était qu’un prétexte car après ils nous ont dit que comme nous étions Mahorais, ils allaient nous violer, nous tuer, et brûler notre maison » , relate-t-elle d’une voix tremblante.

« J’ai eu très peur. C’était les 30 minutes les plus longues de ma vie » , ajoute-t-elle. Les voisins tentent de leur porter secours, en vain. Zahara appelle alors la police qui réagit rapidement. « Dans tout le calvaire qu’on a vécu, je remercie l’intervention des forces de l’ordre car lorsqu’on les a appelés, ils ont fait au plus vite. J’ai eu quelqu’un de formidable au téléphone qui m’a rassurée tout le long » , se souvient-elle. Elle a porté plainte mais reste très marquée par cet évènement. Toute la famille a donc décidé de quitter la maison quelques jours, car elle ne se sent plus en sécurité. Selon la jeune femme, « Kwalé est devenu une zone de non droit. Et ça va devenir ingérable et très dangereux. »

ILS ONT DIT QU’ILS ALLAIENT NOUS TUER »

Après le traumatisme, la colère

Depuis l’annonce de l’opération Wuambushu, chacun y va de son avis et les spéculations vont bon train. Une situation que Zahara ne supporte plus. « Je ne peux plus entendre le mépris et la condescendance des gens en métropole qui ne savent rien de ce qu’on vit ici. J’avais en face de mois des meurtriers qui voulaient nous tuer, c’est clair et net », poursuit-elle. Elle ne dit pas être en faveur ou contre l’opération, mais elle ne souhaite qu’une chose, c’est d’éradiquer la violence sur l’île. « Les forces de l’ordre doivent se concentrer sur ces délinquants et les mettre en prison. Il faut arrêter de donner des peines à la légère comme des travaux d’intérêt général » indiquet-elle, faisant référence au jeune qui a proféré des menaces de mort sur les réseaux sociaux et a obtenu 280 heures de travaux d’intérêt général. « On dit que ce sont des mineurs, mais pour moi ce sont des criminels, ils n’ont aucune empathie. Ils sont en dehors de la réalité. Ils sont conscients de nuire, conscients de ce qu’ils font. Et ils doivent avoir des peines à la hauteur de leurs actes ! » insiste-t-elle.

Aujourd’hui, Zahara se dit fatiguée de tout. « Je suis épuisée psychologiquement. Pas seulement à cause de ce qu’on a vécu, ça a été la goutte de trop, mais c’est aussi à cause des cambriolages qu’on subit tous les jours à Kwalé. Je suis aussi fatiguée d’être tout le temps sur mes gardes quand je sors et quand je suis chez moi. Ce qui m’est arrivé peut arriver à n’importe qui. Jusqu’à quand va-t-on vivre cette vie ? » Elle avoue ne se sentir en sécurité nulle part, et espère que toutes les forces de l’ordre mobilisées dans le cadre de l’opération Wuambushu pourront arrêter les bandes qui terrorisent l’île. Cependant, elle s’interroge déjà sur le futur. « Je me demande ce qu’on va devenir quand tous ces policiers et gendarmes partiront… » Une question déjà soulevée par de nombreux Mahorais.

* Le prénom a été modifié

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DOSSIER

ENTRETIEN DES VIOLENCES QUI STOPPENT LES CHANTIERS

Que ce soit à Majicavo Koropa ou à Tsoundzou, les délinquants de l’île débusqués par l’opération Wuambushu s’en prennent régulièrement aux engins de chantier. Ces actes ont des conséquences bien réelles sur l’activité des professionnels du secteur, comme nous l’explique Bertrand Garin, architecte et responsable du chantier du stade de Tsoundzou, victime des violences ayant frappé le village, lundi.

Mayotte Hebdo : Vous avez posté sur les réseaux sociaux votre réaction à chaud quant aux dégâts occasionnés par les délinquants sur votre chantier. Quel est aujourd’hui le bilan de vos pertes ?

Bertrand Garin : La problématique est diverse vis-à-vis des incidences. Aujourd’hui, nous nous réconfortons que

sur le chantier du stade de Tsoundzou, les dégâts ne soient que matériels. Mais des engins de chantier que la Colas utilisait ont été brûlés. Je ne peux en estimer clairement le coût, mais une partie appartenait à des sociétés de locations de matériels de chantier, qui ont déjà mis en avant qu’elles ne loueraient plus les engins s’ils étaient détachés sur ce site. L'entreprise va donc

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Propos recueillis par Axel Nodinot

devoir trouver des solutions rapides pour pallier cela, afin de ne pas entraver la suite des travaux. Nous avons également dédoublé les frais de gardiennage, et effectué des retraits de matériel en urgence, histoire que ceux-ci ne soient pas endommagés. On parle ici de tractopelles, camions mais surtout de la foreuse, car il n’y en a que deux sur l’île. Si cette dernière avait été endommagée, les travaux des pieux n’auraient pas pu s’achever et le chantier aurait pris beaucoup de retard. Ces actions de repli ont aussi un coût, malheureusement, sans compter que le matériel était déjà programmé ailleurs à la suite de ce chantier, d’où d’autres frais d’immobilisation. Pour finir, ce chantier, comme beaucoup d’autres, était approvisionné de nuit, et ces approvisionnements ont stoppé pour deux raisons : les caillassages de nuit dans la zone de Majicavo, où se trouve ETPC, et l’insécurité sur le site de Tsoundzou. Le chantier est aussi à l’arrêt pour cela, puisque les livraisons de jour, avec les embouteillages que l’on connaît et subit, est inimaginable. En gros, on peut malheureusement déjà dire que la livraison du stade annoncé en fin d’année ne sera pas possible, et que l’ensemble de ces aléas aura un coût qui ne pourra être estimé qu’à la reprise de l’activité.

M.H. : Comment ça se passe, dans ces circonstances, niveau assurances, et sous quel délai estimez-vous retrouver du matériel et reprendre le chantier ?

B.G. : Dans le cadre des incendies, ce sont les assurances des entreprises qui prendront en charge cela, selon un coût défini via des argus, des amortissements… En fonction des pertes non remboursées, les entreprises pourraient faire un mémoire en réclamation à la fin du chantier qu’il faudra instruire, analyser, et sur lequel il faudra statuer pour savoir ce qui pourrait être pris éventuellement en charge par le maître d’ouvrage. Pour ce qui est du remplacement du matériel, vu les propos que l’on m’a rapporté des loueurs, je ne pourrais pas me prononcer. Je pense cependant que les entreprises déshabilleront d'autres chantiers d'engins pour les mettre sur mon chantier. En tout cas, je l’espère.

M.H. : Que pensez-vous des premiers jours de l’opération Wuambushu, et de ses conséquences sur la population, mais aussi et surtout sur les entrepreneurs et acteurs du BTP ?

B.G. : Il y a 30 ans que je suis à Mayotte, j’ai vu les choses changer. Mayotte, avant, c’était l’île aux parfums, l’île aux sourires ! Si, en journée, la vie se déroule quasiment normalement, hormis les embouteillages, on ne traîne plus au bureau aussi longtemps, on va moins au restaurant en soirée. J’avais l’habitude de quitter le bureau vers 20h30, 21 heures. Maintenant, je quitte Kawéni vers 19 heures, 19h30. J’ai même quitté ma résidence de Hajangoua il y a quelques années pour m’installer sur Mamoudzou, bien que ce soit aussi à cause des bouchons.

Pour le BTP, Wuambushu ou pas, la problématique des attaques ici ou là perturbe considérablement les chantiers, leur approvisionnement, mais pas seulement. L’un des exemples phares de ces incidences est mon chantier sur la PMI de Koungou. Il a été attaqué à trois ou quatre reprises, et les entreprises qui y travaillaient ont exercé leur droit de retrait, ce qui n’a pas permis de finir le chantier en temps et en heure. Il ne l’est toujours pas d’ailleurs, puisqu’avec le retard, les entreprises honorent maintenant leurs engagements suivants, et ne viennent que ponctuellement sur ce chantier.

Après, il y a l’énorme problématique des embauches. Avec tout ce qui est relayé dans la presse et sur les réseaux sociaux, les entreprises, architectes, ingénieurs et autres ne trouvent personne à embaucher. Il y a à Mayotte une forte pénurie de personnel, et, comme il est impossible d’embaucher des étrangers, c’est compliqué. Donc au final, c’est la population qui en subit les conséquences, car les projets ne sortiront pas de terre aussi vite que prévu, et les prix, par ricochet, augmenteront encore.

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DOSSIER

TÉMOIGNAGES

EN PETITE-TERRE, LA PEUR DES ADULTES ET LA RAGE DES JEUNES

Lancée en début de semaine par l'État français pour lutter contre le banditisme qui gangrène les quartiers informels, l'opération Wuambushu marque les esprits de tous à Mayotte, en Grande-Terre comme en Petite-Terre.

Chacun est à l'affût du moindre détail qui pourrait annoncer une évolution de la situation, tant la crainte des conséquences éventuelles de cette affaire inquiète tout le monde. Partisans et adversaires de l'initiative du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, ont tous la gorge nouée, lorsqu'il s'agit d'évoquer la probabilité d'un pire à venir.

Bien que confrontée au quotidien à cette violence régulière, de la part des jeunes venant de ces zones de non-droit que sont les bidonvilles des agglomérations de Mamoudzou, Koungou et Petite-Terre, la population locale ne sait plus trop quoi penser de la tournure prise par l'opération Wuambushu. Depuis l'annonce de l'arrêt du premier décasage initialement prévue à

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SIAK

Majicavo Koropa, au lieu dit « Talus 2 », sur une décision de justice, l'inquiétude et la tension sont de nouveau palpables chez les Mahorais et tous ceux qui aspirent à un retour de la quiétude dans le département. Très nombreux sont ceux qui ne savent que penser réellement de cette affaire. « Ira-t-elle vraiment jusqu'à son terme, ou nos autorités vont-elles se dégonfler en cours de route comme c'est le cas chaque fois qu'il est question de Comoriens ? » , interroge Hadidja Abdallah, assise sur un banc à la jetée Issoufali, sur le rocher de Dzaoudzi. Il faut dire que l'annonce de cet arrêt du tribunal judiciaire de Mamoudzou a douché plus d'un habitant de l'île, nombreux d’entre eux ignorant les rouages de l'appareil judiciaire français. Habitués à des démonstrations régulières de la toute-puissance de l'État ici lorsqu'il s'agit de régler certaines situations, y compris hautement sensibles, nombre de personnes ne comprennent pas qu'une opération commandée par les plus hautes autorités parisiennes puisse être stoppée par la décision d'un seul magistrat.

à Anjouan, nous avons nos vies ici et à cause de ces jeunes irrespectueux, la cohabitation risque d'être de plus en plus difficile avec les Mahorais. C'est la politique entre nos chefs et les dirigeants français qui nous mène dans cette impasse. Le souci c'est qu'ici, c'est la France qui gouverne et si elle décide vraiment de nous expulser, les Comores seront bien obligées de nous récupérer. Que peuvent-elles faire d'autres ? »

« Chaque société produit aussi ses bœufs, ses idiots »

Mariama Mwépva est Grande-Comorienne, elle habite le quartier de La Vigie, dans les hauteurs de Labattoir. Âgée d'une soixantaine d'années, elle ne cache pas ses craintes à l'auditoire. « Le fond du problème dans tout ça, c'est que les personnes comme nous qui avons fui la misère et l'injustice dans les autres îles, allons être amalgamés avec les fous furieux qui dénient aux Mahorais le droit d'être chez eux et de profiter des bienfaits du système français, regrette-t-elle. Nous ne prenons pas toute la mesure de cette affaire. Si Mayotte n'est plus une bouée de sauvetage pour les Comores, qu'allons-nous advenir ? Là-bas, il n'y en a que pour les riches, leurs familles et les politiciens, qui ne pensent pas au peuple » . Si elle accepte de s'exprimer, c'est parce qu'elle vit les mêmes actes de violence et d'insécurité perpétrées par les délinquants de La Vigie que les Mahorais. « Nous avons déjà été prévenus que l'opération Wuambushu va s'étendre là où nous vivons et des jeunes envisagent de s'opposer aux bulldozers ce jour là, continue-t-elle. L'autre souci, c'est comment vont réagir les Mahorais en représailles à ça. Ce n’est vraiment pas facile, que Dieu nous vienne en aide parce que beaucoup de mes voisins ne savent pas où aller. »

Autre décor, Zardeni, quartier du bord de mer de Labattoir où une opération de décasage pourrait se produire. Abdallah, quinquagénaire au torse nu, y réside dans une case en tôle ondulée, sous une bananeraie, entre cocotiers et grands manguiers. Ici, l'accueil est moins crispé, le quartier est moins sujet à tension, et une voirie bien dessinée rend la zone accessible aux forces de l'ordre. Des numéros laissés à la hâte avec de la peinture fluorescente sont visibles sur les portes et les côtes en tôle des cases. « Des autorités sont venus nous dire il y a quelques semaines que nous avions un mois pour nous trouver des logements ailleurs parce que nos cases vont être détruites, explique Abdallah. Pourtant cette zone n'est pas un foyer de grande délinquance, comme partout ailleurs à Labattoir nous avons subi la peur des petits bandits de Marigot. C'est dramatique que la faute d'une minorité devienne un jugement collectif. Selon moi, la première chose à faire dans un pays qui vous accueille, c'est respecter les lois. Malheureusement, chaque société produit aussi ses bœufs, ses idiots. »

Dans le fameux quartier de La Vigie, des cases numérotées constituent un futur chantier de décasage. Les riverains sont peu loquaces, voire soupçonneux. « Mais vous croyez quoi ? Qu'on va se laisser faire ? Ici on est aux Comores, ce sont les Français qui doivent partir. Ici c'est nous la loi » , lance un jeune homme vêtu d'un survêtement aux couleurs rouge et jaune. Un avis que ne partage nullement un groupe d’adultes, assis en contrebas, sur une place à palabre. « Pauvre petit écervelé, lui répond l’un d’eux. La vérité est que tout le monde a peur ici. Peur de la forme que va prendre ces destructions, peur de ne savoir où aller. Nous ne resterons pas longtemps

Autre site probable de décasage, les abords de la petite plage du cimetière chrétien, à la limite des communes de Pamandzi et Labattoir. Moins de dix maisons construites sur la zone des pas géométriques (ZPG) sont identifiées par des numéros à la couleur phosphorescente. Les habitants vaquent à leurs occupations et ne prêtent aucune attention aux passants. Rares sont ceux qui acceptent de commenter l'opération en cours. L'endroit a en effet la réputation d'être un lieu de relâche des kwassas transporteurs de marchandises de contrebande et de clandestins provenant d'Anjouan. Ici aussi, la démolition des cases inquiète moins les riverains que la réaction des jeunes délinquants des deux communes, qui viennent régulièrement en découdre sur la plage, à coups de cailloux, de bâtons et autres barres de fer. Anissat relate que cette scène s’est encore déroulée mardi dernier, dans l'indifférence générale : « Ce sont des gamins de 14 ans qui jouent aux voyous au lieu d'aller à l'école. Où est-ce que tout ça nous mène ? On a du mal à croire qu'en moins de dix ans la vie soit devenue impossible à Mayotte. On parle en mal de notre île partout dans le monde, sur toutes les chaînes de télévision. Je comprends les autorités, il faut que ce Wuambushu aille jusqu'au terme de sa durée de deux mois. Il nous faut retrouver le calme, le sommeil et la sécurité. Aucune population ne mérite de subir ce que vit Mayotte en ce moment »

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« Nous allons être amalgamés avec les fous furieux »
« Ici on est aux Comores, ce sont les Français qui doivent partir »

TOURISME LES OPÉRATEURS NAUTIQUES S’ADAPTENT À WUAMBUSHU

Les professionnels du tourisme de Mayotte se préparent aussi aux impacts que peut avoir l’opération Wuambushu sur leurs activités. Les opérateurs nautiques redoutent une baisse de leur chiffre d’affaires à cause de la peur qui s’installe sur l’île. Ils anticipent donc cela en mettant en place des alternatives.

DOSSIER
Raïnat Aliloiffa

L’opération Wuambushu est au cœur des préoccupations des habitants de Mayotte, y compris des opérateurs nautiques. Ces derniers font leur plus gros chiffre d’affaires pendant les vacances scolaires, mais pour le moment, les réservations sont en baisse, un fait inhabituel durant cette période. Nicolas Chabot, gérant de Lagon aventure, fait un premier constat amer. « Pour l’instant nous avons des anciennes réservations, mais pour les prochains jours je n’ai pas grand monde, ce qui n’est pas normal en période de vacances. Les gens sont encore frileux et ils ont peur, je pense. » D’autres, comme Pascale Jardin et son mari, les propriétaires de Maitai Croisières, font les frais des premières annulations. « On a des désistements. Ce sont surtout des gens qui avaient réservé depuis la métropole car les touristes viennent ici pendant les vacances. Et certains nous ont appelés car ils ont annulé ou décalé leurs billets d’avion » , explique la gérante. Pour maintenir leur activité et atténuer les pertes, ces professionnels ont décidé de s’adapter à la situation actuelle du territoire.

S’adapter au contexte

Maitai Croisières propose à ses futurs clients de payer un acompte de 25 euros au lieu de l’intégralité de la prestation. « Chez nous, une sortie en bateau coûte 95 euros et on fait toujours payer en avance. Mais on s’est dit qu’avec ce qu’il se passe en ce moment, pour certaines personnes, ça serait compliqué de venir jusqu’à Mamoudzou. Alors on a coupé la poire en deux. On n’exige plus de payer 95€ au risque de les perdre, mais on demande un acompte de 25€ pour réserver les plats » , explique Pascale Jardin. Cette somme permet de payer les frais du traiteur.

Du côté de Lagon aventure, une tout autre stratégie qui a été mise en place. « Pour éviter de perdre trop de monde, nous proposons aux personnes qui réservent de les

récupérer à Iloni et Trévani. Je fais cela pour permettre aux gens de passer une bonne journée sans devoir affronter des barrages et des gaz lacrymogènes ou se mettre en danger » , explique Nicolas Chabot, même s’il reconnait que la plage d’Iloni n’est pas non plus sécurisée.

Un coût financier Toutes ces mesures ne sont pas sans conséquences. Selon le propriétaire de Lagon aventure, cela se répercute forcément sur ses finances. « Evidemment, ça me coûte un peu plus. Je fais un aller-retour donc ça va coûter de l’essence, un peu de temps. Il va falloir que les pilotes y aillent un peu plus tôt pour que les clients aient une journée complète d’amusement. Je vais commencer plus tôt, finir plus tard et gagner moins » , précise-t-il. Cependant, malgré tout cela, il arrive à relativiser. « Je n’aurais rien gagné si je ne travaillais pas du tout alors on s’adapte. La situation ne va pas durer, je l’espère, donc on va tenir. » Quant à Pascale Jardin, elle affirme appréhender les prochains jours mais elle tient à continuer de travailler. « Dans des périodes compliquées comme cellelà, c’est bien de se changer les idées. Les gens ont besoin de se détendre. Et puis le lagon est une pépite et il faut en profiter. Il faut maintenir ses activités et montrer le beau visage de Mayotte. » Nul doute que l’île aux parfums en a besoin, plus que jamais.

« IL FAUT MONTRER LE BEAU VISAGE DE MAYOTTE »

UNE ÎLE EN TRAVAUX

ORANGE ET LA CCI VONT DIGITALISER LES DOUKAS

UNE CONVENTION DE PARTENARIAT A ÉTÉ SIGNÉE, CE MARDI APRÈS-MIDI, À LA MAISON DES ENTREPRISES, PLACE MARIAGE. ELLE OFFICIALISE LA COLLABORATION DE LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE MAYOTTE (CCIM) ET D’ORANGE, DANS LE CADRE D’UNE POLITIQUE D’ACCOMPAGNEMENT DES PETITS COMMERCES DE PROXIMITÉ : « DOUKAS 2.0 ». 150 EXPLOITANTS SERONT FORMÉS À L’UTILISATION DES OUTILS NUMÉRIQUES.

Sur un peu de ciment étalé à la truelle, chacun pose son parpaing symbolique. Quelques sourires pour les photographes, Propulser les doukas dans l’ère du numérique – ou du moins donner à leurs exploitants le bagage minimum pour ne pas boire la tasse dans la grande vague du digital : voilà le souhait partagé de la Chambre de commerce et d’industrie de Mayotte (CCIM) et d’Orange ! Une convention de partenariat était signée, ce mardi après-midi, à la maison des entreprises, place Mariage à Mamoudzou. Elle doit permettre aux gérants des 150 commerces de proximité participant à l’opération « Doukas 2.0 » de la CCIM (voir encadré) de bénéficier d’un parcours de formation au numérique. Trois ateliers sur mesure seront ainsi dispensés : « prise en main du smartphone », « utiliser efficacement les réseaux sociaux sans y passer sa vie » et « être visible sur internet ». Si Orange – via son dispositif Orange Digital Center – est garant du contenu des formations, leur mise en œuvre repose sur des organismes partenaires tels que le Carif-Oref (Centre d’animation, de ressources

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Lucas Philippe

et d’information sur la formation-Observatoire régional de l’emploi et de la formation), le Park Numérique, ou encore WebCup. « Cet appui est d’autant plus important qu’il permet de dispenser les formations en shimaore, pour les exploitants qui ne maîtrisent pas forcément la langue française », renseigne André Martin, le directeur régional Réunion-Mayotte d’Orange.

BIENTÔT DES E-DOUKAS ?

Dans la salle informatique adjacente, un premier atelier est proposé à une poignée de commerçantes venue pour l’occasion. Aujourd’hui gérantes de doukas, elle lanceront peut-être demain leur e-douka ! Utiliser son smartphone pour glaner de nouveaux clients, créer un site web pour développer sa marque, ou bien vendre ses produits à l’extérieur de Mayotte : les perspectives du digital leur sont exposées… mais dans un premier temps, il s’agit de maîtriser les outils. « La base, c’est de lutter contre l’illectronisme », indique Pascal H. Pierre-Louis, le président du Park Numérique. Mohamed Ali Hamid, le président de la CCIM, abonde : « Ces ateliers leur permettront de se saisir de cette puissante boîte à outil que constitue le numérique […] pour booster leur chiffre d’affaires ! »

ENCADRÉ : LE PROGRAMME « DOUKAS 2.0 »

Cette opération de formation au numérique s’inscrit plus largement dans le programme « Doukas 2.0 » de la CCIM, conventionné avec le Conseil départemental. 150 commerces de proximité sont ainsi accompagnés via plusieurs dispositifs. La façade et l’intérieur de chacun des doukas seront ainsi rénovés : rafraîchissement de la peinture, mise aux normes du circuit électrique, introduction du matériel informatique de gestion de point de vente. En parallèle, le processus « bons d’achat » visera à relancer la consommation dans les doukas par l’introduction de chèques-cadeaux. Enfin, une campagne de promotion « j’aime mon douka » est prévue pour inciter les consommateurs à fréquenter les « doukas 2.0 » de leur commune respective.

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ATTENTION AUX MALADIES LIÉES AU MOUSTIQUE

Maladie vectorielle dangereuse pour la santé, le paludisme (dont c’est la journée mondiale de lutte ce mardi) est présent à Mayotte, tout comme la dengue. Avec la saison des pluies, l’Agence régionale de santé a d’ailleurs relancé une campagne de sensibilisation à la lutte antivectorielle.

Le 25 avril, c’est la journée mondiale de lutte contre le paludisme. Cette maladie vectorielle débute, chez une personne non immunisée, de huit à trente jours après la

piqûre infectante. Elle commence avec de la fièvre et peut, ou non, s’accompagner de maux de tête, douleurs musculaires, d’un affaiblissement, de vomissements,

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Julie Nemeth

de diarrhées et de toux. On peut également observer une alternance de cycles de tremblements, fièvre et transpiration intense. Aucun traitement durable n’a encore été trouvé.

En ce qui concerne Mayotte, le paludisme est toujours présent. Ces deux dernières années, entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022, 53 cas importés (les malades ayant attrapé la maladie à l’extérieur du territoire) ont été signalés. Aucun chiffre n’a encore été communiqué pour 2023 dans un département qui tente de l’éliminer depuis 2014.

La dengue toujours suivie de près

Alors que les cas d’infection au paludisme augmentent, de moins en moins de cas de dengue aussi importés sont signalés. C’est aussi une maladie vectorielle qui se transmet par piqûre de moustique. Même si la plupart du temps elle est asymptomatique, la forme habituelle se manifeste par une fièvre brutale associée à des douleurs et une éruption cutanée. Dans de rares cas, des complications graves et parfois mortelles peuvent survenir. Les symptômes qui doivent alerter : fièvre, maux de tête, douleurs articulaires et/ou musculaires, sensation de grande fatigue et éruptions cutanées. Il n’existe aujourd’hui aucun traitement spécifique ni aucun vaccin pour combattre cette maladie. En 2020,

une épidémie majeure de dengue a touché Mayotte, avec plus de 4.305 cas documentés. Depuis 2021, la déclaration de cas reste faible, mais la maladie suscite toujours une attention particulière de l’Agence régionale de santé.

La sensibilisation continue Pour combattre justement le développement de maladies comme la dengue ou le paludisme, l’ARS Mayotte a de nouveau lancé une campagne de sensibilisation auprès de la population, sur les maladies vectorielles. Leur objectif : réduire la quantité de moustiques en détruisant les gîtes larvaires. Elle estime « le risque modéré » dans son dernier bilan de sa campagne de porte-à-porte (près de 2.000 domiciles visités chaque semaine), ce vendredi 21 avril. L’agence rappelle que pour se protéger contre les maladies vectorielles, il faut « utiliser de l’insecticide, rester dans des endroits fermés et climatisés » . A l’extérieur, il faut « éviter les eaux stagnantes, vider les récipients contenant de l’eau, couvrir les réservoirs d’eau hors d’usage, changer l’eau des plantes et fleurs chaque semaine et vérifier le bon écoulement des gouttières »

Afin de ne pas prendre de risques en allant dans des zones où le paludisme est actif, elle conseille aussi de consulter son médecin avant le départ.». n

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LITTÉRATURE LISEZ MAYOTTE JEUNESSE (3/4) :

L’ENFANT HÉROS ET LE ROI MALÉFIQUE

AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE.

En 2001, Noël Jacques Gueunier publie le troisième des quatre volumes de Contes comoriens en dialecte malgache de l’île de Mayotte sous le titre « Le Coq du roi » Après « L’Oiseau chagrin » , il s’agit donc d’un nouveau recueil dédié à un oiseau, cette fois-ci plus familier étant donné qu’il s’agit du roi de la basse-cour. Il est à noter qu’au coq se substitue parfois un autre animal domestique : le chat. Le canevas de base des contes à venir est le suivant. Il se compose de quatre étapes. La première est celle de la dévoration d’un groupe humain par un monstre. La deuxième est la fuite d’un membre féminin du groupe qui donne bientôt naissance à un fils. Troisième étape : c’est cet enfant qui vient à bout du monstre et ressuscite la population restée vive dans le corps du monstre. La quatrième étape est la récompense du jeune héros qui devient le chef du groupe libéré.

Le thème central de ces contes est la dévoration :

« C’est le roi qui a eu la fantaisie d’élever chez lui alors qu’il n’était encore qu’un petit chat ou un petit coq ; en grandissant cet être d’apparence inoffensive révèle sa vraie nature, et le roi est ainsi à l’origine de l’irruption du monstre parmi les humains, si bien que la dévoration et l’anéantissement du village,

ou du royaume entier, qui s’ensuivent, apparaissent comme la punition de sa faute. »

(p. X)

Et cette faute paraît être l’introduction d’un élément étranger au village. Ayant souvent refusé les sages conseils l’invitant à ne pas introduire cet élément étranger, il devient lui-même autre, abusant de son pouvoir et versant dans la tyrannie. La dévoration se fait progressive. Le monstre du roi dévore d’abord les petites gens avant de s’en prendre au souverain luimême. On peut ainsi voir dans le roi et le monstre qui est son double une allégorie des méfaits du pouvoir.

Cette maléfique figure du pouvoir se trouve donc discrédité, ce qui ouvre la voie d’un changement. La femme enceinte qui a échappé à la dévoration met au monde un fils qu’elle élève le plus souvent dans une grotte. L’enfant ayant grandi, la mère lui raconte le drame qui a frappé le village est l’enfant comprend que sa mission est de tuer le monstre et de restaurer l’ordre. Il se met alors en quête d’une arme et se bat contre les animaux qu’il rencontre avant de vaincre le monstre dévorateur dans un combat qui s’apparente au murenge, c’est-à-dire à une forme de boxe. Une épreuve de l’ordre de l’ordalie permet ensuite au roi de reconnaître le sauveur.

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Noël Jacques Gueunier, Contes comoriens en dialecte malgache de l’île de Mayotte, Le coq du roi, éditions Peeters, 2001. Après "La Belle ne se marie point" et "L'Oiseau chagrin", ce volume constitue le troisième et avant-dernier volet du corpus des contes de langue malgache de l'ile de Mayotte.

Selon les versions, il peut s’agir de soulever le sabre qui a tué le montre ou de s’asseoir sur une sagaie qui devient coussin pour le vainqueur. Le roi donne alors sa fille en mariage au héros.

Le thème de la dévoration est donc le chiffre du pouvoir et de la richesse, les deux termes étant étymologiquement apparentés en Europe. C’est la raison pour laquelle la dévoration est d’abord tournée vers autrui, premier exercice du pouvoir, avant de se retourner contre celui qui s’en croit le maître et en devient la victime. Dans le recueil, cette situation est exemplifiée par le personnage de Tourment – tabu en langue vernaculaire :

« Elle est une ogresse femme d’intérieur, qui fait une cuisine raffinée, ne prendrait jamais son repas sans avoir fait une toilette soignée, et parfume sa demeure de fleurs des bois qu’elle répand artistement sur son lit (selon un usage des bonnes maisons mahoraises). En somme, elle est ogresse pour qu’il soit permis aux enfants de la voler

sans scrupules, et finalement de profiter de la triste fin à laquelle sa colère et sa stupidité la mène. » (p. XIX)

En effet, elle n’a plus de l’ogresse que la queue. Et c’est cette queue dont elle imagine qu’elle la vole. Elle décide donc d’y mettre le feu et périt dans l’incendie. Ainsi cet ensemble de contes a-t-il une portée sociale critique, ce qui explique que Noël Jacques Gueunier en voit le prolongement dans le canevas carnavalesque réversible de la princesse faite esclave et de l’esclave faite princesse. Pour une raison ou une autre, une princesse se sépare de ses atours. Sa servante les récupère et usurpe son identité. La princesse connaît alors le déclassement de Cendrillon jusqu’à ce que son rang soit reconnu et lui soit rendu. La princesse se soumet d’abord, mais chante souvent son malheur avant que sa distinction ne soit reconnue.

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Christophe Cosker Antonio Pollaiolo, Hercule et l’Hydre, tempera sur panneau de bois, vers 1475.

SPORT

Calendriers - classements - résultats

BASKET

BASKET

Prénationale féminine

58–50 Basket

à
Playoffs Match 1 Fuz’Ellips de Cavani
club de Mtsapéré Match 2 Jeudi 27 avril
18h30 Basket club de Mtsapéré – Fuz’Ellips de Cavani
à
de
de
Equipe Pts J G P Dif 1 Basket club de Mtsapéré 27 14 13 1 +362 2 Fuz'Ellips de Cavani 23 14 12 1 +585 3 Golden Force 22 14 8 6 +45 4 Magic Basket Passamaïnty 21 14 10 3 +262 5 Chicago club de Mamoudzou 19 14 5 9 +4 6 Partizan BCA 19 14 5 9 -288 7 Colorado Beetle Mtsahara 16 14 2 12 -459 8 Basket club Iloni 15 14 1 13 -491
Match 3 (si besoin) Dimanche 30 avril
16h Basket club
Mtsapéré – Fuz’Ellips
Cavani
Match 1 Basket club de Mtsapéré
club de Labattoir Match 2 Vendredi 28 avril à 18h Vautour club de Labattoir – Basket club de Mtsapéré Match 3 (si besoin) Lundi 1er mai à 16h Vautour club de Labattoir – Basket club de Mtsapéré Equipe Pts J G P Dif 1 Vautour club de Labattoir 34 18 16 2 +279 2 Étoile bleue de Kawéni 32 18 14 4 +297 3 Basket club de Mtsapéré 32 18 14 4 +198 4 Rapides Éclairs 29 18 11 7 +55 5 TCO Mamoudzou 28 18 10 8 +157 6 Gladiator de Doujani 26 18 8 10 -46 7 Fuz'Ellips de Cavani 24 18 8 10 -46 8 Colorado Beetle Mtsahara 22 18 4 14 -301 9 Basket club de Tsararano 17 18 3 15 -376 10 Jeunesse Canon 2000 16 18 2 14 -254 32 • Mayotte Hebdo • N°1041 • 28/04/20 23
Prénationale masculine
76–84 Vautour

HANDBALL

Poule haute masculins

HANDBALL

Poule relégation masculins

HANDBALL

Prénationale féminine

Journée 20

Moinatrindri HC 20–0 Doujani HC

HC Passamaïnty – TCO Mamoudzou

HC Select 976 57–19 AJH Tsimkoura

HC Kani Kéli 24–44 ASC Tsingoni

PC Bouéni 29–27 Haima Sada

HC Bandrélé – CH Combani

Journée 21 – 28 au 30 avril 2023

Doujani HC – TCO Mamoudzou

Moinatrindri HC – HC Select 976 ASC

– HC Passamaïnty

Journée 6 –
Tchanga Handball – Bandraboua HC HC Bandrélé – AJH Tsimkoura ASC Tsingoni – TCO Mamoudzou HC Acoua – CH Combani Journée 7 – 28 et 29 avril 2023 AJH Tsimkoura – Tchanga Handball TCO Mamoudzou – HC Acoua Bandraboua HC – HC Bandrélé CH Combani – ASC Tsingoni Equipe Pts J G N P Dif 1 CH Combani 13 5 4 0 1 +20 2 ASC Tsingoni 12 4 4 0 0 +54 3 HC Acoua 10 4 3 0 1 +11 4 Tchanga Handball 9 5 2 0 3 +2 5 HC Bandrélé 8 4 2 0 2 +7 6 TCO Mamoudzou 8 4 2 0 2 -11 7 AJH Tsimkoura 4 4 0 0 4 -20 8 Bandraboua HC 4 4 0 0 4 -63
Dimanche 23 avril
Journée 6 PC Bouéni 44–27 AC Chiconi Alakarabu Hand 24–31 Sohoa Handball Dimanche 23 avril : HC Labattoir – AJH Koungou Haima Sada – HC Kani Kél Journée 7 – 28 et 29 avril 2023 HC Kani Kéli – HC Labattoir Sohoa Handball – PC Bouéni Haima Sada – AJH Koungou AC Chiconi – Alakarabu Hand Equipe Pts J G N P Dif 1 Haima Sada 12 5 3 1 1 +37 2 HC Labattoir 12 4 4 0 0 +32 3 PC Bouéni 10 4 3 0 1 +8 4 Sohoa Handball 9 5 2 0 3 -16 5 HC Kani Kéli 7 4 1 1 2 +1 6 Alakarabu Hand 7 5 1 0 4 -8 7 AC Chiconi 6 4 1 0 3 -4 8 AJH Koungou 6 5 2 0 3 -50
Tsingoni
AJH Tsimkoura –
Bouéni CH Combani – HC Kani Kéli Haima Sada – HC Bandrélé Equipe Pts J G N P Dif 1 ASC Tsingoni 55 19 18 0 1 +284 2 HC Select 976 54 19 17 1 1 +231 3 CH Combani 49 19 15 0 4 +176 4 Haima Sada 42 19 11 1 7 +41 5 HC Bandrélé 41 19 10 2 7 +1 6 PC Bouéni 41 19 10 3 6 +23 7 HC Kani Kéli 37 19 8 2 9 -3 8 AJH Tsimkoura 34 18 7 2 9 -50 9 HC Passamaïnty 28 19 5 1 13 -92 10 Moinatrindri HC 22 18 3 0 15 -214 11 TCO Mamoudzou 21 19 2 0 17 -187 12 Doujani HC 20 19 1 0 18 -210 33 • Mayotte Hebdo • N°1041 • 28/04/20 23
PC

VENDREDI 28/04

KARAOKE

Le Moya, avec MAURO, infos au 0639 10 72 48

29/04

DIMANCHE 30/04

DECOUVERTE DU PAINTBALL avec MAYANA LOISIRS & SORTIES

Mise à dispo d’un bus, départ JUMBO, détente et buffet à volonté

SORTIES NATURALISTES

Bivouacs tortus à Saziley, infos : 0269 63 04 81

LAZIMA BAKI FURAHANI

Au Sympa, entrée libre, de 18h à 1h30, Dj SET

SORTIES NATURALISTES

Dziani bolé, Boucle à partir de Dzoumogné, infos : 0269 63 04 81

Bivouacs tortus à Saziley, infos : 0269 63 04 81

Marches d’Acoua et place de Mtsanga Fanou, infos : 0269 63 04 81

AFTER PLAGE – TOUS LES DIMANCHES

Chez KINA COMEAGAIN, cours de Kizomba, entrée libre, bar & restauration, infos : 0693 30 52 28

34 • Mayotte Hebdo • N°1041 • 28/04/20 23
SAMEDI
/ TOUNDA / AGENDA

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35 • Mayotte Hebdo • N°1041 • 28/04/20 23

MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE

Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros

7, rue Salamani

Cavani M’tsapéré

BP 60 - 97600 Mamoudzou

Tél. : 0269 61 20 04 redaction@somapresse.com

Directeur de la publication

Laurent Canavate canavate.laurent@somapresse.com

Directeur de la rédaction

Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com

Rédacteur en chef

Axel Nodinot

# 1041

Couverture : Wuambushu

La peur du chaos

Journalistes

Axel Nodinot

Raïnat Aliloiffa

Alexis Duclos

Saïd Issouf

Lucas Philippe

Agnès Jouanique

Direction artistique

Franco di Sangro

Graphistes/Maquettistes

Olivier Baron, Franco di Sangro

Commerciaux

Cédric Denaud, Murielle Turlan

Comptabilité

Catherine Chiggiato comptabilite@somapresse.com

Première parution

Vendredi 31 mars 2000

ISSN : 1288 - 1716

RCS : n° 9757/2000

N° de Siret : 024 061 970 000 18

N°CPPAP : 0125 Y 95067

Site internet www.mayottehebdo.com

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