Nouvelle réalité mondiale
Passer du droit de l’éducation au droit à l’éducation On n’associe pas spontanément droit et éducation. En effet, l’éducation est souvent perçue comme un domaine d’interaction humaine, où règne une certaine liberté, essentielle au processus d’apprentissage. Qui plus est, le droit ne fait pas partie des matières de l’enseignement de base : c’est une discipline postsecondaire. Et pourtant ! Par Pierre Larouche, vice-doyen au développement et à la qualité des programmes
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l y a du droit partout en éducation : l’organisation scolaire, collégiale et universitaire est réglementée de près, qu’il s’agisse des enseignants, des programmes, des établissements, des diplômes et bien sûr des élèves et des étudiants. Le droit de l’éducation, comme il convient de l’appeler, comprend plusieurs lois-cadres et de nombreux règlements d’application, assortis d’une vaste administration. Il attire également les praticiens et praticiennes. Plusieurs de nos finissants et finissantes y ont fait leur carrière, dont Paul Gérin-Lajoie, qui fut le premier ministre de « Malgré tout, le droit de l’Éducation du Québec moderne et, à ce titre, jeta les fondements l’éducation est considéré du droit de l’éducation au Québec. Malgré tout, le droit de l’éducomme une branche spécialisée cation est considéré comme une branche spécialisée du droit du droit administratif, et il ne administratif, et il ne reçoit que peu d’attention dans l’enseireçoit que peu d’attention dans gnement du droit. Comme pour d’autres domaines, la pandémie l’enseignement du droit. » risque de changer la donne, et elle le fera en remettant à l’avant-plan
non pas le droit de, mais le droit à l’éducation. En effet, alors que le système éducatif québécois, comme ailleurs en Occident, était bien établi et assez stable, la pandémie a remis à l’ordre du jour certaines questions qui avaient été négligées : Est-ce qu’une éducation offerte à distance, voire entièrement en ligne (et sans contact direct) mérite encore ce nom ? Lorsque la tenue d’examens devient difficile ou même impossible, peut-on quand même faire cheminer les élèves et les étudiants et étudiantes ? Que faire pour ceux et celles qui ne vivent pas dans des conditions qui permettent l’apprentissage à la maison ? Que faire face à la variabilité évidente des capacités de gérer la pandémie, d’un établissement scolaire à l’autre ? Sans aucun doute, ces questions finiront par être juridicisées, surtout si la pandémie perdure, et elles mettront en conflit le droit individuel à l’éducation face à la rationalité administrative qui sous-tend le droit de l’éducation. En tant qu’enseignant, je souhaite ardemment que la dimension humaine, qui donne toute sa valeur à l’enseignement, subsiste. En fin de compte, le droit pourrait se retrouver dans un rôle inattendu de protecteur d’un espace de liberté et d’échanges à l’intérieur duquel il reste plutôt effacé. ◆ Droit Montréal
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Automne 2020
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