PROFESSION
Obligation de retour des poids lourds
Une mesure pour rien ? Avec la publication mi-2020 du Paquet Mobilité, l’Europe a envoyé un signal clair de son implication dans la lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale dans le transport. La décision la plus frappante est l’obligation de retour des poids lourds. Pas sûr que cela puisse changer grand’chose…
On est encore loin d’un ‘level playing field’.
Le ‘Paquet Mobilité’ comprend trois volets : de nouvelles règles sur les temps de conduite et de repos, sur les licences et le cabotage et enfin en matière de détachement. Le deuxième volet implique notamment que le poids lourd doit retourner dans le pays d’immatriculation toutes les huit semaines. Aujourd’hui, les véhicules des pays à bas salaires – principalement des États membres d’Europe centrale et orientale – ne reviennent en pratique qu’une fois par an pour le contrôle technique. Cette mesure entrera en vigueur le 2 février 2022. Elle vise à lutter contre le dumping social, mais vise également un mouvement de relocalisation de l’Europe de l’Est vers l’Europe de l’Ouest. « Ce n’est pas le moyen le plus efficace de lutter contre le dumping social, mais c’est l’un des plus faciles à contrôler », explique Frederik Vanden Bogaerde, spécialiste des transports chez TL Advocaten. « Du point de vue de l’Europe de l’Est, c’est une mesure d’intimidation, qui suscite beaucoup de ressentiment chez les transporteurs 26
des pays périphériques comme la Lituanie, la Roumanie ou le Portugal ». Il donne l’exemple de la Roumanie. « On estime que 80.000 camions roumains circulent en Europe et ne reviennent en Roumanie qu’une fois par an. Pour les entreprises roumaines, l’obligation de retour représente donc un coût énorme, car il y a peu de marchandises à transporter entre l’Europe occidentale et ce pays ». Un certain nombre de pays (principalement d’Europe de l’Est) se sont tournés vers la Cour de Justice européenne pour contester cette obligation. Cependant, ils ont peu de chances de renverser la vapeur, estime Vanden Bogaerde. CONTRÔLES
Par le passé, les règles européennes restaient parfois lettre morte car insuffisamment contrôlées. Ce risque existe également avec l’obligation de retour du poids lourd. « Cela fait partie de la législation sur les licences. Le contrôle doit donc être effectué dans le pays qui délivre le permis.
Des pays comme la Roumanie ou la Bulgarie risquent d’être laxistes à ce sujet : si un transporteur perd sa licence, cela aura des conséquences pour l’emploi et l’économie », déclare-t-il. « Il y aura aussi des contrôles en Belgique. Mais comment les tribunaux vont-ils se positionner si des infractions sont constatées ? », nuance-t-il. C’est aussi la crainte de Roberto Parrillo, responsable de secteur pour CSC/ACV Transcom. « On se demande si les contrôles seront effectifs. Le premier volet du Paquet Mobilité, et le droit de
« L’obligation de retour fait l’objet de beaucoup d’attention, mais le vrai problème réside dans les règles de détachement. »