BERNARD MARNETTE
« Face au granite et à la glace, le grimpeur est de porcelaine ; face à une image de l’éternité, il est l’image même de la fragilité, et pourtant, là où il y a une volonté – non pas un entêtement mais une volonté – il y a un chemin, là où il y a une compréhension peut naître un grand bonheur secret : celui des horizons gagnés face aux grands espaces. » Gaston Rebuffat
Les horizons gagnés (Éd. Denoël 1981)
Dans le merveilleux paysage alpin où l’homme a bâti une partie de son destin, l’alpinisme a trouvé matière à tracer sa voie. Ces montagnes, axes du monde, piliers du ciel, ont toujours fasciné les hommes et attiré les alpinistes, tant par leurs hauteurs que par leurs formes. Si les premiers ascensionnistes attribuaient une importance majeure à l’altitude et à la magie des 4000, les alpinistes ont rapidement porté leur regard sur les cimes les plus altières et les plus acrobatiques, une fois débarrassé de cette
Patrick au départ de R4 page 28
obsession de l’altitude. La forme et l’élégance d’un sommet sont devenues, somme toute assez rapidement, des attraits majeurs pour le grimpeur. Ces sommets caractéristiques sont bien nombreux dans les Alpes. La toponymie nous le rappelle. On peut citer des noms génériques assez usuels comme Capucin, Aiguille, Campanile, Clocher, Lé, Dent, Tour… Si les toponymes évoquant l’aspect élancé sont les plus courants, d’autres mettent en valeur des formes différentes comme : le long rocher (Sasso lungo), la roche plate (Sasso piatto), la roche en forme de toit (Le Marteau) ou encore ceux aux formes arrondies (Roche Courbe, Chapeau de Napoléon…). Parmi ces toponymes, certains évoquent les roches trouées. On retrouve ces noms sur de nombreuses montagnes : en Vanoise (Aiguille percée), en Valais (Mont percé), dans les Aravis (Pointe percée) parfois avec des variantes : les Tunnels du Grand Ferrand, par exemple. On les retrouve même dans les Ardennes, notamment sous le terme wallon « Trowée di rotche ». Si certaines de ces montagnes caractéristiques sont bien connues, d’autres restent parfois plus discrètes et plus inaccessibles. C’est le cas de la Becca Crevaye, dans la spectaculaire chaine du Morion en Valpelline au cœur de la chaine Pennine. Ce sommet situé au nord du magnifique « Trident de Faudery » (un des plus beaux des Alpes selon
Bernard Marnette © 2021
Une vision de la Becca Crevaye