JA3121 du 1er février 2023 Objectif Niger

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Rébellion du M23, bras de fer avec Félix Tshisekedi, critiques de la communauté internationale, mais aussi longévité au pouvoir et présidentielle rwandaise de 2024… Entretien exclusif avec le chef de l’État.

www.jeuneafrique.com N0 3121 – FÉVRIER 2023 3’:HIKLTD=[U\^U^:?n@b@c@b@k";M 019363121F: 7,90 ERD RD CONGO LA DERNIÈRE LIGNE DROITE SPÉCIAL32 PAGES CAMEROUN Motaze, le neveu qui pourrait être roi CÔTE D’IVOIRE-MALI Les secrets d’une affaire d’État MAROC Nos amis à Washington
KAGAME
PAUL
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«Je n’accepte pas que le Rwanda soit le bouc émissaire des dirigeants congolais»

Marwane Ben Yahmed

Ouattara, Bédié, Gbagbo… Répétition générale avant 2025

L’année 2023 sera marquée par la tenue, aux mois d’octobre et de novembre, des élections locales, c’est-à-dire régionales et municipales, les dernières ayant eu lieu en octobre 2018, et le mandat des conseillers régionaux et municipaux étant de cinq ans. » Le 5 janvier, devant le corps diplomatique accrédité en Côte d’Ivoire rassemblé pour la cérémonie des vœux organisée à la présidence, le chef de l’État, Alassane Ouattara (ADO), a résumé en peu de mots le principal enjeu politique des douze mois à venir. Auquel on peut ajouter celui des sénatoriales, qui devraient se dérouler début 2024.

Année charnière donc, tant pour le parti au pouvoir que pour l’opposition, et dernier grand test électoral avant la présidentielle de 2025, à laquelle tout le monde pense déjà. De l’issue de ces scrutins réputés mineurs dépendra beaucoup plus qu’on ne peut l’imaginer

Ducôtéduprésident et de sa formation, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie

et la paix (RHDP), l’heure est à la grande offensive. Objectif : prendre de l’avance sur la concurrence et occuper le terrain le plus longtemps possible. Tous les barons du parti sont déjà mobilisés pour remporter qui les 201 communes qui les 31 régions du pays. Le Premier ministre, Patrick Achi, tentera de se faire réélire à la tête du conseil

le Cavally (Ouest), Kobenan Kouassi Adjoumani (Agriculture) le Gontougo (Nord-Est), Mamadou Touré (Promotion de la jeunesse) le Haut-Sassandra (CentreOuest), Bruno Koné (Logement) la Bagoué (Nord), Amédée Kouakou (Équipement) le Lôh-Djiboua (Centre)…

régional de la Mé (Sud-Ouest). Dans son sillage, plusieurs autres ministres seront candidats : Fidèle Sarrasoro (ministre directeur de cabinet d’ADO) brigue la région du Poro (Nord), Anne Désirée Ouloto (ministre de la Fonction publique)

Pour les municipales, idem. Adama Bictogo, le président de l’Assemblée nationale, se lance à l’assaut de la commune abidjanaise de Yopougon, réputée pro-Gbagbo, – pas franchement une sinécure. Kandia Camara, la ministre des Affaires étrangères, entend être reconduite à Abobo, ravie auparavant par feu Hamed Bakayoko. Amadou Koné (Transports) vise Bouaké, Souleymane Diarrassouba (Commerce) se lance sur les terres du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) à Yamoussoukro, et Laurent Bogui Tchagba (Eaux et Forêts) à Marcory. Sans oublier l’homme d’affaires proche du couple présidentiel, Fabrice Sawegnon, au Plateau, et le conseiller du chef de l’État Lacina Ouattara à Korhogo, ou

«
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 3
Ces derniers mois, ADO s’est évertué à pacifier le pays, politiquement comme socialement.
L’édito
@marwaneBY

encore son directeur du protocole

Éric Taba à Cocody

Depuis de longs mois maintenant, Alassane Ouattara s’attelle à mettre en place un parti fort, stable et incontestable, qui ne laisserait que des miettes à son opposition. « Le président a repris personnellement et très directement les rênes du RHDP, a consacré l’essentiel de son énergie à constituer méticuleusement ce puzzle, pièce par pièce, explique un de ses visiteurs du soir Cela a commencé par la tête, le directoire, puis les candidatures sur les listes aux élections locales et régionales. Il a tout supervisé, a mis la main à la pâte pour arbitrer, expliquer, calmer les déçus. »

Cette implication est à la fois voulue et subie. Car, autour de lui, il n’y a plus les pivots d’antan. Ses deux plus proches collaborateurs sur le plan politique, au Rassemblement des républicains (RDR) hier, puis au RHDP aujourd’hui, Amadou Gon Coulibaly et Hamed Bakayoko, ne sont plus de ce monde et ont laissé un vide immense. Et si Gilbert Koné Kafana, ministre d’État et numéro deux du RHDP, a pris du galon, si ADO a nommé, en la personne de l’ancien gouverneur de la Beceao Tiémoko Meyliet Koné, un viceprésident pour remplacer Daniel Kablan Duncan, et si, enfin, Patrick Achi donne entière satisfaction à la tête du gouvernement, rien ne sera plus comme avant. On ne remplace pas le « Lion de Korhogo » et « Hambak » facilement…

Au sein du parti, tout le monde sait qu’il a intérêt à répondre aux attentes du chef de l’État, que ce dernier observe méticuleusement les performances des uns et des autres et que cela influera sur l’échéance présidentielle de 2025, qu’il décide de rempiler ou de désigner un successeur – ou plutôt une équipe amenée à prendre sa suite, tant l’ampleur de la tâche semble insurmontable pour un seul homme Malheur à celui ou à celle qui ne gagnera pas son élection.

Ducôtédel’opposition, la situation est moins claire. Dans les

rangs du PDCI d’Henri Konan Bédié (HKB), d’abord. Après l’ubuesque annulation du congrès extraordinaire qui devait se dérouler le 14 décembre, une semaine seulement avant l’événement, et les communiqués contradictoires annonçant ou infirmant son report dans la même journée, c’est peu dire que le flou artistique règne Ce congrès, dont personne ne sait précisément quand il se tiendra, devait surtout servir à mettre les textes du parti en conformité avec ses règlements et à asseoir la légitimité du « Sphinx de Daoukro ».

Depuis la présidentielle de 2020, boycottée par l’ensemble de l’opposition, le parti dirigé par Henri Konan Bédié est en proie à des luttes intestines, entre rivalités de personnes – notamment Maurice Kakou Guikaoué et Niamien N’Goran, tous deux très proches de HKB – et désaccords sur la stratégie à adopter en vue des prochaines échéances électorales : les locales de 2023 et, surtout, la présidentielle de 2025.

bien-être des Ivoiriens, proposer des idées nouvelles, parvenir à nous déployer dans tout le pays, ce qui n’est plus le cas. Bref, il ne s’agit pas de faire renaître notre parti, mais de le réinventer! » Une gageure, tant le débat se cristallise aujourd’hui sur les personnes, et non sur le fond. Quant à la question de la succession de Bédié, elle n’est toujours pas d’actualité.

ChezLaurentGbagbo, l’heure n’est guère plus à la sérénité. Un peu plus d’un an après le lancement du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), le souffle porteur du renouveau et de l’ambition de l’époque est quelque peu retombé. Depuis son retour à Abidjan le 17 juin 2021 – quelques mois après son acquittement définitif par la Cour pénale internationale (CPI) où il était jugé pour crimes contre l’humanité –, et alors que de très nombreux militants en transe l’avaient accueilli à l’aéroport, Laurent Gbagbo a fait beaucoup moins de sorties publiques qu’escompté On ne l’entend guère, on le voit encore moins. De nombreux cadres, qui ont œuvré à son retour, se plaignent de la difficulté à trouver leur place, que ce soit dans le parti ou auprès de l’ancien président qu’ils disent corseté par sa seconde épouse, Nady Bamba, et son entourage.

« Tout cela est le signe d’une fin de cycle, explique un de ses cadres influents. Bédié a repris en main le parti qui a longtemps été géré au quotidien par d’autres Mais il ne peut aller plus loin. Contrairement à ce que certains pensent, il se préoccupe de l’avenir. Sans doute compte-t-il présenter un autre candidat que lui en 2025 tout en restant le patron du PDCI. Ce peut être Jean-Louis Billon, Tidjane Thiam, Niamien N’Goran ou un autre : peu importe, car notre principal défi n’est pas là. Nous devons retrouver nos racines, c’està-dire enfin nous préoccuper du

Le positionnement idéologique, lui, n’est plus très clair Le champ de compétences des différentes structures mises en place non plus : Assoa Adou, un vieux de la vieille de l’entourage du « camarade Laurent », a été nommé président du mystérieux Conseil stratégique et politique (CSP), épaulé par Sébastien Dano Djédjé et le porte-parole du parti, Justin Koné Katinan. Il semble marcher sur les plates-bandes de la direction exécutive confiée à Hubert Oulaye, qui serait elle-même parfois en conflit avec le secrétariat général, attribué à Damana Pickass.

Pas simple, d’autant que la concurrence directe, à force de scissions, joue son va-tout. Simone Gbagbo a lancé son propre parti, le Mouvement des générations capables (MGC); Pascal Affi

JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 4 L’ÉDITO
Après l’annulation ubuesque du congrès extraordinaire, c’est plus que jamais le grand flou au PDCI.
COMMUNIQUÉ

N’Guessan, qui a récupéré depuis longtemps déjà le Front populaire ivoirien (FPI), creuse son sillon de son côté; et Charles Blé Goudé, de retour lui aussi en Côte d’Ivoire, a rompu avec son ancien mentor et compagnon de prison aux Pays-Bas. Gbagbo, dont on dit la santé fragile, n’est-il plus que l’ombre du leader

socialement : le retour de Gbagbo et son amnistie, celui de Blé Goudé, la réforme de la Commission électorale indépendante, la hausse des salaires des fonctionnaires et du salaire minimum garanti, le recrutement de 25000 agents publics en 2023, la maîtrise de l’inflation malgré le coût énorme pour le budget de l’État, qui augmentera tout de même de près de 20 % cette année… Fort heureusement, malgré une conjoncture mondiale particulièrement délicate, la Côte d’Ivoire devrait maintenir un rythme de croissance enviable, autour de 7 % en moyenne sur la période 2023-2025 De quoi le rassurer?

Humour et sagesse

Pour réfléchir ou sourire, chaque mois, notre sélection des citations les plus marquantes, les plus intelligentes ou les plus drôles.

L’honneur appartient à ceux qui jamais ne s’éloignent de la vérité, ceux qui ne se laissent jamais décourager par les insultes, l’humiliation ou même la défaite.

Nelson Mandela

charismatique et du tribun hors pair qu’il fut naguère ? Pour l’instant, difficile de dire le contraire. Il n’en demeure pas moins un animal politique rare qu’il convient de ne pas « enterrer ». Tout comme Bédié d’ailleurs, dont les silences sont loin de signifier perte d’influence ou absence de stratégie.

Ouattara, Bédié, Gbagbo… La Côte d’Ivoire se résume-t-elle encore et toujours à ces trois-là? Pour l’instant, oui. Et le premier cité, en position de force, demeure le maître du jeu, et du temps. Il a aujourd’hui toutes les cartes en main pour 2025. Que fera-t-il lors de cette échéance?

Personne ne le sait, et l’intéressé lui-même n’a sans doute pas encore pris sa décision. « Il n’a à l’évidence pas encore fait son choix, ni de se représenter coûte que coûte ni de passer la main, confirme un de ses très proches. Même si c’était le cas, il ne s’en ouvrirait d’ailleurs à personne, histoire de garder tout le monde “focus”. Mais il est très préoccupé. Par le contexte régional d’abord, mais aussi par la stabilité de la Côte d’Ivoire. Les séquelles de 2020

le retour de l’ivoirité et le fait que les Dioulas ont tendance à se braquer – l’inquiètent au plus haut point. »

De fait, ADO s’est évertué ces derniers mois à pacifier le pays, politiquement comme

« Ne vous y trompez pas, poursuit notre source, Alassane Ouattara voulait réellement partir en 2020, et il est tout à fait capable de le faire en 2025. Ce sont les circonstances qui dicteront son choix S’il pense que, par devoir, il doit rempiler, il n’hésitera pas une seconde. Il se fiche désormais de son image, largement écornée en 2020 alors qu’il ne le méritait pas, ce qu’il a très mal vécu. Mais s’il trouve une solution convenable pour s’en aller, il le fera aussi, sans hésitation C’est d’ailleurs pour cela qu’il veut un RHDP fort et stable, afin que le choix d’un éventuel candidat puisse se faire sans heurts.

La différence, aujourd’hui, c’est que Gon Coulibaly et, dans une moindre mesure, Bakayoko, ne sont plus là. Ceux sur qui il s’appuie le plus pour gérer l’État – Patrick Achi, Tiémoko Meyliet Koné, Fidèle Sarrasoro, Abdou Cissé ou son frère Ibrahim – ne sont pas des monstres sacrés du parti. Personne ne s’impose politiquement comme les deux anciens Premiers ministres. Quant à ceux qui s’imaginent pouvoir prendre sa suite, ils devront prouver qu’ils en ont l’étoffe, le convaincre et le rassurer, ce qui ne sera pas une mince affaire tant l’homme construit ses relations et accorde sa confiance sur la durée. » Il faut un début à tout. Et cela commence par une victoire aux élections d’octobre et de novembre prochains.

Ne contredis jamais un con. Si tu attends un peu, il le fera de lui-même

Pablo Picasso

Paulo Coello

Je ne veux pas de béni-oui-oui autour de moi. Je veux que chacun de mes collaborateurs me dise franchement ce qu’il pense même si je dois le foutre à la porte.

J’imagine que l’une des rares raisons pour lesquelles les gens s’accrochent à leur haine, c’est parce qu’ils sentent qu’une fois que la haine aura disparu, ils seront obligés de faire face à la douleur.

Inutile de programmer sa vie dans les moindres détails, le destin aura toujours le dernier mot.

Ligeor Nsongola

Le bonheur n’est pas d’avoir tout ce qu’on désire mais d’apprécier ce que l’on a.
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 5 L’ÉDITO
Gbagbo, dont on dit la santé fragile, n’est-il plus que l’ombre du leader charismatique qu’il fut naguère?

OBJECTIF NIGER

JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 70 UN PAYS, SES DÉFIS
Le chef de l’État nigérien lors de son arrivée à la 27e Conférence mondiale de l’ONU sur le climat (COP27), le 7 novembre 2022, à Charm el-Cheikh, en Égypte.

Bazoum face au casse-tête sahélien

Critique à l’égard de ses voisins maliens, préoccupé par la transition burkinabè, opposé à l’idée d’une rupture avec la France, le dernier président civil des pays du G5 Sahel fait figure d’exception dans la région.

Dans les sommets de l’Union africaine (UA), la photographie des chefs d’État fait partie du rituel. On attend les retardataires, on échange quelques banalités, puis on se place, par ordre d’importance Chacun connaît son rang, comme à Niamey ce 25 novembre 2022, à l’occasion du rendez-vous consacré à l’industrialisation et à la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Mohamed Bazoum, qui accueille ses pairs, trône au centre. Le président nigérien est encadré du Mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani et du Rwandais Paul Kagame

Non loin, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, est lui aussi en bonne place, mais à distance respectable d’un autre Tchadien, le général Mahamat Idriss Déby Itno. Les deux hommes sont en délicatesse

– un euphémisme – depuis le décès d’Idriss Déby Itno, en avril 2021, et l’arrivée au pouvoir de son fils. Dans le hall du centre de conférences Mahatma- Gandhi de Niamey, aucune trace, en revanche, des chefs des transitions malienne et burkinabè. Assimi Goïta et Ibrahim Traoré n’ont pas fait le court voyage. Et pour cause, les deux hommes sont persona non grata. Non désirés.

La relation entre Niamey et Bamako est aujourd’hui exécrable

ENJEUX
LU DOVIC MARIN/AFP
« Nous sommes dans une phase d’attente.
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 71
Nous subissons les aléas des putschs, qui sont un frein à une bonne collaboration.»

Déjà en froid avec la junte dirigée par Assimi Goïta, Mohamed Bazoum n’a pas oublié la diatribe lancée à son encontre le 24 septembre dernier par le Premier ministre malien par intérim, Abdoulaye Maïga, à la tribune des Nations unies. Dans un discours d’une rare violence, ce dernier avait notamment qualifié le président d’« étranger qui se réclame du Niger », réactivant au passage la polémique au sujet de la nationalité du chef de l’État nigérien. « C’est quelque chose qu’il n’a pas oublié. Cela rend les relations avec Bamako d’autant plus compliquées », assure un conseiller du président Bazoum.

Fossé entre Bamako et Niamey

Les relations seraient plus inexistantes que « compliquées ». Ces derniers mois, la coopération militaire est en effet à l’arrêt, alors même que le Niger réclame que son armée puisse pénétrer occasionnellement en territoire malien afin d’y poursuivre les groupes jihadistes. « Nous ne pouvons pas rétablir la sécurité sur notre territoire si les terroristes ont la possibilité de se replier au Mali sans être inquiétés », déplore Kalla Moutari, ancien ministre de la Défense. « L’armée malienne ne contrôle pas son côté de la frontière et elle nous empêche de poursuivre nos opérations. Cela rend une partie de notre action inopérante », ajoute une source sécuritaire.

« Il y a des années que le fossé se creuse entre Bamako et Niamey, même si l’entente entre Mahamadou Issoufou et Ibrahim Boubacar Keïta cachait le problème, explique encore l’ex-ministre Kalla Moutari. Beaucoup de gradés maliens ont développé un ressentiment à l’encontre de la France, qui ne leur accordait, selon eux, pas assez d’aides financières. Et ce sentiment s’est étendu au Niger » En 2019, la nomination à la primature malienne de Boubou Cissé, proche des Français et des Nigériens, aurait achevé de faire monter la tension.

« Ce que rejettent les putschistes maliens, c’est aussi l’axe ParisNiamey », résume une source diplomatique ouest-africaine

La relation avec le Burkina Faso est-elle plus prometteuse ? Si la

coopération n’est actuellement pas beaucoup plus efficace, l’heure n’est pas (encore) à la rupture. Mais les inquiétudes sont bien présentes, quelques mois après l’arrivée au pouvoir à Ouagadougou d’Ibrahim Traoré et le renversement de Paul-Henri Sandaogo Damiba, avec lequel Mohamed Bazoum avait tenté de nouer de bonnes relations « Nous sommes dans une phase d’attente, explique notre source sécuritaire. Nous subissons les aléas des putschs, qui sont un frein à une bonne collaboration. »

« Ce que Bazoum redoute – et les Français avec lui –, c’est l’établissement d’une relation privilégiée entre Assimi Goïta et Ibrahim Traoré, avec les Russes de Wagner en arrière-plan », confirme notre diplomate. Les premiers pas du capitaine Ibrahim Traoré à la tête de la transition burkinabè sont en effet particulièrement scrutés depuis les capitales sahéliennes et jusqu’à Nouakchott, d’où Mohamed

l’année 2023, au plus tôt. Mais certains de ses contours sont d’ores et déjà connus. Mohamed Bazoum a en effet fermé la porte à un déploiement massif de soldats étrangers sur son sol, autant qu’à la construction à grande échelle de bases En revanche, il a fait de la rapidité d’intervention au plus près des zones frontalières, de la reconnaissance aérienne et du partage du renseignement les principaux points à améliorer. « Ces besoins existaient déjà sous Mahamadou Issoufou, mais les Nigériens n’avaient pas obtenu gain de cause. Mohamed Bazoum est peut-être davantage en position de force », affirme un ambassadeur à Niamey.

Tirer profit de Paris…

« C’est au Niger de piloter », met cependant en garde un conseiller du président nigérien. « Il doit à tout prix éviter d’apparaître dépendant de Paris. Aujourd’hui, tout le monde paie les erreurs et l’arrogance d’Emmanuel Macron, comme lorsqu’il avait “convoqué” les chefs du G5 Sahel à Pau », explique un ancien membre du gouvernement qui estime que les faux pas du président français ont « réduit à néant le capital de la France au Sahel ». « Aujourd’hui, si quelqu’un voit un accident de la route à Niamey, il est capable de dire que c’est la faute des Français… », résume Ali Idrissa, cadre de la société civile

Ould Cheikh El Ghazouani tente, en temps qu’actuel président de l’organisation, de relancer un G5 Sahel en état de coma profond depuis le retrait du Mali, en mai 2022.

Dernier chef d’État civil du Sahel – où Ghazouani, Goïta, Traoré et Déby Itno sont issus des rangs de l’armée –, Bazoum peut-il résoudre le casse-tête sahélien ? Il a en tout cas misé sur une stratégie d’alliance militaire avec la France et a accepté d’accueillir au Niger une partie des ex-moyens militaires de l’opération Barkhane, qui a pris fin au début du mois de novembre dernier. Ce dispositif à venir est encore au cœur des discussions entre les états-majors français et nigérien, et ne devrait pas être opérationnel avant le milieu de

S’il est moins fort qu’à Ouagadougou ou à Bamako, le rejet de l’ex-colon n’a en effet pas épargné Niamey, où une partie de l’opposition n’hésite pas à s’en saisir Au point d’anéantir la stratégie de Mohamed Bazoum, décidé à s’ériger en patron d’une coopération régionale à consonance française ? Le président considère que le sentiment antifrançais est marginal dans l’opinion nigérienne. Mais il ne le surveille pas moins comme le lait sur le feu et ne se prive pas de nouer d’autres partenariats, comme avec la Turquie « L’idée, c’est de tirer profit de Paris sans avoir à en payer les conséquences, glisse l’un de ses proches. Il faut faire de la politique pour gagner une guerre. »

JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 72 OBJECTIF NIGER
Le président redoute qu’une relation privilégiée ne se noue entre Assimi Goïta et Ibrahim Traoré, avec les Russes de Wagner en arrière-plan.

Édito François Soudan

Il faut aider le soldat Bazoum

Réunir un sommet au Niger, comme l’a fait à la fin d’octobre l’Union africaine autour du thème de l’industrialisation et de la diversification économique en Afrique, a au moins un avantage : on est sûr de cocher toutes les cases du politiquement correct. Après tout, les capitales du continent où l’on peut parler de bonne gouvernance et du rôle de la démocratie dans le développement, sans être aussitôt placé en contradiction avec les mauvaises pratiques en la matière du pays hôte, ne sont pas si nombreuses. Une image flatteuse qui a largement contribué au succès de la table ronde sur les investissements organisée au début de décembre dernier à Paris

Et qui a valu à Mohamed Bazoum d’être, quelques jours plus tard, l’un des chefs d’État les plus écoutés au sommet USA-Afrique de Washington.

Produit d’un défi audacieux

Deux ans (ou presque) après une alternance exemplaire sur fond de respect de la Constitution, le Niger a su se préserver de la contagion prétorienne qui s’est emparée de ses voisins du Sahel, et son président est un homme aux côtés duquel les dirigeants occidentaux trouvent bénéfice à se faire photographier – au risque de rendre jaloux quelques-uns de ses pairs

moins « bankable ». De Bruxelles à Washington en passant par Paris, le mot d’ordre est clair : il faut aider le soldat Bazoum.

Mohamed Bazoum, 63 ans le 1er janvier, est tout sauf un chef d’État naïf. Il sait que, quand les Occidentaux vous applaudissent, ce n’est pas toujours sans risque, et il a appris à se méfier des baisers de Judas qui vous désignent à la vindicte de vos ennemis, qu’ils soient jihadistes, putschistes ou agitateurs alimentaires des réseaux sociaux.

Il le sait d’autant mieux qu’il est le produit d’un défi particulièrement audacieux, relevé par son prédécesseur, Mahamadou Issoufou : faire du ressortissant d’une minorité originaire du sud de la Libye, mais nigérien de naissance, de cœur et de culture, le chef d’un État composite et fragile. Parier sur la tolérance, l’intelligence et la modernité plutôt que sur le repli identitaire, l’exclusion ethnique et le populisme xénophobe, il fallait oser

À cet égard, les propos inadmissibles prononcés à la tribune de l’ONU le 24 septembre dernier par le Premier ministre malien, Abdoulaye Maïga, à l’encontre du président Bazoum – qualifié d’« étranger qui se réclame du Niger » – ont beaucoup plus desservi leur auteur que leur cible. En creux est apparu ce jour-là ce qu’est le Mali d’aujourd’hui et que le Niger ne veut surtout pas être : un pays isolé, fracturé, en pleine dérive autoritaire, où le masque du souverainisme ne parvient plus à cacher le profond malaise identitaire et la perte de contrôle de pans entiers du territoire national.

Devoir d’exemplarité

Il est donc important, pour le progrès de l’Afrique, que l’expérience nigérienne tienne, perdure et réussisse. Mohamed Bazoum ne l’ignore pas : sa gouvernance se doit d’être exemplaire, et on ne lui passera aucun des défauts que l’on tolère chez ses pairs.

Il n’ignore pas non plus que les 25 millions de Nigériens ne le jugeront pas sur la foi des satisfecit des bailleurs de fonds, mais sur ce qu’il aura concrètement fait pour améliorer leur quotidien, lutter contre la pauvreté et libérer leurs énergies. En l’élisant le 21 février 2021, ils lui ont offert un chèque en blanc. À lui de le remplir.

JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 75 OBJECTIF NIGER
Parier sur la tolérance, l’intelligence et la modernité, il fallait oser.

Un Premier ministre très discret…

Ami d’enfance de Mahamadou Issoufou, figure centrale du parti au pouvoir et désormais chef du gouvernement de Mohamed Bazoum, Ouhoumoudou Mahamadou est un homme de dossiers à la prudence proverbiale. Portrait.

En ce début d’année 1991, un véhicule tout-terrain remonte la route cabossée reliant Niamey, la capitale, à Tahoua, ville située à plus de 500 kilomètres au nord-est. Au volant, Kalla Moutari, futur ministre de la Défense, n’a pas encore goûté au pouvoir. Quelques mois plus tôt, le 23 décembre 1990, il a participé à la fondation du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), la nouvelle formation d’opposition construite autour de Mohamed Bazoum et, surtout, de Mahamadou Issoufou Kalla Moutari est plus proche du premier, les deux hommes ayant partagé un engagement dans le syndicalisme enseignant et des études de philosophie. Son passager du jour, en revanche, est déjà un intime du second.

Ouhoumoudou Mahamadou n’a alors rien d’un agitateur Directeur généraldepuisquatreansdelaSociété nigérienne de charbon (Sonichar), qui exploite la mine d’Anou-Araren, aux portes d’Agadez, il est cadre de l’administration, qu’il a intégrée à l’âge de 25 ans, en 1979, après des études en sciences économiques, gestion et comptabilité au Togo, en France et aux États-Unis. Dans le Niger du président Ali Saïbou, qui a succédé en 1987 à Seyni Kountché, Ouhoumoudou Mahamadou fait partiedel’élite.Commeunautrehaut fonctionnaire,MahamadouIssoufou, alorsdirecteurtechniquedelaSociété des mines de l’Aïr (Somaïr).

Les deux hommes se connaissent parfaitement.Enfants,ilsontpartagé

les mêmes bancs d’école près de Tahoua et tissé des liens fraternels. Ils ont grandi ensemble et développé, avec plus ou moins de virulence, des idées proches du socialisme, tout en gravissant les échelons de l’administration. Alors, en 1990, lorsque Mahamadou Issoufou met la dernière pierre à la fondation du PNDS, Ouhoumoudou Mahamadou, l’acolyte discret, est à son côté Début 1991, sur le siège passager du véhicule de Kalla Moutari, il prend donc la route pour faire la promotion, à Tahoua, de la nouvelle formationpolitique Lefonctionnaire de Tahoua n’est pas un orateur hors pair. Il n’est sans doute pas destiné à

actions. » Toutefois, comme Bazoum – qui prend alors la tête du secrétariat d’État aux Affaires étrangères –, le directeur de la Sonichar entre au gouvernement de transition d’AmadouCheiffouen1991 Logiquement,il hérite du portefeuille des Mines, qu’il conserve pendant deux ans, jusqu’à l’électiondeMahamaneOusmaneàla présidence. Si Mahamadou Issoufou, patron du PNDS, est alors choisi pour la primature, cette fois, son vieil ami n’intègre pas le gouvernement.

De Tahoua à Ouaga

Ce passionné de lutte traditionnelle et de jeux de société poursuit sa carrière à l’étranger, loin de l’agitation politique de Niamey, où le PNDS, Mahamadou Issoufou et Mohamed Bazoum travaillent activement à la conquête du pouvoir, grignotant des sièges à l’Assemblée nationale, élection après élection.

occuper le premier plan. Mais il fait sa part du travail, en bon militant. « Il n’était pas très visible, notamment pendant la Conférence nationale de 1991, se souvient un compagnon de l’époque. Mohamed Bazoum a alors beaucoup fait parler de lui pour le PNDS. Ouhoumoudou Mahamadou était en revanche beaucoup plus discret, sans doute parce que son statut de haut fonctionnaire limitait ses

Au Burkina Faso, Ouhoumoudou Mahamadou devient secrétaire exécutif adjoint de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) – chargé de l’administration et des finances –, puis il travaille comme représentant régional pour l’Afrique de l’Ouest de l’ONG LutheranWorldRelief.Lorsdesoirées à Ouagadougou, le fils de Tahoua sort volontiers avec des amis burkinabè et avec d’autres expatriés nigériens. Mais, même dans les maquis de la ville, où il se mêle aux conversations, il ne se livre jamais. « C’est sa nature. Vous pouvez passer des années avec luisansvraimentleconnaître »,confie l’undesespartenairesdel’époque.

MATHIEU OLIVIER
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 76 OBJECTIF NIGER
« Il réfléchit tellement qu’il semble immobile, à l’inverse du président. Peut-être que l’idée était de former un duo complémentaire.»

CONTRIBUER

AU

DÉVELOPPEMENT

DES SECTEURS DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DE LA POSTE AU NIGER

L’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et de la Poste (ARCEP), est uneAutorité Administrative indépendante, rattachée au Cabinet du Premier Ministre, créée par la loi 2018-47 du 12 juillet 2018.

Les principales missions de l’ARCEP sont :

✔ Veiller àl’application stricte des textes législatifs et réglementaires, au respect des conventions, des termes des licences, des autorisations et des déclarations y afférents dans des conditions objectives, transparentes et non-discriminatoires ;

✔ Protéger les intérêts de l’État, des utilisateurs et des opérateurs, en prenant toute mesure propre àgarantir l’exercice d’une concurrence saine et loyale, conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur ;

✔ Promouvoir le développement des secteurs concernés en veillant, notamment àleur équilibre économique

et financier et en procédant au besoin àuncontrôle technique, comptable et financier des entreprises des secteurs régulés ;

✔ Mettre en œuvre les mécanismes de consultation des utilisateurs et des opérateurs tels que prévus par les lois et règlements en vigueur ;

✔ Collecter les ressources financières devant alimenter le fonds d’accès universel ;

✔ Veiller au respect des exigences essentielles notamment les normes environnementales et sanitaires en matière de communications électroniques et de la poste.

Mme BETY Aichatou HabibouOumani Présidente du Conseil National de Régulation des Communications Électroniques et de la Poste
JAMG -P HOTOS :D .R.
M. Hassane Hachimou Directeur Général
COMMUNIQUÉ ARCEP,derrière Commune Niamey 2, BP 13179, Tél. :(+227) 20 73 90 08/11 Email :arcep@arcep.ne www.arcep.ne SUTTHIPHONG -S TOCK.ADOBE.COM

En 2011, le voilà de retour à Niamey, à la faveur de la victoire de Mahamadou Issoufou à la présidentielle. Malgré la distance, il est resté très proche de son ami d’enfance. Quand Issoufou forme son premier gouvernement, il choisit alors le Touareg Brigi Rafini comme Premier ministre et Ouhoumoudou Mahamadou pour ministre des Finances. « Mahamadou avait déjà une longue expérience de l’administration nigérienne, comme des dossiers et des enjeux régionaux C’était un candidat idéal, résume un ancien ministre. Cela permettait aussi au président Issoufou de garder un œil, voire les deux, sur les Finances. Il savait qu’il pouvait lui faire confiance à 100 %. » L’aventure ne dure guère. Dès 2012, les camps de Mahamadou

Issoufou et de Hama Amadou, alliés de circonstance au second tour de la présidentielle de 2011, s’affrontent autour d’une affaire d’attribution de marchés publics par le ministère des Transports à l’entourage d’un député du PNDS. Les hommes du président del’Assembléenationale fontmonter la pression sur le parti au pouvoir

La situation devient rapidement intenable Issoufou est contraint de lâcher du lest. Mahamadou, comptable des marchés publics en sa qualité de ministre des Finances, accepte de démissionner en avril. « Le président a été contraint de le mettre au placard pour calmer l’opinion et l’opposition », raconte un député du PNDS. Mais le « placard » est doré. Le fidèle bras droit est aussitôt nommé directeur général de la Banque

internationale pour l’Afrique (BIA), l’un des principaux établissements bancaires du pays. Mahamadou quitte une nouvelle fois le devant de la scène politique Ce n’est que partie remise : quatre ans plus tard, alors qu’Issoufou obtient un second mandat, le banquier devient directeur de cabinet du président.

Incontournable

Le voici cette fois, très officiellement, premier collaborateur du patron. Il l’accompagne dans tous ses déplacements, le conseille pour chacune de sesréunions.Réputéredoutablepour synthétiser les dossiers, il devient incontournable au palais. « C’était l’ombre d’Issoufou. Tout passait par lui »,sesouvientunministre.« Leseul problème, c’est qu’il est lent comme un éléphant! » confie en souriant un autre « ex- » du gouvernement, qui avoue avoir été plus d’une fois agacé. Cette « prudence » est-elle la clé de son actuelle réussite politique?

En avril 2021, alors qu’Issoufou passelamainàBazoum,Mahamadou estcettefoisnomméPremierministre, à 66 ans. « Le président Bazoum est quelqu’un de très énergique, qui a même parfois tendance à se précipiter, notamment dans sa communication. Le Premier ministre est tout l’inverse. Il réfléchit tellement qu’il donne l’impression d’être immobile. Peut-être que l’idée était de former un duo complémentaire », explique un conseiller du chef de l’État.

« Je pense que la réponse est aussi à chercher au sein du PNDS », confie un député du parti. La formation socialiste repose en effet toujours sur une alliance entre Mahamadou Issoufou et Mohamed Bazoum, qui, encore aujourd’hui, se parlent quasi quotidiennement. « L’ancien président a favorisé la nomination de son ex-bras droit, dont il est resté très proche », poursuit le même député.

« La raison est aussi électorale. Le poste de Premier ministre devait revenir à un ressortissant de Tahoua, le fief d’Issoufou et le principal réservoir de voix du PNDS », assure un proche du palais. Qui conclut :

« Pour Mohamed Bazoum, Tahoua est indispensable s’il veut être réélu. Et Ouhoumoudou Mahamadou est l’une des clés de la région. »

VINCENT FO URNIER/JA
Ouhoumoudou Mahamadou, à Niamey
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 78 OBJECTIF NIGER

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Omar Tchiana, l’homme qui voulait rompre la trêve

Alors que la politique de la main tendue pratiquée par le nouveau président séduit une grande partie de l’opposition, l’ancien ministre de Mahamadou Issoufou apparaît aujourd’hui comme le plus farouche adversaire de Mohamed Bazoum.

MATHIEU OLIVIER

Il est député et président de l’Alliance des mouvements pour l’émergence du Niger (Amen-Amin).

Ce 29 octobre, à l’Assemblée nationale, l’homme aux fines lunettes et au couvre-chef bleu se sent à nouveau bien seul. Le gouvernement d’Ouhoumoudou Mahamadou vient de faire voter par les députés la reconduction des mesures d’état d’urgence Arguant de la menace terroriste et de la déstabilisation des voisins maliens et burkinabè, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), au pouvoir, largement majoritaire dans l’hémicycle, n’a eu aucun mal à obtenir ce résultat.

Mieux, il a pu compter sur le soutien des députés d’opposition du Mouvement démocratique nigérien pourunefédérationafricaine(Moden Fa Lumana). Les hommes de l’ancien Premier ministre Hama Amadou ont en effet approuvé sans véritablement sourcillerlapropositiondugouvernement, qui n’en avait même pas besoin pour parvenir à ses fins. La consigne avait été officiellement passée par la direction du parti pour accorder, une dernière fois, « le bénéfice du doute » à Mohamed Bazoum et à ses équipes Omar Hamidou Tchiana, l’un des deux seuls députés de l’Alliance des

mouvements pour l’émergence du Niger (Amen-Amin), dont il est le président, est donc l’un des rares à avoir voté « non ». À la sortie de l’hémicycle, il ne peut cacher son mécontentementfaceauxcaméraset aux micros des médias. « L’état d’urgenceestlapreuvedel’échecpolitique et sécuritaire du PNDS », s’agace l’ancienministre,enréalitéplusremonté contre ses pairs de l’opposition que contrelegouvernement « LeLumana estauxabonnésabsents »,déplore-t-il lorsque, quelques jours après cette séance à l’Assemblée, il reçoit Jeune Afrique au siège de son parti,

DA VID AZRIA
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 80 OBJECTIF NIGER

MINISTÈRE DU PLAN

Entretien avec Monsieur Rabiou Abdou, Ministre du Plan de la République du Niger

Quelleappréciationportez-vous sur les résultats de la TableRonde ?

La TableRonde desInvestisseurs et Partenairesau Développement du Niger, placée sous la présidence de Son ExcellenceMonsieur Mohamed Bazoum, Président de la République, Chef de l’État aété organisée par le GouvernementdelaRépublique du Niger, les 5et6décembre2022àParis en partenariatavec la BanqueMondiale,leSystème desNations Unies,la Délégation de l’Union Européenne et avecl’appuides autres partenairestechniqueset financiers bilatéraux et multilatéraux du Niger.

La TableRondeaenregistré la participationdeplus de 1300 invitésdehaut rang, provenant de 40 institutionsetagences de développement,originaires de 23 pays.Al’issuedecette réunion,les participants ont adhéré au Plan de Développement Économique Social (PDES) 2022-2026 en tant quecadre de référencedeleur appuià la politiqueéconomique, financière et socialeduNiger.Ils ontencouragé le Gouvernementdans lapoursuite des efforts en matière d‘investissementetderéformesdansles domaines prioritaires du PDES.

Àtitrederappel, le besoin en financementprésenté àlaTable Rondesechiffraità19427,6 milliards (Mds) de FCFA (29,6 Mds €), dont 45 %assurés par l’État. Grâce àl’implication personnelleduChef de l’Étatet àlamobilisation de l’ensembleduGouvernement,

lestravauxdelaréunion se sont soldéspar desannoncesdecontributionsde14891,2 MdsdeFCFA (22,7Mds €) pourles PTF institutionnels pour un montant attendu de 6742,3 MdsdeFCFA(10,3 Mds€), soituntauxdecouverture de 221 %.

Et encequi concerne lesinvestissements ?

Le Forumdes Investisseursamis en avant lesopportunités d’investissement qu’offre notre pays dans les mines, les hydrocarbures (pétroleetgaz), lesinfrastructures mais aussi l’agro-industrie et l’énergie. De ce fait, il adonné lieu àdes manifestationsd’intérêtdel’ordre de 5576 Mds de FCFA (8,5 Mds €), soit un taux de couverturedusecteurprivéde142 %pour les3928,3 MdsdeFCFA (6 Mds €) attendus.

Au total,laTable Rondeadoncenregistrédes annonces et manifestations d’intérêtd’un montant global de 29 520Mds de FCFA (45 Mds €) pour un objectifde19427,6 MdsdeFCFA (29,6 Mds €),soit unecouverture de 152% desressources attendues.

Comment ces montants vont-ilsêtre utilisés ?

Unebanque de projetsetdeprogrammes de développementaété créée danslecadredelamise en œuvreduPDES. Ellecomporte327 projets et programmes du secteur public et du secteur privé.Les ressourcespromises par les partenairestechniques et financiersseront utilisées pourlamise en œuvre de cesprojets et programmes quiferont l’objetd’études de faisabilité. D’ores et déjà,des études de faisabilité de 11 projetsstructurants ontété réalisées et présentées àlaTable RondedeParis.Ils’agitdeprojets prioritaires classés en 3catégories :infrastructures(eau, énergie) ;projetsprivés (agroalimentaire, engrais);et inclusion sociale (éducation,santé).

La revue àmi-parcoursprévue en 2024 permettra de rendrecomptedel’étatdemiseenœuvre et de mettre àjour les prévisions économiquespour tenir comptedes nouvellesopportunités économiques devant absorber le supplémentderessourcesannoncéesà la TableRonde.

RÉPUBLIQUE DU NIGER
«Les engagements obtenus lors de la Table Ronde des Investisseurs et Partenaires témoignent de la confiance dans le Niger »
JA MGPHO TO SD R
www.plan.gouv.ne
COMMUNIQUÉ
Son Excellence Monsieur Mohamed Bazoum Président de la République du Niger et Rabiou Abdou, Ministre du Plan, lors de la Table Ronde desInvestisseurs et Partenaires au Développement du Niger à Paris les 5et6décembre

à Niamey. « Hama Amadou est en prison ou tout comme, puisqu’il ne peut pas s’exprimer depuis son exil en France, poursuit Omar Hamidou Tchiana. Aujourd’hui, la réalité, c’est quel’oppositionréunie–etellenel’est pas – ne pourrait même plus déposer une motion de censure à l’Assemblée nationale! »

Un « Lumana aux abonnés absents »? Au sein même du parti de Hama Amadou, les cadres ne disent pas le contraire et assument une positionenretraitdepuisl’électionde Mohamed Bazoum. « Nous sommes dans une phase de décrispation, avec pour objectif de parvenir à un climat politique apaisé », reconnaît Djibo Hamidou, dit Tondi Gaweye, membredubureaupolitiqueduparti. « MohamedBazoum[nous]atendula main, contrairement à Mahamadou Issoufou, qui ne l’a jamais fait et était dans une logique d’enfermement de ses opposants », justifie encore le premier vice-maire de Niamey, qui accueille Jeune Afrique dans son bureau de l’Hôtel de Ville, fief du Lumana

Illusions perdues

« Depuis l’élection de Mohamed Bazoum à la présidence, le parti a accepté une sorte de trêve avec le PNDS. Il veut profiter de la décrispation pour faire libérer les militants qui avaient été emprisonnés sous Mahamadou Issoufou », analyse un cadre de la société civile. « L’exil et le silence de Hama Amadou sont un autre facteur. Même s’il y a sans doute des ambitions chez certains lieutenants, personne n’ose encore vraiment contester son leadership. Il gouverne par le silence et par WhatsApp. Cela lui convient et cela convient au gouvernement, qui profite de la trêve actuelle », ajoute un prochedel’opposition.« Iln’yapasde luttes en interne au Lumana, assure Tondi Gaweye. Hama Amadou est notre leader et il pourra, s’il le souhaite,êtrecandidatpourlaprochaine présidentielle,en2026.Lerenouvellement viendra avec le temps. Il ne faut pas brusquer les choses »

Mohamed Bazoum aura-t-il donc les coudées franches jusqu’à la prochaine campagne présidentielle ?

« Hama Amadou a tout intérêt à se

tenir tranquille jusque-là, avant de tenter un nouveau retour à Niamey et une nouvelle candidature à la magistrature suprême », dit en souriant notre cadre de la société civile En tout cas, Omar Hamidou Tchiana est,quantàlui,bien décidéàmettreà mal cette trêve.

Ancien cadre du parti de Hama Amadou, plusieurs fois ministre (notamment des Transports, puis des Mines) sous la présidence de Mahamadou Issoufou, dès l’élection de ce dernier en 2011, le président de l’Amen-Amin (parti qu’il a fondé en 2015) a d’abord lui aussi laissé le bénéfice du doute à Mohamed Bazoum. Les deux hommes se sont côtoyés pendant plusieurs années au gouvernementetserespectent.« Jele croyaistrèsdifférentd’Issoufouetj’attendaisdevoirs’ilallaitpouvoirincarner une forme de rupture », explique aujourd’hui l’ex-candidat à la présidentielle (1,59 % au premier tour, en 2020). Mais, à l’en croire, ses illusions ont vite été perdues. Au fil des mois, il a donc changé de stratégie et s’est imposé comme le principal agitateur de l’opposition.

« J’ai peut-être attendu six mois avant de m’attaquer à la politique de Mohamed Bazoum », précise-t-il. « Bazoum avait promis de faire de la luttecontrelacorruptionunepriorité. Pour cela, il y avait un dossier facile à prendre en main, qui aurait pu être unsymbole :celuidesdétournements

Barkhanearéussiàvaincrelesgroupes terroristes au Mali ? » s’interroge le député, qui plaide pour une entente africaine régionale et déplore les querelles entre les voisins nigérien et malien. « Je crois que la lutte contre le terrorisme doit d’abord être régionale et basée sur l’alliance du Mali, du Burkina Faso et du Niger, qui doivent déployerunmaximumdesoldatsdans la “zone des trois frontières”, poursuit l’ancienministre.Etilfautsurtoutune véritable politique de lutte contre la pauvreté. C’est la misère qui alimente le terrorisme C’est en la combattant avec le développement – et non avec les drones – que nous vaincrons. »

Opposant numéro un?

« Tchiana a un vrai sens de l’opportunisme politique », dit en souriant l’un de ses anciens compagnons au sein de l’opposition. « Il a bien compris que critiquer l’alliance avec la France était fédérateur. Il instrumentaliselesentimentantifrançais,sansy adhérer », ajouteun proche du PNDS. L’intéressés’endéfend :« Jenem’étais jamais exprimé sur la France avant l’affaire du convoi de Téra [en 2021, trois Nigériens avaient été tués après une altercation avec une colonne de l’armée française]. Mais est-ce concevable que des soldats français tuent nos citoyens sans être jugés? Nous réclamons simplement la justice, alorsquelePNDSetl’arméefrançaise ont choisi d’étouffer l’affaire. »

Omar Hamidou Tchiana peut-il s’imposer comme le premier opposant à Mohamed Bazoum ? Il est en tout cas – avec le panafricain Abdourahamane Oumarou, lui aussi contre un redéploiement de l’armée française au Niger – « l’un des seuls à l’ouvrir »,selonlesmotsd’uncadrede la société civile, qui estime toutefois que la capacité de mobilisation de Tchiana est encore trop limitée.

au ministère de la Défense. Mais il ne l’a pas fait. L’État a préféré passer des accords et vider le dossier », explique encore Omar Tchiana. Autre cheval de bataille : la politique extérieure et sécuritaire de Mohamed Bazoum, résolument liée à une alliance du Niger avec la France.

« Malgré toutes ses années de présence sur le terrain, est-ce que

Le leader d’Amen-Amin est quant à lui persuadé que le chef de l’État a juré sa perte. « Il fait pression sur Veolia pour qu’il renégocie le contrat de la Société d’exploitation des eaux du Niger [SEEN], dont je suis l’un des actionnaires Ce sont clairement des représailles! » déplore-t-il. Et de conclure : « Pour le PNDS, tous les moyens sont bons. En réalité, ils sont dans une logique de parti unique. »

JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 82 OBJECTIF NIGER
« Il a un vrai sens de l’opportunisme politique. Il instrumentalise le sentiment antifrançais, sans y adhérer.»

MINISTÈRE DE LA SANTÉ PUBLIQUE, DE LA POPULATION ET DES AFFAIRES SOCIALES

Entretien avec le Dr Illiassou Idi Mainassara Ministre de la Santé Publique,delaPopulation et des Affaires Sociales

«Notre stratégie apour objectif principal d’améliorer la performance de notre système de santé »

Quels sont les principaux résultats enregistrés ces dernières années ?

Le Niger aréalisé des progrès significatifs dans certains domaines de la santé publique au cours des dernières années. La lutte contre les maladies évitables par la vaccination acontribué àlaréduction du ratio de la mortalité maternelle de 520 en 2012 à509 en 2017 et la réduction de la mortalité infanto-juvénile de 198 %en 2006 à123 %en2021.

Ces progrès s’expliquent en partie par les efforts du gouvernement visant àfournir des soins de santé gratuits aux enfants de moins de cinq ans, aux femmes et aux couches vulnérables et ce,depuis 2006. En matière de lutte contre les maladies transmissibles, l’incidence du paludisme pour 100 000 habitants est passée de 17 176 en 2017 à15961 en 2021. La situation de l’épidémie du VIH/Sida au Niger est caractérisée par une prévalence faible au sein de la population générale

Quelles sont les réformes au niveau du secteur ?

Nous avons beaucoup progressé sur la densité des ressources humaines afin que le système de santé couvre l’ensemble du territoire.Pour une question d’équité, l’accent aété mis sur un rééquilibrage de la répartition du personnel.

Lesconstats dégagés dans la mise en œuvre de la politique de santé ont permis d’envisager des réformes nécessaires pour réorienter le système de santé vers la santé pour tous àtravers le recentrage sur le rôle du ministère ;larestructuration de l’offre des soins ;la réorganisation des structures de santé ainsi que les ré-

formes poursuivies dans le cadre de la mise en œuvre des Plans de Développement Sanitaire

Quelle la situation actuelle de la santé de la mère et de l’enfant au Niger ?

L’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant est au cœur des priorités de mondépartement ministériel et constitue un point central du Programme de Renaissance acte IIIduPrésident de la République,décliné dans la Déclaration de Politique Générale du Premier Ministre

Le Niger aélaboré un Planstratégique de Santé reproductive, maternelle,dunouveau-né, de l’enfant,de l’adolescentetjeunenutrition de premièregénération couvrant la période2018 -2021. La deuxième génération estencoursdefinalisation.

Quelle est votre stratégieenmatière de lutte contre lesépidémies ?

Le Gouvernement,àtravers la DéclarationdePolitique Générale,amis un accent particulier surlalutte contre lesprincipales maladiestransmissibles (méningite, rougeole,choléra, VIH/Sida, hépatites, tuberculoseet paludisme),Cecisetraduira par l’intensificationdes actions de prévention,deriposte,desurveillance,de priseencharge et de l’hygiène et assainissement. Aussi,tous lesplansdedéveloppementsanitaireont faitdelaluttecontreles épidémiesune desprincipales priorités.

Quellessontles avancéesenmatière d’’utilisation des NTIC ?

Pour rapprocher davantageles populations des opportunités de soins,ils’avèreindispensablededévelopper la santé numérique.C’est pourquoi nous avons élaboré une stratégienationaleenE-santé en novembre 2018.Celle-ciest construite autourdequinze projets. La santé numériqueoffre despossibilités et des avantages importantslorsqu’il s’agit d’améliorer la santé publique et lesétablissementsdesoins de santé, par exempleencequi concerneles procédures hospitalières,les dossiers médicaux électroniques et les renseignements de santé

RÉPUBLIQUE
DU NIGER
JA MGPHO TO SD R YA WN IELST OCK.ADOBE.COM
www.sante.gouv.ne
COMMUNIQUÉ
Le Niger aréalisé des progrès significatifs dans certains domaines de la santé publique au cours des dernières années.

C’

Tribune Seidik Abba

Journaliste et écrivain

Révolution scolaire, l’écoleavant le pétrole

estl’undeces parfaits paradoxesdontleNiger aparfoislesecret.

Celui d’êtrelepaysqui aenfanté le professeur Abdou Moumouni Dioffo(l’universitéde Niamey porteson nom), premier Africain francophoneagrégé de sciencesphysiques(1956), et le professeur Boubakar Ba,agrégé de mathématiques,premier ressortissant d’Afrique subsaharienne àentrerà l’École normale supérieure (ENS) de la rue d’Ulm, à Paris (1956);etd’êtreàlafoiscelui qui aaffiché,en2022, lestauxde réussiteaux examens scolaires les plus médiocresdelasous-région. Derrière lestrèsmauvais résultats desélèvesaubaccalauréat (28,95 % de réussite)etaubrevetd’études secondaires (27,18%)secache la longueetdouloureuseagoniede l’école.

Àbien l’examiner, cettedescente auxenferscommenceenréalité dans lesannées1990,aumoment où, après la chute du cours de l’uranium, sonprincipal produità l’exportation, leNiger s’estrésolu àrecourirauProgramme d’ajustementstructurel (PAS). L’écoleavait alorspayéuntrèslourd tribut. Sur l’autel deséconomies budgétaires, l’État, avec àsatêteleConseil militairesuprême(CMS) de Seyni Kountché,choisitdesupprimer les internatsdes établissementssecondaires (lycée et collège).

Mais il pritsurtout la décision d’abandonner le principede«la programmation»,une tradition qui

voulait que chaque Nigérien qui obtenaitson bac sacheàl’avance pour quelle institutionpublique ou parapubliqueil travailleraità la fin desaformation. Dansunpaysoù l’on étudiait exclusivement pour devenirfonctionnaire, l’abandon de la programmation eutl’effet d’un tremblement de terre. Un divorce entrel’école et lasociété!

L’entrée du pays, bien plustard, dans l’èredumultipartisme n’apas servilacause de l’école nigérienne. En effet, la gestion trop partisane descarrièresetdes affectations des enseignantsa beaucoup desservi lesperformances scolaires.Mais, le vraiproblème de cette école,son défistructurel,quelsque soient la périodeetlerégime au pouvoir, c’estcelui de la démographie

de 20000 classes et de 20000 enseignants; même dans l’hypothèse d’installer quatreenfantspar table-banc,ilenaurait fallu 20000 Le Niger ayant choisi l’option de la gratuitédel’écolepublique, il faut bonanmal an dépenser au moins 6milliards de FCFA (un peuplus de 9millions d’euros)pour l’acquisition desmanuels scolaires,rienque pour le seul cycle primaire.

scolaire, qui estelle-même en lien avec la croissancedémographique du pays,estiméeà3,9 %par an.

En 2020,817000 enfants nigériens ont frappéaux portes de l’école publique.À supposer que l’État décide d’accueillir 40 élèves par classe,lepaysaurait eu besoin

Bazoum en fait son affaire Fautedemieux,lepaysserésout àdes solutions qui s’apparentent plutôt àdubricolage.Ainsi, afin de faireface àlacroissance démographique,les écoles recourent àlatechnique ditedeladouble vacation ou du doubleflux,qui consiste àaccueillirunpremier grouped’élèves le matin et un autre l’après-midi. Le déficit d’infrastructuresscolairesest quant àlui contourné par le recours aux classes en matériau non définitif, dont leslimitesont étéprouvéespar les incendies dramatiquesdesalles en paillote,enavril 2021 àNiamey et en novembredela même annéeà Maradi,latroisième ville du pays. Enseignant de formation, de profession et de vocation, MohamedBazoum adonc hérité de cetteécole nigérienne agonisante en s’installant, en avril2021, dans le fauteuil présidentiel. Il achoisi d’en faireson affaire, laissant le pétrole et l’uranium àson gouvernement. Bien plus qu’unsimple changement de paradigme,saproposition de cesser de fairedel’école nigérienne

JEUNE AFRIQUE –N°3121 –FEVRIER 2023 84 OBJECTIF NIGER
La nouvelleoffre éducative sera mieux adaptée aux réalités socioculturelles et au contexteéconomique.

la seule affaire du pouvoir et des enseignants et de l’ériger en contrat social qui associe la société civile, les parents et les autres acteurs du pays apparaît, à certains égards, révolutionnaire.

La nouvelle offre éducative, encore en construction, repose sur une grande réforme des curriculums (restés inchangés entre 1988 et 2019), une réhabilitation de la profession enseignante – à travers le rétablissement des prérogatives de l’enseignant –, la réhabilitation et la construction des infrastructures scolaires En y ajoutant la dépolitisation du secteur éducatif, on est fondé à faire le pari d’une nouvelle école nigérienne mieux adaptée aux défis de son environnement et aux réalités nationales.

Au Niger, le choix de miser sur l’école avant les matières premières ne relève pas seulement du bon sens. Il est surtout dicté par la déception laissée d’abord par l’uranium, puis par le pétrole. Le boom de l’uranium a certes permis, dans les années 1980, de construire à Niamey des joyaux architecturaux tels que l’hôtel Gaweye et le Palais des congrès, mais il n’a pas changé fondamentalement le bien-être des Nigériens. Si l’entrée du pays, en 2011, dans l’ère pétrolière a

boosté statistiquement la croissance économique, elle n’a pas non plus transformé leur quotidien.

Investissement durable

Rien n’indique, au demeurant, que le passage de la production pétrolière de 20000 barils par jour (b/j) actuellement à 110000 b/j en 2023 changera grand-chose à la vie quotidienne du Nigérien ordinaire. L’effondrement du cours de l’uranium, en 2011, après l’accident nucléaire de Fukushima, au Japon, et la volatilité du prix du pétrole sont venus rappeler que ces deux matières premières, même avec des perspectives intéressantes pour les prochaines années, ne sauraient être des valeurs refuges pour le pays.

En revanche, le pari d’une école nigérienne nouvelle, repensée, mieux adaptée aux réalités socioculturelles ainsi qu’à l’environnement économique, semble beaucoup moins aléatoire et plus prometteur pour le pays. Il ne fait aucun doute qu’au Niger plus qu’ailleurs l’école est un investissement durable et rentable sur le long terme. Il n’y a qu’à voir les exemples de la Corée du Sud et des dragons asiatiques ou, plus près de nous géographiquement, de la Tunisie de Bourguiba ou de la Côte d’Ivoire

de Félix Houphouët-Boigny pour s’en convaincre

La profession enseignante a fourni au Niger deux présidents. Le premier, Hamani Diori (de 1960 à 1974), sorti de l’École normale William-Ponty, est considéré, aux côtés de son emblématique ministre de l’Éducation nationale, Harou Kouka, comme le fondateur de l’école nigérienne moderne. Le second président nigérien enseignant, Mohamed Bazoum, philosophe, formé à l’université Cheikh-Anta-Diop (Ucad) de Dakar, réussira-t-il à être l’artisan de la nouvelle école nigérienne, réconciliée avec la société et orientée vers la prospérité?

Faisons crédit à l’ancien professeur de philosophie au lycée de Tahoua (nord-ouest du pays) et au lycée de Maradi (Centre-Est), en attendant l’heure du bilan, à la fin de son mandat, en 2025.

Entretiens avec Boubakar Ba. Un Nigérien au destin exceptionnel, de Seidik Abba, éditions L’Harmattan, février 2019.

TIM DIRVEN/P ANO SREA Cours d’informatique dans la localité de Tombo Kasso, près de Dogondoutchi, dans le sud-est du pays.
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 85 OBJECTIF NIGER

PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE DU NIGER

«Niger,terre d’accueil et d’opportunités »

Le plan de développement nigérien plus soutenu que jamais

Lespartenaires du Niger s’engagent àfinancer le PDES bien au-delà des attentes. Ils soutiennent ainsi le potentiel d’un pays qui fait figure d’exception, dans le Sahel, et dont le taux de croissance est attendu àplus de 8%dans les années àvenir.

LeNiger avait estimé lesbesoins de financement de sonPlandedéveloppementéconomiqueetsocial 2022-2026 (PDES) parses partenairestechniques et financiers publics, bilatérauxetmultilatéraux, à6742,3 milliardsde FCFA (10,3 milliards d’euros) ;les annoncesde contributions ontatteint14891,2 milliards de FCFA (22,7milliardsd’euro), soit un tauxdecouverture de 221 %. Il espérait des engagementsdelapart du secteurprivé àhauteur de 3928,3milliards de FCFA (6 milliards d’euros);ilareçu des manifestations d’intérêt de 5576 milliards de FCFA (8,5 milliards d’euro), soit un taux de couverture du secteur privé de 142% !

Un cadrederéférence crédible pour les partenaires du Niger

Les5et6décembre dernier, c’est peu dire que la Table ronde« Niger,Terre d’accueil et d’opportunités »aété couronnéedesuccès! Organisée àParis parlegouvernement nigérien, en partenariat avec le gouvernement français, la Banque Mondiale,leSystème des Nations Unies et d’autres partenairesdu Niger, elleétait destinée au financement du PDES, la

La Table ronde «Niger, Terre d’accueil et d’opportunités »s’est tenue àParis les 5 et 6décembre 2022 en présence de Son

Niamey s’engage àfinancer
45 %deses besoins,soit un financement sur ressources propres de l’État de 8757 milliards de FCFA (13,3 milliards d’euros).

boussolepolitique,économique et sociale du gouvernement pour lesannées àvenir

La première journée était destinée aux partenaires publics et laseconde aux investisseurs privés. Plus de 1300 invités de haut rang venant de 23 pays,ainsi que d’une quarantaine d’institutions et agences de développement,ont reconnu la pertinence du PDES comme le cadre de référence de leur appui auNiger.

Une incarnation de la stabilité politique et de l’état de droit dans le Sahel

Au total, la Table ronde aenregistré des annonces et manifestations d’intérêtd’un montant de 29 520 milliards de FCFA (45 milliards d’euros),pour un objectif de19427 milliards de FCFA (29,6 milliards d’euro), soit une couverture de 152%des ressources attendues. La revue àmi-parcours, prévue en 2024,permettra de mettre àjour les prévisions et de tenir compte des nouvelles opportunités économiquesdevantabsorber ce supplément de ressources.

Si le Niger aobtenu un telsoutien, ce n’estpas seulement par amitié de la part de ses partenaires. Le pays fait figure d’exception dans leSahel.Ilrésiste comme aucun autre aux chocs exogènes auxquelsilfait face depuis des années :sécuritaires, face au terrorisme ; sanitaires, face au Covid 19 ;climatique ;institutionnels, en préservantl’alternancedémocratiquedans un environnement régional politique pour le moinsinstable,etceendépitd’une dynamique démographique en déphasage avec la dynamiqueéconomique

La précédente table-ronde déjà couronnée de succès

La précédente rencontre visant àfinancer le développementduNiger, dite «ConférencedelaRenaissance»,tenue les13et14décembre 2017 àParis, avaitdéjà permis de recueillirdevant 800participantslemontant de 23 milliardsdedollars (14 314milliards de FCFA)depromesses d’investissement, au-delà des17milliards de dollars (10 580 milliards FCFA) espérés parleGouvernement nigérien.

L’économie la plus dynamique d’Afrique de l’Ouest

Le Niger arésisté àlarécession mondiale due àl’épidémie de Covid 19,enmaintenant un taux de croissance positif en 2020,à1,3 %, puis àlaguerre en Ukraine,et en reprenant un rythmedecroisière plus digne de ses standardsrécents, à7 %l’année suivante.Cette croissance,mais aussi une hausse des investissements, des avancées sociales grâce àlamaitrise de l’inflation età la baisse des déficits publics, l’amélioration du climat des affaires et la dynamique des réformes enclenchée, tout cela fait du Niger l’économie la plus dynamique de l’Afrique de l’Ouest, selon le FMI !

Le tauxdecroissancemoyen annuelest ainsi attendu à9,3 %entre 2022 et 2026, ce qui offre aux investisseurs et partenaires économiques du Niger d’heureuses perspectives

PDES :laboussole du Gouvernement

Le Plan de Développement économique et social (PDES) 2022-2026 estladeuxième déclinaison quinquennale de la Stratégie de développementdurable et de croissance

inclusive (SDDCI) Niger 2035. Il opérationnalise la Déclarationde politique générale du gouvernementet concrétiseleprogramme présidentiel, tout en étant

en phase avecl’agenda 2063 de l’Union Africaine et lesObjectifsde développement Durable des Nations-Unies.

Il s’articule autour de trois axes stratégiques :

• «Développement du capitalhumain, inclusion et solidarité», en développantl’éducation et la formation, la santé, l’accèsà l’eau potable,l’hygiène et l’assainissement, la

protection sociale, l’emploi ou encore le genre et l’innovation ;

• «Consolidationde la gouvernance,paix et sécurité», pour faire du Niger un État démocratique stable, fort et résilient ;

• «Transformation structurelle de l’économie », en s’appuyant sur un secteur privé dynamique et surla modernisation du monde rural, en dynamisant

9,3% de croissance moyenne entre 2022 et 2026 : des perspectives heureusespour les partenaires du Niger.

les secteurs porteurs pour une croissance forte,durable,inclusive et créatrice d’emplois décents.

Le PDES ambitionneà l’horizon 2026 de réaliser untaux de croissance moyen de 9,3%,untaux d’inflation inférieur à3 % et un déficit budgétaire global contenu àmoinsde 3 %, alorsque le tauxde pauvreté devra baisser de 8points de pourcentage

RÉPUBLIQUEDUNIGER PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE Fraternité -Travail -Progrès JA MGPHO TO SD R
www.presidence.ne
FOCUS
COMMUNIQUÉ

Faut-il miser sur l’uranium?

Portée par les espoirs liés à la future production pétrolière, la croissance nigérienne aura été l’une des plus fortes du continent en 2022. Mais l’édifice reste fragile, à moins que Niamey ne renoue avec un vieux rêve…

Sous le soleil de Niamey, bien à l’abri sur la terrasse d’un des hôtels réputés de la capitale nigérienne, trois hommes finissent leur petit déjeuner En tenue décontractée, ils n’ont clairement pas l’air pressés. Et pour cause, ces trois Canadiens francophones attendent tranquillement que leur vol privé à destination d’Agadez, la grande ville du nord du pays, soit prêt à partir de l’aéroport Diori-Hamani. Salariés de la firme Global Atomic Corporation (GAC), les trois ingénieurs foulent pour la première fois la terre sahélienne. Ils représentent pourtant, sans le savoir, l’un des espoirs les plus sérieux des Nigériens en matière de croissance économique.

Le 10 août dernier, le groupe canadien a en effet signé une convention avec l’État nigérien pour la création de la Société des mines de Dasa (Somida), destinée à exploiter un gisement d’uranium souterrain situé dans les vastes étendues désertiques, entre les villes d’Agadez et d’Arlit. Elle est dotée d’un capital social de 2 milliards de F CFA (plus de 3 millions d’euros), détenu à 80 % par GAC et à 20 % par l’État du Niger.

Selon les dernières informations communiquées par le patron de GAC, Stephen G. Roman, les travaux de développement de la mine de Dasa commenceront en

mai 2023, le capital initial nécessaire pour sa construction étant estimé à 207,6 millions de dollars (près de 201,1 millions d’euros), selon une étude de faisabilité publiée en décembre 2021 Le recrutement des cadres a d’ailleurs commencé, occasionnant déjà plusieurs frictions avec les populations d’Agadez et d’Arlit.

Plusieurs organisations de la société civile des deux villes ont jugé que l’appel à candidatures lancé par GAC – qui oblige notamment à faire valoir plusieurs années d’expérience en entreprise minière, voire d’être âgé de plus de 50 ans – ne permettrait pas aux jeunes diplômés de la région de bénéficier du nouveau projet. « Pour que ces projets profitent au Niger, il faut impérativement qu’ils intègrent les populations locales, et en particulier les jeunes diplômés,

explique un cadre de la société civile Nous ne voulons plus de ces sociétés étrangères qui viennent exploiter notre sous-sol sans se soucier du développement du pays. »

L’uranium va-t-il redevenir une composante essentielle de l’économie nigérienne ? La reprise des cours mondiaux – le prix de la livre est passé de 20 dollars environ en 2019 à près de 60 dollars fin 2022 – a en tout cas une nouvelle fois aiguisé les appétits des plus optimistes à

MATHIEU OLIVIER
ÉCONOMIE
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 88 OBJECTIF NIGER
« Pour que ces projets profitent au pays, il faut impérativement qu’ils intègrent les populations locales, en particulier les jeunes diplômés.»

Niamey Après avoir subi de plein fouet les effets de la catastrophe japonaise de Fukushima en 2011 et la montée en puissance en Europe de milieux politiques nucléarosceptiques, l’atome s’est en effet refait une santé.

« La guerre entre l’Ukraine et la Russie a récemment rebattu les cartes du marché international de l’uranium, puisque les grandes puissances veulent sortir d’une certaine dépendance au géant russe, estime

un spécialiste de la question. Cela vient aussi consolider la reprise observée depuis un an ou deux, qui s’appuie sur la volonté de produire une énergie en limitant ses émissions de dioxyde de carbone »

Cap sur les hydrocarbures Dernier exemple en date, celui du président français Emmanuel Macron, qui a ainsi impulsé dans son pays une politique résolument favorable au nucléaire. Il a annoncé

son ambition – qui devra être validée par l’Assemblée nationale – de construire de six à quatorze réacteurs pressurisés européens (EPR) tout en prolongeant la durée de vie du parc existant en France « Aujourd’hui, pour beaucoup de pays industrialisés, il n’y a pas de décarbonation de l’énergie sans le nucléaire », résume un expert en politique énergétique à Paris.

« Le Niger doit savoir profiter de cette conjoncture internationale et

BO UREIMA HAMA/AFP
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 89 OBJECTIF NIGER
Des ouvriers nigériens et chinois sur le chantier de l’oléoduc Niger-Bénin, dans la région de Gaya (Sud-Ouest), le 10 octobre 2022.

MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE

Un potentiel agricole en pleine expansion

Pays sahélien àvocation agro-sylvo-pastorale,leNiger compte une population très impliquée dans les productions végétales et animales, non seulement en tant que mode de vie mais également en tant qu’activité économique et socio-culturelle

Terre arables

Le Nigerdispose d’un important potentiel agricole estimé àplus 15 000 000 hectares dont 7000 000 hectares emblavés chaque année en cultures pluviales.

Ressources en eau

Lesréserves s’étendent sur 2,5 milliards de m3 renouvelables, dont moins de 20% exploitées et 2000 milliards de m3 non renouvelables. Lesressources hydriques mobilisables renferment plus de 400 000 ha de plans et de cours d’eau (Fleuve Niger et ses affluents, Dallols, Goulbis, Koroma,Komadougou, lacs, mares, cuvettes oasiennes, vallées inondables)

Réformes du secteur

Lesorientationsstratégiquessuivent les objectifs fixés par le gouvernement. Lesreformes structurantes concernent le secteur des engrais pour leur importation et leur commercialisation. Cette réforme apour objectif de rendre accessible et disponible un engrais de qualité dans tout le pays.

Dans le domaine de la production agricole,priorité est donnée àlaproduction irriguée,avec l’utilisation de techniques de production résilientes.

Filières porteuses

Le niébé concerne une productionmoyenne de 2,4 millions de tonnes. Ce qui fait du Niger le deuxième grand producteur de niébé de l’Afrique de l’Ouest après le Nigéria.

L’oignon : la productionde1,2 million de tonnes génère un chiffre d’affaires d’environ 47 milliards de FCFA surle marché extérieur avec 95 %des exportations en Afrique de l’Ouest.

Le souchet: productionmoyenneannuelle de 50 000 tonnes pour une valeur monétaire de 10 milliards de FCFA.

Le sésame : productionannuelle de 70 000 tonnes (Valeur monétaire de 49 milliards de FCFA).

Lesprojetsphares du Plan de Développement Économique et Social (PDES)

•une usineindustrielle de production d’engrais, àpartir du phosphatenaturel de Tahoua

•le programme riz et les pôles agro-industriels

•la promotion de la petite irrigation et de la grande irrigation avec l’utilisation de technologies innovantes à économie d’eauetl’usaged’énergie propre

•la réduction d’usage d’engrais chimique et l’utilisation desbiopesticides (extraits aqueux des plantes)

•un accompagnement desgrands promoteurs privés

•la mise en valeur des aménagements hydroagricoles

Réforme du foncier rural

Depuis 1980,leNiger s’est engagé dans un processus de renforcement du cadre juridiqueetinstitutionnel des activités rurales :agricoles, sylvicoles et pastorales. L’objectif est d’assurer de meilleures perspectives àl’aménagement du territoire,à la protection de l’environnement, àlasécurisation foncière aussi bien pour les acteurs ruraux que pour les domaines public et privé de l’État. La prévention et la gestion des conflits fonciers ruraux est également une priorité

La politique foncière rurale du Niger s’inscrit vise àdoter le pays d’un instrument de gouvernance conforme aux engagements internationaux auxquels le Niger asouscrit et ce,dans le but de répondre aux exigences actuelles du développement rural.

Àl’horizon 2035, les acteurs ruraux bénéficieront d’un accès équitable et sécurisé au foncier.Cequi contribue àcréer les conditions favorables au développement d’investissements permettant l’atteinte de la sécurité et de la souveraineté alimentaire,lerenforcement de la résilience des populations et, plus largement, le développement socio-économique durableetharmonieux, garant du maintien de la paix sociale ».

BP 12091Niamey-Niger

Tél. :+227 20 73 20 58 -dagricole@yahoo.fr

www.agriculture.gouv.ne

RÉPUBLIQUE
DU NIGER
JA MGPHO TO SD R
1- Présentation du kit solaire Ayinoma dans un champ de mil dans le département de Tibiri Doutchi. 2-Culture irriguée du moringa àYélou département Gaya.
COMMUNIQUÉ 1 2
Ministre de l’Agriculture Dr Alambedji Abba Issa

lancer de nouveaux projets ou en relancer d’anciens », estime Kalla Moutari, député du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS,aupouvoir)etancienministre de la Défense sous l’ex-président Mahamadou Issoufou, dont il fut le compagnon de lutte au PNDS dès la création du parti, en 1990. Un débat devrait prochainement avoir lieu à l’Assemblée nationale au sujet des ambitions du Niger en matière d’uranium, et en particulier autour du mégagisement d’Imouraren.

Les projets d’exploitation de ce dernier, qui ont longtemps porté les espoirs des Nigériens, ont en effet été abandonnés au fil des années 2010, après la catastrophe japonaise de Fukushima. « Ce genre de mégaprojetn’estrentablequ’avecdescours de l’uranium suffisamment hauts, explique notre spécialiste. C’est ce quiavaitpousséAreva[devenuOrano en 2018] à temporiser, puis à stopper les travaux en 2015 »

L’exploitation d’Imouraren – très coûteuse en raison de conditions de terrain peu favorables – peut-elle revenir à l’ordre du jour ? Soucieux de conserver ses droits sur le site, Orano semble y être favorable mais reste prudent, craignant des coûts élevés et une faible teneur en uranium. « L’Assemblée doit se pencher sur la question d’Imouraren », assure Kalla Moutari. « Les cours actuels peuvent-ils rendre la mine rentable? Si oui, qui serait prêt à réellement

OBJECTIF NIGER

Champion ouest-africain de la croissance REPÈRES

à prix constants)

global (dons compris)

l’exploiter ? Faut-il se tourner vers d’autres partenaires que les Français et modifier le projet initial? Le Niger doitseposercesquestions»,poursuit l’ancien ministre.

Encore très dépendant de son secteur agricole (qui occupe 70 % de la

population) – à la relance en 2022, mais très impacté par le réchauffementclimatiqueetladésertification–, le Niger ne doit-il compter que sur son sous-sol? Au-delà de l’uranium, Niamey est en tout cas pleinement engagé dans ses projets pétroliers, en particulier dans le cadre des activités du géant chinois China National Petroleum Corporation (CNPC).

Le principal symbole de cet espoir de l’or noir : la construction d’un oléoduc de 1 982 km (1 298 km au Niger et 684 km au Bénin), dont le chantier a démarré en 2019. Celui-ci est censé multiplier par sept la capacité d’exportation de pétrole du pays, le FMI tablant sur une croissance de la production de 20,6 % en 2022 et de 86,2 % en 2023, pour un objectif à terme de 110000 barils par jour

Une manne qui rassure les partenaires financiers internationaux, FMI en tête, et qui doit surtout faire de l’or noir le moteur numéro un de l’économie du pays à l’horizon 2025 SelonlesprévisionsdelaBanqueafricaine de développement (BAD) et du FMI, la croissance du PIB nigérien devrait s’établir à 6,7 % en 2022 et à 7,3 % en 2023 – le plus haut taux du continent – et elle pourrait atteindre 10 % en 2024. « Cette croissance est

essentielle pour Mohamed Bazoum, explique un politologue nigérien. Le président a mis en avant deux priorités pour son mandat : la sécurité et l’éducation. Or ce sont deux secteurs quidemandenténormémentd’investissements et de budget. »

Secteurs stratégiques

« S’il veut financer ses ambitions pour l’agriculture et l’éducation et tenir ses promesses en matière de développement local, Mohamed Bazoum a besoin des revenus issus du sous-sol et des investissements étrangers, qu’ils soient chinois, canadiens ou français », résume un diplomate à Niamey

Politiquement, le président et le PNDS ne s’y sont d’ailleurs guère trompés Sani Mahamadou Issoufou, le fils de l’ancien chef de l’État Mahamadou Issoufou, a ainsi hérité du portefeuille du Pétrole, tandis que Mohamed Bazoum a placé à la tête de la Société nigérienne de Pétrole (Sonidep) l’un de ses fidèles, Ibrahim Mamane. Quant au ministère des Mines, il est dirigé par Ousseini Hadizatou Yacouba, membre du présidium du PNDS, plus haute instance du parti. De quoi verrouiller ces secteurs ô combien stratégiques.

L’exploitation d’Imouraren peut-elle revenir à l’ordre du jour? Orano semble y être favorable mais reste prudent.
Croissance (PIB réel,
Dette extérieure SOURCE : FMI, OCTOBRE 2022 2020 2021 2022 Projections (en %) (en % du PIB) 3,6 1,3 6,7 2,9 3,8 4,5 2019 5,9 – 2,5 – 5,3 – 5,9 – 6,6 – 3,6 33,0 31,5 35,2 25,4 Moyenne en zone Cedeao Solde extérieur courant (dons compris) – 13,5 – 13,8 – 15,6 – 12,2 Moyenne en zone Cedeao Moyenne en zone Cedeao 3,7 Moyenne en zone Cedeao 16,6 Dette publique 45,0 51,2 57,1 39,8 Moyenne en zone Cedeao 48,4 – 2,7 – 6,3 Moyenne en zone Cedeao 19,1 2023 7,3 3,0 – 4,7 35,1 – 13,9 57,0 Inflation (moyenne annuelle) JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 91
Solde budgétaire

AGENCE DE MODERNISATION DES VILLES •AMV-NIGER

Quelles sont les caractéristiques de l’urbanisation au Niger ?

Àl’instar des autres pays africains, le Niger connait un taux d’urbanisation considérable qui se caractérise par la croissance de la population et l’étalement urbain avec leurs conséquences de défisentermes de services et d’amélioration du cadre de vie et de concentration d’activités diverses. Auxenjeux traditionnelsdudéveloppement urbain (extension géographique des villes, croissance de la population,problèmes de mobilité, etc.) viennent s’ajouter de nouveaux enjeux, liés notamment au changement climatique, àladigitalisation et àlasécurité.

Les villes sont très vulnérables aux risques grandissants du changement climatique, comme les inondations, les sécheresses et les épisodes de canicule. Les villes au Niger se caractérisent aussi par une forte interaction entre urbanité et ruralité dans les pratiques et les mentalités des populations.Cette spécificité met en question les échelles, les périmètres d’intervention ainsi que les actions et les cibles pertinents.

C’est dans ce contexte que l’Agence aété créée…

ConformémentauPlan de Développement ÉconomiqueetSocial (PDES 2022-2026), le Gouvernement adécidé, en 2021, de créerune agence spécialisée, rattachée à la Présidence de la République du Niger,en chargeduprogramme de modernisation, d’aménagement et de rénovation des grandes villes du Niger, dénomméeAgence de Modernisation des Villes du Niger (AMV-Niger). L’objectif visé par l’Agence est de bâtir des villes modernes,inclusives, saines,résilientes et durables.

Comment l’Agence est-elle organisée ?

L’AMV-Niger s’articule autour d’un Conseil d’orientation et de Contrôle présidé par le Directeur de Cabinet du Président de la République et composé de plusieurs membres du Gouvernement et d’une Direction Générale animéepar une équipe pluridisciplinaired’urbanistes,d’architectes, d’ingénieurs et d’autres experts en développement urbain.

Nos ressources proviennent du budget de l’État et des fonds obtenus auprès des partenaires techniques et financiers du Niger :agences de développement, banques multilatérales, etc.

Comment concrètement intervenez-vous ?

Notre périmètre d’intervention est constitué par la capitale, Niamey et les chefs-lieux des sept régions du pays :Agadez, Diffa, Dosso, Maradi, Tahoua, Tillabéri et Zinder Notre action estcomplémentaire àcelle des différents ministères, des collectivités ou autres acteurs concernés par le développement des villes et vise àassurer une synergie et une coordination des actions avec une vision et des objectifs partagés. L’AMV-Niger se caractérise par sa souplesseet son agilité. Elle peut intervenir sous différentes modalités :étudesetappui, conseil, maîtrise d’ouvrage ou maîtrise d’ouvrage déléguée,assistanceàmaîtrise d’ouvrage, formation, etc.

Nous intervenons autant sur le «soft » (les outils de planification urbaine, la dig italisa tion ,l af or ma ti on, la sensib ili sa tion, l’éd uca tion urbaine,etc.) que sur le «hard » (les aménagements du tissu urbain) pour :

Notreobjectif est de bâtir des villes modernes, inclusives, saines, résilientes et durables
ENTRETIEN AVEC Mouctar Mamoudou
GÉNÉRAL DE L’AGENCE DE MODERNISATION DES VILLES DU NIGER (AMV-NIGER)
DIRECTEUR

d’une part une mise àjour, une adaptation et une évolution des pratiques et des mécanismes de la gouvernance ;et, d’autre part, l’adaptation des techniques urbaines pour des villes intelligentes (smart cities) et résilientes. Dans cet esprit, en tant qu’agencespécialiséel’urbain, nous avons aussi un rôle de pédagogiepar la conduite d’opérations urbainespilotes.

Pouvez-vous nous donner des exemples de projets ?

Nous avons entamélapremièrephase de l’aménagement de la corniche. Ce projet vise àsouderletissu urbain et renforcer le lien de la villedeNiamey àsasource, son élément structurantprincipal, pourréhabiliter la base de sonidentité. Des voiries, des espacespublics sont aménagés avec un éclairage favorisant une dynamique économique et une ambiance urbaine festivepourlajeunesseenparticulier, très nombreuses dans nos villes

Nous allons lancer prochainement un programme de formation en matière de résilience urbaine, destiné aux techniciensdes villes. Il s’agira de leur permettre d’identifier, dansleurs territoiresrespectifs, les conséquences des enjeux climatiques (risques d’inondations,destructions, etc.),d’établir des cartographies des risques, de mettre en place des solutions et de construire des bases de données. La Global Risk ModellingAlliance (GRMA),une initiativedu gouvernement allemand et de l’International Development Forum qui accompagne les États àmieux prendre en charge les risques liés aux changements climatiques,s’est engagée àfinancer ce projet.

Vous appuyez également l’agricultureurbaine…

L’avènement du Covid-19, lorsque les portes de Niamey ont été fermées, nous amontré que Niamey ne peut se nourrir elle seule et la nécessité de palliercette insuffisance. Nourrirlaville est unefonctionessentielle dans la gouvernance urbaine.

Le programme Niamey Noma Rani (la culture après la saison des pluies) vise une meilleure définition des fonctions du sol en milieu urbain et la préservation des sites

agricoles qui sont naturellement des terrains inondables. Cela permettra d’atténuer les vulnérabilités, les risquesd’inondation en développant le potentiel de rétention d’eau pluvialesà travers des sites maraîcherset, en même temps, de créer des emplois verts, notamment pour les femmes ou toutes personnesougroupement, àtravers la Chambre Régionale de l’Agriculture. C’est

Les actions de l’AMV-Niger s’inscrivent dansune démarched’unurbanisme de développement économique,socialetenvironnemental.LeNiger estl’undes rares pays de l’Afrique subsaharienne às’investir remarquablement dansl’ensemble de ces villes,à releverles niveauxdedéveloppement de ces villes et àréduire les écarts et les disparités entre elles.

unexercicepédagogique de changement de paradigme dans la façon de bâtir nos villes pour une recherche d’équilibrede son écosystème. C’est aussi une invitation aux municipalités et aux villesàs’investir dans cet exercice pour la construction de villes durables.L’AMV-Niger afaitde l’agriculture urbaine un axe important de la modernisation des villesauNiger.

Un mot de conclusion ?

Face aux tendances actuelles de l’urbanisation en Afrique, le développement de nos pays est désormais lié àcelui de nos villes.

575, boulevarddelaNation

Yantala 34 -Niamey,NIGER

Email :contact@modernisation-villes.ne

Tél. :+227 20 75 22 41

http://www.modernisation-villes.ne

:@AMVNIG :@amvniger1

COMMUNIQUÉ DIFCOM/DFPHOTOS :D R.

QUESTIONS À… Ibrahim Yacouba

Ministre de l’Énergie et des Énergies renouvelables

Il a été ministre des Transports puis des Affaires étrangères de Mahamadou Issoufou avant de rejoindre l’opposition, en 2018, et de se porter candidat à la présidentielle de 2020-2021 contre Mohamed Bazoum – il est arrivé cinquième au premier tour avec 5,38 % des voix –, comme en 2016. Mais c’est en tant que ministre de l’Énergie et des Énergies renouvelables, poste qui lui a été confié en avril 2022, qu’Ibrahim Yacouba répond à JeuneAfrique.

JeuneAfrique:Quelleplace l’énergieoccupe-t-elledansleplan dedéveloppementdupays?

IbrahimYacouba: Une place majeure. Il n’y aura pas de développement sans énergie, et nous avons beaucoup de retard à rattraper. Dans le budget 2023, 25 % des ressources sont affectées à l’énergie : plus qu’à la sécurité. Par ailleurs, il y a une sorte d’alignement des planètes en faveur de l’énergie. Nos partenaires nous font confiance, et leur contribution est de l’ordre de 1000 milliards de F CFA [1,52 milliard d’euros]. Le taux d’accès à l’énergie, qui est actuellement de 20 %, doit être doublé d’ici à 2025, et ce malgré la croissance démographique.

Commentlemixénergétique nigérienva-t-ilévoluer?

Actuellement, entre 72 % et 76 % de notre électricité sont importés du Nigeria, 20 % sont obtenus à partir du diesel, environ 5 % du charbon et à peine 1 % du solaire. Une anomalie que nous devons corriger, le Niger

étant l’un des pays les plus ensoleillés du monde. Notre ambition est de porter la part du solaire à plus de 30 % en moins de dix ans.

Dans les prochains mois, nous achèverons l’installation de deux centrales solaires, à Agadez et à Niamey, sur financement de l’Union européenne et de l’Agence française de développement, d’une puissance cumulée de 55 mégawatts [MW]. Nous avons aussi les projets appuyés par la BAD à Dosso, à Maradi et à Diffa, et celui soutenu par l’initiative Scaling Solar de l’IFC, pour lequel l’appel d’offres a été lancé au début de décembre dernier.

D’ici à dix-huit mois, nous serons capables d’atteindre une puissance de près de 300 MW en solaire, autant que notre consommation. C’est une énergie propre et peu coûteuse, qui nous permet de réaliser le double objectif d’accélérer l’accès à l’énergie et d’en baisser les coûts.

Qu’enest-ildel’éolien?

Le britannique Savannah Energy a commencé les mesures pour installer un parc éolien de 250 MW, et nous sommes en train de finaliser les discussions avec un conglomérat d’entreprises nigériennes, turques et mauritaniennes qui souhaite développer un parc de 100 MW dans le Nord.

Quelrôlepeutjouerleprivé?

Il est indispensable. Nous sommes d’ailleurs en train de réviser le code de l’électricité, en vigueur depuis six ans, pour alléger et accélérer le processus

des partenariats public-privé [PPP] dans le secteur. Environ 20 % de notre énergie locale est déjà produite par le privé, avec des acteurs comme le mauritanien Istithmar West Africa, présent à Niamey et à Zinder

La loi permet aussi aux industriels de produire leur propre énergie sans avoir besoin de recourir au fournisseur public, auquel ils peuvent vendre leurs excédents de production. Les miniers français de la Somaïr devraient y recourir, de même que le groupe turc Summa pour l’alimentation de l’aéroport.

LeNigerpourrait-ilexporter?

Oui. Le marché régional de la Dorsale [système d’échanges d’énergie électrique de l’Afrique de l’Ouest] se met en place – il sera effectif à partir de mars 2023 –, et nous en sommes partie prenante. Avec notre production, nous serons capables de nous positionner comme pays exportateur.

Surtout si nous trouvons un partenaire pour reprendre le projet charbonnier de Salkadamna : investissement estimé à 900 millions de dollars, pour une capacité de 600 MW. Même s’il n’est plus très « sexy » de parler du charbon aujourd’hui, c’est un projet structurant, qui nous positionnera sur le marché régional. À cet égard, le Niger est sur la même longueur d’onde que l’Union africaine : nous exploiterons toutes nos ressources naturelles et nous nous engagerons dans une transition juste, équitable et durable. Propos recueillis par Nelly Fualdes

« En 2023, le budget de l’énergie sera supérieur à celui de la sécurité »
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 94 OBJECTIF NIGER
TA GAZA DJIB O

DU NIGER

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE

L’éducation une priorité nationale

L’éducation, secteur prioritaire au Niger,est un pilier essentiel dans la formation du capital humain. En effet, elle constitue l’une des priorités du gouvernement qui alloue 22 %dubudget national àson financement. Le Professeur Ibrahim Natatou s’estexprimé àcesujet.

Pour soutenir l’éducation nationale,lePrésident de la République adéfini quatreaxesstratégiquesprimordiauxnécessitant desinterventions urgentes : accroissement des capacités d’accueil des établissements scolaires et centres de formation en alphabétisation et éducation non formelle,promotion de la scolarisation de la jeunefille, développement du capital humain et amélioration de la gouvernance du système éducatif

Accroissement des capacitésd’accueildes établissements scolaires et centres de formation AENF. Pour régler le problème d’infrastructures, le gouvernement s’est placé dans une optique de long terme, en prenant en compte les évolutions deseffectifs scolaires et donc desbesoins. Un processus d’élaboration d’une carte scolaireaété lancé,elle aura comme spécificité la recherche d’une meilleureadéquation entre l’offre et la demande éducative.Ainsi, elle donnera une vision dynamique et prospective de ce que le service éducatif devrait être àl’avenir, avec ses infrastructures, ses enseignants et ses équipements, pour permettre la mise en place effective des politiques éducatives.

La questiondelascolarisation de la jeunefille

Le Niger aélaboré une Stratégie Nationale d’Accélération de l’Education et de la Formationdes Filles et des Femmes(SNAEFFF) assortie d’un plan d’actions budgétisé. Cettestratégie prend en compte les défis multidimensionnelsqui plombentl’éducation de la fille et son maintien àl’école dontles mariagesetgrossesses précoces.

C’estdans ce sens que s’inscrit le programmede construction de 100internats de jeunes filles en zones rurale et nomade d’ici2025 pour créerles conditions d’un environnement d’enseignement apprentissage adéquat.

Le développement du capitalhumain

D’importantes actions sont entreprises pour promouvoir le développement professionnel des enseignants et releverleur niveau de qualification. Àceniveau, l’action phare est sansnul doutelaréforme desécoles normales avec le relèvement du profild’entrée,l’élaborationetdelamise en œuvre de nouveaux textes règlementaires, l’harmonisationetlamodernisation des programmes et méthodes de formation ainsi que la mise en formationdes encadreurs.

Pour traduire en acte la ferme volonté du gouvernement d’améliorer la carrièreetlaqualification des enseignants,leMinistère de l’Éducation Nationale aélaboré un plan de résorption des 70 473 enseignants contractuels pour leur intégration àlafonction publique.Ceplan vise le recrutement progressif àla fonction publique des enseignants contractuels qui auront satisfaitsaux conditions prévues par la réglementation en vigueur

La gouvernancedusystèmeéducatif

Il s’agit de combattre la mal gouvernance,lamauvaise gestion et biend’autres tares de l’administrationscolaires qui ne rimentpas avec la qualité tantrecherchée

Àcet effet, de nombreusesactions sont entreprises cette année pour assurerune meilleure gouvernance de notre systèmeéducatif.Ils’agitentre autres de l’expérimentation descontrats de performance au niveau des écolesnormales et des directions régionalesde l’éducation nationale et de la poursuitedel’appui à la décentralisationetà la déconcentrationnotamment àtravers les ressourcesduFonds Commun Sectorieldel’Éducation qui sont affectées àplus de 80 % aux entités décentralisées et déconcentrées pour les constructions des infrastructures scolaires,les appuis directs aux écoles…

RÉPUBLIQUE
www.education.gouv.ne JA MGPHO TO SD R
COMMUNIQUÉ
Le Professeur Ibrahim Natatou, Ministre de l’Éducation Nationale Le 14 janvier 2023, le Pr IbrahimNatatou et Foumakoye Gado vice président Fondation Issoufou Mahamadou entourés des élèves lors de la réception de 12 salles de classe à koygolo (Dosso).

Kandadji, le barrage aux multiples enjeux

Le chantier du premier complexe hydroélectrique est désormais bien engagé.

Double objectif : s’affranchir de la dépendance énergétique vis-à-vis du Nigeria et créer 45 000 hectares de terres irriguées pour en finir avec l’insécurité alimentaire.

FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

Les vues aériennes du futur barrage de Kandadji sont déjà impressionnantes Situé dans le Tillabéri – à 180 km en amont de Niamey et à 50 km de la frontière avec le Mali, en pleine zone des trois frontières –, le chantier avance à un train soutenu et sous haute surveillance

Depuis la fin des années 1970, le vieux rêve de doter le pays d’un grand complexe hydroélectrique ne s’était jamais concrétisé. Jusqu’à ce que l’ex-président Issoufou le relance et en fasse un axe majeur du programme de mise en valeur du fleuve Niger – troisième plus long fleuve du continent (4 200 km) et principale ressource en eau de la sous-région. Attribué en 2010 au groupe russe Zaroubegevodstroï (ZVS), le marché a été confié en 2018 à China Gezhouba Group Company Limited (CGGC), qui a commencé les travaux de construction du barrage en mars 2019. Initialement prévue en 2023, la mise en eau de l’infrastructure devrait avoir lieu en 2025, compte tenu des retards dus à la pandémie de Covid-19.

L’objectif du Programme Kandadji de régénération des écosystèmes et de mise en œuvre de la vallée du Niger (P-Kresmin) est triple : accroître la production d’électricité pour s’émanciper de la dépendance énergétique au Nigeria voisin, augmenter les rendements agricoles en créant45000hadesurfacesirriguées et améliorer la sécurité alimentaire,

mais aussi assurer la préservation et la revitalisation des écosystèmes fluviaux, notamment à travers un plan d’aménagement et de gestion de la réserve naturelle nationale de Kandadji.

Ce projet, d’un coût global de 740 milliards de F CFA (1,1 milliard d’euros), dont environ 85,3 milliards pour le barrage, est financé par plusieurs fonds multilatéraux – dont la Banque mondiale, l’Agence française de développement (AFD), la Banque africaine de développement (BAD)

Le projet doit soutenir un développement durable : une économie verte et à même de stabiliser les populations rurales, de plus en plus précaires.

et la Banque islamique de développement (BID) – et par l’État, qui a notamment financé les travaux préparatoires à hauteur de 7 milliards de F CFA.

Avec sa digue de 28 m de haut et de 8,5 km de long, l’ouvrage aura une capacité de retenue de 1,5 milliard de m3 Il permettra de sécuriser l’alimentation en eau potable de l’agglomération de Niamey, de réguler le débit du fleuve (qui traverse le pays sur 550 km et entraîne des crues

mortelles chaque année) et de créer 45000 ha de terres irriguées.

De quoi récolter quelque 400000 tonnes de riz, maïs et produits maraîcherssupplémentaireschaqueannée àl’horizon2030,selonlesprojections de l’Agence du barrage de Kandadji (ABK), qui estime par ailleurs que le cheptel bovin devrait s’accroître de 305000 têtes, pour produire environ 770 t de viande et 9 millions de litres de lait supplémentaires par an. Sans oublierlaproductionhalieutique,qui devraitêtresupérieureà1840 tparan.

Un défi de taille

Le défi est de taille pour un pays où l’agriculture représente 40 % du PIB, occupe 80 % des 21,5 millions d’habitants, reste dépendante des aléas climatiques, et où l’insécurité alimentaire reste un problème, aggravé par le contexte sécuritaire et les conséquences de la guerre en Ukraine

Kandadji doit donc permettre de soutenir un développement durable, dans le plein sens du terme : une économie verte et à même de stabiliser les populations rurales, qui vivent de façon de plus en plus précaire, dans une région menacée par les groupes terroristes de l’État islamique à l’ouest et par Boko Haram au sud-est. Mohamed Bazoum en a fait une question personnelle et s’est déjà rendu à plusieurs reprises sur le site, notamment en septembre 2021, visite au cours de laquelle il a déclaré que l’exécutif allait « accroître le

JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 96 OBJECTIF NIGER

MINISTÈRE DE L’ÉQUIPEMENT

Transports : Des infrastructures développées et optimisées

Le Niger dispose d’un réseau routier national de 21 586 km. Le Ministère de l’Équipement est garant de la stratégie du développement des infrastructures, de leur conception àleur construction, en passant par l’entretien et la réhabilitation de tous les modes de transport àl’exception des infrastructures aéroportuaires.

D’importants investissements réalisés sur la période 2011-2022 ont permis d’améliorer les principaux indicateurs du secteur.Ils ont surtout consistéaudésenclavementinterne et externe du pays, au désenclavement des zones rurales par la construction de routesrurales et àlaconstruction de voiriesurbaines et d’échangeurs pour améliorerlamobilité dans lesgrandes villes, principalement la capitale Niamey.

L’ambition est d’assurer la préservation de cet important patrimoine et de poursuivre le développement du réseau d’infrastructures de transport conformément aux orientations gouvernementales, en vue d’accompagner le développement socio-économique du pays.

Pour répondre àces enjeux, desréformesdusous-secteur de l’entretienroutier ont été mises en œuvre, avec la création du Fonds d’Entretien Routier (FER), de l’Agence de maitrise d’ouvrage déléguée de l’entretien routier (AMODER) et de la Cellule d’auditetdecontrôle des travaux d’entretien routier (CACER). Leur consolidation est la clé pour atteindre des objectifs fixés dans le cadre de l’amélioration de l’entretien routier

Le Plan de Développement Économique et Social (PDES 2022-2026) est la traduction des orientations nationales et des engagements internationaux du Niger.Les actionsprévues au titredes infrastructures de transport visent le développement du secteur privé qui contribuera àlatransformation structurelle de l’économie

Projets en cours d’exécution

•Corridor transsaharien Zinder-Agadez

•RouteArlit-Assamaka-FrontièreAlgérie

•Réhabilitation de la route

Tahoua-Agadez-Arlit

•Réhabilitation de la routeNationalen°1

Projetsenperspective

•Corridor Lomé-Ouagadougou-Niamey

•Corridor Niamey-Cotonou

•Programmedeconstruction de routes

bitumées

•Programmedeconstruction de routesrurales

•Projets de construction de lignes ferroviaires

•Projets de construction d’ouvragesd’art

MINISTÈRE DE L’ÉQUIPEMENT, Boulevard de la République

BP 325Niamey (Niger)

Tél. :(+227) 72 56 29 -Fax :(227) 72 21 71

Email :equipementministere@yahoo.fr

www.gouv.ne

RÉPUBLIQUE
DU NIGER
JA MGPHO TO SD R
Visite du Ministre de l’Équipement Moctar Gado Sabo sur le chantier de Yaya Dangona. Chantier en cours sur la RNIE. Moctar Gado Sabo Ministre de l’Équipement
COMMUNIQUÉ
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nombredesoldatspourpermettre au chantier de tourner jour et nuit ». Le président nigérien est revenu à Kandadji en octobre dernier, cette fois pour le lancement des travaux de la ligne à haute tension KandadjiNiamey, une infrastructure dont le coût de 55,6 milliards de F CFA est supporté par la BID. La centrale hydroélectrique elle-même sera dotée d’une puissance installée de 130 mégawatts (MW), pour une production annuelle de 629 gigawattheures (GWh).

Centrale thermique et parc solaire

Actuellement, les délestages continuent de grever le développement et le budget du pays, malgré la mise en service en 2017 de la centrale thermique diesel de Gorou Banda (80 MW), à 10 km de Niamey, un investissement de 80 milliards de F CFA soutenu par la BID et la

Banque ouest-africaine de développement (BOAD), qui sera bientôt renforcé par un parc solaire de 50 MWc (mégawatts-crête : puissance maximale), dans le cadre du programme Scaling Solar de l’IFC.

de Kandadji permettra d’augmenter de 50 % la production du pays, avec une énergie propre, renouvelable et moins chère, dont le surplus pourra même être exporté dans la sousrégion, en particulier pendant la saison des pluies.

SelonIbrahimYacouba, leministre nigérien de l’Énergie, à peine 20 % des Nigériens ont accès à l’électricité (l’un des taux les plus faibles au monde), laquelle, pour plus de 70 %, est importée du Nigeria. La centrale

Reste que la réalisation du barrage implique le déplacement d’environ 50 000 personnes, pour lesquelles un programme de compensation, relogement et accompagnement est en cours. L’opération de réinstallation et d’indemnisation des foyers qui se trouvaient dans l’emprise de la première phase de travaux, soit 8 000 personnes, est achevée. Elle a nécessité 38 milliards de F CFA pour l’indemnisation des quelque 800 ménages concernés, l’aménagement des sites d’habitat (logements, réseaux d’eau potable et d’assainissement, écoles, centres de santé…) et celui de 2000 ha de surfaces agricoles irriguées.

REBECCA BLA CKWELL/AP/SIP A
Riziculture dans la région de Niamey
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 98 OBJECTIF NIGER
En vue, l’augmentation de la production de 50 %, avec une énergie propre, renouvelable et moins chère, dont le surplus pourra être exporté.

Un économiste au service du continent

À 45 ans, Abdoul Salam Bello est le premier Nigérien nommé administrateur à la Banque mondiale, où il représente 23 pays africains. De Niamey à Washington, itinéraire d’un éternel militant du développement.

«M a ligne directrice a toujours été le développement de l’Afrique. Et pour ce faire, les organismes internationaux, en particulier les banques de développement, me semblent être es tremplins les plus impactants », explique Abdoul Salam Bello. À 45 ans, le Nigérien a enchaîné les postes au service du continent : économiste à la Banque islamique de développement (BID), en Arabie saoudite, et directeur de cabinet du secrétaire exécutif de l’Agence du Nouveaupartenariatpourledéveloppement de l’Afrique (Auda-Nepad), en Afrique du Sud, chargé de projet senior à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD).

Et, depuis novembre, administrateur du Groupe Afrique II au conseil d’administration du groupe de la Banque mondiale (BM), à Washington. Un poste qui lui confère deux principales missions : se porter « fiduciairement » responsable du groupe de la BM et représenter 23 pays africains au sein de son conseil d’administration.

Fils de diplomate, Abdoul Salam BelloagrandiàRiyad,enArabiesaoudite, avec ses quatre frères et sœurs. Une enfance « douce », rythmée par les récits d’une famille « férue d’histoire ». Puis c’est en France que le jeune Nigérien a posé bagages pour commencersoncursusuniversitaire: d’abord avec un diplôme d’ingénieur en télécommunications de l’université de Toulon, suivi d’un master en diplomatie et négociations stratégiques à l’université de Paris-Sud,

DR
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 100 OBJECTIF NIGER

puis d’un master en management des activités internationales à l'université Lyon-III. Enfin, en 2004, il rejoint la capitale française afin d’intégrer HEC Paris, où il obtient un master en management des risques internationaux

Durant ses années d’études, l’économiste en herbe passait le plus clair de son temps libre avec ses « copains intellos », confie-t-il avec une pointe de nostalgie. « J’avais des amis issus de différentes grandes écoles : Sciences-Po, Normale sup, Polytechnique Nousavionssouvent des débats d’idées sur les réformes économiques à mener sur le continent, sur les changements structurels à apporter, etc. » Des échanges et une émulation intellectuelle qui le confortent dans son choix de carrière. Après un passage dans le privé, en tant que chef de projet adjoint au siège de Renault, en France, il intègre laBIDen2007àtraversleprogramme des« jeunes professionnels»,àl’issue

duquel il se spécialise dans les opérations et l’évaluation.

Abdoul Bello s’installe à Washington en 2014 pour rejoindre la BM, d’abord en tant que conseiller de l’administrateurduGroupeAfriqueII (2014-2019), puis en tant qu'adminis-

à Washington –, il est d’ailleurs l’auteurdeLaRégionalisationenAfrique: essai sur un processus d’intégration et de développement (éditions L’Harmattan, 2017).

trateursuppléant(2020-2022)jusqu’à sa titularisation, en novembre, pour un mandat de deux ans non renouvelable, avec toujours le même objectif : contribuer à l’intégration économique africaine Chercheur au Centre africain du think tank Atlantic Council – également basé

En l'occurrence, Abdoul Salam Bello est convaincu que la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) a un réel potentiel. Pour illustrer son propos, il reprend la métaphore des « bols de spaghettis », théorisée par l’Indien Jagdish Bhagwati, selon laquelle plus le nombre d’accords de libre-échange entre pays augmente, plus leurs relations commerciales ralentissent. Une vision à contre-courant « très pertinente à l’échelle du continent, où beaucoup d’accords finissent par ne pas être ratifiés ou respectés » faute de budget, d’organisation et de respect des délais de mise en œuvre. « Au lieu de multiplier les structures à vocation continentale, il faut miser sur un accord solide et commun », résume-t-il.

frique c’ Société de Gestion et d’Intermédiation du Niger (SGI-NIGER SA) capital de 200 000 000 de FCFA / N° Agrément CREP/MF : SGI-016/2000 NIF : 3929 / RCCM : NI-NIA-2008-B 397 SOCIÉTÉ DE GESTION ET D’INTERMÉDIATION FINANCIÈRE 258b, Rue du Grand Hôtel - BP : 10812 Niamey Niger Tel : +227 20 73 78 18 / Fax : +227 20 73 78 16 / Email : sginiger@sginiger.com www.sginiger.com
OBJECTIF NIGER
« Nous avions souvent des débats d’idées sur les réformes à mener, les changements structurels à apporter…»

COULEUR LOCALE

Là où les murs parlent aux passants

Dans le vieux centre de Zinder, la deuxième ville du pays, les maisons haoussas se reconnaissent aux décorations qui ornent leurs façades. Un signe extérieur de richesse conçu pour transmettre un message social, religieux, économique, voire politique. Reportage.

Siège du Palais du sultan du Damagaram, le quartier fortifié de Birni, construit autour d’énormes massifs granitiques, reste un monde à part. Marcher dans le centre ancien – et toujours bien vivant – de Zinder donne l’impression de déambuler dans un musée à ciel ouvert, où le dédale des rues, sableuses par endroits, rappelle que le désert n’est pas loin.

Autour du Palais du sultanat du Damagaram, lui-même richement décoré, certaines façades sont encore ornées de dizaines de symboles géométriques de couleur primaire – jaune, bleu, rouge –, verts ou blancs. Beaucoup ont été effacés ou abîmés par les intempéries, mais d’autres semblent avoir été récemment repeints, replâtrés ou restaurés. « Le blanc symbolise les qualités du clan, ainsi que la joie. Le rouge représente le pouvoir mystique, le vert l’islam, et le jaune évoque le pouvoir politique, la royauté, c’est une couleur rare et chère », précise Moussa Garba, économiste et spécialiste des Haoussas.

Identité et pouvoir

À l’origine, les quartiers d’habitation s’appelaient zangō, ou zongō, terme haoussa qui désigne toute construction provisoire ou campement de nouveaux venus. Avec l’arrivée de marchands et

de savants venus de Wangarawa à partir du milieu du XVIe siècle, l’islam s’est imposé chez les Haoussas qui, au fil des siècles, se sont sédentarisés et concentrés dans les villes, tout particulièrement à Zinder, carrefour commerçant entre le Sahara et le Sahel, qui abritait de nombreux artisans travaillant le fer, le cuivre et la laine (teinture et tissage). Située à une centaine de kilomètres de la frontière avec le Nigeria, la cité est, depuis, restée un grand marché, longtemps dirigé par les Haoussas, qui se sont enrichis avec

le commerce du sel de Bilma, des graines de kola, des bijoux sénégalais et soudanais, etc.

L’architecture haoussa se compose traditionnellement d’une structure à deux étages constituée de murs en adobe, de petites briquettes d’argile et de paille séchées. La plupart de ces constructions ont peu de fenêtres, parfois juste une porte principale, cernée de décorations – plus une personne est aisée, plus l’entrée de sa maison est grande. Autrefois, l’ornement d’une maison haoussa montrait l’opulence, la richesse de la famille, attestant que ses propriétaires – principalement des commerçants, des chefs religieux ou des marabouts – possédaient un certain niveau de vie Plus cette villa était couverte de symboles, plus elle prenait de la valeur.

« Ces ornementations sont uniques en Afrique. Les symboles sont des signes parfois secrets, propres à la famille Ce sont d’abord des marques d’identité : on identifie

ROLA ND/CR EA TIVEC OMMO NS
« Ces ornementations sont uniques en Afrique. Les symboles sont parfois secrets, propres à la famille. »
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 102 OBJECTIF NIGER
Au cœur de la vieille ville.

mieux l’homme quand on regarde la façon dont sa maison est décorée, explique Moussa Garba… Une autre raison majeure est que les Haoussas aiment impressionner les visiteurs. »

Réfection

Au milieu du XXe siècle, les symboles tels que le sabre, le serpent, l’étoile ou le croissant ornaient encore la plupart des murs des villes du sud du Niger Le dagin arewa (« sceau du Nord ») est le symbole le plus répandu, la marque de fabrique du peuple haoussa « Il y a une dimension magique et internationale dans la culture haoussa, qui aurait plus de neuf mille ans, explique le journaliste Salissou Issa, spécialiste du sujet. C’est donc un très vieil héritage, qui serait venu du Yémen en transitant par l’Égypte et qui s’est imposé comme une langue et une culture de tout premier plan dans la sous-région. Le premier journal en haoussa, Gaskiya Taxi Kwabo (« La vérité vaut plus que l’argent »), date de 1930. »

Aujourd’hui, on retrouve ces symboles un peu partout à Zinder, ainsi que, parfois, certaines lettres de l’alphabet haoussa. Réalisés et conçus par des artisans

essentiellement haoussas –, ces décors portent un message social, religieux, économique ou politique « Ces messages sur les maisons sont apparus très tôt, peut-être même dès l’apparition des premiers royaumes haoussas [au XIe siècle]. La maison traditionnelle pouvait contenir toutes les branches de la famille, chaque enfant possédant une partie ou un étage. Autrefois, les Haoussas croyaient au soleil, aux esprits : c’était le magizanci… Les symboles peuvent attester de cette étrangeté », ajoute Moussa Garba.

En 2005, de nombreuses villas en mauvais état du centre de Zinder ont été restaurées dans le cadre d’un programme du ministère nigérien de la Culture. L’année suivante, le district de Birni et le

Palais du sultanat ont été ajoutés sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.

À Zinder, comme un peu partout au Niger ou au Nigeria, la tradition haoussa n’a pas totalement disparu et a évolué… Si, pendant longtemps, ces constructions en terre argileuse, avec leurs ornementations, n’étaient qu’une architecture de luxe réservée aux chefs et aux notables, depuis les années 1970, l’usage du ciment a vu apparaître ici et là des décorations haoussas sur des murs de crépis.

Aujourd’hui, les Haoussas sont l’un des plus grands groupes ethniques d’Afrique de l’Ouest, avec une population de plus de 30 millions de personnes, principalement établies au Nigeria (plus de 20 % de la population) et au Niger (environ 55 %), où leur influence linguistique et culturelle irradie Au Niger, on les trouve désormais dispersés aux quatre coins du pays et dans les principales

grandes agglomérations. Sans surprise, les façades décorées sont apparues dans d’autres villes, y compris dans la capitale, Niamey Et même si la maison moderne, avec garage et climatisation, est devenue le nouveau symbole d’un statut social privilégié, l’ornementation des façades revient en force Chacun veut marquer la société de son empreinte, car, comme dit le proverbe haoussa : Mai aki chi ya san inda ke michi ruwa (« Il n’y a que le propriétaire pour décrire sa maison »).

François-Xavier Freland

HOMOCO
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Le Palais du sultanat du Damagaram, dans le quartier fortifié de Birni.
JEUNE AFRIQUE – N°3121 – FEVRIER 2023 103 OBJECTIF NIGER
« Il y a une dimension magique et internationale dans la culture haoussa, qui aurait plus de 9000 ans. »

PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE DU NIGER

MINISTÈRE DES FINANCES

Entretien avec Monsieur Ahmat Jidoud, Ministre des Finances du Niger

avec la poursuite de la reprise de la production agricole,l’amélioration des circuits de distribution et l’atténuation de la hausse des prix des produits importés.

L’assainissement des finances publiques devrait se poursuivre en 2023 et au-delà en vue du respect des normes de convergence de l’UEMOA. Le déficit budgétaire global devrait se contracter à5,3 %duPIB en 2023 (contre6,8 %duPIB en 2022), grâce àlamobilisation accrue des autres recettes intérieures et àlarationalisation des dépenses publiques. La poursuite des efforts de consolidation àmoyen terme,soutenue principalement par la hausse des recettes pétrolières, devrait permettre de respecter en 2025 le critère de convergence de l’UEMOAde3%duPIB relatif au déficit budgétaire global.

Quelles sont vos prévisions pour l’économie du Niger en 2023 ?

La croissance du PIB réel en 2023 est attendue à7%,soutenue principalement par le démarrage des exportations de pétrole brut du champ d’Agadem. La montée quasiment àpleine capacité de la production de pétrole à110 mille barils/jour àpartir de 2024 portera la croissance àune moyenne de 10 %sur les trois prochaines années.

L’inflation devrait redescendre à3%en2023 dans la limite de la norme communautaire de l’UEMOAetdavantage se réduire par la suite,

Le Gouvernement entend poursuivre sa politique d’endettement prudent. Fidèle àsapolitique de maîtrise de la dette et de renforcement de la viabilité des finances publiques, le Gouvernement poursuivra une politique de financement essentiellement ancrée sur le recours aux ressources concessionnelles et la mise en œuvre de projets porteurs de croissance et de développement dans le respect du plafond de 70 %duPIB fixédans le pacte de convergence et de stabilité de l’UEMOA.

Pouvez-vous nous présenter les grandes lignes du Programme Économique et Financier (PEF) 2021–2024 et le bilan à ce jour ?

Il s’agit du Programme Économique et Financier conclu avec le Fonds Monétaire International (FMI) dans le cadre de la Facilité Élargie de Crédit pour la période 2021-2024. Lesobjectifs du

«Unsecteur privé,diversifié et créateur d’emploi, est le principal moteur d’une croissance inclusive
»
Le budget 2023 vise àtrouver un équilibre entre la préservation de la viabilité des finances publiqueset le nécessaire soutien à la relance économique.
©D IRCOMPRN

Programme sont centrés sur la consolidation de la stabilité macroéconomique ;lerenforcement de la mobilisation des ressources intérieures ;l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique avec un accent sur les dépenses sociales et de réduction de la pauvreté ;etlapromotiondelabonne gouvernance

Le bilan est largement positif.Endépit de la conjoncture économique défavorable,leGouvernement aréussi àconclure avec succès les deux premières revues du programme

Où en estlaréforme des entreprises et établissements publics (EEP) ?

En 2021, le Gouvernement aadopté 3décrets portant sur les entreprises et établissements publics en vue d’améliorer leur gouvernance.Cesont :

-LeDécret n°2021-924 PRN-MF du 1er novembre 2021, fixant la tutelle,l’organisation, le contrôle et les modalités de fonctionnement des établissements publics.

-LeDécret n°2021-925 PRN-MF du 2021, portant création, tutelle et contrôle des entreprises publiques.

-LeDécret n°2021-926 du 1er novembre 2021, précisant les dispositions spécifiques aux EPIC

Tous ces textes visent àrenforcer la capacité opérationnelle et la gouvernance des EEP

Au cours de l’année 2022, un forum aété organisé par le Gouvernement et présidé par le Premier Ministre,Chef du Gouvernement. Ce forum aregroupé l’ensemble des dirigeants des établissements publics. Àl’issue des travaux de ce forum, plusieurs recommandations ont été formulées aussi bien àl’endroit du Gouvernement, qu’aux entreprises et établissements publics.

Quelles sont les principales initiatives prises en matière d’inclusion financière et de transformation de l’économie ?

L’inclusion financière demeure également un pilier important de l’agenda de développement du Gouvernement. La mise en œuvredelaStratégie

Nationale de Finance Inclusive (SNFI) est globalement en bonne voie.Les textes qui définissent la

gouvernance du Fonds National d’Appui aux Petites et Moyennes Entreprises et Moyennes Industries (FONAP) ont tous été adoptés et le secrétariat exécutif de l’organe est désormais opérationnel. Un cadre de concertation avec les différents groupes de travail de la SNFI aété instauré afin d’assurer la bonne mise en œuvre du dispositif et la synergie entre tous les fonds de développement et d’inclusion financière

Parailleurs, l’opérationnalisation des quatre guichets du Fonds de Développement de l’Inclusion Financière (FDIF) est prévue au premier trimestre de 2023. Concernant les perspectives àmoyen terme,leGouvernement prévoit le lancement d’un programme d’éducation financière dans toutes les régions du pays afin d’accélérer l’inclusion financière des populations vulnérables, notamment les jeunes et les femmes.

Le Gouvernement entend mettre l’accent sur la digitalisation et le développement de la finance islamique afin d’adapter l’offre des services financiers au contexte socioculturel du pays. Au niveau régional, la banque centrale mène une étude diagnostique des contraintes de l’offre et de la demande des services financiers dont les conclusions serviront àaméliorer la prochaine stratégie nationale d’inclusion financière

Dans le cadre de l’opérationnalisation du Fonds d’Appui aux Financements des PME/PMI (FONAP), le Ministère des Finances alancé en juin 2022 l’initiative «les 100PME/PMI championnes », qui apermis de sélectionner 109 PME/PMI devant bénéficier d’un appui financier de l’État sous forme de garantie ou de bonification de taux d’intérêt et d’un appui non financier pour le renforcement de leurs capacités techniques et managériales à travers les Structures d’Appui et d’Encadrement (SAE).

Lesdossiers acceptés totalisent un besoin de financement de 10,428 milliards de FCFA.Des conventions de partenariat pour le financement des PME/PMI sélectionnées ont été signées avec les banques.

JA MGPHO TO SD R
COMMUNIQUÉ www.finances.gouv.ne
Le Gouvernement aadopté un nouveau Plan de Développement Économique et Social (PDES) 2022-2026etune nouvelle stratégie d’adaptation au changement climatique en vue d’une croissance accélérée, inclusiveet résiliente.

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