perspective
Étude
Ouvrages d’art : il faut renforcer l’ingénierie Le Conseil général de l’environnement et du développement durable formule des recommandations pour assurer la restauration des ouvrages d’art. Une priorité : développer les capacités en ingénierie. La formation est à renforcer et la gestion patrimoniale doit être structurée, surtout dans les collectivités.
C’
est un constat par tagé au-delà de nos frontières : une attention particulière doit être apportée rapidement à l’entretien et la maintenance des ponts et des murs routiers. Si des rapports ont mis en exergue cette nécessité, l’actualité récente l’a renforcée : accident du pont Morandi le 14 août 2018 à Gênes mais aussi en France, mur de soutènement du pont de Gennevilliers en juin 2018, rupture d’un câble de précontrainte du pont de l’Île de Ré en septembre 2018, dramatique effondrement du pont de Mirepoix sur le Tarn en novembre 2019… C’est une évidence : un pont possède une durée de vie limitée. De plus, il constitue un équipement sensible nécessitant une surveillance. Tous les ouvrages, construits après-guerre, nécessitent une vigilance accrue. Certains, plus anciens, sont en fin de vie. Par ailleurs, tous les ouvrages un peu anciens en service sont soumis à des actions plus importantes que
L’essentiel
Faire monter en puissance les capacités
de rénovation des ouvrages d’art est impératif. La formation initiale dans les écoles d’ingénieurs et de techniciens devrait prendre en compte ou renforcer le volet « entretien et maintenance ». Il faut passer de la maintenance curative ou préventive à la maintenance prédictive grâce à une meilleure connaissance des indicateurs de durabilité et des mécanismes de dégradations. 28
Techni.Cités
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celles prévues lors de leur conception (charges de trafic, actions du climat…), et leur durée de vie peut être raccourcie. Dans ce contexte, il est apparu qu’une montée en puissance des capacités de rénovation de ces infrastructures était un impératif : au-delà des aspects de financement, celle-ci nécessite la pérennisation et le renforcement des moyens de surveillance, de diagnostic de pathologies des ouvrages ainsi que des mesures conservatoires et de réparation qui requièrent des compétences spécifiques. Cette évaluation des capacités d’ingénierie a été l’objet de la mission confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) par les ministères de la Transition écologique, des Transports et de la Cohésion des territoires dans une lettre en date du 16 octobre 2019. Le rapport « Développement des capacités de réalisation de la restauration des ouvrages d’art routiers » a été publié le 17 juin. Dans un premier temps, le document rappelle les principes d’entretien et de rénovation des ponts et murs routiers. À ce sujet, le texte de référence est une instruction technique (Cerema) qui peut être utilisée par les collectivités territoriales. Elle a d’ailleurs été adaptée pour les communes dans un guide publié par le Cerema en septembre 2018, « Surveillance et entretien courant des ouvrages d’art routiers - Guide technique à l’usage des communes ». Les missions définies dans cette instruction sont les suivantes : recensement des ouvrages, création d’un dossier de l’ouvrage, mise en place d’une surveil-
lance systématique et périodique pour chaque ouvrage… Le rapport détaille ensuite les pathologies à surveiller, les techniques de réparations et la situation des ponts et murs de soutènement. Ainsi, le nombre de ponts routiers en France est estimé entre 200 000 et 250 000 dont environ 24 000 appartiennent à l’État, entre 100 000 et 120 000 aux départements, entre 80 000 et 100 000 aux communes ou aux intercommunalités… Le nombre de ponts ayant un défaut structurel est plus important pour les ponts des collectivités que pour ceux du réseau routier national concédé ou non (1).
Effectifs plus importants pour l'entretien
Sont également exposés les différents métiers de la surveillance, de l’entretien et de la réparation des ponts en lien avec la situation des moyens de l’État. À ce sujet, il est confirmé que le Cerema, établissement public, « intervient à tous les niveaux, des diagnostics à la maîtrise d’œuvre, de la création de doctrine et de participation à la diffusion de savoirs (clubs, colloques…), et travaille pour tous les maîtres d’ouvrage publics et privés ». Il compte environ 300 agents en 2019 aux côtés des directions interdépartementales des routes (DIR) avec ses 165 agents (chiffre 2014). Le maintien (a minima) de ces effectifs Cerema dédiés avait été souligné. Mais un audit de la Mission d’appui du réseau routier national (MARRN) estime qu’il faut (en plus) rapidement prévoir quarante spécialistes et experts, à périmètre constant du ministère (Cerema et DIR inclus), sans