Claudine Boulanger-Pic, psychologue
LES ADOS : RISQUES ET LIMITES ? Alcool, cannabis, conduites extrêmes : tandis que nos adolescents flirtent avec le danger, l’angoisse nous ronge, et nous avons besoin de nouveaux repères. QUI SONT NOS ADOS ? L’adolescence est la période de la vie où on aime transgresser les règles, prendre des risques et chercher les limites. Les adolescents le disent eux-mêmes : un tiers d’entre eux (33 %) estime que la vie est triste si on n’a pas d’émotions fortes et un tiers déclare que les jeunes de leur âge « aiment le danger ». Mais la grande majorité des ados contiennent ces prises de risques dans des proportions raisonnables ; tandis que certains se mettent vraiment en danger. S’il n’y a pas, selon l’Inserm, de portrait type d’« adolescent à risque », il existe un faisceau de causes et de mécanismes qui peuvent mener à des comportements dangereux : une fragilité personnelle, un climat familial difficile, des facteurs sociaux délétères… L’étude souligne notamment l’importance de la « banalisation » de certains comportements (« tout le monde fume du cannabis ») et de la pression du groupe, l’influence des pairs étant particulièrement forte à cet âge. Les ados en ont conscience : 35 % déclarent avoir du mal à dire non à leurs amis, et 30 % disent faire des choses qu’ils ne voulaient pas faire pour plaire aux autres.
PASSAGE RISQUÉ OBLIGÉ « Il n’y a pas d’adolescence sans prise de risque. » Xavier Pommereau, psychiatre, est bien placé pour le savoir : il voit passer des dizaines de jeunes de 10 à 18 ans et leurs parents dans sa consultation. Aucune adolescence « normale » ne peut s’en passer. Cette mise en danger est absolument nécessaire, dit-il, pour permettre au jeune de prendre ses
les excès propres à cet âge et le vrai risque de « déchirure ». Pour l’alcool comme pour d’autres conduites à risque, l’alarme doit retentir face à deux paramètres : l’intensité et la fréquence. Après un épisode très alcoolisé, attendre le lendemain ou le surlendemain pour entamer une discussion, en évitant les cris. «Les cris sont le signe que nous avons perdu nos moyens, et l’adolescent le sait », décrypte le psychiatre. Parler doucement, en expliquant que les termes de la négociation n’ont pas été suivis, et insister sur le manque de respect de LES EXCÈS ALCOOLIQUES Le goût du risque a souvent celui de sa part à notre égard. Cet argument l’alcool. De plus en plus d’ados très est précieux, car les jeunes réclament sans cesse d’être respectés par les jeunes se livrent à la pratique du adultes. Difficile si eux-mêmes ne binge drinking. Cette absorption s’y conforment pas. Et demander des rapide d’alcool fort leur permet de se « démonter la tête » pour décon- garanties lors de la sortie suivante. necter du quotidien, du collège, du Si la scène se répète, « cela indique un malaise. Ce sont des appels à lycée, des problèmes familiaux, ou l’aide qui ne disent pas leur nom, pour se mesurer aux copains en qui témoignent du besoin d’être à joutes liquides. Et nul n’est à l’abri la fois reconnu “en souffrance” et tant la pratique est répandue. contenu par les limites du corps social, insiste Xavier Pommereau. Pour les parents, comment faire passer le message quand eux-mêmes Une consultation dans un service spécialisé pour ados aidera à mieux se livrent à des apéros proloncomprendre les raisons de sa gés ? Selon Xavier Pommereau, il conduite ». convient de faire la différence entre distances et de s’extraire de la dépendance infantile. Les parents pensant que leur enfant pourra y échapper font erreur. « Parler d’identité qui s’affirme, c’est admettre des écarts de conduite permettant à chaque ado de les mesurer puis de se synchroniser », écrit le praticien dans « Le Goût du risque à l’adolescence. » Mais comment agir pour permettre au sien de ne pas basculer dans un risque trop important, sans pour autant céder à la tentation de le surprotéger ?
76 ::: Psycho des petits