BLUE LINE #06

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{ ENVIRONNEMENT RECONDITIONNEMENT }

LA MINE DE DEMAIN SE TROUVE EN VILLE :

VERS UNE VALORISATION DES DÉCHETS ÉLECTRONIQUES PAR KEVIN KARENA

Notre époque est marquée par l’essor de la technologie et une course effrénée à la consommation sinon à la surconsommation. La ruée compulsive à l’acquisition du dernier smartphone est un exemple éloquent. Au rythme de l’innovation et du marketing, il est sans cesse question d’obtenir ce qui se fait de nouveau et de mieux. N’est-il pas temps d’inverser la tendance ?

Au niveau mondial, les téléphones sont en moyenne remplacés tous les 21 mois selon un rapport de Statista sur la fréquence de changement des GSM. Il se vend plus de 50 smartphones toutes les secondes à tel point que la croissance des utilisateurs de mobiles est plus rapide que la croissance de la population mondiale. Les mobiles obsolètes sont jetés et occasionnent, de fait, une quantité astronomique de déchets électroniques. Le succès de la vague des smartphones a un coût social et environnemental trop souvent négligé. L’objet technologique, qui est devenu l’extension de notre main, nécessite pour sa fabrication plus de 40 métaux dont les tristement célèbres minerais du sang en République démocratique du Congo. L’écosystème se retrouve traumatisé, le degré de pollution évolue de façon funeste et la population locale est réduite à un travail épouvantable. Nous vivons un cycle qui voit les ressources se raréfier et l’extraction de certains métaux revêtir de sombres facettes. Nous prenons plus de risques, creusons toujours plus profondément à travers la croûte terrestre pour des résultats en constante dégradation. Et si nous pouvions obtenir de meilleurs résultats sans mettre des vies en danger, sans même qu’il soit nécessaire de creuser ?

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BLUE LINE | Janvier 2021

En Belgique, la quantité de téléphones enfouis dans nos tiroirs est estimée à plus de 3 millions d’unités soit l’équivalent de ce qu’on peut appeler une montagne de métaux précieux. À titre illustratif, une mine rentable contient 5 grammes d’or par tonne de minerai tandis qu’une tonne de cartes électroniques en contient en moyenne pas moins de 200 grammes, soit une concentration en or 40 fois supérieur à une mine traditionnelle. Nos déchets électroniques comme ceux issus de nos téléphones mobiles sont d’une grande valeur. Grâce au minage urbain, leur recyclage donne progressivement naissance à une industrie au poids économique important qui s’inscrit dans une logique d’économie circulaire. Le concept est intéressant en ce sens qu’il transforme nos villes en centre de production minière. Les déchets électroniques, perçus comme un fardeau de notre ère digitale, sont en fait une opportunité insoupçonnée. Nous voilà face à un gigantesque potentiel permettant un approvisionnement en métaux plus responsable. Au-delà des impératifs d’efficience et de réduction de l’impact environnemental, il subsiste la question géostratégique de la dépendance de l’Europe en


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