BLUE LINE #06

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{ INTERVIEW GRUWEZ }

Une fois à table :

Discussion avec

Anne Gruwez PROPOS RECUEILLIS PAR ÖMER CANDAN

Célèbre par son caractère atypique, son documentaire « Ni juge ni soumise » ainsi que son nouveau livre « Tais-toi ! », la juge d’instruction bruxelloise, Anne Gruwez, nous a fait l’honneur de nous recevoir dans l’intimité de son salon, puis, autour d’un dîner pour une interview. Une fois à table, nous avons discuté sans ambages de l’actualité. Le premier sujet abordé a été les récentes altercations de quelques jeunes avec la police bruxelloise au sujet du décès du jeune Adil.

  Que pensez-vous des altercations parfois « musclées » entre la police et des groupes de jeunes ? Aujourd’hui, il y a une terrible peur qui se développe entre la police et le quidam. C’est notamment dû aux excès des uns et des autres. Les jeunes n’ont plus confiance en la police. On leur montre trop de choses à la télé et sur les réseaux sociaux, on leur montre des vidéos où quelqu’un se fait « tabasser » par la police mais où n’apparait que ce moment-là. On n’a aucune idée de comment on en est arrivé à ce « tabassage » ou en tout cas à ce qui parait en être un. C’est très sélectif, surtout qu’une image, on la manipule comme on veut. Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis d’accord avec l’article 24 de la loi française de « sécurité globale » [qui vise à pénaliser la diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre], car cela n’a aucun sens pour moi. Dans le cadre de mon boulot, j’ai une fois rencontré un influenceur, j’ai dû attirer son attention sur le principe de la calomnie, de la diffamation et sur la loi sur la presse. Il faut faire attention car les réseaux sociaux peuvent conduire à des catastrophes dont la justice ne se rend pas toujours compte. Ce peut être dangereux comme tout, car on ne sait même pas l’éviter. Pour moi, quand on ne sait pas

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BLUE LINE | Janvier 2021

éviter un phénomène, il faut en prendre la tête. C’est-àdire, reprendre tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux et republier en expliquant le contexte.

  Ce serait donc le rôle des médias de faire cela ?

Il faut voir à quelle fonction appartient la personne fustigée. Il faudrait une sorte d’ombudsman qui se chargerait exclusivement des réseaux sociaux et de ce travail de remise en contexte. Le réseau social vit de la vitesse. Il faut donc aller tout aussi vite !

  Et par rapport à ces jeunes, pensez-vous qu’il faut les « éclairer » sur la police ? Serait-ce le rôle de l’État, des écoles ?

Non, ils ne sauront pas le faire. Sans compter que l’école n’est pas gratuite, c’est d’un banal d’énoncer cela ! J’ai réussi mes secondaires à force de cours particuliers pour tout. Mes parents pouvaient me les offrir et nous savons que ce n’est pas le cas de tout le monde. Nous savons également que certaines écoles en bas du classement à Bruxelles n’auront sans doute jamais le niveau des « bonnes » écoles. Et donc, l’école n’est pas égalitaire non plus. Avec cette crise, on en a vu certains qui voulaient offrir des ordinateurs. Je trouve que ça n’a pas de sens, car il n’y


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