OUTRE-MER grandeur Nature _ n°8 janvier-février 2022

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JAN. | FÉVRIER 2022

OUTRE-MER

OcéIndia

grandeur Nature L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT

n°8

ÉDITO | Charles Trottmann, directeur Trois Océans - AFD MARTINIQUE | la natation pour sensibiliser à l’environnement CLIPPERTON | l ’ île - sentinelle

SOMMAIRE

UNE

NOUVELLE-CALÉDONIE : LA RÉSERVE DE NATURE SAUVAGE DU MONT PANIÉ

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édito actu outre-mer Saint-Pierre-et-Miquelon Saint-Barthélemy Saint-Martin

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Martinique Guadeloupe Guyane Île de La Réunion Mayotte

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TAAF Nouvelle-Calédonie Polynésie française Wallis-et-Futuna Clipperton


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L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT

Avec 156 M€ de financements dédiés en 2020 à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique et à la biodiversité, dont près de 60 M€ consacrés à la biodiversité (10 % de l’engagement total du Groupe sur la biodiversité), l’Agence renforce son positionnement auprès des collectivités ultramarines dans la mise en œuvre de leur stratégie de développement durable et de transition écologique.

ÉDITO PAR CHARLES TROTTMANN, DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT TROIS OCÉANS DE L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT (AFD) Dans son plan d’orientation stratégique 2018-2022, l’AFD a pris l’engagement d’avoir une action « 100 % Accord de Paris ». Elle s’assure systématiquement de la cohérence de tous ses financements avec un développement bas carbone et résilient du pays ou du territoire, au sens de l’Accord de Paris. Elle continue par ailleurs à dédier 50 % de ses financements à des projets présentant des bénéfices directs dans la lutte contre les changements climatiques, qu’il s’agisse d’atténuation ou d’adaptation. Avec les Outre-mer, la France se place au quatrième rang mondial en termes de biodiversité, ce qui lui confère une responsabilité majeure en matière de conservation de la nature. Les enjeux de préservation de l’environnement et des ressources naturelles sont d’autant plus importants qu’ils ont des répercussions importantes sur les populations et nécessitent une mobilisation active des solutions fondées sur la nature et de leurs multiples cobénéfices. Dans un contexte de grande diversité sur les trois océans (Atlantique, Pacifique et Indien), le Groupe AFD se démarque par son ancrage fort dans les territoires français ultramarins, tout autant que dans les États qui les avoisinent. Premier partenaire financier du secteur public ultramarin, l’AFD continue de mobiliser sa palette d’outils en prêts ou en subventions pour accompagner les collectivités dans leurs investissements visant l’atténuation des effets du changement climatique, la réduction des vulnérabilités, la protection de la biodiversité, la réduction des déchets et le lien social.

Parmi les programmes emblématiques auxquels participe le Groupe figure l’Initiative Kiwa, dans le Pacifique, une des régions du monde les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Ce programme, doté de 41 M€, fédère l’Union européenne (UE), les Affaires mondiales du Canada (GAC), le Département des Affaires étrangères et du Commerce de l’Australie (DFAT) et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce de la NouvelleZélande (MFAT). Mise en œuvre par l’AFD, l’Initiative Kiwa ambitionne de protéger la biodiversité terrestre et marine de cette région en privilégiant les solutions fondées sur la nature. Elle a vocation à répondre à des besoins existants et à renforcer les capacités des 19 pays et territoires insulaires du Pacifique éligibles, dont les trois collectivités ultramarines françaises de la région : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna. Dans l’océan Indien, le Groupe soutient entre autres les Plateformes d’intervention régionales de la Croix-Rouge française, mises en place dans les Outre-mer pour faire face aux catastrophes naturelles. Du côté de l’océan l’Atlantique, l’AFD participe activement à la protection des îles et des zones côtières des pays de la Caraïbe contre les invasions massives et régulières d’algues sargasses. L’Agence répond à cette urgence à travers plusieurs actions, notamment le financement de la Conférence Internationale sur les Sargasses en 2019, le financement de la réalisation d’une bande dessinée documentaire qui combine la recherche scientifique et la mise en image artistique afin de sensibiliser le public, ou encore le financement d’une étude de faisabilité pour la mise en place d’un réseau de mesure de la qualité de l’air dans les pays de la Caraïbe. L’AFD a dédié près de 10 Mds€ à la biodiversité depuis 2013. Elle continuera de soutenir des projets de territoires résilients présentant de réels bénéfices pour l’environnement et amplifiera son soutien aux solutions fondées sur la nature, les écosystèmes constituant la pierre angulaire des efforts d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.

Charles Trottmann

Couverture : forêt de kaoris sur le mont Panié en Nouvelle-Calédonie. © Shawn Heinrichs - Conservation International | La championne olympique Coralie Balmy. Les enfants travaillent l’immersion en allant chercher des figurines d’animaux marins sous l’eau. © Stéphane Warin

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PROTÉGER LA BIODIVERSITÉ : UN DÉFI COMMUN AUX TROIS OCÉANS, UNE PRIORITÉ DE L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT Le patrimoine naturel de l’outre-mer français est unique, tant par sa richesse que par sa diversité. O r il est fortement menacé par la destruction des habitats , la surexploitation des ressources , la pollution, la prolifération d‘espèces invasives... Priorité aussi cruciale que le climat, la protection de la biodiversité est au cœur des projets du G roupe AFD. La biodiversité devient un enjeu aussi crucial que le changement climatique. Sa sauvegarde est au centre des négociations liées à l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris ou de l’Agenda 2030. Pour enrayer ce déclin et assurer la protection des écosystèmes, des changements majeurs et une mobilisation aux niveaux national et international s’imposent. Aujourd’hui l’agenda international s’accélère : le futur Cadre mondial

pour la biodiversité sera négocié lors de la COP15 de la Convention sur la diversité biologique en avril en Chine, après son lancement virtuel en octobre dernier. Le Groupe AFD accompagne la restauration et la gestion durable des espaces naturels, avec et au bénéfice des populations, et intègre cette dimension dans toutes ses politiques de développement. Zoom sur une action portée ou soutenue par le Groupe dans chacun des trois océans.

OCÉAN ATLANTIQUE : L’ACCOMPAGNEMENT DU PROJET CARIBBEAN BIODIVERSITY FUND Aux côtés de la KFW 1, l’AFD et le FFEM 2 vont accompagner sur cinq ans le Caribbean Biodiversity Fund (CBF) et les 12 fonds fiduciaires nationaux qui lui sont affiliés, en mettant en place une Contribution régionale en appui à la biodiversité (CRAB) de quatre millions d’euros. Créé en 2012, le CBF est en effet un fonds fiduciaire régional dédié au financement durable de la conservation de la biodiversité marine et terrestre. En investissant son capital (125 millions de dollars) sur les marchés, il génère un revenu régulier venant majorer les ressources des fonds fiduciaires de conservation nationaux de la zone. L’objectif du CRAB est de consolider des mécanismes de financements innovants et durables pour venir en appui du programme de conservation de la biodiversité porté par le Caribbean Biodiversity Fund. Ce nouveau projet régional couvre la Guadeloupe, Haïti, la Martinique et la République dominicaine. Il s’agit d’aller vers les

Karen McDonald Gayle, directrice générale par intérim du CBF. © CBF. Pour accéder à son interview, merci de cliquer ICI.

meilleures pratiques, de mieux aligner les financements sur les priorités régionales pour la biodiversité, de créer des passerelles avec les acteurs français, d’apporter un soutien aux communautés touchées par les conséquences de la pandémie et de contribuer, avec l’OECO 3, au développement de filières certifiées « Blue Bio Trade ».

Agence allemande pour le développement. | 2 Fonds français pour l’environnement mondial. | 3 Organisation des États de la Caraïbe orientale.

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OCÉAN INDIEN : VARUNA, UNE AMBITION POUR LA BIODIVERSITÉ ! Varuna est le premier programme régional du Groupe AFD à intervenir à l’échelle des territoires du hotspot de biodiversité de Madagascar et des îles de l’océan Indien. Il associe à la fois universitaires, société civile, gestionnaires des aires protégées, entreprises, journalistes et décideurs.

La vanille de Humblot, endémique de Mayotte et des Comores, sur l’îlot M’bouzi. © Les Naturalistes de Mayotte

La première phase, qui débute en ce mois de janvier, vise à préserver la biodiversité du hotspot à travers des actions de coopération régionale incluant : la gestion des aires marines protégées, la comptabilité du capital naturel, la préfiguration d’une agence régionale dédiée à la biodiversité, la valorisation d’initiatives exemplaires et enfin la coconstruction et le partage de savoirs. Pour réaliser ces objectifs, le programme Varuna, financé à hauteur de 10 millions d’euros par l’AFD, prévoit donc d’intervenir sur l’ensemble du hotspot. Son animation est confiée à Expertise France, qui fera appel à des partenaires français, malagasy, comoriens, mauriciens et régionaux, en s’appuyant notamment sur les expertises des associations Réserves naturelles de France et Naturalistes de Mayotte, des universités de Maurice et des Mascareignes, de l’Union des chambres de commerce de l’océan Indien, du Cirad et de l’IRD. En proposant des solutions opérationnelles pour prendre en compte la biodiversité dans les politiques publiques et le développement des entreprises, Varuna contribue à protéger 30 % du hotspot, avec au moins 30 % de cobénéfice des « financements biodiversité » en faveur également du climat.

OCÉAN PACIFIQUE : L’EXPOSITION « ESCALES EN POLYNÉSIE » Cet événement artistique est à découvrir jusqu’au 26 juin au musée de Tahiti et des Îles. Il est né de l’exposition « Le Bateau-atelier » accueillie au musée du Quai Branly en 2018 et 2019, à travers laquelle Titouan Lamazou proposait une navigation imaginaire aux îles Marquises. Engagé sur les thèmes de l’environnement, de la paix, des femmes, le peintre voyageur révèle ici la richesse naturelle, humaine et culturelle des cinq archipels de la Polynésie française, en élargissant à l’ensemble du vivant l’attention qu’il a toujours portée aux êtres humains. Ses portraits, paysages et scènes de vie mettent en évidence le lien essentiel qu’entretiennent les Polynésiens avec la nature et ainsi la capacité de résilience que ces populations ont su développer et qui doivent nous inspirer. Ateliers, conférences, et également visites d’établissements scolaires sont programmés au musée. Car si l’exposition « Escales en Polynésie » est destinée au grand public polynésien et de passage, elle a vocation à être principalement orientée vers la jeunesse, avec notamment l’organisation du concours de dessin « Dessine-moi un motu ».

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Un magnifique dessin extrait de l’exposition. © T. Lamazou

Afin de sensibiliser les jeunes des îles éloignées pouvant difficilement se rendre à ce type d’événement, des visites seront organisées dans des écoles des cinq archipels. Ce partenariat avec l’AFD s’inscrit dans le cadre de sa mission de sensibilisation et de communication d’intérêt général pour sensibiliser les Français – ici plus particulièrement les Polynésiens – sur l’importance des enjeux environnementaux, de résilience et d’éducation au développement.

Dans le prochain numéro d’Outre-mer grandeur Nature, nous irons avec l’AFD à la rencontre de l’artiste Titouan Lamazou.

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ACTU OUTRE-MER

© Simon Kofe

L’ASSEMBLÉE NATIONALE ADOPTE UNE RÉSOLUTION POUR LA CONSERVATION ET L’UTILISATION DURABLE DES OCÉANS

LA COP26 ANCRE L’OCÉAN DANS LES NÉGOCIATIONS CLIMATIQUES À l’issue de deux semaines de négociations, la COP26 a abouti au Pacte de Glasgow pour le climat. Ce texte finalise les règles de l’Accord de Paris et le rend désormais opérationnel. Il fait mention, pour la première fois, des énergies fossiles, appelant à « intensifier les efforts vers la réduction du charbon sans systèmes de capture (de CO2) et à la sortie des subventions inefficaces aux énergies fossiles ». La journée du 5 novembre – Ocean Action Day – a permis de promouvoir le déploiement des solutions fondées sur « un océan sain et productif, pour un avenir résilient, respectueux de la nature et neutre en carbone ». La place de l’océan a été ancrée dans le Pacte de Glasgow pour le climat. Couvrant 71 % du globe, les mers et les océans jouent en effet un rôle majeur dans la régulation du climat à l’échelle mondiale, grâce à leur rôle de réservoir de carbone. Pourtant, ces écosystèmes ne sont pas épargnés par le réchauffement, et la hausse du niveau de la mer impacte de plus en plus fortement les peuples insulaires. C’est ce qu’a voulu rappeler Simon Kofe (cidessus), ministre des Affaires étrangères des Tuvalu, en prononçant son discours le pupitre dans l’eau.

Portée par Maina Sage, députée de la Polynésie française et Jimmy Pahun, député du Morbihan, la proposition de résolution n°4528 a été adoptée le 25 novembre à l’unanimité des députés présents. Le texte souligne la responsabilité particulière de la France en termes de protection des écosystèmes marins, et d’exploitation durable des ressources marines et côtières. La France possède en effet le deuxième domaine maritime mondial, avec une superficie de près de 11 millions de km2, dont 97 % en outre-mer, répartis dans quatre océans. Cette déclaration trouve une résonance particulière dans le contexte actuel des négociations « BBJN » (pour Biodiversity beyond national jurisdiction) portant sur la conservation et l’utilisation des ressources dans les zones marines ne relevant pas des juridictions nationales. La résolution adoptée invite à « la pleine participation à la négociation de tous les acteurs maritimes français, scientifiques, économiques et associatifs, avec une attention particulière portée aux représentants des départements et des collectivités d’outre mer ». Elle encourage la France à obtenir des accords ambitieux sur quatre thématiques majeures : les outils de gestion pour préserver la biodiversité et renforcer la résilience des écosystèmes – dont les aires marines protégées –, l’amélioration des connaissances sur l’océan, l’exploitation équitable des ressources génétiques marines et la promotion de l’aide au développement en matière maritime, notamment pour les États insulaires.

Dans l’outre-mer français également, les enjeux climatiques, notamment océaniques, sont majeurs : risque de submersion des îles faiblement émergées, amplification attendue des tempêtes et des cyclones, blanchissement corallien, atteintes à la biodiversité...

Dans la perspective du sommet international One ocean summit, qui se tiendra du 11 au 12 février à Brest, cette résolution traduit d’ores et déjà l’engagement fort de la France en faveur des océans.

+ d’info ici : Le Pacte de Glasgow pour le climat

+ d’info ici : Le texte de la résolution


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ESCALES EN POLYNÉSIE, UNE EXPOSITION, MAIS ÉGALEMENT UN BEAU LIVRE ! Après une quarantaine d’années d’errance, Titouan Lamazou a choisi la Polynésie française comme port d’attache. Cet homme aux nombreux talents, premier vainqueur du Vendée Globe en 1990, grand voyageur, peintre, poète et photographe, publie le beau livre Escales en Polynésie. L’ouvrage accompagne l’exposition du même nom (voir page 5). Il est cosigné avec sa fille Zoé – qui est journaliste et documentariste – aux éditions Au vent des îles. Titouan Lamazou nous dévoile ainsi au fil des pages, avec beaucoup de sensibilité et d’humanité, plus de 200 tableaux, dont certains qu’il a esquissés il y a plus de 20 ans. Avec sa fille, il nous fait sillonner une myriade d’îles à la rencontre de leurs habitants, de leurs paysages et de la culture polynésienne, depuis les îles de la Société jusqu’aux Marquises, en passant par les Tuamotu, les îles Australes et les Gambier. « Dans ce coin du monde qui ressemble au paradis, il cherche un havre impossible où les êtres humains se souviendraient de leur lien essentiel au Vivant », présente la maison d’édition. Les portraits, vibrants et colorés, s’expriment à travers des paroles méticuleusement recueillies par Zoé Lamazou, pour faire entendre « ces voix des archipels [qui] témoignent d’une très ancienne relation à la terre, à la mer et au ciel, réinventée face à une colonisation aux multiples visages ». + d’info ici : Le livre Escales en Polynésie

UN NOUVEAU SOUFFLE, UN LIVRE DE GRÉGORY POL CONSACRÉ AUX MAMMIFÈRES MARINS EN OUTRE-MER Grégory Pol publie à compte d’auteur son dernier ouvrage, Un Nouveau Souffle. Dans ce beau livre de 64 pages qui est le fruit de reportages étalés sur 20 ans, le photographe nous embarque au plus près de la nature, à la rencontre des mammifères marins qui peuplent les océans des territoires de l’outre-mer français. De l’élégance des baleines à bosse en Polynésie française, à la tendresse des éléphants de mer aux Kerguelen en passant par la malice des dauphins tursiops de Mayotte, Grégory Pol nous plonge dans un camaïeu de gris pour redécouvrir ces espèces emblématiques, fascinantes et parfois menacées. L’ouvrage, préfacé par Jean-Louis Étienne, a pour ambition d’émerveiller mais aussi d’éveiller, par la contemplation, les consciences de celles et ceux qui ne réalisent pas encore assez l’importance de la diversité et de la beauté du vivant. « Avec Un Nouveau Souffle je souhaite délivrer un message d’espoir. Je cherche à nous donner une bouffée d’oxygène. [...] Soucieux de l’avenir de notre monde, de l’Homme et de la faune sauvage, je tente humblement de montrer le beau pour éveiller certaines consciences sur le risque de continuer à voir disparaître cette nature précieuse. » (Grégory Pol) + d’info ici : Le livre Un Nouveau Souffle

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L’INTERCOMMUNALITÉ, UN ESPACE PROPICE AU PROGRÈS SUR LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX À l ’ échelon intercommunal , c ’ est - à - dire des communautés de communes et d ’ agglomérations , l’environnement est une thématique essentielle à prendre en compte dans les projets ultramarins, dans l’optique d’un développement durable des territoires. Rencontre avec une figure de l’outre-mer, Maurice Gironcel, qui préside l’association Interco’ Outre-mer. Il y a 20 ans, fin 2001, Interco’ Outre-mer voyait le jour à l’occasion du 84ème Congrès des maires de France, sous l’impulsion des présidents et viceprésidents de 10 communautés de communes des départements d’outre-mer. L’association porte la voix des intercommunalités et des structures intercommunales ultramarines en favorisant entre elles la coopération et les interactions. Son rôle est essentiel dans l’aménagement et le développement des territoires d’outre-mer.

QUELLES SONT LES MISSIONS D’INTERCO’ OUTRE-MER ? EN EXTERNE : • Défendre l’outre-mer sur le plan régional, national et européen • Favoriser le partage d’expériences entre l’outre-mer et la France hexagonale • Sensibiliser les pouvoirs publics sur les réalités et priorités des territoires ultramarins • Être force de réflexion, de propositions et de cohésion auprès des institutions publiques

EN INTERNE : • Animer le réseau de l’intercommunalité dans les outre-mer • Centraliser les informations de tous les acteurs • Porter la voix de l’intercommunalité ultramarine * Promouvoir la coopération et les interactions

INTERVIEW MAURICE GIRONCEL PRÉSIDENT D’INTERCO’ OUTRE-MER 1 • Selon vous, quelle doit être la place de l’environnement dans les actions intercommunales en outre-mer ? - L’outre-mer abrite 80 % de la biodiversité de notre pays. Il est très important que la protection de ce patrimoine soit prise en compte au niveau des pouvoirs publics. Souvent, quand on parle d’écologie, on évoque ses contraintes pour les territoires. On devrait plutôt considérer ses atouts. Le développement des énergies renouvelables par exemple est générateur d’emplois nouveaux et non délocalisables. La prise de conscience environnementale permet de nourrir une autre vision des modes de production et de consommation, dans une logique durable. Il faut que nous transmettions ce message à la jeunesse, qui va prendre le relais.

Maurice Gironcel est également le maire de Sainte-Suzanne, le président de la CINOR (Communauté intercommunale du nord de La Réunion) et le président de l’ACCD’OM (Association des communes et collectivités d’outre-mer). | Photos de la double page : © AdCF/Lionel Pagès 1


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Maurice Gironcel, lors du passage du Premier ministre Jean Castex à la 31ème convention nationale d’Intercommunalités de France (AdCF 2). Ce dernier grand rassemblement annuel des intercommunalités a eu lieu du 13 au 15 octobre 2021 à Clermont-Ferrand.

• Pourriez-vous citer quelques actions soutenues par les intercommunalités dans les outre-mer ?

• La transition écologique reste à imaginer, à construire... Quelle démarche conseilleriez-vous pour y arriver ?

- Les initiatives tournées vers l’écologie y sont multiples. De nombreuses intercommunalités mènent par exemple des projets de végétalisation urbaine pour reverdir les villes. En tant que maire de Sainte-Suzanne à La Réunion, je mets un point d’honneur à faire en sorte que les énergies renouvelables, ou énergies vertes, ne soient pas des mots creux, mais des choses concrètes : la ferme éolienne de La Perrière est l’une des plus grandes du département ; la surface de panneaux photovoltaïques du lycée Bel Air est la plus étendue de l’île dans le milieu scolaire... Grâce au solaire, aux éoliennes et à la méthanisation issue des déchets, Sainte-Suzanne est une commune à énergie positive.

- Chaque projet de transition écologique suppose une phase d’expérimentation et d’innovation. Nous faisons appel à des technologies développées par des startsups locales, des universitaires... Il faut laisser la place à l’expérimentation, être ambitieux, défendre les dossiers, aller chercher les financements, faire confiance à l’innovation et surtout à la capacité de nos jeunes à concevoir ces innovations. Et se rappeler qu’en outre-mer, nous avons des atouts et spécificités qui sont une chance pour la France. Dans les territoires, nous obtenons les meilleurs résultats quand nous faisons intervenir nos acteurs locaux.

Par ailleurs, à la CINOR, des fertilisants péi sont fabriqués à partir des eaux en sortie de station d’épuration. « Fertipéi », gratuit pour les agriculteurs, permet d’éviter d’importer de l’engrais, dont le coût dépasse 600 euros la tonne.

• Comment faites-vous entendre la voix des outre-mer dans l’Hexagone sur les questions environnementales ?

Je citerai un dernier exemple dans le cirque de Mafate qui est très isolé, sans route d’accès. Un microgrid, réseau électrique de petite taille installé par EDF, permet aux habitants de La Nouvelle de bénéficier d’un approvisionnement 100 % solaire, avec une chaîne à hydrogène pouvant stocker l’électricité solaire durant une dizaine de jours, au lieu de 48 heures maximum avec les panneaux solaires dont l’îlet était équipé. Le réseau du dispensaire est donc sécurisé et les familles n’ont plus besoin d’utiliser de groupes électrogènes, qui dégagent des substances polluantes. Solaire, éolienne, hydraulique, géothermique... l’énergie produite à partir de sources renouvelables 3 réduit considérablement les émissions de CO2 dans l’atmosphère, par rapport aux énergies fossiles. C’est l’énergie d’avenir.

- Faire remonter nos besoins aux instances nationales fait partie de nos actions quotidiennes, notamment auprès d’Intercommunalités de France (AdCF 2) - et de l’AMF 4.

Assemblée des Communautés de France. | 3 L’île de La Réunion par exemple vise aujourd’hui un objectif de production électrique 100 % renouvelable à l’horizon fin 2024 (source : EDF Réunion). | 4 Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité. 2

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SAINT-PIERREET-MIQUELON LE PERMIS NATURE : UN DISPOSITIF ORIGINAL POUR SENSIBILISER LES JEUNES À L’ENVIRONNEMENT

Des élèves de 6ème du collège Saint-Christophe en sortie terrain près de la pointe du Diamant. © Bruno Letournel | OFB

À Saint-Pierre-et-Miquelon, petit territoire de 242 km2, les enjeux environnementaux n’en sont pas moins multiples : conservation de la forêt boréale, régulation des espèces exotiques envahissantes, gestion des ressources naturelles, déchets, réseau d’eau et assainissement... Depuis 2020, un permis nature a été testé pour former et sensibiliser durablement les collégiens de l’archipel à ces problématiques. Depuis bientôt deux ans, les élèves de 6ème de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon sont invités à passer un « permis nature ». Cette opération est menée conjointement par la Gendarmerie nationale, l’Office français de la biodiversité et l’Éducation nationale. Son objectif : sensibiliser les jeunes, futurs acteurs du territoire, à la protection de la biodiversité, en les incitant à adapter leur comportement en milieu naturel, et en les éclairant sur les enjeux spécifiques à leurs îles tels que la gestion des déchets, des ressources et la circulation dans les espaces naturels. Pour cela, le programme pédagogique commence par la découverte et l’appropriation de ces thématiques via des supports scientifiques, vidéos et photos étudiés en classe. Après plusieurs sessions théoriques avec les professeurs, le programme laisse place à la pratique : les élèves enfilent leurs bottes et leurs manteaux pour se rendre sur le terrain.

Ces sorties encadrées offrent aux futurs ambassadeurs de la nature un regard concret sur les sujets abordés en classe et l’occasion d’entrevoir d’autres enjeux liés à la protection du patrimoine naturel. Les inciter à observer la biodiversité – traces de passage de mammifères à longues oreilles par ici, de petits limicoles qui déposent leurs œufs dans les galets par là – a pour but d’éveiller leurs consciences sur la nécessité de cohabiter durablement avec ce vivant, en leur donnant envie d’adopter les bons gestes et comportements. Vient ensuite le temps de l’examen : les élèves répondent alors à une série de 20 questions sous la forme d’un QCM… le taux de réussite est de 100% jusqu’à présent ! Sur l’archipel, 90 élèves de cinq classes possèdent aujourd’hui leur permis nature.

Rédaction : Romy Loublier

Le premier Prix 2021 de la Prévention de la Gendarmerie nationale a été décerné au « permis nature » à Saint-Pierre-et-Miquelon.


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SAINT-BARTHÉLEMY UN CONCOURS PHOTO ET DE DESSIN POUR LES 25 ANS DE LA RÉSERVE NATURELLE !

Le premier prix du concours photo dans la catégorie « expert » a été attribué à cette image de Valentin Bastide, qui représente un ver de feu, prédateur opportuniste qui peut se nourrir de polypes de coraux.

À l’occasion

Rédaction : Stéphanie Légeron

Réserve naturelle nationale de Saint-Barthélemy, l’ATE a organisé un concours de photographie, ainsi qu’un concours de dessin dédié aux enfants, afin de valoriser la biodiversité de cette aire marine protégée créée en octobre 1996. des

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ans de la

Ouvert aux amateurs et professionnels de plus de 12 ans, le concours photo portait sur le thème de « la Réserve naturelle », tandis que les dessinateurs en herbe du CP à la 6ème étaient invités à illustrer « les animaux marins de Saint-Barthélemy ». Les lauréats ont vu leurs créations exposées au Musée territorial du Wall House. Une belle initiative, qui contribue à faire prendre conscience des richesses du patrimoine marin entourant l’île principale et

ses îlets alentour : Gros Îlets et Pain de sucre au large de Gustavia, île Fourchue, îles Frégate et Toc-Vers. Exclusivement marine, la Réserve naturelle nationale protège, sur cinq zones distinctes, un espace d’environ 1 200 hectares. Son gestionnaire, depuis 2013, est l’Agence territoriale de l’environnement de Saint-Barthélemy (ATE). La Réserve abrite deux écosystèmes principaux : les herbiers de phanérogames marines et les formations coralliennes.

Maëlys Gréaux remporte le 1er prix de dessin (CM1-6ème). | Le 2ème prix, catégorie expert, revient à Yannis Brin pour cette photo de poulpe.

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SAINT-MARTIN

LES REQUINS SOUS HAUTE SURVEILLANCE Rédaction : Mariane Aimar

Depuis juillet 2021, une étude sur les requins croisant dans les eaux saint-martinoises a été lancée par l’association Kap Natirel. Son objectif ? Mieux connaître les espèces présentes, ainsi que leurs comportements et leur fréquence d’observation.

INTERVIEW OCÉANE BEAUFORT CHARGÉE DU PROJET « POU PWOTEKSION RÈKIN KARIB » • Dans quel contexte votre projet a-t-il vu le jour ? - Il s’agit d’une étude menée par Kap Natirel, qui coordonne le Réseau Requins des Antilles françaises (Reguar). Elle est soutenue par l’Europe (Life4BEST) et par l’OFB (Mob’Biodiv), et fait partie d’un projet plus large à l’échelle de l’ensemble des Antilles françaises, dénommé « 2PRK Pou Pwoteksion Rèkin Karib ». À Saint-Martin, nous avons l’appui logistique de la Réserve naturelle et l’aide essentielle de bénévoles provenant du club d’apnée.

Photographies de la page : l’étude en cours sur les requins à Saint-Martin par l’association Kap Natirel. © Mariane Aimar

• Comment les suivis des requins sont-ils réalisés ? - Nous utilisons trois méthodes complémentaires de suivi : les sciences participatives avec l’implication des clubs de plongée, la pose de caméras sous-marines et enfin, l’ADN environnemental, qui permet de détecter les espèces ayant évolué dans les masses d’eau prélevées au cours des 24 à 48 dernières heures. Nous cherchons ainsi à améliorer les connaissances sur les requins dans les eaux de Saint-Martin, pour favoriser la mise en place de mesures de conservation adaptées au territoire.

• Après six mois d’étude, où en êtes-vous ? - En août, nous avons effectué 75 enregistrements sousmarins qui sont en cours d’analyse. Une nouvelle mission de terrain est prévue en janvier pour poursuivre avec la méthode de l’ADN. Quant au suivi avec les clubs de plongée, il est également en place depuis six mois. À la fin de l’étude, nous produirons un rapport comportant des préconisations pour la conservation de ces espèces et animerons une conférence pour sensibiliser sur le rôle des requins.

Kap Natirel est une association basée en Guadeloupe, qui développe des actions de conservation et de protection du milieu marin aux Antilles françaises. Elle coordonne, comme nous l’avons vu, le Réseau Requins des Antilles françaises. Sur chaque île, les actions sont adaptées au contexte local et développées en collaboration avec des acteurs, comme ici la Réserve naturelle de Saint-Martin.


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MARTINIQUE

Rédaction : Lucie Labbouz

APPRENDRE À NAGER EN APPRIVOISANT LE MILIEU MARIN : QUAND SPORT RIME AVEC ENVIRONNEMENT ! + d’info ici : www.cocoandlo.fr/

L’association COCO AN DLO 1 emmène les enfants et adolescents de 4 à 17 ans à la découverte de la natation , tout en les sensibilisant à la protection des milieux naturels . Fondée en 2019 par la championne olympique de natation Coralie Balmy, COCO AN DLO a pour objectif d’apprendre la natation à un maximum d’enfants et de leur faire découvrir l’environnement marin qui les entoure. L’association est en effet née d’un double constat. D’une part, les accidents de noyade sont la première cause de mortalité en France chez les 4-6 ans ; la Martinique, avec ses 350 kilomètres de côtes, ne fait pas exception. D’autre part, le patrimoine marin riche et précieux de l’île demande à être mieux connu par les plus jeunes, pour pouvoir être mieux protégé.

plus de 200 élèves qui ont pu bénéficier de l’accompagnement de l’association ; cinq nouvelles classes ont été formées à la fin de l’année 2021. Des programmes sont également proposés « hors école » aux enfants de 4 à 11 ans, pendant les vacances scolaires. Une initiative heureuse alliant sport et environnement et qui pourrait, à moyen terme, être répliquée sur d’autres territoires ultramarins, notamment en Guadeloupe ou en Guyane.

COCO AN DLO intervient en milieu scolaire, où elle propose aux professeurs des écoles une méthodologie et des outils pédagogiques pour les accompagner dans le cadre du cycle d’apprentissage de la natation. Une sortie scolaire en milieu naturel est ensuite organisée, pour permettre aux enfants de découvrir la faune et la flore de Martinique : balade en mangrove, observation de cétacés ou de tortues sont au programme des prochaines sorties. « Ce qui m’anime, c’est d’offrir une nouvelle liberté aux enfants, de leur montrer que la mer est vivante, qu’on peut y évoluer en toute sécurité, et que c’est un monde incroyable à découvrir, à connaître, à aimer, et surtout à protéger ! » nous explique Coralie Balmy. Le concept de l’association « découvrir (le patrimoine marin et la natation), comprendre (les menaces et les impacts de la pollution sur les milieux) pour protéger » commence déjà à faire des émules ! Depuis mai dernier, ce sont ainsi

Signifie « Coco dans l’eau » en créole.

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En haut : la championne olympique Coralie Balmy pendant un cours de natation. © Stéphane Warin | Ci-dessus : une sortie de sensibilisation à l’environnement. © Coralie Balmy

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GUADELOUPE LA FORÊT MARÉCAGEUSE DE JARRY : UN ÉCRIN DE VERDURE AU CŒUR DU POUMON ÉCONOMIQUE DE L’ÎLE

À gauche : l’évolution d’une parcelle restaurée en 2018 avec CAMA (Compagnie antillaise de matériel automobile). © Conservatoire du littoral Ci-contre : vue aérienne de la forêt marécageuse et de la mangrove de Jarry. © DEAL Guadeloupe

L a zone industrielle de Jarry est l’une des plus grandes zones d’activités de France : elle s’étend sur près de 300 hectares et génère plus de 10 000 emplois. Au cœur de cette zone économique se trouve une forêt humide méconnue de 180 hectares, que le Conservatoire du littoral et ses partenaires visent à préserver et à restaurer , grâce au projet JA-RIV. Depuis les années 1970, la forêt marécageuse de Jarry subit de fortes pressions en raison du développement de la zone industrielle : elle a perdu près d’un quart de sa surface ces 50 dernières années ! Les arbres sont coupés et la zone humide comblée pour permettre l’implantation de nouvelles entreprises. Les pollutions issues des activités industrielles, de la circulation ou encore les pollutions lumineuses et

sonores impactent fortement les milieux. Cet espace de mangrove et de forêt marécageuse est pourtant remarquable, d’un point de vue écologique, mais également du point de vue de la protection des biens et des personnes. Situé à l’interface de la terre et de la mer, il joue un rôle « tampon » majeur et atténue les effets des événements climatiques (inondations, cyclones, érosion du littoral).

Ce projet a été présenté notamment au Congrès mondial de la nature de l’UICN à Marseille en septembre 2021.


L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT

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En parallèle de ces actions de « libération » des terrains occupés, un diagnostic complet du site a été réalisé : inventaires floristique, faunistique, et études hydrologiques ont permis de mettre en avant des problématiques particulières – la pollution aux hydrocarbures par exemple – et d’initier des discussions avec les acteurs concernés. Selon Angélique Gourdol, responsable du projet JA-RIV pour le Conservatoire du littoral : « L’enjeu est de montrer qu’en agissant collectivement, on peut réussir à concilier le développement d’activités économiques sur un territoire et la protection de l’environnement. » Des actions de sensibilisation seront par ailleurs conduites, notamment l’aménagement d’un sentier de découverte, pour amener le grand public à explorer la forêt marécageuse et ses espèces remarquables. Ce sentier permettrait également de connecter la zone économique au reste de l’île, dans le cadre plus large du développement des mobilités douces à l’échelle du territoire.

Rédaction : Lucie Labbouz

Pour lutter contre les pressions sur cette zone humide, le Conservatoire du littoral pilote le projet JA-RIV, qui a pour objectif principal de restaurer et préserver la mangrove et la forêt marécageuse de Jarry. Il agit en premier lieu en sollicitant les entreprises qui occupent illégalement le domaine public, afin de les accompagner vers une libération des terrains qui ont été remblayés sur la forêt. À terme, ce sont 27 hectares qui seront libérés, dépollués puis restaurés. La dépollution des sols est d’ailleurs particulièrement problématique en Guadeloupe, où il n’existe pas de filière dédiée. Des expérimentations consistant à utiliser des plantes ou des micro-organismes pour dépolluer seront menées sur certaines parcelles. + d’info ici : Le projet JA-RIV

Ci-dessus : marais herbacé dans la forêt marécageuse de Jarry. © Conservatoire du littoral | Le héron vert, communément appelé « kio » d’après son cri, niche sur le site. © Johan Pereira


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grandeur Nature + d’info ici : www.cirad.fr

LE CIRAD DANS LA CARAÏBE : UN ACTEUR PHARE DES RÉSEAUX RÉGIONAUX DE SANTÉ, ANIMÉ PAR L’APPROCHE « UNE SEULE SANTÉ » A ux A ntilles -G uyane ,

200 chercheurs , ingénieurs et techniciens dans les trois territoires de Guadeloupe, Martinique et Guyane. Ses programmes en agroenvironnement et santé rayonnent dans l ’ ensemble de la G rande C araïbe . le

C irad

mobilise près de

LE RÉSEAU CARIBÉEN DE SANTÉ ANIMALE ET DE SANTÉ PUBLIQUE VÉTÉRINAIRE CARIBVET

LE CPHD (CARIBBEAN PLANT HEALTH DIRECTORS) : LE RÉSEAU RÉGIONAL POUR LA SANTÉ DES PLANTES

Né il y a une vingtaine d’années, le réseau CaribVET a été construit à partir d’un engagement fort du Cirad et de ses partenaires caribéens en lien avec les organisations régionales. Il met en réseau les services de santé vétérinaire de la sous-région et facilite les interactions entre CARICOM, les Antilles françaises, américaines, néerlandaises, britanniques, Cuba et la République dominicaine.

Quant au domaine de la santé végétale, il est couvert par un réseau régional du même type, le forum des Directions des Services Phytosanitaires de la Caraïbe (CPHD), dont le Cirad est membre et animateur du groupe de travail sur les maladies des musacées (bananiers et plantains) qui fait l’actualité avec la menace de l’arrivée de la fusariose TR4 dans la zone.

L’objectif est de répondre de façon opérationnelle et coordonnée aux enjeux sanitaires et aux émergences de maladies dans la Caraïbe qui compte plus d’une trentaine de territoires de tailles, d’économies et de statuts politiques très variés. CaribVET, unique réseau de santé animale et santé publique vétérinaire de la Caraïbe, est reconnu par les instances régionales (CARICOM, CAHFSA, IICA) et internationales (OIE, FAO, PAHO, USDA) – ellesmêmes parties prenantes de sa gouvernance. Il regroupe les services vétérinaires de 34 pays et territoires, sept universités et sept centres de recherche et développement (48 membres). Il a, depuis 2020, un statut d’association loi de 1901 après avoir fonctionné sur la base d’une charte pendant près d’une décennie, ce qui lui permet de participer et de piloter des projets en son nom. Le réseau bénéficie d’une gouvernance et d’une coordination participative très actives. Actuellement la présidence tournante est assurée par le chef des services vétérinaires de Cuba ; le secrétariat et le comité de coordination sont pilotés par le Cirad. Les groupes de travail 1 favorisent des collaborations avec d’autres projets régionaux. Ainsi, CaribVET s’est impliqué dans la gestion de la santé animale lors de catastrophes naturelles en appuyant les services vétérinaires et la coordination de l’aide dédiée à la santé animale comme ce fut le cas en 2021 après l’éruption volcanique à Saint-Vincent. Il s’organise actuellement pour faire face à la ré-émergence de la peste porcine africaine (PPA) dans la région.

LA COORDINATION PAR LE CIRAD DE L’INITIATIVE CARIBGREEN Pour promouvoir l’approche « une seule santé » à l’échelle de la Caraïbe, le Cirad s’appuie sur les socles partenariaux solides, CaribVET et CPHD Forum, et également sur une expérience riche en agroécologie et avec ses partenaires locaux guadeloupéens de santé humaine. Ainsi est née l’initiative d’une plateforme partenariale et collaborative CaribGREEN. Cette plateforme a vocation à rapprocher dans la Caraïbe les différentes santés : humaine, animale, végétale et environnementale. Son approche « One Health » se veut pragmatique en renforçant les collaborations entre réseaux régionaux de santé existants – CaribVET, CPHD notamment – tout en y associant une composante environnementale, en mobilisant les leviers de l’agroécologie et de l’agroforesterie. La plateforme CaribGREEN est soutenue financièrement pour deux ans par l’AFD. Elle interagit avec d’autres grands projets coordonnés par le Cirad dans l’océan Indien et en Afrique de l’Ouest, ou le projet européen MOOD. Cette dynamique est alignée avec l’initiative internationale PREZODE 2, dont le Cirad est l’un des organismes fondateurs, initiative lancée lors du « One Planet Summit » en janvier 2021 par le président de la République, avec le soutien de la Commission européenne et de la FAO. + d’info ici : CaribVET | CPHD Forum | PREZODE | MOOD

Laboratoires, épidémiologie, santé publique vétérinaire, recherche, maladies des principales filières animales… | 2 L’initiative PREZODE (PREventing ZOonotic Disease Emergence) est une initiative mondiale pour prévenir les épidémies. 1


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Photographies ci-dessus : appui de CaribVET aux services vétérinaires de Saint-Vincent et coordination de l’aide pour la santé animale lors de l’éruption volcanique qui s’est produite en 2021 : recensement des troupeaux et aide alimentaire. © CaribVET

Ci-dessus : organisation et partenariat de la plateforme CaribGREEN, qui se veut un tremplin vers des projets régionaux d’envergure durables, bâtis sur le moyen terme dans une démarche où l’impact du projet pour la région est au cœur de sa construction. (démarche ImpresS)

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GUYANE

Plus

de

95 %

de la

Guyane

VERS UNE MEILLEURE PROTECTION DE LA FORÊT AMAZONIENNE ET DES PEUPLES AUTOCHTONES

est recouverte par une des forêts tropicales les plus préservées de la

planète, mais malgré tout menacée.

Deux motions approuvées au Congrès mondial de la nature l’UICN engagent à plus de protection de la forêt amazonienne et des peuples autochtones.

La Guyane s’étend sur plus de 83 000 km², ce qui en fait la deuxième plus grande région de France, en superficie. La forêt amazonienne y est particulièrement préservée, en comparaison aux pays frontaliers. Elle abrite des milieux naturels remarquables : forêts tropicales primaires, inselbergs – roches isolées dominant une plaine ou un plateau – savanes, mangroves... De nombreuses espèces animales et végétales, y compris endémiques, constituent ainsi le patrimoine écologique rare et fragile de la Guyane. Au-delà de la diversité biologique, la diversité culturelle de l’Amazonie est présente à travers les nombreux peuples qui la composent : plus de 175 ! En Guyane, les Kali’na, Lokono, Paykweneh, Teko, Wayana, et Wayãpi sont les six peuples autochtones vivant sur le territoire. Lors du Congrès mondial de la nature de l’UICN en septembre 2021, la motion « éviter le point de non-retour en Amazonie », adoptée à l’unanimité, invite les États membres à « protéger, conserver et gérer durablement au moins 80 % de l’Amazonie d’ici à 2025 , en partenariat avec, et en reconnaissant, l’autorité des peuples autochtones [...] ».

de

Porté par le Comité français de l’UICN, une seconde motion vise à « réduire les impacts de l’industrie minière sur la biodiversité ». Les résultats du vote ont montré un soutien fort à ce texte, des États comme des ONG, ce qui en fait un des textes les plus importants au niveau international concernant les enjeux miniers. Cette motion a pour ambitions principales de réduire les usages de matières premières, de privilégier leur recyclage et d’adopter des alternatives pour la prospection et l’extraction de matériaux bruts. Les mesures qui en découleront permettront de minimiser les projets miniers de grande envergure et les impacts associés sur les écosystèmes.

Rédaction : Lucie Labbouz

+ d’info ici : https://www.iucncongress2020.org/fr/motion/067 https://www.iucncongress2020.org/fr/motion/129 https://www.facebook.com/jeunesseautochtone/

Ci-dessus : vue sur la forêt depuis un inselberg, dans l’ouest de la Guyane. © Lucie Labbouz | 1 Interview Survival International France du 2 mars 2021 - https://www.youtube.com/watch?v=nUD7ONR2NCQ


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Ci-dessus : la canopée guyanaise au lever du jour. © Rémi Michel. | Au-delà de la réglementation de l’industrie minière, la lutte contre l’orpaillage illégal, qui engendre pollution des cours d’eau et destruction des écosystèmes, restera le défi majeur pour la protection de la forêt de Guyane, plus grande réserve de biodiversité terrestre française.

Pour Christophe Yanuwana Pierre, porte-parole et cofondateur du mouvement Jeunesse Autochtone de Guyane : « Ces projets industriels miniers ne menacent pas uniquement les peuples autochtones. Ce sont des projets qui menacent les fleuves, l’ensemble du vivant, l’ensemble de la forêt, et l’ensemble des habitants de Guyane 1 ».

Représentants de peuples autochtones d’Amazonie équatorienne soutenant l’adoption à l’unanimité de la motion « Éviter le point de nonretour en Amazonie en protégeant 80 % d’ici à 2025 ». © Comité français de l’UICN

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L’OFB EN OUTRE-MER : PROGRAMMES DE CONSERVATION ET ESPÈCES EMBLÉMATIQUES

Créé le 1er janvier 2020 , l’Office français de la biodiversité (OFB) est un établissement public entièrement dédié à la protection de la biodiversité marine et terrestre sur l’ensemble du territoire français.

Dans les outre-mer, l’OFB s’implique dans différents programmes de conservation.

Une tortue luth regagne l’océan après la ponte sur la plage de Rémire-Montjoly. © Mathilde Lasfargue

Fort de ses 2 800 agents, l’OFB est responsable d’une large diversité de missions : police, connaissance, appui aux politiques publiques, gestion des espaces naturels et mobilisation de la société. Des équipes pluridisciplinaires qui œuvrent de manière transversale et se déploient à différentes échelles géographiques, notamment dans les territoires ultramarins. Au total, 14 équipes sont installées au sein de 8 territoires d’outre-mer. L’établissement porte des projets de conservation dans les 5 départements et régions d’outre-mer (DROM) et peut intervenir dans les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) à la demande des collectivité locales. La coordination nationale est assurée par 5 délégations territoriales : Antilles, Guyane, océan Indien, Polynésie française et enfin Nouvelle-Calédonie/Wallis-et-Futuna.

Le tuit-tuit à La Réunion. © Sarah Caceres et Jean-Noël Jasmin

GUYANE : LA TORTUE LUTH

ÎLE DE LA RÉUNION : LE TUIT-TUIT

En Guyane, l’OFB coordonne le PNA 1 en faveur des tortues marines, qui mobilise une quarantaine d’acteurs locaux. Depuis 2020, des objectifs de coopération transfrontalière se renforcent autour de la conservation de la tortue luth : la sous-population de l’Atlantique Nord-Ouest, classée en danger d’extinction depuis 2019, fait l’objet d’un PRA 2 en cours d’élaboration avec les pays voisins 3.

Comme de nombreuses espèces endémiques de l’île, cet oiseau en danger critique d’extinction est menacé par les espèces exotiques envahissantes. La lutte contre certaines de ces espèces introduites est l’une des missions de l’OFB à La Réunion : une équipe de la direction des Outre-mer anime notamment 3 actions du Plan opérationnel de lutte contre les invasives (POLI) 2019-2022 (DEAL Réunion).

Plan national d’actions. | 2 Plan régional d’actions. | 3 Suriname, Guyane et Trinité-et-Tobago.

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Mammifère marin pélagique, le dauphin à long bec vit autour des côtes et migre pour suivre les bancs de poissons. Le statut UICN de cette espèce est « préoccupation mineure ». Même si leur état de conservation n’est pas préoccupant pour l’instant, ces dauphins restent sensibles aux activités humaines, et notamment au whale-watching. Le Sanctuaire Agoa travaille avec les professionnels de l’observation commerciale des cétacés afin de leur communiquer les bonnes pratiques d’approche. Ceux-ci doivent par ailleurs suivre une formation, délivrée par Agoa, et s’engager à respecter la charte du Sanctuaire pour avoir l’autorisation d’exercer. © Laurent Bouveret

ANTILLES-GUYANE : LE SANCTUAIRE AGOA Les eaux du Sanctuaire Agoa, 2ème plus grande aire marine protégée française gérée par l’Office français de la biodiversité, sont riches d’environ un tiers des espèces mondiales de mammifères marins. Ces animaux sont fragiles et certains, comme le lamentin des Antilles, ont déjà disparu des eaux des Antilles françaises. Les missions de l’équipe du Sanctuaire sont donc de veiller à la cohabitation entre activités humaines – travaux sous-marins, whale-watching, etc. – et cétacés, et d’apprendre à mieux connaître ces derniers grâce à des suivis scientifiques tels que les deux campagnes de transects menées en 2021. La coopération internationale est aussi un principe d’action essentiel dans cette mission de protection des cétacés qui, comme l’emblématique baleine à bosse, ne connaissent pas les frontières humaines.

MAYOTTE : LE NAMOULOHNA Sur terre comme en mer, Mayotte recèle une biodiversité exceptionnelle, dont quelque 300 espèces de coraux et 24 de mammifères marins dans le Parc naturel marin géré par l’OFB. Près de 50 espèces végétales endémiques sont également dénombrées. Le namoulohna (Foetidia comorensis), un arbre d’une rareté exceptionnelle, est uniquement présent à M’tsamoudou. Cette année, le programme Te Me Um de l’OFB soutient notamment l’association des villageois pour protéger cette flore en danger critique d’extinction.

Le namoulohna, une espèce très rare. © Germinal Rouhan | MNHN

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ÎLE DE LA RÉUNION PROGRAMME MESORUN : UN INVENTAIRE INÉDIT DE L’ÉCOSYSTÈME CORALLIEN À GRANDE PROFONDEUR ! Piloté par l’association Vie Océane et le bureau d’études B iorécif, et financé par LIFE4BEST 1, M esoRun permet, grâce aux résultats de nombreuses plongées profondes, de mieux connaître la faune et la flore sous - marines en bas des pentes récifales de S aint-L eu et S ainte -Rose. Entre 50 et 150 mètres de profondeur, les écosystèmes coralliens dits « mésophotiques » abritent des communautés évoluant dans un environnement faiblement éclairé et dont les habitats et les assemblages d’espèces diffèrent des zones récifales peu profondes. Largement méconnus dans le sud-ouest de l’océan Indien, ces écosystèmes pourraient constituer des « zones refuges » pour certaines espèces comme les poissons ou les coraux, impactés par les pressions humaines et les effets du changement climatique. « Sur les sites explorés, l’inventaire a été effectué à l’aide d’images sous-marines et, si nécessaire, de collecte d’organismes », développe Thierry Mulochau, expert en environnement marin de Biorécif.

L’inauguration de « MESORUN » a ainsi eu lieu le 13 novembre au centre de soin des tortues marines de Kélonia. Cet événement fut l’occasion de présenter le programme scientifique et ses principaux résultats. Au total, 36 plongées ont été réalisées entre -65 et -110 mètres par des plongeurs scaphandriers (Classe III B) de l’association Poisson Lune, de même que 53 immersions de caméras jusqu’à -120 mètres. Les photographies, vidéos et prélèvements ont été transmis à des experts, qui ont recensé 1 015 espèces. Certaines n’avaient jamais été vues à La Réunion – neuf espèces de poissons par exemple – et d’autres, chez les hydraires ou encore les nudibranches, semblent nouvelles pour la science. Une meilleure connaissance des écosystèmes coralliens profonds est en effet importante pour guider les futures stratégies de gestion et de conservation de la zone mésophotique. MesoRun a contribué à cet objectif en produisant des supports d’information destinés aux pouvoirs publics, afin de leur fournir les éléments pour initier un suivi des Zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) marines à La Réunion.

Rédaction : Stéphanie Légeron

Les plongeurs de Poisson Lune se préparent à s’immerger. À l’arrière à droite, Thierry Mulochau de Biorécif. © ARBRE

MesoRun est un programme alliant science « experte » d’une part, via un réseau de chercheurs et de spécialistes, et science « participative » d’autre part, à travers le travail des plongeurs et la médiation scientifique. Par ailleurs, Vie Océane a conçu une exposition dédiée au projet. 1

Programme LIFE de l’UE, de l’OFB et de l’AFD.

MESOMAY, OU L’ÉQUIVALENT DU PROJET MESORUN À MAYOTTE Sur l’île au lagon, un inventaire similaire de la zone mésophotique, MesoMay, a donné lieu au dénombrement de 756 espèces, dont 59 nouvelles espèces de poissons pour Mayotte ! Le 3ème volet du programme, qui s’est déroulé en décembre, est piloté par Biorécif en partenariat avec le Parc naturel marin de Mayotte et deux associations de plongeurs (DBE et SPS).


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Un paysage sous-marin aussi beau que surprenant avec du « corail dentelle » (Stylaster sp.) dressé au milieu d’une zone au recouvrement corallien exceptionnel. L’image a été réalisée à 70 mètres de profondeur au large de Sainte-Rose. © Patrick Plantard

Un poisson (Plectranthias winniensis) observé pour la première fois à La Réunion dans le cadre du projet. © Patrick Plantard

DÉTECTER LES ORGANISMES AVEC LEUR ADN ENVIRONNEMENTAL (ADNe) L’Agence de recherche pour la biodiversité à La Réunion (ARBRE) a prélevé des échantillons d’eau pour rechercher l’ADN environnemental des poissons (photo ci-contre). Cela a permis de confirmer certaines observations et de trouver de l’ADN de poissons jamais observés à La Réunion. Les futurs programmes viendront confirmer ces analyses sur l’ADNe des poissons en zone mésophotique.

Une espèce de nudibranche, probablement nouvelle pour la science, échantillonnée pendant MesoRun. © Vie Océane

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PORT RÉUNION, UN ACTEUR CLÉ DANS LA LUTTE CONTRE LES ESPÈCES EXOTIQUES ENVAHISSANTES La

faune et la flore introduites sur l’île par l’homme, de manière volontaire ou fortuite, peuvent

devenir envahissantes et menacer les écosystèmes locaux, mais aussi la santé humaine et l’économie du territoire.

En

tant que zone sensible de potentielles introductions, le

Grand Port Maritime

de

La Réunion (GPMDLR) – ou Port Réunion – s’implique activement pour prévenir et contrer ces menaces. De nombreuses espèces peuvent arriver au Port Est via les bateaux en provenance d’autres pays, notamment des reptiles – serpents et lézards – des amphibiens, ou encore des insectes. Or les invasions biologiques sont reconnues, depuis les années 1960, comme la première cause de perte de biodiversité à La Réunion. C’est pourquoi le GPMDLR a adhéré au Groupe des espèces invasives de La Réunion (GEIR), un ensemble d’institutions, agences, associations, professionnels et personnes ressources coordonné sur l’île dans la lutte contre les espèces exotiques envahissantes. Par ailleurs, Port Réunion agit dans le cadre du Plan opérationnel de lutte contre les invasives (POLI) 2019-2022. En 2021, un partenariat a été réalisé entre l’association Nature Océan Indien (NOI) et le GPMDLR afin de mettre en place une « brigade d’intervention » pour lutter contre l’introduction éventuelle d’espèces invasives via le port. NOI est une association spécialisée dans l’étude des reptiles, qui a déjà effectué durant 7 ans un suivi sur un lézard invasif : l’agame des colons menace en effet les espèces locales et endémiques – oiseaux, invertébrés, lézards – dont il peut se nourrir. Il entre en compétition avec les geckos endémiques comme le gecko vert de Manapany, qui figure sur la Liste rouge de l’UICN des espèces en danger critique d’extinction. L’agame des colons prolifère très rapidement et l’enjeu est d’éviter son installation dans les zones d’intérêt écologique.

Oiseau de cage relâché dans la nature vers 1970, le merle de Maurice est présent dans toute l’île. Il détruit les cultures, dissémine les plantes envahissantes et vient concurrencer les oiseaux endémiques. © Kriss de Niort | www.faaxaal.blogspot.com

Chaque année, les agents et acteurs de Port Réunion sont sensibilisés et formés sur les espèces invasives par NOI, l’OFB, la DEAL et la SEOR. Par ailleurs, Port Réunion intervient contre la propagation depuis les navires des vers blancs, ou larves de hannetons, à travers une campagne qui se déroule tous les ans du 1er novembre au 15 janvier. Enfin, une convention a été signée en décembre avec la SREPEN, dans le domaine spécifique de la flore invasive.

Dans le périmètre portuaire, l’agame des colons a fait l’objet d’études, de surveillances et de piégeages. © NOI - F. Guérin | Une séance de sensibilisation de Nature Océan Indien à destination des agents du port sur le thème des espèces exotiques envahissantes. © Éric D’Zoao


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INTERVIEW ÉRIC LEGRIGEOIS, PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE PORT RÉUNION ET BERNADETTE ARDON, PRÉSIDENTE DE LA SREPEN • Sur quels aspects la convention de partenariat signée ce jour entre Port Réunion et la SREPEN porte-t-elle ? Éric Legrigeois - Notre convention est dédiée à la protection contre les espèces végétales invasives. Elle prévoit trois grandes actions. Tout d’abord, la SREPEN va expertiser la flore du périmètre du port par secteur. Cela va inclure d’une part un inventaire des espèces exotiques envahissantes (EEE) présentes et, d’autre part, des conseils de végétalisation et de mode d’entretien. La deuxième action sera de présenter aux agents du port les enjeux de la biodiversité sous l’angle espèces exotiques envahissantes et milieux naturels, ainsi que la réglementation actuelle qui leur est associée. Enfin, un volet de sensibilisation sur les EEE sera proposé par la SREPEN. Bernadette Ardon - En fait, le plus difficile et aussi le plus essentiel en matière d’EEE, qu’il soit question de flore ou de faune, est de sensibiliser. Le grand souci, c’est la prise de conscience. Les espèces sont introduites par ignorance, non pour porter atteinte. Chacun croit que ce qu’il fait est bon, en particulier les adultes, car les enfants n’ont pas la capacité par exemple d’acheter des oiseaux exotiques en animalerie, comme les aras, les perruches... Autre exemple : le martin est un oiseau venu de l’Inde. Il a été introduit pour chasser les criquets qui détruisaient les récoltes, mais il est nuisible car il mange les fruits comme les papayes, etc. L’information et une bonne communication sont la clé et le principal acteur, c’est la population. Il faut faire prendre conscience que toute action a un impact.

de nos deux portes d’entrée avec l’aéroport. Les enjeux sont donc considérables, surtout au niveau de la flore, dont les espèces invasives font des dégâts particulièrement impressionnants. Pour nous, il est important d’accompagner Port Réunion dans sa volonté d’avoir une vision environnementale, au-delà de ses activités industrielles. À la SREPEN, je souligne que nous n’avons jamais opposé l’économie à l’écologie. Nous essayons de les concilier dans une optique de développement harmonieux et durable pour La Réunion, sachant que notre territoire héberge un patrimoine naturel insulaire et, de fait, fragile. Nos actions avec le Grand Port Maritime vont s’inscrire plus largement dans la loi promulguée en 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Elle intègre l’objectif de réduire à zéro la perte nette de biodiversité. Pour y parvenir, il faudrait faire beaucoup plus à La Réunion, mais les choses prennent du temps. Il a ainsi fallu plus de 10 ans pour mettre en place une réglementation locale sur la faune et la flore. Elle est encore incomplète et ceci à cause de la pression de certains lobbies. Au-delà de nos trois actions mentionnées précédemment, nous allons proposer à Port Réunion de planter à certains endroits des espèces endémiques comme le pourpier, le veloutier... Le but n’est pas bien sûr d’aménager un jardin botanique sur le port, mais de proposer quelques espaces verts peuplés de variétés indigènes. É. L. - Ce projet de revégétalisation adapté au littoral nous permettra aussi de lutter contre les îlots de chaleur. Vis-àvis des riverains, il y aura également des retombées positives. Pour mieux concilier la proximité de nos installations avec le tissu urbain, nous prévoyons l’aménagement d’un cheminement longeant le littoral au sein d’espaces plus agréables, plus verdoyants et offrant de belles échappées visuelles. Enfin, nous allons intégrer pleinement nos équipes à ce partenariat noué avec la SREPEN pour que nos collaborateurs s’approprient la démarche, y soient acteurs et comprennent le sens de notre engagement.

• Dans quelle perspective de développement du port cette convention s’inscrit-elle ? B. A. - Il s’agit avant tout de prévenir l’arrivée de nouvelles espèces végétales, sachant qu’à La Réunion, le port est l’une Éric Legrigeois et Bernadette Ardon à Port Est, le jour de la signature de la convention de partenariat. © S. Légeron

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RÉUNIMER : LE DÉVELOPPEMENT DURABLE « DE L’HAMEÇON À L’ASSIETTE » ! Né en 1997, Réunimer s’affirme comme le leader réunionnais des produits de la mer. Son activité s’étend de la pêche pélagique à la transformation et la distribution, jusqu’au métier de traiteur à travers la marque « Le pêcheur créole ». L’une de ses priorités est de contrôler son impact sur l’environnement. Avec ses cinq filiales, sa contribution au développement local et ses produits reconnus de grande qualité – thon, espadon, marlin, cuits du jour (crustacés), rillettes, poissons fumés, etc. – Réunimer fait partie des fleurons de l’économie réunionnaise de la mer. Doté de 14 bateaux de pêche, ce membre du Cluster maritime de La Réunion emploie 194 personnes réparties sur l’ensemble de la chaîne de valeur des produits de la mer, de la capture à la consommation. L’approche environnementale est l’une des clés de voûte de la stratégie du groupe, qui a fait le choix de mesures concrètes en faveur de la transition écologique. Tout d’abord, le groupe s’est spécialisé dans la pêche à la palangre. Exercée à environ 100 milles nautiques des côtes réunionnaises, cette méthode limite les prises accessoires de même que les quantités de poissons pêchées, qui sont de l’ordre de 1 000 tonnes par an. « La pêche palangrière réunionnaise, côtière et hauturière, ne représente que 0,21 % des captures dans l’océan Indien. Nous avons ainsi opté pour une pratique qui ne vient pas menacer le renouvellement des stocks de poissons », précise Jérémy Mousson, responsable de la communication chez Réunimer. Pour lutter contre la pêche accidentelle pouvant malgré tout survenir, Réunimer est partenaire de l’observatoire de tortues Kélonia, qui récupère les tortues piégées sur les palangres et les soigne avant leur remise en liberté. Certaines sont équipées de balises qui permettent d’assurer des suivis scientifiques de leurs déplacements en mer. « Nous collaborons avec PARADEP, dans le cadre d’une étude sur la déprédation de nos lignes par les cétacés et globicéphales. Les chercheurs redoutaient que ces animaux changent leurs stratégies de chasse et deviennent dépendants des prises sur les hameçons. Nous nous intéressons aussi à la biodiversité marine, qui est essentielle à nos métiers et à la santé des écosystèmes marins », poursuit Jérémy Mousson. Réunimer travaille actuellement à l’obtention du label MSC (Marine stewardship council) de manière à montrer à ses clients, notamment à l’export – Europe, Japon... – que ses produits proviennent d’une pêche durable.

Réunimer agit pour l’environnement de multiples façons : en ayant investi récemment dans une centrale biétagée au CO2 moins énergivore, sans impact sur la couche d’ozone ; en préparant l’installation d’un système d’autoproduction solaire ; en participant au programme Assure (Ademe) permettant une maîtrise de l’énergie par instrumentation de tous ses équipements ; en réduisant de 50 % la part de plastique de ses emballages, avec un plastique moins dense... Autant d’initiatives prenant en compte l’impact environnemental dans sa globalité, condition sine qua non d’une gestion de la pêcherie durable et exemplaire.


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EDF À LA RÉUNION, UN ACTEUR ENGAGÉ POUR LA BIODIVERSITÉ DU TERRITOIRE Préservation

des oiseaux marins protégés, retour des tortues sur les côtes réunionnaises, lutte

contre les déchets plastiques dans la nature… sont des problématiques qui trouvent du sens chez

EDF à la Réunion. La biodiversité à EDF est au cœur des projets et des activités au quotidien. La richesse des écosystèmes de l’île, qui se situent dans l’un des 36 points chauds de biodiversité de la planète, confère à EDF à La Réunion une responsabilité particulière. En tant qu’industriel responsable, l’entreprise, membre du CMR, est engagée dans la préservation, la restauration et la reconquête de la biodiversité locale. Depuis près de 20 ans, elle est partenaire de la SEOR 1, qui œuvre pour la préservation d’oiseaux marins protégés à La Réunion : pétrel de Barau, pétrel noir de Bourbon, puffin tropical et puffin du Pacifique. En septembre, un nouveau projet, expérimental, a été initié avec cette association : des balises d’une nouvelle technologie ont été posées sur la ligne très haute tension « Bras de la Plaine - Le Gol » dans le sud de l’île. L’installation de ce dispositif est dans la continuité d’une étude menée sur les déplacements des quatre espèces protégées. Il vise à mieux appréhender leur comportement et mieux évaluer le risque de collision avec les câbles aériens.

L’association Plastik Akoz est ainsi née, sous l’impulsion de cinq entreprises soucieuses du développement durable du territoire dont EDF, afin de lutter contre le danger du plastique dans les milieux naturels terrestres et marins. Chacun à son niveau, au regard de ses compétences, de ses responsabilités et ses projets, peut contribuer à relever le défi de la préservation de la biodiversité. Celle-ci fait aujourd’hui partie intégrante de la stratégie du Groupe et est pleinement inscrite dans sa raison d’être : « Construire un avenir énergétique neutre en CO2 conciliant préservation de la planète, bien-être et développement ».

L’engagement d’EDF sur l’île tient aussi à la mobilisation de ses équipes. Les partenariats noués avec les associations environnementales se traduisent souvent par un élan collectif. De nombreux salariés ont, par exemple, apporté leur concours à la réhabilitation de plages de pontes par le Centre d’études et de découverte des tortues marines. Ils ont ainsi participé à la réintroduction d’une végétation propice au retour des tortues sur les côtes réunionnaises. EDF à la Réunion favorise également des comportements plus responsables. Outre les actions réalisées au sein de ses sites, l’entreprise se mobilise aux côtés d’autres acteurs économiques locaux dans le domaine de la sensibilisation. 1

Société d’études ornithologiques de La Réunion.

En haut : pose de balises « avifaune » sur la ligne « Bras de la Plaine - Le Gol ». | Opération de nettoyage de Plastik Akoz.

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IOT | DE NOMBREUX DÉPLOIEMENTS PROMETTEURS EN 2021 Le projet « Indian Ocean sea Turtiles », ou IOT, vise à développer le premier réseau d’observation de mouvements des tortues marines dans le sudouest de l’océan Indien grâce à une nouvelle génération de balises et de stations de réception. L’ouest de l’océan Indien est l’un des principaux sites mondiaux de reproduction et de ponte de deux espèces de tortues marines : les tortues vertes (Chelonia mydas) et imbriquées (Eretmochelys imbricata). En danger, elles figurent sur la Liste rouge de l’UICN. Les connaissances scientifiques sur les jeunes stades manquent et sont essentielles à la définition de mesures de conservation efficaces. Dans ce cadre, le projet « Indian Ocean sea Turtles » (IOT), initié en 2018, consiste à déployer des balises et des stations de réception, réparties sur différents sites d’études à travers le bassin sud-ouest de l’océan Indien. Avec pour objectif l’aboutissement des développements technologiques et la préindustrialisation d’une nouvelle génération de balises à basse consommation et de précision plus fine, ainsi que la création du premier réseau

Une tortue verte juvénile marquée à N’Gouja, dans le sud de Mayotte, lors de la mission Mayotte 2. © Ifremer

d’observation régional des mouvements des tortues de mer s’appuyant sur des stations autonomes en énergie. En 2021, plusieurs missions ont été menées à La Réunion, Europa, Mayotte et Aldabra (Seychelles) et ont permis de déployer une vingtaine de balises et d’installer des stations de réception LoRa. Des mesures bathymétriques et photogrammétriques ont été réalisées sur l’île d’Europa via une planche autonome instrumentée développée dans le cadre du projet. En 2022, les déploiements des balises et de la planche vont se poursuivre. Ces missions ont été rendues possibles grâce à l’implication des partenaires du projet (PNMM, Conseil départemental de Mayotte, Oulanga Na Nyamba, SIF, TAAF, CNRS-LIRMM) et avec le soutien logistique des FAZSOI et de la Gendarmerie maritime de Mayotte.

Ci-contre : une partie des membres lors de la mission Mayotte 1 en juillet 2021. | Page de droite : voilier marqué en novembre 2020 à Mayotte. | Photos : © Ifremer

+ d’info ici : La technologie des objets connectés au profit des tortues marines Référents : Sylvain Bonhommeau sylvain.bonhommeau@ifremer.fr Anne-Laure Clément anne.laure.clement@ifremer.fr

IOT est cofinancé par l’Union européenne dans le cadre du PO Interreg V Océan-Indien.


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+ d’info ici : Projet FLOPPED

TALE ET FLOPPED | MIEUX CONNAÎTRE LES GRANDS PÉLAGIQUES Référent : Sylvain Bonhommeau | sylvain.bonhommeau@ifremer.fr

Un des objectifs des projets européens TALE et FLOPPED (FEAMP Mesure 40) est d’apporter des connaissances scientifiques sur les zones de reproduction de plusieurs espèces de grands pélagiques dans l’océan Indien. FLOPPED s’intéresse au marlin noir (Makaira indica), au marlin bleu (Makaira nigricans), au marlin rayé (Tetrapturus audax), au voilier (Istiophorus platypterus) et à l’espadon (Xiphias gladius), et TALE au thon germon (Thunnus alalunga).

Ces deux projets mettent en œuvre des approches combinées : biologie, marquage, génétique et modélisation de dérive larvaire. À ce jour, plusieurs dizaines de balises satellites ont été déployées. La prochaine étape est une campagne scientifique qui va avoir lieu en janvier 2022 à bord du patrouilleur austral des Affaires maritimes Osiris II afin de réaliser des pêches larvaires et de marquer des poissons via une palangre spécialement instrumentée pour améliorer leur survie.

IPERDMX | POUR UNE EXPLOITATION RAISONNÉE DES POISSONS DÉMERSAUX RÉCIFAUX ET PROFONDS À LA RÉUNION À travers des approches indicateurs et pluridisciplinaires – collecte de données biologique, vidéo et pêche – le projet IPERDMX (FEAMP Mesure 40) a pour objectif d’acquérir des connaissances complémentaires sur l’état des ressources, la biologie et les habitats de vie des poissons démersaux récifaux et profonds pêchés à La Réunion. Les scientifiques pourront ainsi évaluer l’état des ressources exploitées à l’échelle de l’île et être en mesure de contribuer à la définition de zones fonctionnelles halieutiques et de mesures de gestion visant à la préservation et à l’exploitation raisonnée des stocks.

La restitution finale a eu lieu le 2 décembre 2021 avec les partenaires (CRPMEM de La Réunion, RNMR). Les résultats présentés doivent permettre de travailler sur la formalisation de premières recommandations de conservation et de gestion durable des communautés ichtyologiques démersales d’intérêt halieutique à La Réunion. + d’info ici : Projet IPERDMX Référent : David Roos | david.roos@ifremer.fr

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MAYOTTE RENCONTRE AVEC DEUX AMBASSADEURS DU LAGON DANS LES VILLAGES

Boina Said et Toihir Ali-Mari conviés au Congrès mondial de la nature de l’UICN 1 (1er et 2ème en partant de la gauche), à l’occasion du passage de Martha Rojas Urrego, secrétaire générale de la Convention de Ramsar sur les zones humides.

Boina Said, directeur de l’association AME 2 , et Toihir A li -M ari, pêcheur, témoignent de leur rôle d’ « A mbassadeurs du lagon dans les villages » qui les a menés au Congrès mondial de la nature. Pour protéger le milieu marin, le Parc naturel marin de Mayotte lance chaque année un appel à projets à des fins de mobilisation citoyenne. Le principe est de trouver et soutenir d’un point de vue technique et financier des « ambassadeurs » au sein des différents quartiers. L’objectif est triple : sensibiliser la population à l’environnement marin, lui permettre d’acquérir des connaissances et faire évoluer les comportements vers des pratiques plus durables et écologiques.

Ramassage de déchets par Boina Said à Tsimkoura. © AME

BOINA SAID, DIRECTEUR DE L’AME 2 « J’ai grandi entre Bouéni et Tsimkoura. Étant petit, je jouais ici dans la mangrove. Depuis 1998, cet écosystème entre terre et mer a commencé à disparaître, en raison des constructions, boues de chantiers, dépôts sauvages de déchets... J’ai créé l’association en 2015 pour faire connaître et aimer la mangrove. Puis, pour ne pas dépendre entièrement des subventions, j’ai monté une base kayak, qui forme des moniteurs et propose de découvrir la mangrove de l’intérieur. Nous avons ainsi pu recruter quatre personnes ! À l’AME, nous nettoyons la mangrove, sensibilisons les habitants, visiteurs, enfants des centres de loisirs... Nous nous sommes même lancés dans un projet d’apiculture en arrière-mangrove, pour former les agriculteurs à produire du miel de mangrove. C’est urgent que les abeilles repeuplent le milieu, car les essaims sont devenus rares.

Je me bats aussi pour qu’il y ait une formation environnementale à Mayotte. Je me bats pour que nos dirigeants passent à l’acte. On a besoin de faire des choses concrètes. La mangrove est presque asphyxiée aujourd’hui. Enfin, nous avons replanté 5 000 palétuviers depuis 2017. Mais un problème me préoccupe. En première ligne côté lagon, la mangrove est bordée de palétuviers fleurs. C’est une espèce très menacée par l’érosion et qu’on ne sait pas reproduire. Si elle disparaît, les vagues seront en contact direct avec le palétuvier rouge, normalement en deuxième ligne. Or celui-ci abrite un immense nombre de juvéniles de poissons, raies... Toute une biodiversité qui serait clairement menacée par l’absence du palétuvier fleur. J’aimerais que des scientifiques nous apprennent à bouturer le palétuvier fleur, car nous n’avons pas ces connaissances. »

TOIHIR ALI-MARI, PÊCHEUR À MANGAJOU « Je suis ambassadeur du lagon depuis quelques mois. J’agis bénévolement car la nature change et personne ne s’en rend compte... Pour moi, il est flagrant que l’environnement s’est dégradé entre mon départ en 1999 et mon retour ici 20 ans plus tard. Il ne reste pas grand chose de la mangrove depuis qu’une rocade et un gymnase ont été construits juste derrière. Le paysage n’est plus le même. Il y a moins de poissons aussi. Avant, on les voyait même dans des mares en haut de la plage. Il faut regarder la nature. Si on avait cet œil, on aurait un peu plus de responsabilité dessus. Je voudrais transmettre ça aux jeunes pour qu’on soit tous responsables de ce qui se passe. C’est certain que les jeunes ne sont pas sensibilisés. La plage et la mer : ils aiment, sans plus. Un changement d’état d’esprit est nécessaire ».

Union internationale pour la conservation de la nature. | 2 Association Mangrove Environnement.

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Rédaction : Stéphanie Légeron


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PROTÉGER LES OISEAUX : L’AFFAIRE DE TOUS

© Thomas Ferrari | GEPOMAY

Rédaction : Mariane Harmand

Le souïmanga de Mayotte, un passereau endémique de l’île.

Association environnementale, le GEPOMAY œuvre pour la protection des oiseaux à Mayotte. Des partenaires locaux aux institutions internationales, ses actions sont notamment soutenues par le Conseil départemental. En parallèle de son travail scientifique, l’équipe s’engage à sensibiliser la population locale en créant par exemple un réseau de bénévoles investis. Dans le 101ème département français, le Groupe d’études et de protection des oiseaux de Mayotte (GEPOMAY) s’est donné trois missions : l’étude des oiseaux et de leurs comportements ; la protection des espèces et de leurs habitats ; la sensibilisation vers tous les publics. Il entretient des liens étroits avec différents partenaires techniques et financiers comme le Conseil départemental de Mayotte. Ce dernier est notamment le gestionnaire du site du lac Karihani, seul lac naturel d’eau douce de Mayotte et principal lieu d’alimentation d’un héron en danger mondial d’extinction : le crabier blanc. Après la vasière des Badamiers en Petite-Terre, gérée elle aussi par le Département, le lac Karihani est le deuxième site où l’on retrouve la plus grande diversité d’oiseaux à Mayotte. Afin de préserver ce riche écosystème dont fait partie le crabier blanc, espèce emblématique de l’île, les deux structures travaillent ensemble à la restauration et à la protection du site. Le GEPOMAY vit également grâce à ses bénévoles. En décembre se terminaient les relevés de la 2ème saison du Suivi temporel des oiseaux communs (STOC), un programme de sciences participatives adapté à l’île et en partie financé par le Conseil départemental. Dans ce cadre, 16 observateurs bénévoles ont été formés par l’association pour relever deux fois par an les oiseaux vus et entendus sur des itinéraires bien précis. Les données sont prêtes à être analysées par le GEPOMAY dès ce début d’année. Elles permettront sur le long terme d’établir des indicateurs de l’état de la biodiversité locale et d’alimenter des outils d’aide à la décision pour la gestion et l’aménagement du territoire.

TÉMOIGNAGE BACAR OUSSENI MDALLAH PRÉSIDENT DU GEPOMAY « Principale richesse de l’île, les espaces naturels, qui abritent parfois des espèces uniques au monde, sont soumis à de fortes pressions liées aux activités humaines. L’avenir reste incertain au vu de l’importante augmentation démographique, du besoin de développement économique, mais également de l’effet du changement climatique. L’association GEPOMAY, avec le soutien des partenaires, essaye à travers ses actions d’apporter sa contribution à la préservation de cette richesse ».

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Ci-dessus, de gauche à droite : conférence donnée par Émilien Dautrey, directeur du GEPOMAY, au Congrès mondial de la nature de l’UICN. | Lors de ce même événement, une animation du GEPOMAY et de la LPO France sur les espèces menacées des outre-mer (programme européen Life BIODIV’OM). | Des observations bénévoles du STOC lors d’une matinée d’observation et de formation avec le GEPOMAY.

Un crabier blanc arbore son plumage nuptial sur le lac Karihani. © Gilles Adt | + d’info ici : https://gepomay.fr/


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« DES RÉCIFS LOIN DES HOMMES » : UNE MISSION AUX GLORIEUSES, SUR LES BANCS DU GEYSER ET DE LA ZÉLÉE

TAAF

Rédaction : S. L.

L’éloignement des récifs coralliens au nord du canal du Mozambique rend leur suivi complexe, coûteux et donc rare. Pour faire le point sur leur état de santé, le Parc naturel marin de Mayotte a mis en place une mission d’acquisition de connaissances, en coopération avec l’administration des TAAF. Débutée le 20 septembre, la mission « Des récifs loin des hommes » 1 a pris fin le 12 décembre. Ses trois campagnes – deux à bord du navire Antsiva, et la troisième à bord du Champlain avec le soutien des FAZSOI 2 – ont permis de passer 29 jours sur les lieux d’étude : banc de la Zélée dans le Parc naturel marin de Mayotte (OFB) ; banc du Geyser, Grande Glorieuse et île du Lys dans la Réserve naturelle nationale de l’archipel des Glorieuses, créée le 8 juin 2021. Face au changement climatique et à l’exploitation croissante des ressources naturelles, évaluer l’état de santé des écosystèmes récifaux est un préalable essentiel à la gestion des espaces protégés. Les données acquises durant la mission serviront ainsi à orienter les mesures de gestion.

scientifiques ont répertorié les macrodéchets observés en mer pour évaluer leur quantité et leur provenance.

Aux Glorieuses, les scientifiques ont visité les stations existantes de suivi des récifs coralliens et en ont installé une au banc du Geyser. De plus, ils ont pu estimer l’importance du braconnage d’holothuries notamment sur la petite île du Lys. La macrofaune présente dans le sable a également été étudiée afin d’établir un état de référence aux Glorieuses, et être en mesure d’estimer les dégradations en cas de pollution aux hydrocarbures. Des caméras rotatives ont été immergées par des plongeurs pour suivre les populations de poissons commerciaux. La température des eaux de surface a par ailleurs été relevée, et les

• Des espèces nouvelles pour les Glorieuses et Mayotte ont été identifiées (nudibranches, poissons et crustacés).

La mission a également porté sur le suivi du banc sousmarin de la Zélée, situé dans les eaux mahoraises. Cette synergie entre le Parc naturel marin de Mayotte et les TAAF a ainsi posé les jalons d’une coopération entre les deux aires marines protégées limitrophes.

LES PREMIERS RÉSULTATS

• Le constat de la baisse des populations d’holothuries et des poissons d’intérêts commerciaux confirme une pression de pêche illégale dans les eaux des Glorieuses. • La diversité exceptionnelle des coraux semble stable, bien qu’il reste quelques traces du dernier épisode de blanchissement lié au réchauffement des eaux en 2016.

Plusieurs partenaires scientifiques ont accompagné les équipes du Parc et des TAAF dans cette mission, en particulier l’Unité mixte de recherche Entropie de l’université de La Réunion et les bureaux d’étude Marex, Galaxea et Biorécif. | 2 Forces armées dans la zone sud de l’océan Indien. 1

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LA FONDATION DES ARMEMENTS DE LA PÊCHE AUSTRALE A LE VENT EN POUPE !

Unique fondation d’entreprises créée en France par des armements de pêche, la Fondation des mers australes est née d’un constat partagé : la nécessité de soutenir la recherche scientifique dans ces eaux éloignées des terres habitées – sud de l’océan Indien et océan Austral – qui demeurent méconnues et abritent une biodiversité exceptionnelle.

Armas Pêche, Cap Bourbon, Comata-Scapêche, Les Armements réunionnais, Pêche Avenir et Sapmer : les six sociétés de la pêche australe qui ont donné naissance à la Fondation en 2013 opèrent depuis La Réunion, principalement dans les eaux des îles Kerguelen et Crozet. Toutes étaient déjà réunies depuis 2002 au sein du Syndicat des armements réunionnais de palangriers congélateurs (SARPC) pour parler d’une voix commune et mutualiser leurs moyens.

les clics d’écholocation de cachalots, dans le but de réduire la déprédation dans la pêcherie à la légine australe. Les précieuses données ont été collectées en mer avec le soutien actif des équipages et armements de pêche australe, grâce à des hydrophones placés sur les palangres. Dans le cadre de cette étude, 41 déploiements ont été réalisés en 2020 aux îles Kerguelen, et 38 à Crozet, soit environ 4 400 heures d’enregistrements.

À travers la Fondation des mers australes, ces armements développent du mécénat de façon cohérente avec leurs enjeux en initiant, supportant, promouvant, finançant ou participant au financement de : • toute étude ou action de recherche liée à la mer dans les zones australes (fonds marins, faune, flore, pêcheries...) ; • toute action contribuant à préserver et mettre en valeur le patrimoine maritime des zones australes ; • formations aux métiers de la mer de personnes en difficulté, notamment à La Réunion. Le conseil d’administration compte les six membres fondateurs, une représentante du personnel, de même que cinq personnalités qualifiées du monde maritime et scientifique.

Pour citer un autre exemple d’étude scientifique, la Fondation cofinance une thèse (2020-2023) avec le MNHN et les TAAF, visant à évaluer la vulnérabilité des espèces de raies capturées accidentellement par la pêcherie palangrière de légine. Il s’agira aussi de concevoir des outils de suivi des populations de raies, et d’expérimenter de nouvelles pratiques à bord des navires pour accompagner les équipages dans leurs efforts de réduction de ces captures.

La Fondation a par exemple porté et accompagné le programme scientifique OrcaDepred, entamé en 2015 pour mieux comprendre l’écologie des orques et des cachalots, afin de limiter la déprédation des lignes par ces cétacés. De plus, la Fondation a coencadré, de 2019 à 2021 avec l’ENSTA-Bretagne, un ingénieur en acoustique sous-marine. Fabio Cassiano a ainsi consacré son étude – « Détéclic, un détecteur multi-méthodes de clics de cachalots » – au développement d’outils capables de détecter en temps réel


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Stéphane Ciccione dans les îles Éparses, au cours d’une mission d’étude des tortues vertes. Océanologue et spécialiste des tortues marines reconnu mondialement, Stéphane Ciccione dirige Kélonia à La Réunion depuis 2006.

INTERVIEW STÉPHANE CICCIONE DIRECTEUR DE L’OBSERVATOIRE DES TORTUES MARINES KÉLONIA • Quel est votre rôle en tant que personnalité qualifiée membre de la Fondation des mers australes ? - Mon rôle consiste à donner un avis d’expert sur les programmes ou les actions que la Fondation décide de financer. Cela peut porter aussi bien sur des projets scientifiques que de sensibilisation de l’opinion publique, des thématiques sur lesquelles je travaille au quotidien à Kélonia. J’ai intégré la Fondation il y a cinq mois seulement. En ce qui concerne les dossiers sur lesquels j’ai été sollicité jusqu’à présent, il a été question de mammifères marins, de raies, ou encore de l’aide à apporter aux élèves de l’École maritime de La Réunion.

• Qu’est-ce qui vous a convaincu d’intervenir ainsi bénévolement pour la Fondation ? - C’est le fait d’enrichir mes connaissances, et également de mettre mes compétences au service de l’étude d’autres espèces. En effet, la méthodologie employée pour les tortues marines est appliquable à différentes espèces, certaines choses peuvent être communes. S’il y a besoin de compétences particulières sur un dossier, je peux faire appel à mes réseaux, en télémétrie, imagerie sous-marine, traitement de données... Enfin, étant donné l’absence de tortues dans les mers australes, je peux avoir une indépendance de vue et de jugement, un avis totalement neutre.

TÉMOIGNAGE ARMELLE DENOIZE PRÉSIDENTE DE LA FONDATION DES MERS AUSTRALES

Et puis, les mers australes sont des mers très particulières. Comme dans toutes les mers difficiles, la pression humaine n’y est pas très forte. Ce sont des référentiels en termes de préservation de l’environnement, où il y a une vraie volonté de développer une gestion durable des ressources. L’exploitation pour l’instant y est maîtrisée, mais il est important que la science ait sa place pour que les gestionnaires puissent prendre les décisions en connaissance de cause. J’essaie simplement d’apporter ma pierre pour que l’exploitation de cet environnement continue à être maîtrisé. Car plus on intervient tôt, plus c’est efficace et facile. Une fois qu’on a basculé dans la surexploitation, cela devient compliqué de revenir en arrière, de faire face aux intérêts économiques...

• Comment envisagez-vous l’avenir de la Fondation ? - Son devenir dépendra notamment du dialogue qui sera instauré entre les bailleurs de fonds et les experts qui donnent des avis sur les projets. Un élément est et restera au cœur de la Fondation : le dialogue entre chercheurs et pêcheurs. Je crois beaucoup à l’implication des pêcheurs pour faire progresser la recherche. À Kélonia, nous travaillons aussi depuis longtemps avec les pêcheurs afin de limiter l’impact de la pêche sur les tortues. Pour protéger le milieu marin, le fait que les pêcheurs, qui ont la connaissance empirique des écosystèmes, participent à la gestion des ressources, est en effet un élément très important.

- « La Fondation des mers australes, à travers ses trois objectifs – améliorer les connaissances des mers australes, valoriser le patrimoine maritime et aider à la formation aux métiers de la mer sur le territoire réunionnais – a accompagné une vingtaine de projets d’envergure régionale, nationale et internationale depuis sa création en 2013. Si le volet concernant l’amélioration des connaissances a concentré la majeure partie des travaux de la Fondation, nous avons à cœur de diversifier nos sujets ainsi que nos partenariats. Pour cette nouvelle année, nous espérons ainsi que les collaborations déjà en place seront fructueuses et que de nouvelles pourront aboutir sur des projets enrichissants pour le territoire de La Réunion ».

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LA CONSERVATION DU MONT PANIÉ, COGÉRÉE PAR L’ASSOCIATION DAYU BIIK Rédaction : Romy Loublier

Depuis 2004, Dayu Biik travaille en cogestion avec la Province Nord sur le site du mont Panié. Véritable levier pour les populations locales sur les questions environnementales, l’association agit pour la préservation et la valorisation d ’ un patrimoine naturel et culturel d ’ exception . La Réserve de nature sauvage du mont Panié s’étend sur le plus grand massif forestier de la Nouvelle-Calédonie. Avec un taux d’endémisme de plus de 80 % pour la faune et la flore, elle abrite une forêt de kaoris millénaires, qui forme la plus grande forêt de nuages du Pacifique tropical insulaire. Le kaori est menacé par de multiples facteurs tels que le

changement climatique, les micro-organismes pathogènes, les insectes, les activités anthropiques, ainsi que l’érosion des sols due notamment à l’activité fouisseuse des cochons féraux envahissants. Cet arbre endémique est classé depuis 2014 par l’UICN en danger critique d’extinction. Dayu Biik a mis en place un programme d’actions pour le sauvegarder.

En haut : forêt de kaoris dans la zone sommitale du mont Panié. Nommé localement « dayu biik », le kaori est un conifère endémique du massif du Panié. © Shawn Heinrichs - Conservation International| Une autre vue de la Réserve. | La mesure des kaoris dans le cadre de leur suivi.


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• Comment agissez-vous pour contribuer à la conservation de ce site naturel calédonien ? - La nature et la culture sont au centre des préoccupations de notre association. En termes de conservation de la biodiversité, nos actions s’articulent autour de la mise œuvre du projet d’extension de la Réserve, du suivi de l’état de santé des kaoris et d’opérations de régulation des espèces d’ongulés envahissants avec des chasseurs volontaires des tribus de la commune.

INTERVIEW LÉON RAZAFINDRAKOTO DIRECTEUR DE DAYU BIIK • Pourriez-vous nous présenter en quelques mots votre association ? - L’association pour la conservation en cogestion du mont Panié Dayu Biik (ACCMP Dayu Biik) regroupe16 administrateurs, 5 salariés permanents ainsi qu’une vingtaine de chasseurs volontaires. Elle a pour but de favoriser la gestion participative et d’assurer avec la population locale et les coutumiers une bonne gouvernance du patrimoine naturel et culturel du territoire de la commune de Hienghène. Nous travaillons notamment à la mise en œuvre du Plan de gestion de la Réserve de nature sauvage du mont Panié.

• Qu’est-ce qui caractérise le massif du mont Panié ? - Le mont Panié, « toit » de la Nouvelle-Calédonie culminant à 1 629 mètres d’altitude, est un secteur clé pour la biodiversité prioritaire. Considéré comme un centre d’endémisme local, il héberge une quarantaine d’espèces microendémiques, dont 7 palmiers, ainsi qu’une dizaine d’espèces en danger critique d’extinction, tel le kaori ou « dayu biik » en langue locale. Cette espèce sensible, qui peut vivre jusqu’à plus de 1 000 ans, occupe la partie sommitale du massif, un endoit « sacré » pour les coutumiers.

Nous avons aussi initié un travail de concertation de la population de Hienghène pour mieux identifier l’importance culturelle du mont Panié et proposer une gestion communautaire participative de l’environnement à l’échelle des tribus et de la commune. Le projet BEST2.0 « PC-NAT » que nous conduisons est axé sur la promotion de la culture au bénéfice de la préservation de la nature. Nous intervenons également sur des projets d’éducation à l’environnement avec les établissements scolaires locaux. Et enfin, nous valorisons le site par le biais de sentiers de découverte. L’OFB, via le programme Te Me Um, nous y aide cette année en soutenant notre microprojet.

• Avez-vous obtenu des retours, à la suite de votre participation au Congrès mondial de la nature de l’UICN en septembre dernier ? - J’ai pu participer virtuellement à ce Congrès. De plus, je suis intervenu sur le Pavillon du programme BEST2.0 et y ai présenté un film documentaire sur notre projet RECOFOR, qui signifie « Régulation des cerfs pour la conservation des forêts », financé en 2018-2019. Nous avons eu un retour très positif ! Notre film sera valorisé sur leur site web et le soutien de la Commission européenne est très encourageant pour nous.

Dans la culture locale, trois sommets sont tabous et le mont Panié symbolise le monde de l’invisible et des esprits. Ce site revêt ainsi une grande importance culturelle en Nouvelle-Calédonie. Dans le Code de l’environnement de la Province Nord, il est classé depuis 2008 en Réserve de nature sauvage , « de façon à préserver ses caractéristiques naturelles intactes ». + d’info ici : Association Dayu Biik

Régulation du cerf rusa et du cochon féral par les chasseurs volontaires dans les tribus de Hienghène. © Dayu Biik

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POLYNÉSIE FRANÇAISE LA PROTECTION DES TORTUES MARINES RENCONTRE UN SÉRIEUX « GRAIN DE SABLE »…

Cécile Gaspar (à gauche) à Marseille.

L’association Te mana o te moana – qui signifie « l’esprit de l’océan » – basée sur l’île de Moorea, à proximité de T ahiti , est engagée depuis 2004 dans la protection de l ’ environnement marin . Historiquement tournée vers la protection des tortues marines, l’association se mobilise aujourd’hui pour faire connaître un défi environnemental planétaire méconnu : la pénurie de sable. Créée par la Docteure en écologie marine Cécile Gaspar, Te mana o te moana s’est donné pour mission de préserver la biodiversité polynésienne en s’investissant dans le champ de la recherche, de l’éducation et de la conservation. Originellement dédiée à protection de l’environnement marin, l’association s’est progressivement ouverte à des thématiques plus vastes comme le réchauffement climatique, la pollution ou la dégradation des habitats, en intégrant dans son approche les connaissances et savoirs traditionnels locaux. Dans le cadre du plan de gestion des espèces marines du Gouvernement polynésien, Te mana o te moana met en place différentes actions comme la gestion d’un centre de soin pour les tortues marines ou le suivi des populations de tortues vertes sur l’atoll de Tetiaroa. L’analyse des paramètres environnementaux réalisée lors de ces suivis a mis en évidence un phénomène nouveau d’érosion du littoral : des plages accessibles à la ponte il y a quelques années se sont, à certains endroits, transformées en remparts infranchissables pour les tortues.

Cette observation locale illustre un constat dramatique beaucoup plus vaste : la disparition d’une partie des plages du globe ! L’extraction « gratuite » de sable, souvent non réglementée, se paie à prix fort à l’échelle de la planète : dommages irréversibles sur les fonds marins, érosion des littoraux, destruction des habitats associés, submersion et disparition d’îles peuplées... Membre du Groupe Outre-mer du Comité français de l’UICN depuis 2008, Te mana o te moana a soutenu la mention 33 adoptée au Congrès mondial de la nature visant à « gérer de toute urgence les ressources marines et côtières en sable à l’échelle mondiale ». L’association souhaite aujourd’hui sensibiliser la population polynésienne à l’importance inestimable et à la rareté du sable, mettre en place des actions concrètes de protection du littoral, et assurer ainsi la survie des tortues marines, animaux sacrés du Pacifique.

Rédaction : Lucie Labbouz

LE SABLE, UNE DENRÉE DE PLUS EN PLUS RARE Dans son rapport Sable et développement durable : Trouver de nouvelles solutions pour la gouvernance environnementale des ressources mondiales en sable, l’ONU alerte sur la surexploitation du sable, 2ème ressource la plus utilisée au monde après l’eau ! De la construction des bâtiments et des infrastructures aux nouvelles technologies, notre monde est littéralement un immense château de sable marin : 40 à 50 milliards de tonnes sont extraites chaque année, l’équivalent de 15 kg de sable par jour et habitant !

+ d’info ici : Te mana o te moana

Motion 33 (sable) du Congrès mondial de la nature de l’UICN

Rapport de l’ONU sur les ressources en sable (en anglais)


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Page 38 en bas : un « mur de sable » créé par l’érosion, remplaçant la plage originelle et ne permettant pas aux tortues d’accéder à leur site de ponte. © Te mana o te moana | Ci-dessus : une éclosion de tortues vertes. Ce programme de suivi des pontes de tortues vertes sur l’atoll de Tetiaroa est soutenu par la Direction de l‘Environnement de la Polynésie française. © Te mana o te moana.

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WALLISET-FUTUNA LA PREMIÈRE LISTE D’ESPÈCES PROTÉGÉES DE L’ARCHIPEL M algré

un faible taux d’endémisme estimé à

2 %, avec ses 2 691 d’espèces indigènes, Wallis-et-Futuna accueille sur ses îles une flore environ

et une faune originales et menacées au niveau mondial.

Aujourd’hui, 26

espèces ou groupes

d’espèces y sont intégralement protégés.

Dès 2007, le Code territorial de l’Environnement de Walliset-Futuna prévoyait de définir les espèces à protéger dans le petit territoire français du Pacifique Sud. En 2016, la Stratégie pour la biodiversité de l’archipel proposait une première identification d’espèces cibles, mais il fallut attendre 2020 pour qu’une liste soit fixée par arrêté. Après concertation et études, le service territorial de l’Environnement a ainsi dressé la liste des animaux et végétaux en danger d’extinction, endémiques et/ou d’importance pour le maintien en bon état des écosystèmes locaux. Le texte, susceptible d’évoluer, interdit de porter atteinte aux espèces listées, mortes ou vivantes, sous peine d’amendes.

DES GOBIES ENDÉMIQUES DE FUTUNA... En 2004, des recherches menées à Futuna sur la faune des cours d’eau ont conduit à la découverte de quatre espèces de poissons jusque-là inconnues. Il s’agit de gobies endémiques appartenant à la large famille des gobiidés, dont la ventouse ventrale caractéristique leur permet de se fixer sur le fond. Ces espèces futuniennes, toutes quatre protégées, vivent uniquement dans certaines rivières de Futuna et sont, pour deux d’entre elles, en danger critique d’extinction.

Gobie dans une rivière de Futuna. © P. Keith | MNHN

Cette sous-espèce du monarque des Fidji est endémique des îles de Futuna et Alofi. Appelé localement « Tikilili », cet oiseau protégé est menacé d’extinction. © Jean-Yves Meyer

... AUX OISEAUX PROTÉGÉS... L’archipel abrite des sous-espèces d’oiseaux endémiques, présentes sur d’autres îles voisines du Pacifique comme Samoa, Tonga, Fidji, mais qui ont développé des caractères distincts. Parmi elles, le monarque des Fidji est localement menacé et a donc été intégré à la liste des espèces protégées aux côtés de deux autres sous-espèces endémiques de passereaux : l’échenilleur et la stourne de Polynésie.

... ET À UNE FLORE REMARQUABLE Le territoire recense sept plantes endémiques, dont quatre protégées. Ces dernières sont relativement communes, que ce soit à Futuna et Alofi, à l’exception de l’une d’elles, le suka. L’archipel héberge également quelques zones de mangroves sur le littoral d’Uvéa et ses îlots. Ces forêts à l’interface terre-mer sont composées du palétuvier rouge et du togo, qui ont été ajoutés à la liste de protection du fait de leur fonction écologique capitale. Les mangroves, d’une superficie d’environ 28 hectares, restent menacées par la déforestation et l’urbanisation.

Rédaction : Romy Loublier

Le suka (Cyrtandra futunae) est une plante endémique rare des forêts humides de Futuna et Alofi. | L’escargot arboricole endémique Partula obesa n’est plus présent qu’à Futuna et Alofi, où sa population s’amenuise du fait d’un mollusque prédateur introduit, l’euglandine. © Jean-Yves Meyer


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CLIPPERTON 98799, CLIPPERTON ÉPISODE 1 : L’ÎLE-SENTINELLE

Reporter, auteur, réalisateur et chroniqueur, Stéphane Dugast multiplie depuis l’an 2000 les embarquements en tous genres. Il a séjourné à trois reprises sur l’atoll de Clipperton. Il est également le cofondateur du journal papier Embarquements dédié aux voyages et à la découverte. + d’info ici : www.embarquements.com

Tête d’épingle perdue dans l’immensité du Pacifique oriental, Clipperton est un atoll français inhabité et isolé pourtant aux premières loges des changements climatiques. Clipperton est certainement l’atoll le plus isolé, le plus surprenant et le plus controversé de la planète. Qui connaît pourtant cette possession de la France sise dans les confins du Pacifique oriental ? Qui a pris conscience que cet atoll est finalement une « microplanète » reflet en petite taille de ce qui passe à l’échelle du globe ? Pas grand monde, et pourtant... Clipperton est d’abord une île de dimensions modestes (1,7 km2 de terres émergées) et éloignée de tout : Paris est distant de 10 677 kilomètres à l’Est en survolant le Mexique – lui-même distant d’un millier de kilomètres – tandis qu’à l’Ouest, Papeete en Polynésie française est localisée à 5 400 kilomètres. À l’écart des grandes routes maritimes et ceinturé par une barrière de brisants rendant son accès extrêmement difficile, Clipperton est longtemps demeuré une place inexpugnable, révélant au compte-gouttes ses secrets à ses rares visiteurs. Atoll de forme subcirculaire, au climat hostile à cause notamment des cyclones qui y sévissent (26 en moyenne par an), ce « caillou de la république » est peu fréquenté par l’homo sapiens mais peuplé à l’année d’oiseaux marins,

de crabes terrestres et désormais de rats, tandis que ses eaux sont sillonnées par de majestueux requins-marteaux, et pillées sans vergogne par des pêcheurs. Si donc les dimensions de cet atoll (lagon compris) sont modestes – 8 km2 au total – sur le papier, son extension maritime est en revanche conséquente : l’équivalent de 80 % de la surface du territoire métropolitain. Cet immense « jardin » marin abrite d’ailleurs l’une des plus importantes réserves au monde en thonidés ainsi qu’un sous-sol supposé riche en nodules polymétalliques, des ressources possibles pour notre futur. Point minuscule sur une mappemonde, Clipperton n’est pour l’heure qu’une simple curiosité administrative, à qui a même été attribuée un code postal : 98799. Territoire d’outre-mer jusque-là laissé « en jachère », cette îlesentinelle est aux premières loges des dérèglements climatiques de notre planète. Prétendre que la France est une puissance maritime d’envergure (la deuxième) nécessite dès lors de débattre de l’avenir de ce « territoire d’intérêt général », il ne fait désormais plus aucun doute…

Rédaction : Stéphane Dugast

Ci-dessus : le rocher de Clipperton, qui culmine à 30 mètres de haut, émerge du lagon au sud-est de l’atoll. © Stéphane Dugast

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Fédérer l’outre-mer, favoriser les échanges, mettre en lumière les acteurs de terrain, les initiatives pour la protection de la nature et le développement durable

NOV. | DÉCEMBRE 2021

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n°7

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ÉDITO | Élisabeth Clave ale de saül la biodiversitÉ CoMMun GUYANE | l’atlas de ire les CyClones aux Peuv ent - ils PrÉd oise les | E NÉSI POLY rie de

SOMMAIRE

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SAINT-PIERRE-ET-MIQU

Avec le témoignAge de 3 4 8 12 14

ELON : LES SCIENCES

AQUATIQUES À L’HONNE

dAniel PAuly, biologiste mAr

édito actu outre-mer Saint-Pierre-et-Miquelon Saint-Barthélemy Saint-Martin

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Martinique Guadeloupe Guyane Mayotte Île de La Réunion

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Page Facebook « Outre-mer grandeur Nature » Un support proposé par OcéIndia aux Éditions Insulae 7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de la Réunion Stéphanie Légeron, directrice de publication | oceindia@icloud.com Rédaction : Stéphanie Légeron, Romy Loublier, Lucie Labbouz, Mariane Aimar, Mariane Harmand, Stéphane Dugast Conception graphique : Océindia


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