L’ARCHITECTURE DU LOGEMENT COLLECTIF PRIVÉ MARCHYLLIE OLIVIER - MEMOIRE HMONP 2019/2020 MSP : du 01/07/19 au 31/05/20 Structure d’accueil : Lanoire&Courrian Tutrice : Sophie Courrian Directrice d’étude : Aline Rodrigues-Lefort
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L’ARCHITECTURE DU LOGEMENT COLLECTIF PRIVÉ MARCHYLLIE OLIVIER - MEMOIRE HMONP 2019/2020
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REMERCIEMENTS
Je remercie en premier lieu Sophie Courrian et Jean-Philippe Lanoire pour m’avoir accueilli une seconde fois au sein de leur agence. Sophie, de part son expérience de professeur à l’ENSAPbx, a su m’aiguiller dans ma réflexion sur le logement collectif. Je remercie ensuite l’ensemble des salariés de Lanoire&Courrian pour tous les moments partagés ensemble, pour tout ce qu’ils m’ont apporté en terme d’expérience et d’enrichissement personnel. Je remercie plus particulièrement Stéphanie, avec qui j’ai pris tellement de plaisir à travailler sur la médiathèque de Saint-Paul-lèsDax. Je remercie aussi Paul, avec qui je me suis senti en confiance immédiatement, et qui m’a toujours guidé au travers des nouveaux sujets auxquels j’étais confronté. Je remercie l’école d’architecture de Bordeaux pour la qualité des interventions et des travaux dirigés, même en période de confinement. Elles auront permis d’éclaircir beaucoup de points d’ombre autour de la gestion d’une agence d’architecture, ainsi que sur des phases importantes de réalisation comme le chantier. Je remercie enfin Aline Rodrigues-Lefort, pour m’avoir conseillé tout au long de la rédaction de ce mémoire.
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SOMMAIRE
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Avant-propos
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08 12 16
Initiation : le diagnostic territorial Optimisation : la commande publique Accomplissement : replacer l’humain au centre de l’architecture
Introduction
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I- Comprendre
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A. La croissance du marché privé de la construction immobilière B. La définition des acteurs : maitrise d’ouvrage / maitrise d’oeuvre C. La cohabitation : travailler vite pour perdre moins D. La place de l’architecte dans le secteur du logement E. La communication entre architecte et promoteur F. La construction neuve : nécessaire mais pas suffisante
II- Agir
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50 54 57 65
A. L’autopromotion : coopérer pour mieux habiter B. Les sociétés coopératives : SCOP et SCIC C. Libérer l’espace : flexibilité et élasticité de l’espace D. Promoteurs immobiliers, bailleurs sociaux et avenir
Conclusion
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Ouverture
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Bibliographie / Sitographie
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Table des figures
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Annexes
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FIGURE 02 : Vue depuis l’intérieur du projet élaboré dans le cadre du scénario n°2 : «Le cœur des Hauts Plateaux», en collaboration avec B. Dussud.
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AVANT-PROPOS Initiation : le diagnostic territorial
Commençons par la fin. La fin d’un parcours de six années d’études intenses. Une seule chose émerge : une pensée de conception, un processus de fabrication, de transformation, une idée. L’idée que l’architecture n’a d’utilité et n’existe que si elle est pensée par un être humain pour un être humain. L’usage et le fonctionnement d’un édifice sont les seuls éléments qui font qu’il vit. La licence et le master d’architecture m’ont cependant montré qu’un programme peut s’habiller de qualités spatiales. La forme permet une intégration réussie du programme au sein de son environnement, tout en ayant la capacité d’émouvoir le visiteur. Si cette prise de conscience s’est manifestée dès la licence, elle fut totale à mon retour d’erasmus. Rentré tout juste de neuf mois d’enrichissement personnel à Madrid, je me suis inscrit dans le master IAT de M. Hirschberger. Il s’agissait de développer un projet architectural et urbain basé sur une véritable commande publique du bailleur social Aquitanis. Cette commande consistait à revitaliser le quartier de Floirac Dravemont, à l’Est de Bordeaux. Ce projet s’effectuait en groupe, composé d’étudiants en architecture mais aussi d’étudiants de l’Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux. La racine même de l’exercice était d’analyser le quartier de projet pour en tirer une programmation nécessaire à son développement actuel et futur. C’était finalement sortir du cadre d’une simple conception à partir d’un programme établi. Il s’agissait de prendre du recul sur l’ensemble des intervenants de la conception pour mieux les comprendre. Le caractère concret de la mission m’a aussi séduit. Je voulais retrouver ce fragile équilibre entre l’espace et la réalité socio-économique dans lequel il s’implante. Ne jamais oublier l’importance de la manipulation spatiale, mais ne jamais oublier qu’elle incombe des responsabilités. C’est ainsi qu’en quatre mois a émergé un véritable projet architectural et urbain, accompagné d’un diagnostic territorial complet. Plusieurs scénarios ont été développé et nous avons pu les présenter à Aquitanis à la fin du semestre. Chaque scénario a été élaboré de la même manière, mais avec un résultat formel différent en fin de conception. La nouvelle programmation sur le site a nécessité plusieurs semaines de réflexion. Une fois décidée, un travail formel s’est mis en place dans le temps restant. Le projet a séduit Aquitanis, ce qui a donné lieu à une nouvelle présentation deux mois plus tard, sur le site même de Floirac Dravemont, en présence d’élus et d’habitants du quartier. Sur ce projet, j’ai pu collaborer avec Benjamin Dussud, étudiant en architecture et aujourd’hui architecte diplômé d’état. Le travail de groupe a été fructueux et efficace, c’est pourquoi nous avons décidé de retravailler ensemble pour le projet de fin d’études. Un véritable plaisir de conception est né de cette expérience. Jusqu’ici j’avais le sentiment d’une incomplétude dans chaque projet d’école, comme si l’architecte n’avait d’yeux que pour sa parcelle, sans prendre le temps de regarder autour. Le fait de dresser un diagnostic territorial du site permet de donner un véritable sens à l’intervention, mais aussi un sens à notre profession.
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FIGURE 03 : Axonométrie du scénario n°1 : «L’esplanade des Hauts Plateaux», réalisé par l’équipe d’IAT antérieure.
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FIGURE 04 : Axonométrie du scénario n°2 : «Le coeur des Hauts Plateaux», en collaboration avec B. Dussud.
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FIGURE 05 : Photographie du hangar 14, Bordeaux
FIGURE 06 : Photographie du tramway de Bordeaux, place Pey-Berland, Bordeaux
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Optimisation : la commande publique
Avant cela, il me fallait d’avantage d’expériences professionnelles. Le PFE étant considéré comme la porte de sortie de l’école d’architecture, je souhaitais faire un ultime saut en entreprise. L’agence Lanoire&Courrian, située sur les quais de Bordeaux, recherchait un employé supplémentaire. Jean-Philippe Lanoire et Sophie Courrian travaillent ensemble depuis 1996. Ils se sont fait connaître en remportant en 1997 le concours de la rénovation du Hangar 14 qui obtint le prix de la première œuvre du Moniteur en 2000 puis en étant Lauréats de la conception du design du tramway de la communauté urbaine de Bordeaux en 1998. Ces deux projets phares de l’agence ont inauguré une série de projets très différents allant de l’aménagement intérieur d’une galerie d’art de 150 m2 à des projets urbains d’importance. Bâtiments publics, logements, projets urbains, design, aménagements intérieurs, et concours internationaux sont leurs domaines de compétence. Plus récemment, ils ont remporté la restructuration et réhabilitation du Collège Toulouse Lautrec de Langon, ainsi que la réhabilitation et extension de la médiathèque de SaintPaul-lès-Dax. Cette commande est arrivée quelques temps avant mon arrivée à l’agence. Dès le deuxième jour, la phase APS de la médiathèque était lancée. J’ai ainsi eu le plaisir de démarrer un nouveau projet, regroupant à la fois une réhabilitation et du neuf. D’autant plus que ce projet concernait un équipement public, champ programmatique sur lequel je travaillais en IAT, comme en erasmus. Secondant ma collègue Stéphanie Theis à la conception de ce bâtiment, j’ai ainsi pu, le temps de mon premier contrat, aborder les phases APS, APD et PC de cet ERP. Le programme de la médiathèque regroupe un ensemble de pôles, allant de la jeunesse aux périodiques en passant par le coin adolescents et exposition. Autant de pôles qui nécessitent une approche spatiale différente selon l’usager. L’idée d’un mobilier faisant l’unité entre la partie réhabilitation et la partie neuve de la médiathèque nous est venue. Il fonctionne comme un bandeau circulant sur l’ensemble des façades intérieures du bâtiment. Ce bandeau inclut des fonctions d’assise pour la lecture et la contemplation, des fonctions techniques, permettant de dissimuler des câbles et appareils CVC, et enfin il s’adapte aux usages de chaque pôle traversé. Par exemple, j’ai dessiné une cabane pour enfants au niveau petite enfance, qui se manifeste comme une excroissance du bandeau. L’architecture de l’extension reflète les principes même de l’agence : une revendication de formes simples, intégrées dans un environnement que l’on sublime. L’actuel bâtiment réhabilité était un ensemble de bureaux d’une société de sylviculture, intégré au sein d’un parc boisé d’une qualité exceptionnelle. La maison ainsi que le musée d’un célèbre écrivain de Saint-Paul-lès-Dax, Pierre Benoit, cohabitent avec ces bureaux au sein du parc. Il s’agissait, dans le dessin du projet, de ne pas dénaturer cet équilibre. Pour se faire, l’extension prend la forme d’un parallélépipède simple aux parois extérieures d’inox polymiroir. En plus de disparaitre, l’architecture vient refléter la nature abondante du site. Je ne cache pas le plaisir que ça a été de travailler pendant cinq mois sur ce projet. J’avais le sentiment de faire un beau projet, pour une collectivité qui viendra régulièrement utiliser ce lieu. Le fait de ne suivre que la médiathèque m’a permis de rencontrer bon nombre d’intervenants, d’aller sur site et de faire de la gestion de projet. J’ai profité de ce contrat pour demander s’il était possible d’effectuer l’HMONP au sein de l’agence Lanoire&Courrian, dans la continuité du PFE.
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FIGURE 07 : Image d’insertion de la médiathèque de Saint-Paul-lès Dax Sur la gauche, nous pouvons retrouver l’extension, reflètant le parc naturel dans lequel elle s’insère. Le bâtiment à droite est l’actuel bâtiment de bureaux, réhabilité intérieurement.
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FIGURE 08 : Photographie de la façade Nord du théâtre, Preston Square, Hulme
FIGURE 09 : Photographie de l’intérieur du théâtre abandonné, Hulme
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Accomplissement : replacer l’humain au centre de l’architecture
Mais avant de penser à l’habilitation à la maitrise d’oeuvre, il fallait tout de même penser à quitter l’école, et la quitter avec le sourire. En compagnie de mon ami étudiant Benjamin Dussud, nous sommes partis à l’étranger. L’envie de travailler sur la musique a animé le choix de notre destination, qui fut Manchester. Hulme, plus précisément. Située au sud de la ville, cette banlieue proche a connu de nombreux bouleversements socioéconomiques au cours de son histoire. En résulte aujourd’hui un quartier populaire où les revenus sont nettement moins élevés qu’en centre-ville, mais où un large réseau de communautés d’entraide s’est formé. Ce réseau se compose d’associations de quartier, de programmes d’aide aux plus démunis, de services dédiés aux jeunes et de centres communautaires. Au coeur de ce quartier, nous avons remarqué la présence de deux théâtres, en bordure d’un jardin partagé. L’un est abandonné, l’autre est investi par NIAMOS, un collectif faisant la promotion d’actions culturelles alternatives. C’est après avoir vu ces artistes porteurs d’énergie et de valeurs, le temps d’un concert, que nous avons souhaité agir pour la valorisation de la scène indépendante. Le théâtre à l’abandon constituait un terrain d’expérimentation favorable pour le développement des enjeux de cette scène. Il nous fallait comprendre comment elle pouvait se nourrir de l’énergie locale de Hulme et de son patrimoine pour trouver une place plus frontale dans le paysage culturel mancunien. A la manière du projet d’IAT fait à Floirac-Dravemont, nous avons recherché ce programme situé entre musique et société. Une fois défini, il s’agissait de tirer profit des volumétries du théâtre et de son environnement proche pour donner vie à ce programme. Pour ce faire, nous avons mis en place un protocole de conception en trois étapes pour tirer parti de ses potentialités :
- une stratégie de préservation et de valorisation - une stratégie de conditionnement du programme au sein du théâtre - une stratégie de connexion du théâtre avec Hulme et Manchester
Ainsi, en donnant une nouvelle tranche de vie au théâtre de Hulme, c’est l’histoire de Manchester que nous avons souhaité valoriser. Les artistes intégrés pleinement au réseau du quartier ainsi qu’à celui de la scène indépendante trouvent dans ce théâtre un lieu de reconnaissance et de visibilité. La société et la musique se reconnectent en un lieu de partage et de transmission, non plus seulement le temps d’un concert, mais dans le quotidien du quartier. Ce projet a révélé toute l’importance de l’humain dans la fabrication d’un projet architectural. A mon sens, le rôle primaire de l’architecte réside dans sa capacité à saisir tous les avantages que lui offre un site de projet pour en faire une création utile à la société et formellement adaptée à son environnement économique et spatial. Il marque l’accomplissement d’une philosophie de création qui s’est forgée pendant six années. Que ce soit le projet de Floirac, la médiathèque ou encore le PFE, c’est l’architecture qui a réussi à forger ma façon de penser et travailler l’espace..
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FIGURE 10 : Coupe transversale du théâtre réhabilité et étendu en façade. En rouge, l’intervention sur l’édifice. En bleu, le bâtiment existant conservé. La société est amenée à entrer dans le théâtre par la scène. Le spectateur devient acteur, amené à s’approprier l’espace comme il le désire. Il va influencer les artistes en résidence dans le théâtre, et inversement. L’arrière-scène est doublée d’une arche extérieure, permettant la desserte des lieux d’apprentissage logés autour de la scène. Elle agit tel un signal, invitant les habitants de Hulme et de Manchester à renouer avec leur culture musicale.
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Au cours de mon deuxième contrat chez Lanoire&Courrian, ma perception de l’architecture va se heurter à une autre manière de concevoir. J’ai souhaité, dans ces quelques pages, retranscrire ce choc de méthodes d’approche d’un projet architectural et urbain, en l’occurence celui de logements collectifs privés. Plus qu’un récit, j’ai voulu comprendre ce choc, et en tirer les leçons pour pouvoir à l’avenir exercer le métier d’architecte au plus près de mes convictions.
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INTRODUCTION Août 2019
Une terrasse ariégeoise, un début d’après-midi estival. La vallée ensoleillée est un cadre parfait pour se laisser aller à la méditation et à la nostalgie. Le projet de fin d’études est encore présent dans mon esprit, à croire qu’une relation intense de six mois ne s’oublie pas du jour au lendemain. Cette parenthèse de nature survient après quelques semaines passées au sein de l’agence d’architecture Lanoire&Courrian. Cependant l’architecture n’est pas loin, elle est partout à vrai dire. Le moindre bâtiment, la moindre ouverture, le moindre détail est sujet à mon regard. L’architecture est aussi sur ma table de chevet, L’Architecture du bonheur plus précisément. Je feuillette les premières pages et l’auteur m’interpelle sur l’importance de notre discipline dans le quotidien de l’être humain et sa capacité à nous émouvoir. Il aborde aussi une notion qui m’est familière, la notion de « chez-soi » : « Parler de « chez-soi » à propos d’un bâtiment ou d’un lieu public, c’est simplement reconnaître qu’il est en harmonie avec notre chant intérieur ; ce peut être un aéroport ou une bibliothèque, un jardin ou un restoroute. (…) Nous avons besoin d’un refuge pour conforter nos états d’âme, parce que tant de choses s’opposent à nos désirs ; nous avons besoin que les lieux où nous vivons nous rapprochent des versions désirables de nousmêmes et stimulent les côtés importants mais évanescents de notre personnalité. »1 Ces mots sont remplis de sens pour moi. Ils entrent en adéquation avec l’idée que je me fais de la profession que j’exerce désormais. Cette idée, c’est la possibilité pour moi de rendre service à une communauté ou à des particuliers en utilisant mes compétences et mon savoir. Dans de nombreux cas, l’habitat est considéré par l’être humain comme son « chez-soi », une extension directe de sa personnalité, un endroit sécurisé où l’intimité peut s’épanouir, loin des tumultes du quotidien. C’est dire la responsabilité qu’endosse l’architecte dans la création de tels espaces. Mais c’est ce qui rend son travail d’autant plus excitant. Conforté dans l’idée que je me fais de la profession, je replonge dans ce livre avant de regagner la métropole bordelaise.
1
DE BOTTON, Alain, L’Architecture du bonheur, Paris, Mercure de France, 2007
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Septembre 2019 Au cours de ma formation, je n’ai que très rarement abordé la question du logement. Outre deux projets de licence, je n’ai jamais eu l’occasion de réellement me plonger dans un projet de logements collectifs. Il se trouve que, quelques jours après mon retour à l’agence, je me vois confier une étude de faisabilité concernant la construction de plusieurs dizaines de logements sur la commune de Bordeaux. Je ne suis pas surpris d’aborder enfin ce domaine. Entre 2010 et 2015, avec plus de 24 milliards d’euros de travaux déclarés par année, le logement constitue le premier marché de maitrise d’œuvre de la profession2. Selon l’Ordre des architectes, «si le marché de la maison individuelle constitue toujours le marché privilégié des architectes avec un chantier sur trois, la profession est aussi très présente dans le logement collectif qui comprend près d’un quart (23%) de l’ensemble des déclarations.»3 Au sein de l’agence Lanoire&Courrian, les marchés de la maison individuelle et du logement collectif sont d’actualité. Un salarié est présent à plein temps sur des projets de maisons individuelles et deux autres sur du logement collectif. Je me lance dans l’étude de faisabilité. L’agence, comme beaucoup de structures d’architecture, partage le point de vue selon lequel les études de faisabilité, peu rémunérées, voir gratuites, n’ont qu’un intérêt économique. Je n’ai pas mis longtemps à le comprendre quand j’ai vu le sourire gêné de mon collègue en passant derrière mon poste. Il s’avère que je m’étais « fait plaisir » sur le dessin des espaces communs et sur le profil du bâtiment. Mais n’est ce pas ce que l’on nous enseigne en premier lieu au sein de l’école d’architecture ? Des lieux spatialement qualitatifs ? L’insertion réussie d’un édifice au sein de son environnement ? Ce même collègue m’explique alors qu’il ne faut pas penser en architecte, mais tout bonnement en élève avide de mathématiques. Sur une parcelle de superficie connue, l’exercice consiste à rentrer le plus de logements possibles. Les règles du jeu sont d’une banalité purement quantitative et règlementaire : respect du PLU (emprise bâtie, pleine terre, hauteur, largeur, limites et reculs), respect des normes incendie et handicapés. L’architecture ne commence vraiment qu’au stade de la façade, bien que celle-ci a déjà été limitée par un volume bâti rentabilisé au maximum. Une fois mise en page, j’envoie au promoteur privé l’étude de faisabilité. Celuici me rappelle quelques heures après, interloqué par le nombre de logements que je lui propose. Ou plutôt le nombre de pastilles, puisque nous parlons de polylignes. Il s’avère que le nombre de logements qu’il souhaite, même avec le projet le plus compact, est … impossible ! Après lui avoir justifié clairement que sa demande ne peut aboutir, il me demande la création d’un document pour le moins cocasse. Il souhaiterait une vue d’insertion du bâtiment au sein de son environnement, à vue d’homme. Une vue d’insertion d’une étude de faisabilité ? Face à cette demande peu commune, je rappelle à ce monsieur que toute demande de document supplémentaire doit passer par les associés de l’agence. N’étant pas au courant du type de mission passée avec ce promoteur, je préfère ne pas travailler
2
CNOA, « Les architectes et le logement : limites, potentiels et perspectives », 04/12/17
3 Ibid.
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gratuitement, surtout s’il s’agit de faire une vue d’insertion d’un projet qui n’en est pas encore un. D’autant plus que chaque étude de faisabilité réalisée par l’agence ne garantit pas derrière une mission d’architecture. Sophie Courrian et Jean-Philippe Lanoire se sont toujours montrés très prudents vis-à-vis de ces situations, en fervents défenseurs d’une architecture de qualité face à un système économique du bâtiment tourné vers la seule rentabilité. Ce deuxième contrat chez Lanoire&Courrian n’a pas la même saveur que le premier. Le travail méticuleux du bandeau de la médiathèque de Saint-Paul-lès-Dax a laissé place à un tout autre registre. Cette première étude de faisabilité n’était qu’une mise en bouche de ce que j’allais aborder les mois suivants. Me voici désormais sur une nouvelle mission de même ordre, qui mènera très rapidement à un dépôt de permis de construire. Il s’agit de la construction de 29 logements et d’un commerce à l’extrémité de la commune de Bordeaux, Avenue d’Arès. Plusieurs versions ont déjà été effectuées. De plusieurs plots au bâtiment unique, c’est la version avec deux corps de bâtiment qui a été retenue. Ce projet m’a permis d’avoir pleinement conscience des réalités de cette branche de la construction et explique le choix du logement collectif comme véritable sujet de réflexion. Du côté de la maitrise d’oeuvre, il serait facile de dresser une critique peu élogieuse du système de la promotion immobilière. Pistes d’économies, réduction de surfaces vitrées, minimisation des espaces communs, autant de facteurs d’appauvrissement de la qualité spatiale auxquels l’architecte doit répondre. Et cela nous agace. Mais faut-il pour autant blâmer les promoteurs immobiliers et les bailleurs sociaux ? L’histoire nous montre que cela serait inutile. Ils font partie d’un système économique et financier qui, nous allons voir, n’a pas la même ligne directrice que la maitrise d’oeuvre. Brandir le monopole du permis de construire comme moyen de pression ne serait pas non plus une solution. Nous ne pouvons pas nous permettre de tendre d’avantage le rapport entre maitrise d’oeuvre et maitrise d’ouvrage. Il serait également utopique de réunir toutes les agences d’architecture au sein de cette cause. Un certain nombre de structures dépendent exclusivement de missions de logements neufs, rendant toute action collective complexe à mettre en place. Mais alors que faire ? Un désir de transformation du système ne peut s’accompagner que d’une parfaite connaissance des acteurs du logement collectif français. Par cette compréhension du système, nous pourrons tenter de tirer des solutions respectueuses à la fois pour l’être humain, mais aussi pour l’environnement. Il ne s’agit pas de faire un simple procès de la promotion immobilière. Il s’agit plutôt d’ouvrir des perspectives vers de nouvelles formes d’habiter qui soient en lien direct avec une qualité de vie et le respect du site qui les accueille. Ces démarches existent à toutes les échelles, que ce soit dans la méthode de conception ou dans le processus de fabrication de ces logements collectifs. Les différents exemples, français ou d’ailleurs, me serviront dans ma pratique future à avoir le plus d’outils possibles à l’élaboration de cette typologie de projet.
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-ICOMPRENDRE
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Je souhaite comprendre. Comprendre comment le logement est devenu un produit d’investissement plutôt qu’un lieu de vie. Il s’agit en premier lieu de se repositionner dans un contexte à la fois historique et économique. Aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, la situation du logement est désastreuse : 45% des logements sont surpeuplés et 10% de la population vit dans un logement insalubre4. Au niveau du confort, 90% de la population n’a ni douche, ni baignoire, 80% n’ont pas de toilettes et 48% vivent sans eau courante5. Face à cette situation, le ministère de la reconstruction, créé à la fin de l’année 1944, entreprend un vaste plan de relance du secteur du logement. Dans le public, les Habitations à Bon Marché (HBM)6 sont transformées en Habitations à Loyers Modérés (HLM) par la loi du 21 Juillet 1950. Cette même loi donne naissance aux prêts et primes du Crédit Foncier, créant ainsi un mode de financement inédit d’accession à la propriété. Dans le même esprit, la loi du 1er Septembre 1948 soulage les propriétaires du secteur libre et instaure les allocations logement pour les ménages à bas-revenus. Toutes ces mesures ne se révèleront pas satisfaisantes pour redresser un système en manque de moyens financiers. Le logement devient réellement une priorité de l’état en 1953, avec la mise en place du plan « Courant ». Les objectifs sont clairs : donner plus de fonds pour construire plus de logements. Le plan garantit un carnet de commandes plein et se tourne vers l’industrialisation des techniques de construction. Les architectes sont en première ligne de ce plan de reconstruction, une période qui voit naitre les premiers grands ensembles. On peut citer Auguste Perret (Le Havre), Claude Ferret (Royan) ou encore Fernand Pouillon. Ce dernier, après avoir transformé le vieux port de Marseille, a eu l’ambitieux projet de construire quelques 200 logements en 200 jours avec un budget de 200 millions de francs. Il utilisa la pierre, rare matériau dans l’océan de béton qui commençait à déferler sur la France. Fort de ce succès, il partit à Alger, en 1953, construire plus de 1600 logements sociaux dans le respect de l’architecture locale. Bien que son architecture monumentale a fait parler d’elle, il demeure tristement célèbre pour le scandale immobilier de 1961. Il fut accusé d’abus de confiance et de malversions financières liées à une vente désastreuse de logements. Il s’agissait en l’occurrence du projet du Point du Jour, à Boulogne-Billancourt. «La faute à son ambition, répondait-il, celle de mener un projet seul, envers et contre tous, en tant qu’apporteur d’affaire, architecte et agent immobilier.»7 Ce scandale a permis l’instauration d’une loi sur l’interdiction du cumul du statut de maitre d’oeuvre et de maitre d’ouvrage, en 1980.
4
Chiffres de l’Union sociale pour l’habitat.
5 Ibid. 6
HBM : Habitations à Bon Marché. A la fin du XIXème siècle, la révolution industrielle entraine des
phénomènes de surpopulation et d’insalubrité dans les villes françaises. Pour protéger les familles, notamment les plus modestes, Jules Siegfried, député maire du Havre, crée la Société française des Habitations à Bon Marché. Les organismes d’HBM vont devenir dans les années suivantes des acteurs indispensables de la production des logements aidés, en accession comme en locatif. 7
PINET, Sophie, « Le Point du Jour, ou la beauté pour tous », AD Magazine, publié le 02 Août 2017
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FIGURE 11 : Photographie du grand ensemble des Carreaux (Pierre Badani et Pierre Roux-Dorlut, architectes), 1963, Villiers-le-Bel (95)
FIGURE 12 : Photographie d’une publicité pour une future opération immobilière à Quimper. Le dispositif PINEL est souligné pour inciter à la vente.
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Au cours des deux décennies qui séparent le plan « Courant » du premier choc pétrolier, deux typologies d’habitat transforment le paysage français : le pavillonnaire et les grands ensembles. Les politiques de soutien à l’accession et à la propriété contribuent fortement à l’expansion du pavillon au sein de lotissements périurbains. Parallèlement, les grands ensembles se multiplient et sont d’abord jugés comme les vecteurs de la modernité et du confort sanitaire. Il faut attendre le milieu des années 1960 pour qu’une mise en lumière soit faite sur les effets sociaux néfastes de ces transformations urbaines radicales. A tel point qu’une circulaire du politique Olivier Guichard, « relative aux formes d’urbanisation dites « grands ensembles » et à la lutte contre la ségrégation sociale par l’habitat », clôturera l’expansion de cette typologie d’habitat en 1973. Pour favoriser l’accession à la propriété des ménages, le premier ministre Raymond Barre procède à une réforme du financement du logement. Le 3 Janvier 1977, l’aide personnalisée au logement (APL), le prêt locatif aidé (PLA) et le prêt aidé à l’accession à la propriété (PAP) sont créés. Le secteur bancaire continue ainsi sa progression dans le financement des logements français. Au début des années 1980, la politique du logement prend une tournure plus sociale. La loi Quilliot du 22 Juin 1982 est la première loi à définir les droits et devoirs des locataires et bailleurs. Elle donne lieu à une nouvelle loi portée par Louis Besson, le 31 Mai 1990, instaurant les fonds de solidarité logement et portant les bailleurs sociaux sur le devant de la scène. A partir de 1995, l’accession à la propriété et la relance de l’investissement privé deviennent des axes de développement majeurs. La droite souhaite voir une France de propriétaires, où les revenus modestes deviennent des primo-accédants. Dans cette optique, le prêt à taux zéro voit le jour en 1995. Favoriser l’accession à la propriété a entrainé une augmentation des prix de l’immobilier, que ce soit en Ile-de-France ou dans les autres régions françaises, et ce, depuis 1997. Dans une période de transition économique marquée par l’utilisation de la finance comme redresseur de l’économie mondiale, le logement devient un véritable produit d’investissement. La demande grimpe, les logements gagnent en confort mais leur construction coûte de plus en plus cher. Les programmes immobiliers fleurissent dans toutes les métropoles françaises, avec de grandes publicités induisant les français à devenir des primo-accédants. Les politiques de l’état vont en ce sens. Nombreuses sont les solutions de défiscalisation immobilière proposées par les gouvernements successifs. Parmi elles, plusieurs méritent d’être mentionnées. La première est le dispositif Robien, promulgué le 2 Juillet 2003, puis réformé en 2006. Ce dispositif favorise les contribuables investissant dans le locatif. Il permet d’obtenir un amortissement des revenus fonciers sur une période donnée et à un taux donné. Cette loi a eu pour effet d’augmenter nettement le taux de constructions neuves, entrainant dans certaines villes une saturation du marché locatif. Un deuxième exemple, plus actuel, est celui de la Loi Pinel. Remplaçant la loi Duflot en 2014, elle permet une réduction d’impôts aux contribuables souhaitant effectuer un investissement locatif dans l’immobilier neuf, en état futur d’achèvement ou dans la réhabilitation (sous certaines conditions). Initialement prévue en décembre 2018, l’échéance de cette loi est reportée au 31 Décembre 2021.
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Face à cette « financiarisation » du logement, les promoteurs immobiliers se sont frottés les mains. Selon la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI), le secteur de la promotion immobilière réalisa à la fin des années 2000 un chiffre d’affaires de 17,2 Mds d’euros, dont 10,6 proviennent de la promotion de logements collectifs, suivie derrière par l’habitat individuel et le tertiaire8. Sur la totalité de ce chiffre d’affaires, 71% est produit par les grands groupes de promotion immobilière, alors qu’ils ne représentent que 21% des promoteurs privés. Parmi eux, on peut citer Nexity, Bouygues Immobilier, Eiffage Construction ou encore Vinci Immobilier. Cette hausse a été significative dans les années 2000. En Ile-de-France par exemple, les cinq premiers groupes de promotion immobilière dirigent 40% de la production totale, contre 25% à la fin des années 1990.9 Ces grands groupes ne dominent pas que le marché francilien. L’agence Lanoire&Courrian travaille depuis quelques années avec Vinci Immobilier pour la construction de plusieurs centaines de logements dans l’Ouest de Bordeaux. J’ai ainsi pu découvrir la façade d’un des plus grands groupes de construction français, notamment via ma collègue Stéphanie qui, en parallèle de la médiathèque, travaillait sur les plans de vente de cette opération. La dualité entre les grands groupes et les petits promoteurs est relativement facile à observer. Un petit promoteur a généralement son activité répandue sur une seule agglomération, voir deux. Ainsi, il est plus à même à être sensible sur la fabrication de la ville qui l’accueille. Un grand groupe aura moins de regard sur cela. Doté de services juridiques et financiers développés, il appliquera la même stratégie sur un projet situé à Bordeaux, Paris ou Lyon.
A. La croissance du marché privé de la construction immobilière Travailler en agence m’a fait prendre conscience de l’état du marché actuel de la construction de logements collectifs en France. Deux faits sont à retenir. Le premier, c’est que le marché du logement neuf français est en baisse depuis plusieurs mois. Les rythmes de vente et de commercialisation des logements neufs sont tendus. La structuration de la clientèle et la demande de logements fluctuent rapidement. Les promoteurs se retrouvent avec des stocks de logements qu’ils n’arrivent pas à vendre. En moyenne, en un an, les opérations étaient financées avec environ 30% de prêt de commercialisation. Aujourd’hui, compte tenu du contexte, entre 40 et 50% du prêt de commercialisation et un avantage technique maîtrisé sont nécessaires pour obtenir les financements et libérer ensuite les sommes pour les travaux et la fin de l’opération. Cette tendance provoque l’augmentation des prix moyens dans une grande partie des métropoles françaises (4060€/m2 en moyenne hors parking). La baisse du nombre de logements neufs produits s’applique aussi bien aux logements collectifs qu’aux maisons individuelles, dont les ventes ont baissé de 11% en 2018.10
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Données issues d’un sondage déclaratif réalisé par la FPI en 2010.
9
TROUILLARD, Emmanuel, «La production de logements neufs par la promotion privée en Île-de-France
(1984-2012): marchés immobiliers et stratégies de localisation», thèse soutenue en 2014 à Paris VII. 10
MARIN, Olivier, « La vente de maisons neuves en pleine dégringolade en France », Le Figaro Immobilier, le
22/08/19 à 11h16
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FIGURE 13 : Graphique illustrant la production de logements neufs, en France, depuis 2010
C’était sans compter sur la crise sanitaire et économique que traverse le monde depuis le début de l’année 2020. L’économie est en grande partie à l’arrêt. Il va falloir s’attendre à des conséquences lourdes sur le marché de la construction. Le gouvernement pourrait très certainement revoir les dispositifs de défiscalisation et d’accession à la propriété. La situation de crise actuelle pourrait également servir de base de réflexion à une nouvelle stratégie de fabrication de la ville. Il serait bon d’assister à un changement de cap dans la conception des logements de demain, plutôt que de contraindre les architectes à dessiner des espaces encore moins qualitatifs, sous prétexte de crise financière. Le deuxième fait à retenir, c’est que le marché privé prend de plus en plus d’espace dans la construction, au delà du domaine initial qui était le logement. Olivier Dartois, directeur général du groupe de promotion Aqprim, illustre le cas bordelais : «Pour donner un ordre d’idées, sur les 2000 logements produits par Bordeaux Métropole, à peu près 800 sont issus de promoteurs privés. Le développement des Partenariats Public Privés a également bouleversé le marché public.»11 C’est d’autant plus vrai que les bailleurs sociaux n’hésitent plus se rapprocher des promoteurs immobiliers. En effet, la loi du 17 février 2009, dite « plan de relance économique », a autorisé les promoteurs à vendre une partie de leurs programmes aux organismes de logement social.
11
Extrait de la conférence tenu à l’école d’architecture dans le cadre du séminaire 04 d’HMONP, le 23/01/20
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C’est ce que l’on appelle la VEFA (Vente en Etat Futur d’Achèvement)-HLM. Le succès fut tel que la part de logements achetés à des promoteurs privés s’élève à 53,1% en 2018, contre 3% en 200712. La figure 14, ci-dessous, illustre parfaitement ce phénomène croissant depuis des années.
FIGURE 14 : Graphique illustrant la part de la VEFA-HLM dans le secteur du logement social, en France, depuis 2007 En parallèle, La loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique), parue en 2018, amène plusieurs assouplissements à la loi SRU. Pour rappel, depuis le début des années 2000, la loi SRU impose que : «Les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 habitants dans l’agglomération parisienne) appartenant à des agglomérations ou intercommunalités de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants doivent ainsi disposer de 25 % ou 20 % de logement social, en regard des résidences principales, d’ici 2025. Le taux applicable dépend du niveau de tension sur la demande en logement social qui s’exprime sur le territoire concerné.»13 Sans perturber l’essence même de cet article, la loi ELAN y apporte plusieurs correctifs. La liste des logements locatifs sociaux reconnus s’allonge, tout comme la durée de prise en compte des logements sociaux vendus à leurs locataires par les organismes de logement social (de 5 à 10 ans).
12
Chiffres du Système d’Information pour le Suivi des Aides au Logement (SISAL).
13
Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, article 55.
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De même, les communes rentrant dans le dispositif SRU depuis le 1er Janvier 2015 bénéficie d’un échéancier plus flexible pour atteindre les objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux. Enfin, jusqu’en 2025, les EPCI à fiscalité propre pourront se voir confier les obligations SRU des communes qui le constituent. L’objectif de ces modifications reste l’extension du parc de logements neufs sur l’ensemble du territoire, tout en régulant le rythme de construction. Par ces mesures, nous voyons bien que la politique du logement n’a pas beaucoup évolué depuis les années 2000. Il s’agit de construire toujours plus de logements, plus vite, et moins chers. Au niveau de la métropole Bordelaise, la baisse du nombre de logements produits s’apparente plus à un « ralentissement » qu’à une véritable perte d’activité. L’Opération d’Intérêt National (OIN) Bordeaux Euratlantique a notamment contribué, avec l’arrivée du TGV, à dynamiser la production de logements neufs sur la métropole, en plus d’une croissance démographique au beau fixe. En 2018, le construction de 2792 logements a été autorisé, contre 2093 en 2014 et 1337 en 2009. En termes de logements sociaux, le taux reste en dessous de l’obligation fixée par loi, à savoir 17,3% en 2016 contre 16,6% en 2014.14 Ce dynamisme a été profitable à l’agence Lanoire&Courrian, le secteur du logement occupant une partie importante de son carnet de commandes. En vingt-quatre ans d’activité, c’est presque 2500 logements qui ont été conçus par l’agence. Dans ces projets, nous pouvons citer «Le Dorat» à Bègles (Réhabilitation de 100 logements et création de 57 logements), le Campus «Bel Air» à Bègles (résidence étudiante de 118 logements) ou encore la résidence «Panorama» aux Bassins-à-flot (111 logements dont 61 en locatifs).
FIGURE 15 : Photographie du projet «Le Dorat», Bègles
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Chiffres de Bordeaux Métropole.
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FIGURE 16 : Photographie du projet Campus «Bel-Air», Bègles
FIGURE 17 : Photographie du projet «Panorama», Bassins-à-flot, Bordeaux
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Au niveau de la conception architecturale de logements, Sophie et Jean-Philippe revendiquent de ne pas avoir une écriture architecturale prédéfinie et plus encore de ne pas avoir d’à-priori. Pour eux, la question n’est nullement d’être vu, d’apparaître fortement, mais de savoir regarder pour pleinement s’intégrer. Ils ne souhaitent aucun affrontement mais un échange sensible avec l’environnement et la diversité des contraintes. Par ailleurs, dans tous ses projets de logements, l’agence s’est toujours prioritairement attachée à offrir une grande qualité d’usage pour les habitants tant dans les espaces privatifs que les espaces partagés. Elle cherche à privilégier des appartements traversant ou multi orientés, proposer des espaces extérieurs habitables pour les logements et chercher à valoriser des espaces de liaison dans un souci d’aménité du lieu. Si la philosophie de l’agence se veut respectueuse de l’humain et de l’environnement, est-elle facile à mettre en place pour autant ? Bien sûr que non. Il n’est pas rare de côtoyer des maitrises d’ouvrage plus préoccupées par la rentabilité de leurs opérations que par le confort et l’usage des « produits » qu’ils vendent. Comment expliquer cette situation ?
B. La définition des acteurs : maitrise d’ouvrage / maitrise d’oeuvre Un premier élément de réponse se situe dans la définition des acteurs. Maître d’oeuvre (MOE) : Personne physique ou morale chargée, comme locuteur d’ouvrage, d’une mission de prestations intellectuelles afférentes à la conception d’un ouvrage et/ou à la direction de son exécution mais aussi éventuellement à la vérification des décomptes des entreprises et à l’assistance au maitre d’ouvrage lors des opérations de réception.15 Le métier d’architecte est une profession règlementée. Elle bénéficie du monopole pour les travaux soumis à autorisation de construire. L’architecte ne peut exercer sa mission que sous certaines conditions : détenir une qualification professionnelle, être inscrit à l’Ordre des Architectes, et être obligatoirement assuré. Il est soumis à des obligations déontologiques, contenue à la fois dans le code des devoirs professionnels de l’architecte (décret du 20 mars 1980) et la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture. Cette dernière joue un rôle fondamental dans la compréhension du rôle de l’architecte dans la société : « la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public. Les autorités habilitées à délivrer le permis de construire ainsi que les autorisations de lotir s’assurent, au cours de l’instruction des demandes, du respect de cet intérêt. » C’est dire la responsabilité de l’architecte dans la fabrication des villes. En tant que maitre d’oeuvre, il doit être le garant d’une parfaite insertion d’un projet dans son environnement, veiller à la qualité spatiale autant qu’à la qualité d’usage, garantir la pérennité de l’édifice et penser à son impact environnemental. La loi MOP du 12 Juillet 1985 aide à cela en obligeant les maitrises d’ouvrage publiques à se munir d’un architecte, et ce de la phase esquisse à la réception des travaux (AOR).
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Définition issue de la conférence de B. Veyssieres, architecte et expert-assureur de la MAF, dans le cadre
du cycle de conférences en HMONP de l’ENSAP de Bordeaux.
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Maître d’ouvrage (MOA): Personne physique ou morale qui conclut les contrats de louage d’ouvrage avec les réalisateurs qu’il a choisis en vue de l’étude et de l’exécution d’une opération de construction dont il a défini le programme et dont il assure le financement.16 La maitrise d’ouvrage, elle, finance le projet. Plusieurs formes existent. La première configuration correspond à une maitrise d’ouvrage qui finance un projet qu’elle va occuper. C’est le cas typique d’une construction neuve ou réhabilitation d’une maison individuelle par exemple. Dans ce cas là, un particulier fait appel à un groupement de maitrise d’oeuvre pour la conception et réalisation de son projet. Etant donné qu’il va occuper les lieux, les sommes qu’il va investir iront directement dans la qualité spatiale du projet. Bien entendu, cela ne signifie pas que le budget est illimité. En général, des pistes d’économie sont trouvées entre l’architecte et son client, dans le respect de l’esthétique du projet. Ce phénomène s’observe aussi dans le cadre d’une maitrise d’ouvrage publique. Les élus considèrent les projets architecturaux et urbains comme éléments phares de leurs mandats. Sous couvert d’enjeux politiques, le financement du projet va généralement en direction de la qualité architecturale. Dans le cadre de la médiathèque de Saint-Paul-lèsDax, les relations entre l’agence et la mairie ont toujours été bonnes et productives. Bien évidemment, le budget est resté au coeur des préoccupations mais les pistes d’économie sont toujours allées dans le sens de la qualité spatiale. Toutefois, cette situation n’est pas le portrait de toutes les autres. Mon expérience antérieure m’a montré que certaines maitrises d’ouvrage publiques sont plus obnubilées par l’argent que par le bonheur de leurs habitants. Elles n’hésitent pas à lancer des appels d’offres avec des budgets très serrés, au détriment de la qualité architecturale et du confort d’usage. Dans le cadre de la promotion immobilière, l’approche est tout autre. La maitrise s’ouvrage finance un projet qu’elle ne va pas occuper, mais qu’elle vendra. Le mécanisme s’inverse alors. Ici, le projet architectural devient, aux yeux de la maitrise d’ouvrage, un simple produit de consommation. Il ne s’agit plus d’enjeux politiques et sociaux, mais d’enjeux purement financiers. Les promoteurs ne proviennent pas d’écoles d’architecture, ils ne perçoivent pas l’intérêt d’avoir un bâtiment esthétique et bien inséré dans l’environnement urbain. L’objectif premier est la rentabilisation de l’opération, générer une marge suffisante pour faire du bénéfice. L’ensemble du projet n’est plus pensé en termes de qualités de projet mais en termes d’économie. Cette différence de points de vue entre maitrise d’oeuvre et maitrise d’ouvrage de type promoteur est la source d’une relation conflictuelle.
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Définition issue de la conférence de B. Veyssieres, architecte et expert-assureur de la MAF, dans le cadre
du cycle de conférences en HMONP de l’ENSAP de Bordeaux.
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C. La cohabitation : travailler vite pour perdre moins Travailler avec quelqu’un qui n’a pas les mêmes objectifs que vous n’est pas une mince affaire. La phase esquisse des 29 logements et du commerce situés Avenue d’Arès, dont j’ai la charge, touche à sa fin. J’interroge Jean-Philippe sur la suite des événements pour la conception du projet. O : « Je voulais savoir si vous souhaitiez me confier la phase Avant-Projet des logements Avenue d’Arès ? J-P : Non, tu vas directement faire le permis de construire. O : Et qui se chargera de la phase Avant-Projet ? Histoire de me coordonner avec lui … J-P : Il n’y a pas d’Avant-Projet, le dépôt de permis de construire se fera le 18 Octobre.» Être dans une logique de rentabilité économique signifie que des capitaux circulent et qu’une promesse de vente est généralement en jeu. En d’autres termes, le temps est notre principal ennemi. Les promoteurs s’engagent avec le client sur des délais. Si des retards ont lieu, il y’a obligation d’indemniser, ce qui a un impact sur la marge. Et si la marge est impactée, la rentabilité aussi. Une question survient alors : n’y aurait-il pas un avantage à allonger ces phases de conception (esquisse, avant-projet), pour limiter les aléas financiers dans les phases d’exécution ? Cette question a été posée à Olivier Dartois, ce à quoi il a répondu : « On fait l’APD indirectement. (…) Ce n’est pas une étape officielle de notre fonctionnement. Par exemple, je viens de signer une promesse de vente Lundi dernier (le 20 Janvier), je dois poser le PC avant le 30 Mars. On est pris dans nos accords fonciers par des délais relativement courts… mais longs pour les propriétaires. En moyenne, sur une opération de 30 logements, avec un propriétaire privé, on est sur des durées de promesse comprises entre 16 et 18 mois. En étape de négociation foncière, on a une offre, qui a une durée de validité, avant de signer la promesse de vente. (…) Une fois la promesse de vente signée, on a deux à trois mois pour déposer un permis de construire. Derrière, cela laisse peu le temps de faire un APD … ».17 On voit bien que les promoteurs sont eux-mêmes pris au piège de ce jeu de la rentabilité. Alors comment maintenir la qualité architecturale dans ce genre de situations ? En travaillant davantage, malheureusement. Pour un permis de construire déposé le 18 Octobre, j’ai du travailler le week-end précédant le dépôt de permis, ainsi qu’une bonne partie des soirées de cette semaine. Manque d’organisation personnelle ? Non, juste une commission métropolitaine d’avant projet établie le Vendredi précédant le dépôt. Cela laisse peu de marge de manoeuvre pour rectifier les pièces graphiques avant la finalisation du permis. D’ou provient cette urgence de projet ? Pour mieux comprendre, intéressons nous au financement, le coeur du système de la promotion. Une opération immobilière peut être endossée par la société de promotion ou par une structure juridique ad hoc, en règle générale une Société Civile Immobilière (SCI). Pour rentabiliser son projet, le promoteur doit vendre la totalité des biens immobiliers plus cher que ne lui a couté les matériaux, la main d’oeuvre et le financement.
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Extrait de la conférence tenu à l’école d’architecture dans le cadre du séminaire 04 d’HMONP, le 23/01/20
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Concrètement, imaginons que le projet Avenue d’Arès soit une opération dont la vente escomptée est de 10 millions d’euros HT. Afin d’avoir une marge de 8% du chiffres d’affaires HT, le prix de revient de l’opération ne doit pas dépasser 9,2 millions d’euros HT. Le prix de revient englobe le budget d’achat de la parcelle, des études, des travaux et des honoraires financiers et techniques. Au moment du lancement du chantier, la répartition du budget se fait sur 4 postes principaux : - Les fonds propres exigés par la banque : entre 10 et 12% Dans notre exemple, le promoteur devra avancer de sa poche 1 million d’euros HT. - Les crédits apportés par la banque : entre 25 et 40% Une fois qu’on a l’autorisation d’acheter le terrain, et l’autorisation de précommercialisation, on met en place un crédit d’accompagnement qui va couvrir le pic de trésorerie, afin de financer les dépenses post-acquisition foncière : la construction, le complément d’honoraires de maîtrise d’oeuvre … - La marge prévisionnelle de l’opération : entre 7 et 12%. Pour le montage des opérations, les banques demandent une rentabilité sur les projets : c’est ce que l’on appelle la couverture du risque. Ce risque en moyenne représente une marge prévisionnelle comprise entre 7 et 12% du chiffre d’affaires. La marge se calcule entre les prix de revient, c’est à dire les dépenses, et le chiffre d’affaires, les recettes, perçues sur l’opération. Elle est importante, à la fois pour les actionnaires qui vont venir investir en fonds propres mais aussi pour le banquier, qui lui regarde la couverture des risques. - Les réservations des acquéreurs par ventes sur plans : entre 30 et 50% L’opération doit être couverte par un degré de commercialisation, mais aussi un degré de maîtrise des coûts techniques, avant que ne soient délivrés les financements. Les réservations des acquéreurs par ventes sur plans représentent ainsi une partie très importante du financement de l’opération. C’est ce qui explique l’empressement des promoteurs à acquérir les plans de vente. Et bien souvent cette rapidité est synonyme d’affaiblissement de la qualité spatiale du projet, n’ayant que très peu de temps à consacrer à leur élaboration. Ce manque de temps s’est manifesté sur le projet Avenue d’Ares. J’ai procédé au dépôt du permis de construire le 18 Octobre, comme convenu. Un mois plus tard, des pièces complémentaires ont été demandées au permis, notamment des précisions concernant le plan paysage du projet. Un mois s’est encore écoulé qu’un avis défavorable du SDIS a été émis concernant la largeur de la voie engin qui avait été dessinée. Cette largeur était acceptée dans les communes environnantes, mais pas à Bordeaux. C’est donc un nouveau dépôt de permis qui a été effectué, trois mois après le premier. Cela montre véritablement qu’un délai supplémentaire dans la réalisation du permis de construire aurait permis un rendez-vous avec le SDIS en amont. Et ce rendez-vous aurait pu éviter des mois d’instruction supplémentaires. A trop vouloir économiser du temps, on finit toujours par en perdre.
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D. La place de l’architecte dans le secteur du logement Le projet Avenue d’Arès n’est pas une mission complète de maitrise d’oeuvre. Les délais de conception et de réalisation sont extrêmement serrés. Comme beaucoup de projets de logements collectifs neufs, l’agence n’aura pas le suivi du chantier de ces logements collectifs. Il convient de souligner la gravité de cette situation. En tant que garant de la qualité spatiale, l’architecte doit veiller à la bonne exécution des éléments dessinés en phase de conception. Etant le réalisateur de ces éléments, il est le plus à même de suivre la réalisation de l’ouvrage. Cependant, si les promoteurs ont besoin des architectes pour réaliser leurs documents de vente et signer le permis de construire, ils n’accordent que très rarement les missions de suivi de chantier. En effet, cela leur coute moins cher de faire appel à un maitre d’oeuvre d’exécution. Celui-ci fonctionne comme le promoteur, à la rentabilité de l’entreprise. Ainsi, sur une très grande majorité des projets, la mission de l’agence d’architecture s’arrête au permis de construire. Si une mission de suivi architectural est effectuée, ce n’est en aucun cas comparable à une mission de suivi de chantier. Le risque est d’autant plus grand que l’architecte, en venant sur le chantier, engage sa responsabilité. Il vaut mieux suivre intégralement un chantier, ou pas du tout. Jusqu’à maintenant, le rapport était différent avec les bailleurs sociaux. Le dialogue entre maitrise d’oeuvre et maitrise d’ouvrage ne se limitait pas à l’optimisation des espaces. Cependant, depuis la promulgation de la loi ELAN en 2018, le pouvoir de l’architecte sur le marché public du logement s’est considérablement amoindri. Soustitré « construire plus, mieux et moins cher », cette loi retire l’obligation des concours d’architecture pour un bâtiment de logement social. Cette obligation venait d’être rétablie par la loi Liberté de création, architecture et patrimoine (LCAP) de juillet 2016. L’article 5-1 de la loi sur l’architecture du 3 janvier 1977 a été corrigée en ce sens. Les maitrises d’ouvrage concernées, à savoir les organismes d’HLM, les SEM de construction et de gestion de logements sociaux et le CROUS, sont toutefois soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence. La loi ELAN réorganise également le champ d’application de la loi MOP. Les maitrises d’ouvrage citées en amont ne sont plus soumis au titre II de la loi MOP, c’est à dire qu’elles n’ont plus obligation de mission de base, c’est à dire mission complète et insécable. Concrètement, l’architecte peut désormais, comme en marché de promotion privée, n’être délégué qu’aux phases de conception de ses projets de logements sociaux. Serait-il possible qu’un jour, l’architecte n’ait plus du tout sa place sur les chantiers ? Les conséquences de ces décisions affecteraient de manière significative la fabrication des villes actuelles.
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FIGURE 18 : Bilan prÊvisionnel fictif de promotion immobilière
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E. La communication entre architecte et promoteur Au coeur de ce système de rentabilité économique, la communication entre acteurs est essentielle. La première concerne la communication écrite. Une partie des tensions entre l’architecte et le promoteur s’illustre au niveau du bilan financier de ce dernier. La plupart du temps, le promoteur ne rend pas public son bilan, gardant ainsi le mystère sur la marge qu’il effectue réellement. En d’autres termes, l’architecte n’est jamais sûr que les pistes d’économie réalisées sur le projet sont vraiment nécessaires. Prenons l’exemple de ce bilan financier prévisionnel fictif ci-contre. On y retrouve bien les sommes du prix de revient, les dépenses, et les recettes prévisionnelles. La marge prévisionnelle atteint les 8,54%. Face à ce bilan, plusieurs réflexions émergent, à la fois sur le métier de promoteur, celui d’architecte mais aussi sur les coûts d’une opération immobilière privée. Nous retrouvons en premier lieu les deux postes de dépenses majeures : le terrain (ici 22% du coût total HT) et les travaux de construction (ici 48,7 % du coût total HT) . L’une des conséquences de la hausse des prix de l’immobilier est l’augmentation du coût de ces deux postes. Les matériaux deviennent plus chers, tout comme le prix du foncier. Pour compenser cette hausse, le promoteur a plusieurs possibilités. Il peut réduire sa marge, mais au sein d’un système orienté vers la rentabilité, c’est bien la dernière chose qu’il fera pour rentrer dans ses coûts. L’autre option de rentabilité du promoteur est de s’attaquer directement au projet, en privilégiant des volumétries et matériaux peu coûteux, tout en maximisant la surface vendable. En bas du tableau, réunis au sein des « Honoraires Techniques », nous retrouvons l’architecte, l’économiste, les BET, le bureau de contrôle … Nous sommes pour la plupart rémunérés sur un pourcentage du montant HT du coût prévisionnel des travaux (ici 2844500 € HT). L’architecte est presque autant rémunéré que le maitre d’oeuvre d’exécution (3,2% contre 3%). Le fait qu’ils soient séparés dans le tableau rejoint bien l’idée que l’architecte se retrouve progressivement dépossédé de la mission de chantier. Deux autres postes de dépenses non négligeables apparaissent dans ce bilan. Nous avons dans un premier temps la TVA, qui représente au final 15 à 16% du montant prévisionnel total de l’opération. Impôt institué en France en 1954, la TVA peut prendre la forme de 4 taux différents : 2.1, 5.5, 10 et 20 %. Une grande partie des ventes de biens et de prestations de services (dont le logement) sont concernés par le taux de 20%, dit taux normal. Le deuxième poste regroupe les frais de portage de l’opération. Nous y trouvons tous les frais liés au fonctionnement, à la commercialisation, la publicité, les assurances, frais divers … Ils correspondent aux frais engendrés par le promoteur lui-même. Nous verrons par la suite que c’est sur ces frais de portage que l’architecture du logement collectif privé pourrait faire des économies. Dans l’encadré 4, nous pouvons nous rendre compte que les honoraires techniques sont détaillés. Les honoraires de commercialisation ne le sont pas. Ils font planer une ambiguïté sur ce que touche réellement le promoteur privé et sur ce qui justifie une telle somme. Nous pouvons nous interroger sur la différence spectaculaire entre les honoraires de l’architecte (110000 € HT) et ces honoraires de commercialisation (310320 € HT). Que justifie une telle différence d’honoraires ? C’est d’autant plus marquant que les assurances du promoteur sont inscrites sur le bilan (détaillée en point 4.2), au contraire
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des assurances de l’architecte. Dans ses 110000 € HT, l’architecte doit financer sa propre assurance. C’est au poste le moins rémunéré qu’incombe la plus grande part de responsabilités. Civile, décennale, biennale, garantie de parfait achèvement, autant de responsabilités sur lesquelles on peut venir chercher l’architecte en cas d’incidents. A ce sujet, la réflexion qu’ont les promoteurs sur leurs métiers est similaire à une réflexion d’assureur : il s’agit de transférer tous les risques sur les entreprises et intervenants (en l’occurence la maitrise d’oeuvre). C’est tout à fait injustifié au regard du temps passé par l’agence sur le projet en question. Ce rapport entre promoteur privé et architecte met à mal la valeur de notre profession. Nous sommes beaucoup moins présents dans le suivi architectural, nous sommes beaucoup moins rémunérés mais les responsabilités ne diminuent pas pour autant. Les taux d’honoraires, que ce soit dans le marché privé ou le marché public, ont diminué ces dernières années. On assiste à une paupérisation de la profession, renforcée par le dumping exercé par certaines structures pour remporter les marchés. Cela m’interroge personnellement sur le rôle de l’architecte dans la métropolisation. Ne devrait-on pas, aux vues des enjeux environnementaux actuels, être en train de réfléchir à l’urbanisme de demain, aux matériaux éco-responsables, aux nouveaux programmes adaptés à la société actuelle, plutôt que de construire pour survivre ? Je pense que notre profession doit s’adapter à ces nouveaux enjeux sociétaux, et arrêter de s’asphyxier elle-même en pratiquant une concurrence qui fragilise l’avenir économique de multiples structures. Ce bilan montre bien l’importance donnée au marketing et à la vente, plus qu’à l’architecture. La forme du projet est sublimée par des perspectives 3D où circulent toujours le cycliste, la poussette et la végétation luxuriante aux balcons. Les cadrages sont resserrés sur le bâtiment, oubliant l’existence de l’environnement dans lequel s’insère celui-ci. L’approche, une fois de plus, est purement économique. On doit vendre, un point c’est tout. A ce titre, ces images 3D sont souvent réalisées par des entreprises extérieures à l’architecture, sous-traitées par les groupes de promotion. L’architecte, étant capable de représenter en 3D le projet qu’il conçoit, serait parfaitement en mesure de récupérer la conception de ces images. Cependant, comme pour les travaux, les promoteurs restent frileux à l’idée d’intégrer d’avantage l’architecte dans le processus de fabrication du projet. La communication avec le promoteur peut également être verbale. Nous l’aurons compris, innover le logement collectif dans un système gouverné par les banques et les normes est difficile. Cependant, en tant que maitre d’oeuvre et responsable de la qualité spatiale de la construction, un dialogue doit impérativement s’opérer avec la maitrise d’ouvrage. L’architecte aura du mal à prendre du plaisir sur une opération de ce type, il est ici pour « limiter les dégâts ». Sophie et Jean-Philippe essayent de trouver ce juste équilibre dans le dialogue avec la maitrise d’ouvrage. S’ils sont conscients que le logement collectif représente une partie importante du marché, ils n’hésitent pas à recadrer une maitrise d’ouvrage quand c’est nécessaire. Notamment vis-à-vis des missions et des contrats qu’ils passent avec elle. Que ce soient Jean-Philippe ou Sophie, ils m’ont toujours demandé une grande vigilance vis-à-vis des promoteurs. D’essayer de limiter le tutoiement par exemple, puisqu’une trop grande proximité avec l’interlocuteur ferait passer plus doucement des demandes de documents supplémentaires non facturés. Comme beaucoup dans la
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2,50
G ab ar it
Au cours de mon deuxième contrat chez Lanoire&Courrian, j’ai souvent dû « limiter les Hfdégâts ». Concernant le projet Avenue d’Arès, la conception a été rythmée par des = 7.50m discussions d’optimisation régulières avec la maitrise d’ouvrage. D’abord en plan, l’étude de faisabilité a donné naissance à deux bâtiments, l’un rectangulaire, l’autre trapézoïdale. T5 Duplex Les restrictions du PLU concernant les hauteurs et largeurs du bâtiment n’ont pas facilité l’aménagement intérieur. Il a ainsi fallu justifier chaque superficie présente au sein du T2 T2 H 3.5mprojet, notamment la superficie commerciale. Pour être honnête, la conception des plans n’a pas forcément suscité de grandes débats avec la maitrise d’ouvrage. Les questions T2 Etonnant ? Pas tellement, quand on sait que T2 se sont véritablement portées sur la façade. la façade est l’un des éléments couteux d’un projet d’architecture. La bataille s’est ici jouée sur le matériau de façade : briquette contre enduit. Les proportions de briquette sur l’ensemble des bâtiments ont été questionnées un nombre incalculable de fois. JeanPhilippe a réussi à trouver un compromis après un bras de fer acharné avec la maitrise d’ouvrage. Les briquettes seront conservées en pignon et jusqu’à 3,50 m de haut sur l’ensemble des deux bâtiments.
ab
ar
it
PL
U
/
Cage d'ascenseur
T2
T2
Limite de propriété
2,50
T4 Duplex
Limite de propriété
2,50
Hf = 7.20m
H 3.5m
COMMERCE
2,20
2,70
H 3.5m
2,50
G
Limite de propriété
oupe AA'
HT = 14.00m
FIGURE 19 : Coupe transversale (PC) du projet Avenue d’Arès (sans échelle) La largeur du bâtiment a été conditionnée par les reculs latéraux de 4m par rapport aux limites séparatives. La pente de toiture a été imposée par le gabarit PLU. Elle permet néanmoins de créer des volumétries généreuses pour les T4 duplex situés en R+2. Un système de grandes fenêtres de toit en R+3 permet d’éclairer et ventiler les pièces de nuit de ces appartements. Enfin, la conception du bâtiment a permis la création de grandes terrasses en R+2.
1.06 Coupes transversales
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Coupe CC'
FIGURE 20 : Graphique illustrant la sinistralité des dommages-ouvrage en France, depuis 2008
FIGURE 21 : Classement des dix malfaçons rencontrées dans les logements collectifs en France, depuis 1995
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La matérialité des façades est, de manière générale, l’une des principales sources d’optimisation financière du promoteur. Ce n’est pas sur la composition qu’il risquerait d’optimiser d’avantage les choses. Les façades sont déjà ouvertes au minimum syndical. Autant de coupures budgétaires sur le choix des matériaux laissent entrevoir des complications dans le vieillissement du bâtiment. A trop vouloir économiser, nous sommes bien obligés de constater qu’un édifice des années 1980 peut mieux résister au temps qu’une opération de logements des années 2010. Des matériaux de mauvaise qualité vieillissent mal et peuvent se détériorer rapidement. Dans notre cas, le promoteur assumait parfaitement ces choix. « La briquette, on va prendre celle-ci, c’est la moins cher » ou « Possibilité de le faire en PVC ? », autant de remarques écrites sur nos plans qui nous font réagir. Le Baromètre Qualitel 2017, enquête menée par l’association Qualitel sur la qualité des logements français, estime à 25% le nombre de français insatisfaits de la qualité des matériaux de construction de leur logement. L’application de matériaux de faible qualité, conjuguée à une rapidité d’exécution, entraine une augmentation des malfaçons dans le logement neuf depuis une dizaine d’années. En 2018, l’Agence Qualité Construction (AQC) a constaté une montée brutale des problèmes de fissures et de malfaçons sur la structure primaire d’opérations de logements collectifs neufs. On retrouve également en haut du classement les problèmes dus à la pose des revêtements de sol ou encore les problèmes d’étanchéité. En conséquence, les assureurs ont versé pas moins de 754 millions d’euros en assurance dommage-ouvrage rien que pour l’année 201718. Ce montant a quasiment doublé en dix ans, quand on sait qu’il s’élevait à 430 millions en 2008. Faire des économies à outrance n’a pas que des répercussions sur l’architecture du bâtiment. Cela affecte le vieillissement de nos villes actuelles, le secteur professionnel mais aussi les personnes qui ont acheté ces appartements.
F. La construction neuve : nécessaire mais pas suffisante Nous venons de comprendre que le système de conception de logements collectifs dans le marché privé crée une quantité de désordres, à tous les niveaux. Mais quelles conséquences ce système a t-il eu sur la production de logements ? Est-il arrivé à répondre aux besoins des français ? Pour le savoir, il faut regarder les résultats de ces quinze dernières années. En 2007, Nicolas Sarkozy avait souhaité un rendement de 500000 logements neufs par an, de même que François Hollande en 2012. L’actuel président, Emmanuel Macron, avait décrit dans son programme la nécessité de créer un véritable choc d’offre. Selon lui, la non-satisfaction des besoins serait due à un prix encore trop élevé du logement. La solution serait donc de faire grimper l’offre de logements pour faire baisser les prix. Construire plus de logements neufs et d’HLM agirait ainsi par effet de chaine sur le marché. Un occupant de HLM accédant à la propriété permettrait de libérer un logement social et à l’inverse, la construction d’un logement social permettrait de libérer un logement du parc privé. Cela fonctionnerait si le marché du logement était
18
CHAUVOT, Myriam, « Les problèmes de malfaçons des logements neufs s’aggravent », Les Echos, 16 juin
2019 à 15h33
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non-cloisonné. Hors, depuis plusieurs années maintenant, les locataires du parc social disposent de moins en moins de revenus, ce qui ne facilite pas l’accession à la propriété. De même, le cloisonnement se fait de manière géographique, avec la stigmatisation et la sédentarisation de certaines aires urbaines. En conséquence, la demande de logements est très irrégulière selon les régions. Construire massivement, partout, a eu des effets désastreux sur plusieurs aires urbaines de petite et moyenne taille. La construction de logements neufs a entrainé une véritable désertification des centres-villes de ces communes. Selon la FNAIM, au cours des quinze dernières années, la construction de 5,4 millions d’unités a eu pour conséquence le dépeuplement de 700000 logements. C’est principalement dans les aires urbaines de moins de 100000 habitants que l’on retrouve un taux de vacance critique, dépassant les 10%.
FIGURE 22 : Taux de vacance par aire urbaine en France, en 2014.
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Face à ces chiffres, comment ne pas penser au marché de la réhabilitation ? Quand on voit le nombre d’appartements en centre-ville qui sont délaissés, nous pouvons nous interroger sur la frilosité des constructeurs immobiliers à investir dans la réhabilitation. Encore une fois, celle-ci s’explique par le caractère peu rentable de ce marché. Le coût de la réhabilitation est de base élevé pour une maitrise d’ouvrage. Il ne faut pas oublier de compter, dans l’enveloppe travaux, une part d’incertitudes liée à la nature aléatoire des constructions dans lesquelles s’insert le projet. De même, la mise aux normes en matière de performances énergétiques peut également constituer des dépenses supplémentaires onéreuses. Pourtant, ce marché pourrait conforter le stock de logements chaque année, et éviter que certains centres urbains soient désertés, que ce soit en matière d’habitat et de facto en matière de commerces. « Le renouvellement du parc pourrait (…) contribuer chaque année à l’évolution du stock de logements : à hauteur de 30000 si l’on se donne sur les niveaux moyens observés depuis trente ans, ou à hauteur de 50000 si l’on table en outre sur la poursuite de l’effort de renouvellement urbain dans les quartiers de grands ensembles tel qu’il est mené depuis 2004. » 19 Le principal problème d’accession au logement demeure le prix des loyers et des habitations. En dépit de cette politique de construction massive, la France compte aujourd’hui plus de quatre millions d’habitants en situation de mal-logement20. Pour obtenir réellement une baisse des prix, construire plus n’apparait donc pas comme la seule solution. L’un des principaux coûts d’une opération immobilière est l’achat du terrain. Il faudrait donc créer un véritable choc d’offre foncière. Cela impliquerait une baisse des prix d’achat mais aussi de vente des terrains actuels. Or, dans le système de règlementation des zonages fonciers que nous connaissons aujourd’hui, une telle politique est-elle envisageable ? Probablement non. Les EPCI et les communes ayant autorité en matière de PLU, une grande partie de l’électorat percevrait de manière négative la dévaluation de leurs propriétés. Les propriétaires fonciers ou immobiliers verraient leur patrimoine dévalorisé. Des agriculteurs verraient s’envoler leurs plus-values d’urbanisation tant espérées. En revanche, les loyers diminueraient et les prix de l’immobilier avec eux. Malheureusement, un électorat mécontent aurait peu d’intérêts à réélire un maire appliquant cette politique foncière. Une solution serait de faire remonter le pouvoir de décision au stade départemental, voir régional.
19
BOSVIEUX, Jean, « Faut-il construire plus de logements ?», Politique du logement, Février 2019
20
Une personne est dite mal-logée quand son logement ne correspond pas aux normes minimum de la
société. L’INSEE distingue plusieurs catégories de « personnes privées de logement ou de confort » : les SDF, les « autres situations sans logement personnel » et celles vivant dans un logement privé de confort. Le manque de confort peut être matériel (insalubrité, humidité, installation de chauffage défectueuse) ou apparaître en cas de surpopulation.
Chiffres issus du 25ème rapport annuel sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre.
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-IIAGIR
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« La vision est ici commune, celle qu’aucun territoire ne doit être exclu de la réflexion (…) Il faut également prendre en compte que l’architecture peut produire de la richesse en dehors de la logique de concurrence et de croissance économique. »21 Quelques mois en agence auront suffi à me révolter contre le système de fabrication des logements collectifs français. Où se trouve l’architecture du bonheur d’Alain de Botton ? Nous venons de voir que la politique de production des logements collectifs neufs n’a pas changé de cap depuis des dizaines d’années. Nous pouvons toujours fuir le système, trouver d’autres moyens de faire tourner une agence. Mais quand la situation financière de l’agence ne laisse pas le choix, il faut prendre le problème à bras-le-corps. Il s’agit en premier lieu de définir clairement l’objectif de l’alternative. Au regard de l’analyse faite précédemment, nous cherchons à remettre au coeur du processus l’architecture et non plus la rentabilité économique. Avec la crise sanitaire et économique que le monde traverse en ce début de décennie, il semble opportun de mettre sur le devant de la scène d’autres modes de production du logement collectif. Il s’agirait de laisser place à une économie plus sociale, tournée autour de l’humain et de l’environnement. Dans mon cas, je cherche à retrouver la sensation que j’ai eu lors de mon premier contrat chez Lanoire&Courrian. Cette sensation, c’était de me sentir utile pour une communauté tout en participant à la conception d’architecture « positive ». Positive pour celui qui y vit, positive pour le lieu dans lequel elle s’insère, positive pour l’environnement. En attendant de voir les effets du déconfinement, le système actuel reste tourné vers l’économie. Le promoteur est à l’heure actuelle le seul à pouvoir mobiliser des capitaux importants pour la construction. C’est donc économiquement que des solutions doivent être trouvées. Il faudrait donc, à la manière d’un promoteur, trouver des pistes d’économie dans la partie « promotion », plutôt que dans la partie « architecture ». Cette recherche a été effectuée par la fondation ANMA en 2014, dans le cadre de l’exposition Argent, Logement, Autrement. Les deux questions abordées sont les suivantes : Où va notre argent lorsque l’on achète un logement et comment acheter plus grand et moins cher ? Comme pour un bilan financier, l’exposition retrace les différents postes de dépenses d’une opération immobilière. Chacun représente une part plus ou moins significative du coût global de l’opération. Nous retrouvons ainsi les cinq postes que sont : le foncier (15,2%), les travaux (40%), la TVA (16,7%), les honoraires (3,3%) et les frais de portage (24,8%). D’un point de vue d’architecte, quels postes semblent être les meilleures sources d’économie pour redonner de la qualité aux espaces crées ? Nous l’avons vu précédemment, les prix du foncier semblent difficilement modifiables. De même, aux vues de la paupérisation de la profession, les honoraires de maitrise d’oeuvre ne peuvent pas être revus à la baisse. Pour ce qui est des travaux, il est toujours possible de rechercher des modes constructifs plus économiques, trouver un moyen pour que les entreprises du bâtiment ne gonflent pas leurs prix. Cependant, cela n’aurait pas un impact suffisant pour permettre une vraie amélioration des logements produits.
21
Mots de Frédéric Bonnet, agence OBRAS, le 2 mai 2016
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Pour obtenir un réel changement de cap, le seul poste à redéfinir semble être celui des frais de portage. Représentant le quart du coût global de l’opération, ils correspondent aux frais engendrés par le promoteur lui-même. Une alternative serait alors de passer par un autre intermédiaire que celui du promoteur privé. Fini la recherche de rentabilité, les frais pourraient passer directement dans la qualité architecturale et ainsi proposer des logements convenables, adaptés aux besoins actuels. Sortir de la promotion immobilière implique tout de même la recherche d’une autre source de financement du projet. Plusieurs schémas de financement existent à l’heure actuelle, en France et à l’étranger. La première consiste à réunir les propriétaires du projet au sein d’une société, ou coopérative, afin qu’ils puissent le financer. Un architecte ou un assistant à la maitrise d’ouvrage peut alors assister techniquement à l’élaboration du projet. C’est ce que l’on appelle de l’autopromotion. La deuxième solution consiste à rassembler, sous une société, un architecte, un représentant des futurs habitants et un représentant d’une collectivité. Cette réunion donne naissance à une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Dans les deux cas, le promoteur n’est plus autour de la table. L’implication du futur usager du logement collectif permet un rapport privilégié entre maitrise d’oeuvre et maitrise d’ouvrage. La mise en place de ces alternatives demande cependant beaucoup de temps et d’investissement personnel. Pour répondre efficacement à la demande de logements des villes actuelles, il faudrait donc, en parallèle, changer l’offre faite aux français. Les logements neufs sont aujourd’hui de moins en moins accessibles à la population. En plus d’être trop cher pour une certaine typologie de clients, leur format standardisé ne permet plus une complète satisfaction des besoins de l’acquéreur. En 2015, l’institut de sondages IPSOS a réalisé une grande étude sur les attentes et nouveaux usages des français en matière de logement. Si l’accession à la propriété demeure une volonté forte des français, nous pouvons observer de véritables mutations dans la manière d’habiter ces logements. Ces dernières années, deux modèles ont bouleversé le marché locatif : les locations de très courte durée d’une part (dont le leader est AirBNB) et la colocation des étudiants et jeunes professionnels d’autre part. Ces phénomènes coïncident avec la croissance des prix du marché immobilier. En conséquence, de plus en plus de français sont intéressés par de nouveaux usages de leur habitat. Selon l’étude IPSOS, près de 1 français sur 2 pourrait accepter d’échanger son logement le temps des vacances, 28% pourraient vivre en colocation avec des amis proches et enfin 46% pourrait louer une chambre afin de compléter leurs revenus. Dans les logements collectifs, les changements d’usages se font également ressentir. La mise en commun des espaces connait un franc succès. Les programmes comportent de plus en plus de buanderies, terrasses communes, salles collectives ou encore des espaces de travail à louer. Les nouvelles technologies facilitent ces formes de partage et nous pourrions très bien imaginer un retour des salles à manger et cuisines communes dans les opérations futures. La vie professionnelle, privée ou encore les transports sont d’autant plus de facteurs qui changent notre façon de vivre notre logement. Selon l’étude IPSOS, avec le développement du télé-travail, près de 15% des français possèdent un bureau dans leur logement pour exercer leur profession. Le confinement de huit semaines imposé par l’état français au début de l’année 2020 n’a fait que renforcer ce phénomène.
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Cette situation de crise est l’opportunité de définir le logement d’une nouvelle manière. Il s’agit de recentrer la fonction du logement sur des valeurs essentielles. La première est la protection de son résident. La deuxième est le confort d’usage offert par cette protection. L’architecte a une place centrale dans son élaboration. Il faut régler l’acoustique, la lumière, les couleurs, les cadrages, l’orientation. Nous voyons bien que l’usage même du logement vient bien après. Nous nous sommes efforcés à catégoriser ces usages pour permettre une commercialisation des logements, à les regrouper par « type ». Mais la diversité de la société et des évènements comme le confinement ne nous montrent-ils pas que classer ces usages est une perte de temps ? Un salon avant confinement est devenu une salle de classe le matin et un bureau l’après-midi. Une chambre d’enfant s’est transformée en salle de jeu et la deuxième chambre accueille désormais les deux bambins. Nous avons tous connu, autour de nous, des situations semblables pendant cette période. Nous allons voir que certains architectes n’ont pas attendu d’être confinés chez eux pour proposer des logements différents. Parmi ces propositions, l’architecture dite « évolutive » refait surface. Présente dans les maisons japonaises et dans les maisons traditionnelles françaises du XVIII-XIXème siècle, elle n’a été théorisée qu’au début du XXème siècle. Les années 1970 ont été des années d’expérimentation pour cette typologie d’architecture. Elles ont permis de véhiculer des propositions qui se sont tantôt révélées comme des succès, tantôt comme des échecs. L’analyse de ces projets par les architectes d’aujourd’hui permet de produire des logements évolutifs de qualité. C’est ces exemples que nous allons voir en deuxième lieu.
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FIGURE 23 : Photographie de l’ensemble Kraftwerk I, 2001, Zurich
FIGURE 24 : Photographie de l’ensemble Kraftwerk III, 2018, Zurich
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A. L’autopromotion : coopérer pour mieux habiter « « Voilà déjà longtemps qu’il ne suffit plus de protester contre les projets monstrueux des “autres” ; à nous de développer nos propres visions ! » C’est ainsi que s’exprimaient trois jeunes activistes zurichois en première page du manifeste qu’ils venaient de signer. Ce manifeste d’Andreas Hofer, Martin Blum et Hans Widmer était une bouteille à la mer, lancée à la fin des années quatre-vingt. À ce moment‑là, la contestation étudiante battait son plein à Zurich, le manque de logements y était criant, le chômage ne cessait d’augmenter, et certains quartiers cumulaient prostitution, trafic de drogue et désindustrialisation. L’horizon était sombre et les perspectives réduites… C’est dans ce contexte qu’est né le manifeste. Ce dernier proposait un mode de vie nouveau basé sur l’autogestion, l’échange de services, l’autonomie alimentaire et la mixité sociale. Un mode de vie qui échapperait au monde capitaliste, qui repenserait le rapport entre travail et habitat, et qui renforcerait le lien social ; une vie à construire et non plus à gagner. Quelques semaines après sa publication, pas moins de trois cents personnes avaient répondu à l’appel : c’était le début de l’aventure de Kraftwerk ».22 Le modèle suisse des coopératives d’habitat apparait dès la fin du XIXème siècle, en réponse à l’insalubrité et la pauvreté des grandes aires urbaines. A l’heure actuelle, la ville de Zurich compte plus de 20% de logements coopératifs. Celui de Kraftwerk est de loin le projet le plus ambitieux. L’objectif est net : se passer de la promotion immobilière et d’un système jugé trop capitaliste pour construire un projet d’habitat humain et responsable. Un groupement de propriétaires prend en charge le financement de l’opération. Ils ne sont pas considérés comme propriétaires de leurs appartements, mais comme propriétaires d’une part sociale de la coopérative. Dans une ville comme Zurich, où les loyers sont très chers, les coopératives d’habitat offrent des prestations presque 30% moins chers que le loyer médian. La municipalité est membre d’une grande partie de ces coopératives. En échange, elle peut siéger au conseil d‘administration de ces structures. En parallèle, elle subventionne les 6% du parc de logements de sociaux situés en coopérative d’habitat. Outre le logement, les projets peuvent abriter des salles communes, des ateliers, des commerces ou encore des jardins d’enfant. C’est une véritable diversité de programme et de population qui fait vivre des quartiers entiers de Zurich. Ou se situe l’architecte dans cette typologie nouvelle ? «Les constructions coopératives se font la plupart du temps avec des concours d’architecture. C’est une tradition à Zurich et dans la région.»23 L’architecte n’est ici plus mêlé à des questions d’optimisation mais a une véritable implication dans le projet. Les codes sont renversés. Il n’y a plus de couloir aveugle de 1,30 m, plus de recherche de rentabilité mais un véritable retour à la conception même d’espaces de qualité. Il a également le pouvoir d’interagir avec chaque client pour essayer de se rapprocher de l’essence même du « chez-soi », propre à chacun. De plus, sur des opérations de ce type, l’architecte suit très souvent le chantier. Cela permet un maintien des qualités initiales du projet, et ce jusqu’à la fin
22
POULLAIN, Adrien, Choisir l’habitat partagé, l’aventure Kraftwerk, Editions Parenthèses, 2018
23
Propos de Hans Conrad Däniker, représentant des coopératives d’habitat suisses
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FIGURES 25 et 26 : Photographies des typologies de logements de Kraftwerk I, Zurich Le projet accueille des typologies complexes d’appartements. Les deux principales sont l’appartement type «famille» (à gauche) et la colocation (à droite). Sur les 250 habitants, 31% sont des familles et 28% sont des personnes en colocation.
FIGURE 27 : Photographie d’une assemblée générale de Kraftwerk I, Zurich Les décisions et stratégies impactant le développement de la collectivité sont discutées au sein d’une assemblée générale, après consultations en groupe.
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des travaux. Enfin, il se doit de conseiller les futurs propriétaires de la coopérative sur les assurances à contracter, tels que la dommage ouvrage, la tous risques chantier, garantie de parfait achèvement … Les coopératives d’habitat ne sont pas présentes qu’en Suisse. L’Allemagne possède également de nombreux foyers de coopératives d’habitat, comme Fribourg par exemple. En France, on s’intéresse de plus en plus à ce modèle d’habitat. La loi Accès au Logement et Urbanisme Rénové (ALUR) autorise depuis 2014 la création des coopératives d’habitat et des sociétés civiles d’attribution ou d’accession progressive à la propriété. La différence réside dans le statut du financier. Si l’habitant de la coopérative n’est pas propriétaire du logement, l’habitant d’une société devient propriétaire à la réalisation du projet. Ce n’est pas la société qui finance alors le projet mais l’habitant directement. Cela implique d’avantages de risques et de s’adresser aux bonnes institutions bancaires. Si l’autopromotion permet de retrouver cette connexion directe entre l’architecte et son client, elle possède néanmoins quelques points d’ombre. Le premier relève de la complexité de mise en place d’un tel système. Les questionnements sont beaucoup plus longs, notamment en terme de financements et de conception du projet. Il faut trouver des personnes réellement prêtes à s’impliquer dans le projet. Adrien Poullain, écrivain de Choisir l’habitat partagé, l’aventure Kraftwerk, pense qu’il est plus facile en Suisse de trouver ce genre de mentalités qu’en France : « Les Français ont culturellement une posture citoyenne moins proactive que les Suisses, habitués à une démocratie plus participative. On France, on se repose plus sur l’Etat, et l’on a moins le sens du collectif. »24 Si les futurs ménages doivent être patients avec ce type de projets, les architectes doivent également être en mesure de faire fonctionner leurs agences en parallèle de la coopérative d’habitat. Les investissements en terme de temps et d’argent sont plus lourds qu’un travail avec un promoteur immobilier. Une autre difficulté de l’autopromotion réside dans l’accès au foncier. La concurrence avec la promotion immobilière peut s’avérer rude lorsqu’il s’agit de trouver un terrain. D’autant plus que face à un promoteur, un maitre d’ouvrage novice ne fait clairement pas le poids. Il n’a pas le savoir financier et technique qu’un groupe de promotion détient. Il y’a toujours espoir qu’une municipalité soit clémente envers ce genre d’initiatives. Si ce n’est pas le cas, les coopératives risquent de fleurir sur des terrains moins désirables. Malgré tout, n’est ce pas un petit prix à payer en comparaison du projet qui peut être réalisé ? Il serait intéressant de voir se développer un France un grand projet pionnier de coopérative d’habitat. Il agirait ainsi telle une vitrine, à la manière de Kraftwerk, pour montrer au grand public l’intérêt d’un tel mode d’habitat. La sortie de la crise sanitaire pourrait être un moment opportun pour voir fleurir des projets tournés autour de l’économie sociale et solidaire. La fragilité du monde économique actuel a été prouvée par le confinement. Le sens du collectif pourrait peut-être prendre le dessus, dans un mouvement de solidarité et d’entraide face à la crise économique qui nous attend. Je n’espère pas que la distanciation provoquée par les normes d’hygiène
24
POUYAT, Alice, « Habitat partagé : En Suisse, l’histoire d’une utopie devenue réalité », WeDemain, le
12/04/18
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ne devienne pas une distanciation plus profonde, creusant l’individualité et limitant les interactions sociales. Que ce soient les coopératives d’habitat ou bien les sociétés civiles d’attribution ou d’accession progressive à la propriété, les organismes d’habitat participatif ont fait du respect de l’environnement une préoccupation de premier plan. Et ce dans tous les domaines. Plusieurs exemples au niveau européen le prouvent. A Strasbourg, un immeuble coopératif bas-carbone s’est établi en plein coeur du patrimoine historique. De même, à Bruxelles, les habitants du projet Brutopia possèdent une voiture à partager entre tous les habitants, en plus d’un parking vélos de 80 places. Dans ce contexte, les bailleurs sociaux s’intéressent de plus en plus à ces nouvelles formes d’habiter. Cependant, les contraintes budgétaires de ces derniers divergent avec les souhaits des futurs propriétaires. En effet, l’équation entre les coûts nécessaires aux performances énergétiques et les investissements n’est pas équilibrée pour les habitants. Malgré tout, la pensée à l’environnement a le mérite d’exister dans l’élaboration de tels projets. Dans le secteur de la promotion immobilière, le respect de l’environnement dans la conception des projets n’est pas nécessairement une priorité. Certains promoteurs n’hésitent pas à mettre en place des matériaux de faible qualité, dans l’unique but de gagner en rentabilité. Heureusement, les réglementations thermiques prennent une place plus importante dans la conception des projets. L’attestation B-BIO est systématiquement demandée pour un dépôt de permis de construire. De plus, la règlementation thermique 2020 sera mise en application à la fin de l’année. Basée sur le principe de la maison passive, elle permettra une consommation en énergie réduite grâce à une isolation thermique performante, des apports en lumière naturelle et des systèmes thermiques certifiés. Cette règlementation traduira les enseignements de la démarche « Bâtiment à énergie positive et réduction carbone », label E+C-, en expérimentation depuis novembre 2016. Il en a résulté plus de 702 opérations entre 2016 et 2019, dont 4817 logements neufs et 372 605 m2 de tertiaire. Nous pouvons citer la résidence Alizari, à Malaunay (76), composée de 31 logements sociaux et d’une résidence pour personnes âgées. Elle a obtenue la note Energie3 Carbone2 ainsi que le label Passiv’Haus pour sa conception bioclimatique.
B. Les sociétés coopératives : SCOP et SCIC Dans cet élan de coopération, nous allons voir qu’une autre alternative existe, celle de la société coopérative. C’est une entreprise commerciale, de type SA ou SARL, pouvant prendre deux formes juridiques : la Société Coopérative et Participative (SCOP) ou la Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Sur le fonctionnement, elles sont très proches. La gestion est démocratique, à savoir une voie équivaut à une personne, et le mode de fonctionnement n’est pas obligatoirement la lucrativité. Ainsi, lors de la clôture des comptes, le résultat est mis en réserve et non librement partagé entre les associés. La rentabilité de l’entreprise n’est pas le but recherché, comme en promotion immobilière, mais bel est bien l’innovation et la qualité des prestations. Cependant, dans le cas d’une SCIC, l’entreprise n’appartient pas qu’à ceux qui y travaillent. Elle regroupe, en plus du garant de la production, un bénéficiaire ainsi qu’une troisième catégorie d’actionnaire,
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représentant une collectivité ou un financeur. Ce système est très intéressant lorsqu’il s’agit de construire du logement collectif. En premier lieu, cette configuration donne l’opportunité à l’architecte de faire partie, pour la première fois, d’une maitrise d’ouvrage. Il constitue le garant de la production de la SCIC. Il participe ainsi à son financement, mais doit cependant rester en dehors d’une stratégie de rentabilité, qui est l’une des raisons qui l’ont poussé à sortir du système de la promotion immobilière. Heureusement, grâce au cadre mis en place par la SCIC, il ne peut prétendre à des revenus supplémentaires même si une marge est faite sur la vente des logements. D’autant plus qu’il n’est pas l’actionnaire majoritaire de la SCIC, la décision se fait collectivement. S’il n’est plus soumis au système financier classique, ses honoraires vont pouvoir être calculés de manière équitable au regardd du temps et de la quantité de travail effectuée. La SCIC constitue également une bonne opportunité pour les « bénéficiaires », à savoir les futurs propriétaires du projet. Présents lors de l’élaboration des appartements et des espaces communs avec l’architecte, ils peuvent ainsi mettre leur pierre à l’édifice. De même, une fois le projet achevé, les logements qui ne sont pas dédiés aux futurs propriétaires peuvent être vendus. Cela permet à des personnes non impliquées dans le projet de départ de pouvoir tout de même bénéficier de logements de qualité. C’est un avantage certain sur les organismes d’autopromotion. En effet, si tous les futurs propriétaires ne sont pas présents dès le début, cela facilité amplement les discussions entre architecte, représentant des habitants et collectivité. Dans le domaine de l’architecture, les coopératives d’habitat et les SCIC interrogent sur le modèle économique actuel des agences d’architecture. Comment, à l’avenir, faire en sorte de toucher des fonds suffisants pour pérenniser les projets économiquement tournés vers le social ? Une première piste fut le développement des SCOP d’architecture. C’est le cas de l’agence Un.Pact située non loin de Clermont-Ferrand. En 2018, elle s’est implantée en zone rurale dans le but de se tourner vers l’architecture écologique, les matériaux biosourcés, mais aussi participer d’une certaine manière à l’économie locale. L’architecte Pauline Coffy décrit les avantages de la SCOP en architecture : « C’est un statut qui a été évoqué lors de mes études et c’est un beau tremplin pour notre association. La Scop est intéressante pour l’architecture car avec une SARL classique on peut difficilement s’associer à d’autres corps de métiers. En Scop, c’est possible ».25 Ce statut reste encore marginal en France, mais progresse significativement. La crise sanitaire pourrait encourager la création de ces typologies d’entreprise. Un manifeste a d’ailleurs été publié sur le site officiel des SCOP, le 24 Avril 2020, se demandant « si le monde d’après existait déjà dans le monde d’aujourd’hui ? ». C’est un appel clair à privilégier une économie tournée autour du respect de l’humain et de l’environnement. C’est aussi un appel au partage équitable des revenus et à privilégier une dimension collective de la réussite professionnelle.
25
Union régionale des SCOP Auvergne-Rhône Alpes, « La SCOP d’architectes pour impacter le territoire »,
le 15/03/18
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FIGURE 28 : Photographie de Weissenhof Estate, projet de Mies van der Rohe, Stuttgart, 1927.
FIGURE 29 : Ensemble de plans de niveaux de Weissenhof Estate, projet de Mies van der Rohe, Stuttgart, 1927. Chaque plan illustre parfaitement la différence de configuraiton imaginable grâce au système de cloisons légères. C’est une révolution pour l’époque.
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C. Libérer l’espace : flexibilité et élasticité de l’espace Les coopératives d’habitat et les SCIC fonctionnent lorsque les futurs propriétaires s’investissent concrètement dans le projet d’architecture. Ce sont des initiatives qui demandent beaucoup de temps et d’énergie pour voir le jour. Cependant, tous les français n’ont pas la même patience et le même investissement quand il s’agit de leur habitat. Hors nous l’avons vu, le système de rentabilité économique du logement collectif laisse peu de marge de manoeuvre à l’architecte pour créer des logements aux qualités spatiales appropriées. Pour changer les choses, plusieurs architectes ont décidé de renverser la façon de concevoir. Ne plus penser en termes de logement, mais tout simplement en termes d’espace. De cette manière, le futur acheteur ou locataire aura plus de liberté dans l’agencement de son appartement. Il pourra suivre son évolution de vie, et s’adapter aux différents évènements qui la ponctue. Cette recherche a commencé aux débuts des années 1920 en Europe. L’une des premières réalisations est signée Mies Van der Rohe, à Stuttgart. Il s’agit d’un immeuble de trois étages, de très faible profondeur, dans le quartier de la Weissenhofsiedlung. Les appartements sont traversants et transformables par l’habitant, grâce au système de cloisons amovibles et du plan libre. Dans l’hexagone, c’est à Henri Sauvage qu’est attribuée la première réalisation de logements collectifs dits évolutifs, en 1929. Situé rue des Amiraux à Paris, cet immeuble intègre des cloisons sèches démontables, rendant la modularité possible au sein des appartements. Les années d’après guerre vont constituer un levier important à l’expérimentation architecturale. La question de la mobilité est au centre du Xème CIAM tenu en 1956 à Dubrovnik. De nouvelles formes d’habitat sont proposées, guidées par des projets phares comme le prototype de la Maison au bord de l’eau de Charlotte Perriand (1934) ou encore le Cabanon de Le Corbusier (1950). Des logements mobiles, transportables ou réduits à de simples cellules équipées sont ainsi mis sur le devant de la scène architecturale. On parle de les réaliser à la chaine avec des matériaux à moindre coût, donnant lieu à une industrialisation de modules habitables et flexibles. Il faudra attendre réellement le début des années 1970 pour voir émerger un groupe de travail intitulé « Mobilité-Flexibilité-Obsolescence ». Suite au lancement du Plan Construction par l’état en 1971, les expérimentations théoriques faites sur le logement peuvent prendre vie. La notion d’habitat évolutif prend de l’ampleur et prend en compte dans sa définition l’intervention initiale ou permanente de son usager. Ce sont les prémices de l’habitat participatif contemporain. Le logement est réellement perçu comme un sujet d’expérimentation sociale et architecturale. A ce sujet, un certain nombre de projets des années 1970 sont connus sous le nom de REX ou Réalisations Expérimentales.
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FIGURE 30 : Photographie des Marelles, Boussy-Saint-Antoine, 1973.
FIGURE 31 : Plan de niveau d’un bâtiment des Marelles, Boussy-Saint-Antoine, 1973 On retrouve bien l’ensemble des poteaux-gaines en béton préfabriqué disposés sur l’ensemble du projet. Ils permettent de libérer les espaces intérieurs des appartements. Chaque appartement était dessiné par son habitant.
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Plusieurs opérations de logements évolutifs ont marqué la décennie des années 1970. Parmi elles, nous retrouvons : - l’Ensemble de la Grand’Mare de Marcel Lods et Paul Depondt, à Rouen (76) - 1969 - les Marelles de Georges Maurios à Boussy-St Antoine (91) - 1973 - la ZUP de Surville, de Xavier Arsène-Henry et Bernard Schœller, à Montereau-FaultYonne (77) - 1958-75 La fabrication de ces opérations est relativement proche. La structure de l’édifice constitue une base pérenne pour l’accueil des cloisons et façades choisies par les habitants. Dans le cas de Marcel Lods, il s’agit d’une structure tout acier, sous la forme d’un plan libre. Georges Maurios mise sur des poteaux gaines en béton préfabriqué quand Xavier Arsène-Henry utilise des refends. Dans tous les cas, la rigidité du plan est résolue par une structure devenue moins massive au fil des années. En parallèle, ces opérations ont permis d’explorer la participation des futurs habitants, renvoyant à certains principes des coopératives d’habitat. Cependant, aux Marelles, le coût et la durée du processus a freiné le maitre d’ouvrage qui a décidé de stopper la participation. Sur les 100 logements de l’opération, seulement 15 ont pu bénéficié de ce dispositif, malgré les bons résultats auprès des habitants. Selon l’architecte Georges Maurios, l’échec de la participation sur ce projet serait due à deux facteurs. Le premier est la localisation du projet, situé à Boussy-St-Antoine et non à Paris. Le deuxième relève du processus : trop de liberté a été donnée aux habitants, ce qui fait qu’ils se sont retrouvés face à une copie beaucoup trop blanche pour réfléchir. Ce ne sont pas des architectes, ils visualisent beaucoup moins l’espace qu’un professionnel. Les opérations de logements évolutifs des années 70 ont permis de faire remonter les qualités et défauts de ce type d’habitat. Les propositions faites par les architectes contemporains s’inspirent de ces expérimentations passées. On ne parle plus tellement d’habitat évolutif, trop connoté du siècle passé, mais de réflexions sur la pérennité de l’architecture. Face aux enjeux sociétaux actuels, qu’ils soient d’ordre socio-économiques ou environnementaux, la modularité et l’adaptabilité apparaissent comme des réponses potentielles. Elles font écho au nombre de vies d’un espace, d’un bâtiment, à sa capacité à traverser les époques tout en y adaptant les usages. La cité de l’architecture de Paris s’est intéressé à ce sujet en 2015. L’exposition « Un bâtiment, combien de vies ? » parle à la fois des différentes réhabilitations et constructions neuves traitant des thèmes de la réutilisation et du recyclage de l’espace. Dans le secteur du logement, deux stratégies complémentaires peuvent le pérenniser : la flexibilité et l’élasticité des espaces. La flexibilité traite les possibilités, pour une même surface, de transformer les espaces en fonction d’un usage, d’un événement ou d’une personne. L’élasticité permet d’additionner ou de soustraire des espaces d’un appartement, voir d’additionner plusieurs appartements.
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FIGURE 32 : Plan de niveau du projet de logements de F. Soler, Clichy, 2001 Nous pouvons lire en plan la structure interne de l’édifice. Les appartements ne sont volontairement pas représentés, puisque l’architecte a souhaité mettre en avant la perennité de son édifice.
FIGURES 33, 34 et 35 : Photographies du projet de logements de F. Soler, Clichy, 2001 Sur ces documents, le bâtiment ne laisse paraître aucun programme prédéfini. Il pourrait aussi bien s’agir d’un édifice de bureaux comme d’une opération de logements. La neutralité de la façade participe à ce flou programmatique.
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Flexibilité Parlons dans un premier temps de flexibilité. Plusieurs architectes contemporains, français ou étrangers, l’ont utilisé ces dernières années. Un premier projet est une opération de 70 logements de l’architecte Francis Soler, à Clichy, réalisé pour le bailleur social Batigere Sarel en 2001. La structure du gros oeuvre est réduite au minimum syndical avec des poteaux en béton haute performance et des noyaux durs de circulation verticale. L’effet « plan libre » obtenu permet un aménagement ou réaménagement perpétuel en fonction des besoins des habitants. L’enveloppe de l’immeuble se veut simple, neutre et répétitive, de manière à anticiper un éventuel changement d’affectation du bâtiment dans les années à venir. Un deuxième exemple est l’immeuble de la rue Chanzy de Bernard Buhler, pour le bailleur social Paris Habitat en 2007. Pour ce projet, l’architecte a utilisé un ensemble de portes coulissantes entre chacune des pièces constituant le logement. Le degré d’intimité est ainsi réglé et l’appartement peut se transformer en fonction des différents évènements rythmant la vie de son locataire. Il faut tout de même faire attention à la tenue acoustique de la porte coulissante. En effet, dans les années 1970, beaucoup d’utilisateurs se sont pleins du manque d’acoustique de ces dispositifs. Enfin, nous pouvons citer l’agence bordelaise L’atelier Provisoire pour leur projet de 9 logements sociaux à Pessac, pour le bailleur social Aquitanis, livrés en 2016. Dans cette opération, les pièces d’eau sont situées dans la trame centrale du bâtiment, laissant de part et d’autre de grandes surfaces libres. Les cloisonnements sont rendus possibles par un réseau de lisses en béton brut, fixées au plafond, suggérant un découpage des espaces. Ces cloisons en bois peuvent être démontées/remontées à la guise de l’habitant. Plus récemment, l’architecte dijonnaise Sophie Delhay, en remportant l’équerre d’argent dans la catégorie habitat en 2019, fait figure de proue dans cette approche. Tout est parti d’une frustration, similaire à celle qui m’a fait entreprendre la rédaction de ce mémoire. Cette frustration, c’est que le logement d’aujourd’hui n’est plus en phase avec l’essence même de l’architecture. Il croule sous les normes et n’est plus à même d’offrir les qualités spatiales recherchées par les acheteurs. Après une parenthèse dans sa vie d’architecte, Sophie Delhay adopte dans sa méthodologie un questionnement quotidien. Sur chaque projet, elle s’interroge : « Comment faire autrement ? Comment prendre du plaisir sur ce projet ? ». De là découle un ensemble d’alternatives, tantôt rejetées, tantôt acceptées par la maitrise d’ouvrage. L’alternative qui nous intéresse ici concerne un ensemble de 40 logements modulaires à Dijon, financé par le bailleur social Grand Dijon Habitat. A vrai dire, nous ne devrions pas dire 40 logements, mais 240 pièces, dont 43 extérieures. Sortir du cadre ne signifie pas forcement bouleverser complètement le système, mais penser autrement, tout simplement. Si l’on ne pense plus un T2 comme « Chambre + Salon-Cuisine + Salle d’eau » mais comme un ensemble d’espaces auquel n’est attribué aucun programme, le travail de l’architecte reprend de l’importance. Bien sur, les pièces comme la cuisine ou la salle d’eau sont prédéfinies, notamment vis-à-vis des points d’eau. Mais pour le reste, Il laisse la liberté au futur acquéreur de pouvoir s’approprier les lieux comme il le souhaite, dans une société où les usages évoluent si rapidement. Sophie Delhay commencera bientôt un relevé des 240 pièces du projet, un an après la livraison du lieu. Le projet s’appelle « Unité(s) », en référence à l’unité carrée de 13 m2 utilisée pour élaborer les logements.
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FIGURE 36 : Plans de niveaux du projet de logements sociaux Êvolutifs, L’atelier Provisoire, Pessac, 2016
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FIGURE 37 : Plan d’un appartement du projet «Unité(s)» de Sophie Delhay, Dijon L’appartement est livré dans la configuration située en haut à gauche. L’habitant aura ainsi la possibilité de l’aménager de trois manières différentes, au minimum.
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FIGURE 38 : Photographies Avant/Après de la réhabilitation de la tour de Bois-le-Prêtre par Frédéric Druot et Lacaton&Vassal, Paris, 2011
FIGURE 39 : Photographies de la livraison et appropriation des logements d’Alejandro Aravena (ELEMENTAL) à Iquique, 2003
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Elasticité Certains architectes du logement collectif pensent la pérennité par l’élasticité. Selon eux, l’évolution d’un foyer passe par l’évolution de l’appartement. Il s’agit de penser aux dix, vingt, trente prochaines années de la vie du bâtiment. Ce procédé d’agrandissement se fait de manière générale sur des bâtiments existants, mais nous allons voir que certains architectes l’incluent dès la conception. Au niveau du logement collectif, plusieurs typologies d’agrandissement existent. La première consiste à agrandir le bâtiment par la façade, en y ajoutant un nouvel élément architectural. Le duo d’architectes Lacaton&Vassal font figure d’experts dans ce domaine. Dans le cadre d’opérations de renouvellement urbain, ils ont favorisé la réhabilitation à la démolition. Les deux exemples les plus marquants sont la rénovation de la tour de Bois le Prêtre à Paris, pour le bailleur social Paris Habitat, en 2011, et celle de plusieurs édifices du Grand Parc de Bordeaux, pour Aquitanis, en 2016. Dans les deux cas, les appartements ont pu gagné en surface grâce à l’ajout de surfaces chauffées et de jardins d’hiver en façade. Cette seconde peau a ainsi pu éviter la démolition de ces édifices, générer des économies de construction et réduire les dépenses énergétiques de l’opération. Une parenthèse toutefois sur de petits ensembles collectifs. Une deuxième typologie d’élasticité en habitat est l’espace de réserve, ou espace aménageable. En 2016, l’architecte chilien Alejandro Aravena remporte le prix Pritzker. Une de ses réalisations les plus notables concerne justement l’habitat évolutif. En 2003, pour résorber un bidonville de la ville d’Iquique au Chili, l’architecte propose une série de maisons peu coûteuses avec, pour chacune, une partie « en attente ». Le maitre d’ouvrage livre ainsi une base close et couverte, avec un point d’eau, et laisse le choix à l’habitant de terminer ou prolonger son logement en fonction de ses moyens. A l’initial, le budget ne pouvait couvrir que 30 logements. C’est pas moins de 100 maisons qui ont réussis à sortir de terre. Ce système est intéressant lorsqu’il s’agit d’habitat d’urgence. En France, l’extension par l’extérieur est un dispositif plus complexe à imposer aux maitrises d’ouvrages. L’espace extérieur est devenu une pièce tellement importante pour de nombreux ménages que le combler par un autre espace n’apparait pas comme une solution.
D. Promoteurs immobiliers, bailleurs sociaux et avenir Sur l’ensemble des références citées précédemment, aucune ne fait mention de promoteurs immobiliers en termes de maitrise d’ouvrage. Les bailleurs sociaux sont visiblement beaucoup plus présents dans ce genre d’innovations. La première raison est la différence de rôle de maitrise d’ouvrage entre le bailleur et le promoteur. Le promoteur ne va chercher qu’à vendre ses produits, cherchant à tout prix la rentabilité de son opération. Le bailleur social, lui, garde une emprise sur les logements puisqu’il les loue. Ainsi, tourné vers l’aide aux ménages modestes et très modestes, il sera plus amené à avoir une approche sociale du logement, plus qu’économique. Cette vision mettra ainsi d’avantage l’accent sur l’innovation architecturale, contrairement à une opération de promotion. La deuxième raison est la différence de financement entre une opération de bailleurs sociaux et une opération de promotion privée. Les logements sociaux sont
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financés par l’Etat, les collectivités territoriales, la Caisse des dépôts et consignation, Action logement et certaines fois sur les fonds propres du bailleur social. Les opérations de logements collectifs privés sont en grande partie financées par le système bancaire et la vente des logements. Ainsi, il n’y a pas nécessairement une volonté du bailleur social d’être rentable à tout prix sur son opération, laissant plus de liberté à la maitrise d’oeuvre pour expérimenter. Il aurait été intéressant de pouvoir comparer un projet de logement social et un projet de promotion privée de l’agence. Malheureusement, il n’existe pas de références suffisamment proches pour permettre un réel comparatif. Depuis la crise de 2008, le logement social tend à se financiariser. Avec la loi ELAN, les bailleurs sociaux participent à la réduction du déficit public. La baisse des APL a entrainé une baisse équivalente des loyers, nommée « Réduction de loyer de solidarité » (RLS). En conséquence, l’état donne moins d’aides aux bailleurs sociaux et cela a entrainé une réduction des projets neufs de logement social. Pour se financer, les bailleurs sociaux sont entrés en contact avec les promoteurs privés. Nous l’avons vu en début de première partie, les ventes en VEFA-HLM ont explosé ces dix dernières années. Ce dispositif a complètement brouillé la frontière entre la mission de service public des HLM et la promotion privée, familière avec les logiques financières du marché immobilier. C’est d’autant plus inquiétant quand on sait que l’architecte n’a plus obligatoirement sa place sur les chantiers de logements sociaux. De même, avec la baisse des aides à la pierre et la difficile accession au foncier, la VEFA-HLM devrait continuer sa progression dans la fabrication des logements sociaux neufs français. En parallèle, la loi ELAN a obligé une partie des opérateurs HLM de moins de 12000 logements à se regrouper ou atteindre le seuil des 12000 avant le 1er Janvier 2021. Dans un but d’économies d’échelle, il va falloir s’attendre à une fragilisation du dialogue de proximité entre locataires et organismes gestionnaires. De plus, depuis 2018, les bailleurs sociaux sont incités par le gouvernement à vendre des logements de leur parc. A ce sujet, l’état souhaite atteindre un ratio de 40000 logements sociaux vendus par an. Là encore, le bailleur social tend à se rapprocher des fonctions du promoteur privé. Cette inquiétude est partagée par de nombreux bailleurs sociaux, dont certains ne désirent pas pratiquer la vente de leurs parcs. C’est le cas du bailleur social breton « Archipel Habitat », dont la directrice Cécile Belard du Plantys s’exprimait pour Ouest France à ce sujet : «Ce n’est pas un modèle que l’on souhaite encourager. La vente HLM comme moyen de financement de la construction de nouveaux logements consisterait à passer – pour faire une analogie avec la réforme des retraites – d’un système par répartition à un système par capitalisation. »26 La financiarisation du logement social est un phénomène qui inquiète autant les bailleurs sociaux que le secteur de la construction, en particulier les architectes.
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DUBOIS, Marion, « Logement. La vente des HLM, bonne ou mauvaise idée ? », Ouest France,
le 08/01/2020 à 07h01
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Malgré tout, certains promoteurs immobiliers tentent de se démarquer du marché. Aux vues des difficultés à vendre leurs biens, ils commencent tout juste à s’intéresser à l’habitat évolutif. La stratégie d’élasticité de « La pièce en plus » a fait son entrée dans plusieurs opérations immobilières privées ces cinq dernières années. Nous pouvons prendre l’exemple de l’opération de l’architecte Bruno Rollet aux Aubiers, à Bordeaux, en 2019. Sur les 132 logements de l’opération, 60 ont été pensé avec une extension potentielle. Elle prend la forme d’une pièce non chauffée et non normée située en retrait du logement. D’une surface de 10 m2, elle peut accueillir, après quelques travaux, une chambre supplémentaire, un bureau ou une chambre d’ami. Ainsi, lorsque la situation du ménage change, le déménagement n’est pas forcément l’unique option. La pièce en plus, qui servait alors de stockage supplémentaire pour le foyer, accueillera les fonctions désirées. Le bâtiment de Bruno Rollet a également été pensé pour une remise à plat du programme. Il s’inscrit dans la dimension de pérennité architecturale induite par les enjeux sociétaux actuels. Lors de son passage à l’école d’architecture de Bordeaux, le directeur du groupe de promotion Aqprim, Olivier Dartois, a été interrogé sur la place de la transition écologique dans le marché immobilier actuel. Ils travaillent actuellement sur « La pièce en plus » comme dispositif d’habitat évolutif efficace pour répondre à la demande actuelle. Ils prévoient les fenêtres en façade pour le permis de construire et l’évolutivité du logement dans le règlement de copropriété. Il a également mentionné l’arrivée d’un élément programmatique surprenant, le « vertiport », dans les grandes opérations privées de logement. Il s’agit d’une aire d’atterrissage, destinée à accueillir de futurs drones. L’habitat évolutif est aussi dans les esprits chez Lanoire&Courrian. Si l’agence n’a pas encore eu l’opportunité de le déveloper au sein de son travail de logements collectifs, elle a auditionné pour la création d’un ensemble de logements collectifs à Bordeaux incluant cette typologie. Quelques années auparavant, elle avait également participé à un concours où elle avait intégrée des logements dont la grande hauteur pouvait permettre l’ajout d’une pièce supplémentaire.
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CONCLUSION Cette année d’HMONP a été une année très particulière. Comment ne pas oublier cette situation exceptionnelle de travail liée au Covid-19 au Printemps 2020 ? Au sein de l’agence Lanoire&Courrian, toutes les dispositions ont été prises pour garantir la santé et la productivité des employés. Nous avons été mis en télétravail pendant une partie du confinement, évitant ainsi tout contact au sein de l’agence. Certains projets ont pu continuer pendant cette période. Travaillant en grande majorité avec son ordinateur, l’architecte est l’une des rares professions à pouvoir continuer son travail en étant confiné. Bien sur, nous avons eu la chance que nos bureaux d’études soient disponibles pour continuer le travail. Cependant, cette situation fait réfléchir sur la capacité d’une nation à prendre ses dispositions face à l’urgence. Elle interroge la société sur sa capacité à résister, aussi bien sur le plan social que sur le plan économique. Elle interroge aussi sur la vitalité des choses, sur l’essentiel comme sur le superflu. L’art, la littérature, le cinéma, tous s’inspirent de ces situations de crise pour questionner en permanence notre société. Qu’en est-il de l’architecture ? N’y a t’il pas des leçons à tirer de cette expérience ? S’il y’a bien un moment où la notion de « chez-soi » n’a jamais été aussi questionnée, c’est bien pendant ce confinement. Se retrouver « enfermé » dans le même espace pendant une telle durée nous fait percevoir notre logement d’une tout autre manière. Nous faisons plus attention aux détails, aux qualités spatiales, à la lumière, au son. Nous comprenons alors qu’un salon n’est plus un salon, c’est devenu un poste de travail. Nous comprenons que la chambre n’est plus une chambre, mais qu’elle est devenue un salon, un bureau ou une salle-à-manger le temps de quelques semaines. Je prends l’exemple de deux amis qui ont vécu leur confinement dans un duplex bordelais. Les deux étant en télétravail, le salon s’est transformé en agence d’architecture temporaire. La mezzanine , quant à elle, a accueilli le canapé et la télévision, à côté du lit. Le confinement nous fait revenir à une notion essentiel du logement. Un logement n’a pas de schéma, chacun le pense à sa façon, chacun le vit différemment. Si les promoteurs n’arrivent pas à vendre une partie de leurs appartements, c’est en grande partie pour cela. Les français attendent des logements qui s’adaptent à leurs besoins. Si la société a évolué, la profession d’architecte a véritablement changé d’identité. S’il ne peut plus agir sur la durée des missions, l’architecte peut difficilement agir sur la qualité architecturale en conception. Pour retrouver sa légitimité, il doit sortir par tous les moyens de ce système de rentabilité économique. Les solutions existent et sont développées à l’étranger. La loi ALUR a donné le feu vert à l’habitat participatif en France et les programmes de logements commencent à comporter de plus en plus de logements dits évolutifs. C’est une goutte d’eau dans un océan de promotion immobilière, mais un tel système de rentabilité finira tôt ou tard par se réorienter. L’expérience chez Lanoire&Courrian a été décisive sur la manière d’appréhender un projet de logements collectifs. J’ai appris à connaitre le fameux système de rentabilité des promoteurs immobiliers. J’ai aussi appris à ne pas prendre de plaisir à faire de l’architecture, pour la première fois en sept ans d’expérience à l’école et dans la profession. Je n’ai pas aimé dessiner ces logements. Je n’ai pas aimé les dessiner dans l’urgence, muni
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d’une expérience trop faible pour être rentable sur tous le sujets. J’en tire malgré tout des leçons positives aussi bien professionnellement que personnellement. J’ai aimé travailler sur deux projets d’habitat individuel en parallèle du logement collectif. Cette approche m’a beaucoup plus marqué. Ce fut l’occasion d’aborder la réhabilitation, et de répondre de manière concrète à beaucoup de questions : comment ouvrir un mur porteur, comment disposer un poêle à bois, comment dessiner un plan électrique … C’était une approche singulière du projet, avec un vrai dialogue entre l’architecte et les clients. J’ai retrouvé la même sensation que lors de mon premier contrat, à savoir un plaisir de conception. Le dialogue entre la maitrise d’oeuvre et la maitrise d’ouvrage faisait réellement avancer le projet. Et c’est tout cet aspect positif du métier d’architecte que je retiendrai de ces deux contrats au sein de l’agence. Les mauvais moments permettent d’apprécier encore plus les bonnes expériences. Ils permettent aussi de prendre suffisamment de recul sur le travail que l’on fait, pour le rendre encore plus efficace et qualitatif. Dans le cadre du logement collectif, ce travail m’a permis d’investiguer sur de nouvelles manières de concevoir. Il m’a montré qu’il n’existait pas qu’un seul modèle de fabrication de logements collectifs, que des maitrises d’ouvrage responsables du futur bien-être de leurs acheteurs existent. J’ai beaucoup d’espoirs que les choses tourneront en ce sens dans les prochaines décennies.
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OUVERTURE Après 16 mois passés au sein de l’agence Lanoire&Courrian, ma pratique professionnelle s’est considérablement endurcie. J’ai abordé beaucoup de sujets, en profondeur et sur la durée, rencontré et échangé avec un panel d’intervenants variés, allant de l’OPC au thermicien en passant par l’incontournable développeur foncier. L’habilitation à la maitrise d’oeuvre, en parallèle, s’est déroulé sans encombres. A l’exception des deux derniers séminaires qui se sont faits à domicile, l’ensemble des interventions a permis à l’ensemble de la promotion de se familiariser avec la gestion d’une agence d’architecture. L’exercice du mémoire avait tout autant son intérêt. Il nous a donné l’opportunité de plonger véritablement dans une thématique qui nous a questionnée tout au long de l’année. Monter ma propre structure est l’un de mes objectifs professionnels. L’expérience chez Lanoire&Courrian a toujours cultivé une certaine frustration. Cette frustration, c’était de n’être jamais décisionnaire des grandes orientations de projet. Malgré le fait d’avoir été autonome sur plusieurs travaux, il persiste un manque dans la prise de décisions. Je trouve cela normal, mais je n’ai clairement pas la volonté d’être salarié d’une agence d’architecture toute ma carrière. D’autant plus que je me fais une idée de plus en plus précise du rôle de l’architecte dans la société. En revanche, si je dois monter une structure, je ne le ferai pas seul. J’ai toujours aimé le travail d’équipe, de même que la richesse qu’un autre avis peut apporter. Si je prends exemple sur mon expérience personnelle, la collaboration avec Benjamin Dussud a été plus qu’efficace. Que ce soit en S9 ou en PFE, la complémentarité entre nos deux esprits a forgé deux projets qualitatifs. D’un côté, il apportait de véritables idées et concepts de création, avec des références d’architecture utopiques mais capables de nourrir un projet. De l’autre, j’apportais un regard programmatique, d’usages, de technique afin de faire vivre au mieux le futur projet. C’est cet esprit de collaboration que j’aimerai retrouver à l’avenir. De cet esprit naitrait un collectif, capable de répondre à des projets architecturaux, urbains, de design. Un collectif qui serait capable d’apporter sa contribution à un monde plus humain, moins tourné vers la rentabilité économique. Un collectif où l’architecture qui en sortirait se rapprocherait de cet équilibre fragile entre qualité spatiale et qualité programmatique. S’impliquer dans la programmation est également un sujet qui m’a beaucoup touché à l’école. Il permet de développer une analyse pertinente du lieu dans lequel on souhaite développer un projet. L’occasion de développer une opération en SCIC pourrait survenir un jour, et ce serait un réel bonheur que de pouvoir entreprendre un projet d’habitat participatif. Mais avant d’arriver à cette étape de ma vie professionnelle, j’ai besoin de plus d’expérience. Dans un domaine aussi vaste que celui de l’architecture, il est difficile d’arriver à maitriser l’ensemble des sujets en seulement quelques années de pratique professionnelle. D’autant plus lorsque l’activité de l’agence tourne principalement autour des mêmes typologies de projet. Je souhaite donc renforcer mes compétences en étant salarié d’une agence d’architecture au cours des années à venir. Natif d’une petite ville au nord de Bordeaux, je commence réellement à connaitre la métropole et son milieu de l’architecture. Travailler dans une autre ville, française ou étrangère, ne me dérangerait pas. A seulement 23 ans, je pense que c’est mieux de bénéficier de l’expérience de
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plusieurs agences d’architecture, avant de monter sa propre structure. Cette diversité permet de voir une multitude d’approches, de typologies et de phases de projets. Si j’ai eu l’occasion d’aborder l’ensemble de ces phases au sein de l’agence, je n’ai que très peu foulé le sol d’un chantier. J’ai pu assisté à quelques sessions de préparation avec l’OPC à Saint-Paul-lès-Dax, au lancement de la médiathèque. Cependant, j’aimerai vraiment comprendre la réalisation au delà des lignes noires des plans, coupes et façades. Si l’échange entre maitrise d’oeuvre et d’ouvrage est important, je trouve le dialogue interne à la maitrise d’oeuvre vital. Communiquer avec son équipe permet d’avancer rapidement et efficacement sur les projets. De même, avoir plusieurs notions de base dans chacune des disciplines apporte un vrai plus au dialogue avec les entreprises. Le travail en agence est devenu la meilleure des écoles pour moi. Il me reste encore à apprendre dans ce domaine d’études. Mais je crois que l’architecte ne finit jamais d’apprendre, même après des dizaines d’années dans le métier. C’est ce qui rend notre métier encore plus stimulant.
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BIBLIOGRAPHIE / SITOGRAPHIE OUVRAGES BLUM, Martin, HOFER, Andreas, P.M., Kraftwerk 1, construire une vie coopérative et durable, Editions Linteau, 2014 BOUDET, Dominique, Nouveaux logements à Zurich, la renaissance des coopératives d’habitat, Park Books, 2017 CITE DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE, Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création, coédition Silvana et Cité de l’architecture et du patrimoine, 2015 DE BOTTON, Alain, L’Architecture du bonheur, Paris, Mercure de France, 2007 POULLAIN, Adrien, Choisir l’habitat partagé, l’aventure Kraftwerk, Editions Parenthèses, 2018
ARTICLES BOSVIEUX, Jean, « Faut-il construire plus de logements ?», Politique du logement, Février 2019 Disponible sur : https://politiquedulogement.com/PDF/Q&C/Besoins-JB.pdf CHABAS, Sébastien, « Biennale de Venise : les «nouvelles richesses» du Pavillon France », Bâti Actu, le 17/05/16 Disponible sur : https://www.batiactu.com/edito/biennale-venise-nouvelles-richesses-pavillonfrancais-44943.php CHAUVOT, Myriam, « Les problèmes de malfaçons des logements neufs s’aggravent », Les Echos, 16 juin 2019 à 15h33 Disponible sur : https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilier-btp/les-problemes-demalfacons-des-logements-neufs-saggravent-1029564 CNOA, « Les architectes et le logement : limites, potentiels et perspectives », le 04/12/17 Disponible sur : https://www.architectes.org/actualites/les-architectes-et-le-logement-limitespotentiels-et-perspectives DUBOIS, Marion, « Logement. La vente des HLM, bonne ou mauvaise idée ? », Ouest France, le 08/01/2020 à 07h01 Disponible sur : https://www.ouest-france.fr/societe/logement/logement-la-vente-des-hlm-bonneou-mauvaise-idee-6680890 DUPRÉ, Olivier, GUERRINI, Sylvain, TORREDEMER Sandrine, « La VEFA HLM : un succès indéniable qui suscite des controverses (1) », Politique du logement, le 02/11/19 Disponible sur : https://politiquedulogement.com/2019/11/la-vefa-hlm-un-succes-indeniable-quisuscite-des-controverses/ KIRALY, Barbara, « HLM : les bailleurs sociaux déclarent la guerre aux promoteurs », Le Moniteur Immo, le 19/05/17 Disponible sur : https://www.lemoniteur.fr/article/hlm-les-bailleurs-sociaux-declarent-la-guerreaux-promoteurs.1496729
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LERAY, Christophe, « De la pérennité des bâtiments, une structure d’esprit », Les Chroniques de l’architecture, le 25/04/17 Disponible sur : https://chroniques-architecture.com/la-perennite-des-batiments-une-structuredesprit/ MARIN, Olivier, « La construction de logements neufs au point mort en France », Le Figaro Immobilier, le 22/08/19 Disponible sur : https://immobilier.lefigaro.fr/article/la-construction-de-logements-neufs-au-pointmort-en-france_ee01f564-7d39-11e9-8000-69e2a9018728/ MARIN, Olivier, « La vente de maisons neuves en pleine dégringolade en France », Le Figaro Immobilier, le 24/05/19 Disponible sur : https://immobilier.lefigaro.fr/article/la-vente-de-maisons-neuves-en-pleinedegringolade-en-france_e943b9be-c4b4-11e9-b04c-11f85bf6bf41/ PINET, Sophie, « Le Point du Jour, ou la beauté pour tous », AD Magazine, publié le 02 Août 2017 Disponible sur : https://www.admagazine.fr/architecture/balade/diaporama/le-point-du-jour-ou-labeaute-pour-tous/54574 POUYAT, Alice, « Habitat partagé : En Suisse, l’histoire d’une utopie devenue réalité », WeDemain, le 12/04/18 Disponible sur : https://www.wedemain.fr/Habitat-partage-En-Suisse-l-histoire-d-une-utopiedevenue-realite_a3262.html LECOEUR, Ariane, « Immobilier: la France manque-t-elle de logements? », Le Figaro Immobilier, le 21/02/19 à 06:00 Disponible sur : https://immobilier.lefigaro.fr/article/immobilier-la-france-manque-t-elle-delogements-_9f32ea10-3509-11e9-8660-8204ece264f9/ UFC-Que Choisir, « Achats de logements sur plan auprès de promoteurs (VEFA) : les acquéreurs particulièrement mal lotis », 15/11/2018 Disponible sur : https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-achats-de-logements-sur-planaupres-de-promoteurs-vefa-les-acquereurs-particulierement-mal-lotis-n60441/`
THESES NIVET, Soline, «Architecture d’auteur versus produit commercial ? : l’Immeuble-villas et les Villas suspendues® : deux stratégies de communication», thèse soutenue en 2008 à Paris VIII, sous la direction de Monique Eleb TROUILLARD, Emmanuel, «La production de logements neufs par la promotion privée en Île-deFrance (1984-2012): marchés immobiliers et stratégies de localisation», thèse soutenue en 2014 à Paris VII, sous la direction de Catherine Rhein
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TABLE DES FIGURES
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FIGURE 01 : Agence Lanoire&Courrian Source : Olivier Marchyllie
04
FIGURE 02 : Vue depuis l’intérieur du projet élaboré dans le cadre du scénario n°2 : «Le cœur des Hauts Plateaux», en collaboration avec B. Dussud. Source : Olivier Marchyllie
08
FIGURE 03 : Axonométrie du scénario n°1 : «L’esplanade des Hauts Plateaux», réalisé par l’équipe d’IAT antérieure. Source : Benjamin Dussud
10
FIGURE 04 : Axonométrie du scénario n°2 : «Le coeur des Hauts Plateaux», en collaboration avec B. Dussud. Source : Benjamin Dussud
11
FIGURE 05 : Photographie du hangar 14, Bordeaux Source : Agence Lanoire&Courrian URL : http://www.lanoirecourrian.com/
12
FIGURE 06 : Photographie du tramway de Bordeaux, place Pey-Berland, Bordeaux Source : Agence Lanoire&Courrian URL : http://www.lanoirecourrian.com/
12
FIGURE 07 : Image d’insertion de la médiathèque de Saint-Paul-lès Dax Source : Paul Brignon - Olivier Marchyllie
14
FIGURE 08 : Photographie de la façade Nord du théâtre, Preston Square, Hulme Source : Benjamin Dussud
16
FIGURE 09 : Photographie de l’intérieur du théâtre abandonné, Hulme Source : Pretty Vacant URL : https://www.flickr.com/photos/148069221@N05/
16
FIGURE 10 : Coupe transversale du théâtre réhabilité et étendu en façade. Source : Benjamin Dussud
18
FIGURE 11 : Photographie du grand ensemble des Carreaux (Pierre Badani et Pierre Roux-Dor- 26 lut, architectes), 1963, Villiers-le-Bel (95) Source : Annie Fourcaut, historienne URL : http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/2425/img-7.jpg FIGURE 12 : Photographie d’une publicité pour une future opération immobilière à Quimper Source : Jacky Hamard, Le Télégramme URL : https://www.letelegramme.fr/finistere/quimper/esprit-ville-le-dernier-programme-immobilier-eligible-pinel-13-09-2018-12077767.php
26
FIGURE 13 : Graphique illustrant la production de logements neufs, en France, depuis 2010 Source : SDES, Sit@del2, estimations à fin février 2019 URL : www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publicationweb/preview/25021d370ebfd139d770160b81561846
29
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FIGURE 14 : Graphique illustrant la part de la VEFA-HLM dans le secteur du logement social, en France, depuis 2007 Source : Caisse des dépôts URL : https://www.caissedesdepots.fr/eclairages-ndeg7-loagements-sociaux-produits-en-ve fa-retours-dexperience
30
FIGURE 15 : Photographie du projet «Le Dorat», Bègles Source : Agence Lanoire&Courrian URL : http://www.lanoirecourrian.com/
31
FIGURE 16 : Photographie du projet «Bel-Air», Bègles Source : Agence Lanoire&Courrian URL : http://www.lanoirecourrian.com/
32
FIGURE 17 : Photographie du projet «Panorama», Bassins-à-flot, Bordeaux Source : Agence Lanoire&Courrian URL : http://www.lanoirecourrian.com/
32
FIGURE 18 : Bilan prévisionnel fictif de promotion immobilière Source : Paul Brignon URL : https://issuu.com/paulbrignon.archi/docs/memoire_hmonp_pb_mai_2018
38
FIGURE 19 : Coupe transversale du projet Avenue d’Arès Source : Olivier Marchyllie
41
FIGURE 20 : Graphique illustrant la sinistralité des dommages-ouvrage en France, depuis 2008 42 Source : FFA URL : https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilier-btp/les-problemes-de-malfacons-des-logements-neufs-saggravent-1029564 FIGURE 21 : Classement des dix malfaçons rencontrées dans les logements collectifs en France, depuis 1995 Source : FFA URL : https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilier-btp/les-problemes-de-malfacons-des-logements-neufs-saggravent-1029564
42
FIGURE 22 : Taux de vacance par aire urbaine en France, en 2014 Source : FNAIM URL : https://extranet.fnaim.fr/fede/Documents/Etude-vacance-residentielle-2017.pdf
44
FIGURE 23 : Photographie de l’ensemble Kraftwerk I, 2001, Zurich Source : Reinhard Zimmermann URL : https://www.swiss-architects.com/en/stucheli-architekten-zurich/project/housingdevelopment-kraftwerk-1
50
FIGURE 24 : Photographie de l’ensemble Kraftwerk III, 2018, Zurich Source : Keystone/Andrea Helbling URL : https://inspiration.detail.de/wohnareal-zwicky-sued-in-duebendorf-114144.html
50
FIGURE 25 et 26 : Photographie des typologies de logements de Kraftwerk I, Zurich Source : Andreas Hofer URL : https://www.ateliergrandparis.fr/aigp/questionsvives/seminaire4/Andreas_Hofer_AIGP6mars2015.pdf
52
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FIGURE 27 : Photographie d’une assemblée générale de Kraftwerk I, Zurich Source : Andreas Hofer URL : https://www.ateliergrandparis.fr/aigp/questionsvives/seminaire4/Andreas_Hofer_AIGP6mars2015.pdf
52
FIGURE 28 : Photographie de Weissenhof Estate, projet de Mies van der Rohe, Stuttgart, 1927. 56 Source : Wikiarquitectura URL : https://en.wikiarquitectura.com/building/weissenhof-estate/# FIGURE 29 : Ensemble de plans de niveaux de Weissenhof Estate, projet de Mies van der Rohe, Stuttgart, 1927 Source : Inconnue URL : http://www.afewthoughts.co.uk/flexiblehousing
56
FIGURE 30 : Photographie des Marelles, Boussy-Saint-Antoine, 1973. Source : Manuel Periáñez URL : http://mpzga.free.fr/habevol/evolutif2013.html
58
FIGURE 31 : Plan de niveau d’un bâtiment des Marelles, Boussy-Saint-Antoine, 1973 Source : Manuel Periáñez URL : http://mpzga.free.fr/habevol/evolutif2013.html
58
FIGURE 32 : Plan de niveau du projet de logements de F. Soler, Clichy, 2001 Source : Francis Soler URL : http://soler.fr/projet/clichy/
60
FIGURES 33, 34 et 35 : Photographies du projet de logements de F. Soler, Clichy, 2001 Source : Francis Soler URL : http://soler.fr/projet/clichy/
60
FIGURE 36 : Plans de niveaux du projet de logements sociaux évolutifs, L’atelier Provisoire, Pessac, 2016 Source : CAUE - L’Observatoire URL : http://www.caue-observatoire.fr/ouvrage/bengalines-logements-sociaux-modulables/
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FIGURE 37 : Plan d’un appartement du projet «Unité(s)» de Sophie Delhay, Dijon Source : Sophie Delhay URL : http://sophie-delhay-architecte.fr/portfolio/lov-2/
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FIGURE 38 : Photographies Avant/Après de la réhabilitation de la tour de Bois-le-Prêtre par Frédéric Drouot et Lacaton&Vassal, Paris, 2011 Source : David Boureau URL : https://next.liberation.fr/design/2012/02/06/tour-bois-le-pretre-une-saine-renaissance_793785
64
FIGURE 39 : Photographies de la livraison et appropriation des logements d’Alejandro Aravena (ELEMENTAL) à Iquique, 2003 Source : Christobal Palma URL : https://dac.dk/en/knowledgebase/architecture/quinta-monroy/
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-AANNEXES
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EXPÉRIENCE > DESSINATEUR-HMONP - LANOIRE & COURRIAN Juillet 2019 > Mai 2020 - BORDEAUX - Phases ESQ, PC, PRO, DCE d’un projet de logements collectifs privés. - Etudes de faisabilité. - Réhabilitation et extension de deux maisons individuelles. - Ecriture du mémoire «L’architecture du logement collectif privé»
> PROJET DE FIN D’ÉTUDES - MANCHESTER VIBES Février > Juin 2019 - TALENCE / MANCHESTER (ROYAUME-UNI)
Olivier Marchyllie ÉTUDIANT EN ARCHITECTURE - 23 ANS
- Réhabilitation d’un théâtre Mancunien du début XXème en lieux de sociabilité et d’accompagnement professionnel pour musiciens indépendants. Projet en collaboration avec Benjamin Dussud, étudiant en architecture, sous la direction de Mr Stéphane Hirschberger.
> DESSINATEUR - LANOIRE & COURRIAN Octobre > Février 2019 - BORDEAUX - Travail sur les phases APS, APD et PC de la réhabilitation/extension de la médiathèque de Saint-Paul-lès-Dax : conception de façade, dessin 2D/3D, réunions de copilotage, maquettes, vidéos 3D. - Travail sur les concours de l’Office de tourisme de Margaux (33) et de logements sur la commune de Pessac (33).
CONTACT
> WORKSHOP - YOUTH OF TOMORROW + 33 6 49 23 57 73
Août 2018 -ETYEK (HONGRIE) - Workshop d’initiation à la permaculture au sein du village d’Etyek, à 30 minutes de Budapest. - Organisation d’ateliers d’architecture sur le thème de la ruralité durant le workshop.
oli.marchyllie@gmail.com 75 Rue Bourges 33400 TALENCE
FORMATION 2019-2020 HMONP - ENSAPBX 2017-2019 MASTER 2 - ENSAPBX
- Intelligence et Architecture des Territoires - S9 Collaboration avec Sciences Po. BORDEAUX et Aquitanis - Architecture, Ingénierie et Environnement - S9bis Collaboration avec l’ISA-BTP ANGLET
> STAGIAIRE EN ARCHITECTURE - BOURIETTE & VACONSIN Février > Août 2018 - BORDEAUX Juin > Septembre 2017 - BORDEAUX - Compétences en urbanisme et paysage renforcées. - Travail sur plusieurs sites dans les Pyrénées Atlantiques : Remparts de Bayonne, AGORA d’Anglet, Technopôle ISARBEL, l’Ousse-des-bois à Pau.
> CONCOURS D’ARCHITECTURE ARQUIDEAS - MUSÉE DE l’ANCIEN NIL (EGYPTE) Septembre 2017 - TALENCE
> CONCOURS DE DESIGN - ARCHE DU FESTIVAL CONVERGENCES - 2ème place Avril 2016 - TALENCE
> STAGIAIRE EN ARCHITECTURE - KWBG Juillet 2016 - BORDEAUX Février 2016 - BORDEAUX - Architecture : dessin 2D/3D, documents administratifs, visites de chantier. - Urbanisme : réaménagement du centre-ville d’Andernos-les-bains (33).
2016-2017 MASTER 1 - ETSAM MADRID
Première année de Master au sein de l’Université Polytechnique de Madrid.
> STAGE-OUVRIER - VINCI - NEVEU GENIE CIVIL Février 2014 - BRAUD-ET-SAINT-LOUIS
2013-2016 LICENCE ARCHITECTURE - ENSAPBX
- Stage ouvrier au sein du Centre Nucléaire de Production d’Electricité du Blayais. - Notions de travaux en milieu à risque.
Diplôme d’études en architecture obtenu en Juin 2016
2015 PERMIS B
COMPÉTENCES
Véhicule à disposition
> Logiciels
2013 BACCALAURÉAT SCIENTIFIQUE - BLAYE
Adobe Photoshop
ArchiCAD
Adobe InDesign
Revit
Adobe Illustrator
AutoCAD
Google Sketch Up
Artlantis Studio
3DS MAX Vray
Twinmotion
Mention Très Bien, Section Européenne
DÉPLACEMENTS
> Langues Anglais (B2)
Espagnol (C1)
> Autres Musique - Solfège (2005>2011) Dessin - Peinture (2011>2013)
Photographie
Note de synthèse finale de l’ADE Les deux contrats effectués au sein de l’agence Lanoire&Courrian m’auront beaucoup apporté sur le plan personnel et professionnel. Le premier, tourné autour de la commande publique, m’a permis de suivre un projet de la phase APS au dépôt de permis de construire. Aborder une réhabilitation et une extension permet de couvrir beaucoup de sujets de construction de manière concrète et enrichissante. Le deuxième contrat, celui d’HMONP, a eu une toute autre saveur. J’ai fait mon entrée dans le monde de l’habitat et tout ce qui le constitue. J’ai apprécié prendre part à deux projets de maisons individuelles. Travailler sur le logement collectif, en revanche, a soulevé en moi une quantité d’interrogations. C’est ce qui m’a poussé à rédiger une réflexion sur le rapport si particulier entre l’architecte et le promoteur privé. Ce fut l’occasion d’un second retour à l’école, étant complètement novice en la matière. Chaque journée de travail fut l’occasion d’apprendre de nouvelles normes, de nouvelle références, de nouveaux procédés de conception. Je remercie particulièrement les collègues de l’agence pour m’avoir guidé sur les projets de conception auxquels j’étais affilié. Quand je n’apprenais pas par moi-même, ils étaient présents pour répondre à mes questions d’ordre technique ou spatial. En parallèle du dessin, j’ai renforcé mes capacités de gestion de projet. J’ai pu dialogué avec les maitrises d’ouvrages, coordonné l’équipe de maitrise d’oeuvre sur des phases comme l’avant projet, le permis de construire ou le DCE. En dehors de l’agence, j’ai eu l’opportunité d’aller sur les terrains de projet, dont celui de la médiathèque de Saint-Paul-lès-Dax. J’ai pu assisté aux réunions type commission avant-projet ou préparation de chantier en compagnie de l’OPC et des autres entreprises. Le fait de travailler une nouvelle fois chez Lanoire&Courrian m’a permis de voir se réaliser les dessins que j’avais effectué lors de mon premier contrat. Il en découle un sentiment de satisfaction personnelle, le sentiment de se rendre utile à une communauté qui va utiliser régulièrement le projet dessiné. Le programme d’HMONP, suivi en parallèle de la mise en situation professionnelle, fut tout à fait cohérent avec ce que j’apprenais en agence. Cela a généré des discussions avec les associés de l’agence sur la gestion de leur structure et leur vision de la profession d’architecte aujourd’hui. De même, j’ai pu échangé avec les collègues sur les différents chantiers qui se tenaient pendant mon contrat. Etant donné la diversité des projets sortant de l’agence, j’ai pu aussi bien échanger sur des travaux de maison individuelle que de restructuration de collège. Enfin, j’ai eu l’occasion de me plonger à quelques reprises dans les candidatures et la communication de l’agence. C’était un parfait exercice pratique suite aux cours sur les caractéristiques des marchés publics/privés. Les interventions organisées par l’école furent de qualité sur tout le long de l’année et ont permis d’avoir une opinion supplémentaire sur certains corps de métier. Enfin, j’ai toujours visualisé le métier d’architecte comme une grande responsabilité. L’HMONP et le travail d’agence m’ont rappelé à quel point notre place reste essentielle dans le secteur de la construction. Ce statut implique une bonne couverture et une réelle anticipation des contraintes potentielles dans la conception de chaque projet.
Le titulaire du diplôme d’Etat Le 27/04/20
Le tuteur Le 05/05/20
Le directeur d’études Le
Signature
Signature Si05gnature
Signature
800 Bordeaux France tél 33 (015 57 14 21 80 fax 33 10]5 57 14 21 81