Depuis une dizaine d’années, la méditation a le vent en poupe. Dans les hôpitaux, les entreprises et les écoles, il n’est plus rare de trouver cette pratique d’intériorité, issue du bouddhisme, pour accompagner la douleur, stabiliser l’attention ou réguler les émotions. Des bienfaits scientifiquement validés par de nombreuses études. Mais alors, que fait réellement la méditation au cerveau ? Le point avec Jean-Gérard Bloch, le médecin strasbourgeois qui a fait rentrer la méditation à l’hôpital et à l’université. Par Chloé Moulin / Photo Brokism La Cité—Sciences
62
Le corps et l’esprit Comment un rhumatologue strasbourgeois s’est-il retrouvé à méditer à l’orée des années 2000 ? Jean-Gérard Bloch : Dans le cadre de mes études de médecine, j’avais l’impression que les savoirs étaient très cloisonnés, le corps séparé de l’esprit, la personne séparée de son environnement. Je cherchais donc à intégrer une composante d’intériorité et à réunifier ces savoirs. La méditation m’a beaucoup apporté, au niveau personnel comme dans ma relation aux patients. En 2010, j’ai ainsi introduit aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg le programme MBSR [réduction du stress basé sur la pleine conscience, développé en 1979 par le biologiste américain Jon Kabat-Zinn, ndlr]. La méditation joue un rôle dans la façon de faire face aux maladies graves, dans la prévention des maladies chroniques, elle apporte beaucoup aux soignants dans leur relation aux patients et dans la prévention du burn out qui les touche particulièrement. Vous créez en 2012 à l’Université de Strasbourg le premier diplôme universitaire français à porter sur la méditation puis, en 2014 et en 2016, des modules d’enseignement de la méditation auprès des étudiants en psychologie et en médecine. Était-ce une évidence pour les soignants et les enseignants ? Il a fallu un peu convaincre. Et c’est compréhensible parce que la méditation implique des
connaissances dans des domaines très variés. Elle touche aux sciences cognitives, aux neurosciences, au fonctionnement du corps et de l’esprit… Cela bouscule le dogme de séparation entre le corps et l’esprit, où on considère l’être humain et sa santé à l’aune de problèmes d’organes. Il a d’abord fallu offrir une lisibilité claire de ce qu’est la méditation et de ce qu’elle peut apporter. Petit à petit, ces approches ont gagné en considération, dans le domaine de la santé comme dans la société. Ce développement pose aussi question dans ce qu’il reflète du fonctionnement de notre société, avec une certaine marchandisation des savoirs. Ce dernier point questionne. En 2020, vous créez le DU « Leadership, méditation et neurosciences » à l’EM Strasbourg, une école de commerce. On pourrait penser que la méditation consiste à s’extraire du monde et de sa logique productiviste. Comment conciliez-vous ces deux réalités ? Je suis aussi engagé dans l’Initiative Mindfulness France, think-tank au sein duquel je propose des programmes MBSR aux parlementaires de l’Assemblée nationale. Ce qui a été fait à l’Université de Strasbourg d’une part, avec les politiques d’autre part, m’a convaincu que l’on pouvait transposer ce modèle dans le monde de l’entreprise. Il y a un intérêt à permettre à des dirigeants d’intégrer cette démarche de prise de recul. La méditation peut les aider à sortir de