Aujourd’hui, plus que jamais, Emmaüs pourrait bien être le modèle d’une alternative économique, sociale, écologique… C’est en tout cas la conviction de Thierry Kuhn, directeur d’Emmaüs Mundo’. Alors que la structure n’en finit pas de se développer, retour sur une vie d’engagement, avec la solidarité et le changement de société comme moteurs. Par Sylvia Dubost / Photos Pascal Bastien La Cité—Société
Changer le monde, pour de vrai
L’action solidaire comme vecteur de transformation sociale. Cela pourrait être le mantra de Thierry Kuhn. « Sans transformation sociale, c’est de la charité », et ça, c’est pas son truc. Son truc, c’est plutôt de développer des modes d’organisation sociale et de production où l’homme est vraiment au centre. Un modèle basé sur la coopération. « Une économie radicalement différente, résume-t-il. Il ne faut pas avoir peur du mot radical. Il faut retrouver une forme de radicalité solidaire. » À 55 ans aujourd’hui, ce fils de menuisier (« le plus beau métier du monde ») y a consacré sa vie. Son engagement naît tôt, vers 17-18 ans. À l’époque, soyons honnête, ce n’est pas l’école qui l’occupe le plus. « J’étais plutôt préoccupé par le monde, se rappelle-t-il. On se re-
garde soi, on regarde le monde, et on se demande ce qu’on peut faire. » Alors habitant de Cronenbourg, il commence par s’engager chez Cap jeune (Comité d’Action Populaire jeune) dans le quartier gare, sur le site de l’actuelle Laiterie. Comme il est bon en maths, on l’oriente vers des études de comptabilité. « Une erreur d’aiguillage », mais une formation qui lui sera bien utile. À 20 ans, il part en Inde avec des infirmiers de l’association Calcutta Rescue, au côté de Jack Preger, inventeur de la Street medecine. Sur place, leur action croise déjà médecine et insertion, puisque l’asso pilote un dispensaire de rue, une école et un atelier de tissage pour les femmes dont les enfants sont scolarisés par l’association. Il y retournera tous les ans pendant
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