la nature comme cadre d’inclusion JONATHAN VARD S’élever, prendre de la hauteur. Pas prendre peur, mais vaincre ses peurs. Sortir du confort, être à l’aise dans l’inconfort, découvrir un monde de possibles. S’ouvrir, faire équipe. S’exprimer, écouter, recevoir, trouver des solutions. Apprendre à être résilient, se donner les outils de la résilience
Dans le cadre de ces activités, que nous nommons séjours socio-éducatifs, il y en a une qui pousse les ambitions au plus loin et met en œuvre tous les moyens disponibles. Le but : rappeler qu’avec détermination tout est possible, que ces jeunes ont des ressources et des capacités énormes cachées derrière leurs blessures. Mais aussi que l’autre est dans le même bateau, que tous nous avons nos faiblesses et qu’ensemble nous sommes forts.
Voilà ce que propose l’escalade, la randonnée, le déplacement et la mise en situation d’action. S’aventurer en montagne, oser, s’orienter, monter le camp. Allumer un feu, cuisiner avec peu, mal assis, apprécier des pâtes trop cuites, un repas lyophilisé. La liste est longue de toutes ces choses qui peuvent paraître banales pour certains, impensables pour d’autres.
J’en découvrirai la teneur après trois jours de route, en camionnette, tirant 14 chiens et 3 traineaux, de Villers-la-Ville à Kvikkjokk, légèrement au-delà du cercle polaire, en Laponie suédoise. Nous passerons encore quelques jours à préparer la venue des jeunes, à les attendre. Expérimenter le parcours, y déposer des vivres et du bois à des points stratégiques, puis les accueillir dans le Grand Nord. Ils sont 8, dont 3 sont porteurs d’un handicap mental et moteur léger ; l’une vient du Brabant Wallon ; deux viennent d’Itinéraires, participent déjà à nos activités ; et deux autres atterrissent ici par le biais d’un SRG (Services Résidentiels Généraux), des jeunes « placés ».
À Itinéraires AMO, nous pensons qu’il est important d’inclure, de mélanger, de brasser les vies, les handicaps et de forcer la rencontre, la mixité et l’entraide. Pour mieux comprendre, je vous fais un petit retour sur un séjour qui date d’avril 2018. Mise en contexte : Itinéraires AMO (Action en Milieu Ouvert) est un service d’aide à la jeunesse situé à Saint-Gilles, Bruxelles. Dans ses murs, nous avons la chance d’accueillir une salle d’escalade ainsi qu’une salle de psychomotricité. Souvent, les grimpeurs qui y viennent le soir se contentent de cet aspect-là. Mais derrière l’acronyme AMO se cachent des arrêtés, des missions, de l’ordre, de la prévention. Notre métier consiste à accompagner les jeunes dans leurs difficultés, à trouver, avec eux, des solutions adéquates. Nous travailpage 20
Ces jeunes-là ont décidé d’embarquer pour une aventure qu’ils ne seront pas près d’oublier. Nous sommes en bordure du parc national du Sarek et de ses montagnes, la neige est abondante tout comme le soleil. Les chiens sont plus excités que jamais, ils savent le départ imminent. Nous passons d’abord une journée de retrouvailles et de préparatifs. Faire les sacs, nourrir les chiens, débriefer leur parcours jusqu’ici, les différents moments de rencontre, d’organisation, d’entraînement. Et briefer sur ce qui est à venir. Le froid, la neige, des longues montées et des descentes tout aussi longues. Ils savent que cette excitation fera bientôt place à la fatigue, mais l’envie est
Jonathan Vard © 2018
L’aventure de la rencontre,
lons donc à leur demande, sans mandat et dans le strict secret professionnel. Alors, comment prévenir ? Comment aider ces jeunes à être autonomes ? D’une part, avec un accompagnement, ce que nous appelons un suivi individuel, permettant non pas de trouver des solutions toutes faites, mais de montrer le chemin. Rappeler qu’il existe des moyens financiers, judiciaires ou autres que le jeune peut mobiliser. Qu’il n’est pas seul. Et puis nous travaillons aussi en groupe – prévention éducative, selon le jargon de l’aide à la jeunesse – afin de s’assurer que ces jeunes apprennent aussi à être socialement épanouis. Qu’ils sachent se confronter au monde extérieur, aux autres, éviter les conflits, mais aussi exprimer leurs difficultés en public et travailler en coopération.