Ardennes & Alpes n°212 - 2ème trimestre 2022

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Topographie, toponymie et identité… Quelques glanures BERNARD MARNETTE Il se dit que les géographes et les cartographes ont contribué à inventer les Alpes ! Il est clair que le relevé des cartes a permis de rendre publiques ce que l’on appelait jadis « les cartes mentales ». De par ce fait, on a pu mieux comprendre, affiner, définir, les territoires. Mieux, si la topographie décrit le pays, la toponymie qui lui est attenante le nomme, c’est un fondement de son identité. Topographie, toponymie, identité sont donc étroitement liées. Il en va ainsi pour chaque région, mais aussi pour un certain nombre d’activités spécifiques comme l’alpinisme et l’escalade. S’il est important pour les alpinistes et les grimpeurs de décrire et nommer les itinéraires qu’ils parcourent, il est tout aussi important pour eux d’identifier les lieux qu’ils fréquentent : les montagnes, les vallées, les rochers… C’est donc une nécessité de définir un territoire pour ne pas dire une culture, car le relevé de ces éléments, s’il est spécifique, se mêle aussi aux autres savoirs. Faut-il rappeler, par exemple, l’importance des alpinistes-cartographes de la fin du 19e siècle qui furent les premiers à décrire en détail sommets et glaciers. On peut même affirmer que la topographie fait partie intégrante des origines de l’alpinisme. Ainsi, Sylvain Jouty précise1 que « l’émergence de l’alpinisme correspond à ce glissement de l’absolu de l’inaccessibilité au relatif d’une virginité que l’on peut évidemment déflorer. »

1 - Sylvain Jouty : « Dictionnaire de la montagne » – Ed. Omnibus – 2009

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C’est donc bien la réponse au « comment aller en montagne ? » qui est à l’origine de la naissance de l’alpinisme, avec quels moyens mais aussi, par où ? Il suffit pour s’en convaincre de consulter les premiers récits des conquérants des Alpes. Ils sont truffés de détails d’ascensions : les itinéraires, les horaires, les difficultés rencontrées… La naissance de l’alpinisme est donc le résultat de ce questionnement : quels sont les versants accessibles de la montagne ? C’est ce qui différencie l’alpiniste du topographe, du géologue, du naturaliste, du cristallier ou encore du chasseur. Ces différents groupements décrivent éventuellement ce qu’ils trouvent, ce qu’ils font en montagne mais pas où ils vont, ils gardent même parfois certains secrets. L’alpiniste, lui, décrit par où aller et imagine même différents itinéraires d’ascensions possibles, c’est le regard qui change, c’est là que l’alpinisme se démarque, qu’il s’identifie, qu’il crée son style. Si ceci est vrai pour l’alpiniste, cela l’est tout autant pour le grimpeur. Les premiers topos de grimpe apparaissent déjà fin du 19e siècle. En 1897, Owen Glyne Jones publie un ouvrage culte : Rock-climbing in the English Lake District. Ce livre réalise le prodige pour l’époque d’être à la fois un ouvrage de topographies, de récits de courses et d’illustrations. Les photos qui s’y trouvent ont été prises par les célèbres frères Georges et Ashley Abraham et montrent Jones en action. Les topographies tiennent un rôle original dans cet ouvrage, puisque c’est la première fois qu’elles attribuent une valeur de difficulté aux escalades. Celles-ci ne sont pas qualifiées par des chiffres (comme dans l’échelle de Welzenbach), mais par des adjectifs (easy, difficult, etc.).


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