Introduction
La crise silencieuse Quand ce n’est pas une pandémie, c’est la guerre en Russie. Il est difficile aujourd’hui de ne pas penser aux mots que le Premier ministre britannique Harold MacMillan aurait prononcés il y a 60 ans lorsqu’on lui a demandé quel était le plus grand problème qu’il avait dû affronter en tant qu’homme d’État. Sa réponse fut: «Events, dear boy, events.» Bart Haeck
C
ependant, tous ces événements perturbateurs ne font pas soudainement disparaître ceux d’hier et d’avant-hier. L’une des tâches historiques du gouvernement actuel est de rendre abordables les coûts sociaux croissants d’une population vieillissante. La promesse de continuer à payer les pensions et les soins de santé d’une population vieillissante est, avec la lutte contre le changement climatique, l’une des dettes les plus importantes qui ne figurent pas dans les comptes publics. Chaque année, les dépenses du gouvernement fédéral en la matière augmentent de plus d’un milliard d’euros. En d’autres termes: à moins d’économiser ailleurs, les autorités auront besoin, d’ici 2050, de plus de 10% de ressources complémentaires par rapport à aujourd’hui pour continuer à payer les dépenses de pensions et de soins de santé. Par rapport au PIB actuel, cela signifierait un surplus de dépenses d’environ 25 milliards d’euros. Le défi est énorme. C’est comme si nous devions multiplier par six le budget de la Défense d’ici 2050. Comme si nous devions presque doubler le budget de toutes les écoles maternelles et primaires, les écoles supérieures et universités de toute la Belgique. Même si nous devions multiplier par deux l’ensemble du budget actuel des hôpitaux, l’effort serait moindre que celui qui nous attend en matière de vieillissement. Et cette tâche s’est encore compliquée ces dernières années. Pourquoi? «Events, my dear boy, events.» Les dépenses de défense, elles aussi, devront probablement augmenter à nouveau pour faire face à la menace
russe. Les taxes sur l’énergie vont également diminuer, afin d’atténuer la hausse des factures pour les familles. En outre, les milliards dépensés pour surmonter la crise du covid n’ont toujours pas été remboursés. Nous allions y parvenir grâce à la reprise économique, mais cette dernière menace déjà d’être contrariée par la guerre en Ukraine.
Pension minimum
80% Tant le plan de la ministre Karine Lalieux (PS) que celui du CD&V reposent sur l’hypothèse que le gouvernement fédéral parviendra à faire travailler 80% de la population âgée de 20 à 64 ans.
Sous la pression de la colère reflétée par les résultats des élections, le gouvernement a également augmenté les dépenses en portant les pensions minimales à 1.500 euros par mois. En conséquence, le défi que représente le paiement des dépenses liées au vieillissement de la population ne fait que croître au lieu de diminuer, comme l’a noté l’été dernier le Comité d’étude sur le vieillissement. Pourra-t-on payer les pensions? Au sein du gouvernement, toutes les tentatives en ce sens se sont avérées, pour l’instant, être un coup d’épée dans l’eau. La ministre fédérale des Pensions Karine Lalieux (PS) avait proposé l’an dernier un plan de réforme qui a été rejeté. Le président du Comité d’étude sur le vieillissement a conclu que ce plan alourdissait la facture au lieu de l’alléger. Mécontent également, le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) a alors décidé de reporter la discussion au Nouvel An. Karine Lalieux a finalement soumis un plan en janvier qui, selon son porte-parole, était en grande partie semblable à la première tentative de septembre. Cela signifie que le débat n’a pas encore commencé. «Les négociations sont en cours», c’est tout ce que l’administration Lalieux consent à dire aujourd’hui.
Pensée insupportable L’enjeu est pourtant clair: il s’agit de savoir dans quelle mesure une personne doit travailler pour bénéficier d’une pension. Les libéraux et le CD&V veulent renforcer
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