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Alors que les prix – et la valeur – des sacs à main iconiques de certaines marques de luxe augmentent régulièrement chaque année, ces accessoires statutaires représentent de plus en plus des placements dignes de la bourse. En cuir et siglée, évidemment.
On connaissait le marché de la cotation des montres de collection, mais jusqu’à peu, on n’imaginait pas qu’une forme de spéculation pouvait s’appliquer également aux sacs griffés. L’une des raisons de cette flambée du désir (et des prix) ? Le ralentissement de la production et la rareté des matières premières pendant les confinements. Le reste, c’est aussi vieux – mais pas vintage – que la loi de l’offre et de la demande. « Après la Covid, les marques de luxe ont continué à augmenter leurs prix* et parallèlement, la demande a grimpé. Les sacs sont devenus des objets de placement tandis qu’avec le crash de plusieurs cryptomonnaies, les gens ont commencé à se méfier du Bitcoin, pour investir dans ce qui leur semblait être des valeurs plus sûres », constate Alexandra Stueck, cofondatrice de Saclàb, un site de vente de sacs de luxe de seconde main. Mais toutes les marques de luxe ne signent pas des best (re) sellers : les plus recherchés sont issus des maisons Hermès et Chanel. Globalement, selon le site Vestiaire Collective, au cours des six derniers mois, les reventes de sacs en bon et moyen état ont augmenté de 13 % au niveau mondial, et leur prix a monté de 12 % en moyenne. Prêt·e·s à trouver un trésor au pied de l’étagère ? Avis d’expert·e·s pour trier le vrai du faux au fond de nos sacs à main.
Peut-on parler de spéculation ?
À découvrir les chiffres de la plateforme américaine de coupons en ligne WeThrift**, on pourrait porter la question en bandoulière. Selon une étude publiée par le site à propos de la revente de sacs de luxe, la valeur du 2.55 de Chanel peut être doublée de la boutique au marché de seconde main s’il est très bien entretenu, mais le plus rentable à avoir dans son armoire serait le 1991 Mini Kelly d’Hermès qui se revendrait plus de cinq fois son prix d’achat. De son côté, Alexandra Stueck raconte qu’en 2019, « Hermès a introduit le modèle Birkin Faubourg, qui reproduit l’architecture de la façade de la boutique. Un sac absolument exquis, très particulier, qui se vendait alors entre 22.000 et 33.000 euros en boutique selon la couleur et la version. L’un d’eux, un snow Faubourg est arrivé trois ans plus tard sur notre site, en parfait état, sans doute jamais déballé, et s’est vendu à 265.000 euros. Je ne vois rien en termes d’investissement qui prenne autant de valeur en si peu de temps ». En cinq ans d’existence de Saclàb, la jeune entrepreneuse a vu évoluer la cotation des modèles classiques d’Hermès avec des prix de revente qui pouvaient croître de 30 % en une année : « En interne, on se demandait pourquoi on ne s’en était pas acheté des dizaines (rires) ! » Nous voilà averti·e·s.
PRESSE
Un second marché de luxe en explosion
Après avoir développé le département Fashion Arts chez Artcurial, maison internationale de ventes aux enchères précurseur dans ce type de transactions, Pénélope Blankaert est devenue curatrice et consultante indépendante en second marché mode et accessoires. Elle nous éclaire sur le phénomène d’un « marché gris », celui de client·e·s qui achètent des sacs neufs dans l’objectif de les revendre. « Puisque certaines grandes maisons de luxe ont établi des quotas qui limitent le nombre de pièces que l’on peut acheter, un système a émergé où des acheteurs·euses sont mandatés pour le compte de client·e·s à l’étranger. Ils touchent une commission au passage, puis c’est le véritable destinataire qui se charge de les revendre. » Logiquement, les prix de la
seconde main augmentent parallèlement à ceux des boutiques, parfois plus si le modèle est rare. « Un sac Chanel bien entretenu se revendra bien, surtout si c’est un modèle ultra-médiatisé, comme le Timeless. Par exemple, chez Louis Vuitton, les designs de Virgil Abloh, produits en séries limitées, tout comme les collaborations avec des artistes sont rentables aussi. Mais le plus souvent, si on ne perd pas d’argent, on n’en gagne pas beaucoup non plus. Dans la plupart des cas, les sacs, même de marques de luxe, perdent en quelques mois au moins 60 % de leur valeur. » Les modèles qu’on lui confie le plus souvent pour des ventes aux enchères sont signés Bottega Veneta, Prada ou Céline. Les codes à respecter ? D’abord, la reconnaissabilité. « Chez Chanel, pour espérer faire un certain profit, il faut que les fermoirs soient composés du double C, et que le cuir soit matelassé. Le 2.55, le 19 et les modèles de défilés, les pièces exclusives comme le porte-bouteille en chaînes emblématiques, produits en petites quantités, ont beaucoup de succès. Plus c’est iconique, plus la cote est haute. » Même constat du côté d’Alexandra Stueck de Saclàb : « Le plus grand succès sur notre site est le Classic Flap avec le fermoir “Chanel” et
« JE NE VOIS RIEN EN TERMES D’INVESTISSEMENT QUI PRENNE AUTANT DE VALEUR EN SI PEU DE TEMPS » ALEXANDRA STUECK magazine ELLE 79
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