psycho-rigolo
elle
Texte Elisabeth Clauss
PA S M A L , C ’ E S T D É J À B I E N
LE LIVRE QUI REVERNIT L’ESTIME DE SOI Dans son « Éloge des vertus minuscules », Marina van Zuylen, Franco-Américaine d’origine belge, nous réconcilie avec nos complexes de performance, au cours d’une balade philosophique qui revalorise l’entre-deux : enfin, tous les moyens sont bons.
C’est le grand paradoxe de notre époque hyperconnectée (aux succès des autres). On vit par, pour, et sous une pression qui ne vient généralement que de notre propre tyrannie interne. Dans son ouvrage qui invoque des dizaines d’auteurs qui se sont parfois plantés plutôt que d’accomplir leur mission « assez bien », Marina van Zuylen revalorise les seconds rôles, la confortable tiédeur qui est parfois préférable aux bouffées de chaleur. Ses « vertus minuscules » (rien à voir avec les petites vertus, même si ça peut être distrayant aussi) ouvrent immense l’espace aux modestes qualités cachées, et soulignent le courage du manque d’ambition. Beckett s’en amusait : « Essayer encore. Rater encore. Rater mieux. » Et pour le coup, cet essai est plutôt réussi.
LE MOYEN DEVIENT TRÈS BIEN SI ON LUI L AISSE LE TEMPS
« À la mort de l’artiste belge Jacques Lizène, sa nécrologie le présenta comme l’un des rares professionnels de “l’insuccès”. Ce maître du fiasco défendait en effet l’existence d’un art du ratage, façon pour l’artiste d’échapper aux sirènes de la gloire et de la fortune. » Si atteindre les sommets est finalement optionnel, il faut trébucher pas mal pour y arriver, et ce sont souvent ces expériences-là qui ont le plus de valeur, puisqu’à la place des lauriers on en tire des enseignements, qui fanent plus lentement. Michael Jordan a dit : « J’ai raté 9.000 tirs dans ma carrière. J’ai perdu presque 300 matchs. 26 fois, on m’a fait confiance pour prendre le tir de la victoire et j’ai raté. »
En a-t-il pris ombrage, sous le panier qui a fait sa gloire ? Pas le moins du monde. L’auteure elle-même souligne que « même les vies admirables ont leur lot de désillusions (…) La vie est faite d’événements imprévisibles et de rencontres de hasard, qui ne sont bien souvent remarquables que rétrospectivement ». On devrait donc se réjouir d’avoir de la marge, et ne pas s’épuiser à tenter de la grignoter : « assez bien », c’est flou, c’est doux. •••
magazine ELLE 89
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