Les pierres remontent inlassablement à la surface du fait de la mécanique des sols, ce qui amène les agriculteurs à dépierrer le sol depuis la nuit des temps. Il n’y a pas besoin de creuser pour que le caillou émerge, il suffit d’attendre. Le temps est le grand mécano du paysage, comme il est le grand opérateur des idées nouvelles. L’archéologue va aller chercher ce qui se passe sous les strates et va creuser dans le temps. Mais parfois, étrangement, le temps remonte tout seul et c’est ici peut-être le travail de l’artiste. L’œuvre « Particules 2 » présentée, au musée Hébert, découle d’une conversation que j’ai menée avec un astrophysicien, qui m’a parlé d’une météorite dans laquelle les prélèvements révélaient qu’elle avait été éjectée de Mars, sans doute par collision avec un autre astéroïde, pour atterrir sur la Terre. J’ai donc repris les protocoles propres à la géologie pour analyser une pierre et raconter le récit de cette pierre. J’ai conduit ce protocole sur vingt-quatre roches : faire un prélèvement, le piler, faire passer l’échantillon de poudre dans une machinerie permettant une datation au potassium-argon. Puis, une partie de chacune des pierres a été pilée et la poudre obtenue mise dans des sabliers afin que la quantité de sable soit proportionnelle à l’âge de la pierre. J’ai récolté ainsi une sorte de râtelier à sabliers, chacun correspondant à une pierre. Le visiteur peut faire basculer l’ensemble par rotation de la structure : les sables s’écoulent et rendent lisibles les différents temps géologiques qui défilent sous nos yeux. Il y a quelque chose de très pragmatique dans cette installation – des cailloux accrochés selon leur âge et la profondeur de formation, ce qui en fait une sorte de partition. Mais il y a aussi quelque chose de plus poétique dans le sens où cela permet de regarder les pierres autrement. Voilà, c’est une tentative de poétiser le minéral avec un protocole purement scientifique, afin d’exprimer du temps de façon symbolique. Cécile Beau