local-contemporain 10 paysage en mouvements

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Atlas des déplacements (mode d’emploi) Maryvonne Arnaud

Cent manières d’accommoder le regard, la vue, l’aperçu, l’enfoui, ou cent façons de se déplacer dans la vie, le monde, une ville, un atlas ou une exposition

Une exposition à aborder comme on ouvrirait un atlas, à la recherche de tel ou tel petit pays au nom étrange, que l’on situe vaguement entre tel ou tel autre pays au nom tout aussi enchanteur et, quelques heures plus tard, au hasard des pages, vous vous retrouvez à feuilleter cet atlas à rebrousse-poil, en ayant oublié ce que vous y cherchiez, mais emporté par un mouvement interne. Votre regard se transforme, s’aiguise, associant une attention flottante à un regard perspicace, aux aguets, attentif et flou, l’œil affûté, des idées virevoltent au-dessus de votre tête et votre esprit divague vers des pays inconnus ou inexistants dont vous inventez les habitants, les femmes aux robes chatoyantes, les animaux à trois têtes et aux cornes géantes, vivant au cœur d’une végétation luxuriante ou aride. Si l’atlas ne vous parle pas, alors, imaginez-vous en cueilleur de champignons, d’abord vous repérez un lieu, un site qui vous semble propice (on dit coin dans le langage des cueilleurs, je ne sais pas pourquoi ?). Peut-être aurez-vous regardé la Lune avant de partir, peut-être pas. En tête, l’image du champignon convoité, vous n’en serez pas moins sensible à l’odeur de la forêt, à la couleur des feuilles, vous toucherez la mousse, vous respirerez l’air humide, vous écouterez le bruit de vos pas, du vent, du chant des oiseaux et, soudain, votre œil changera de focale et sélectionnera parmi tous les possibles une typologie de formes, de couleurs qui vous retiendront, morilles ou trompettes de la mort sont là, elles vous attendaient. Ça y est, vous y êtes, vous pouvez franchir le seuil du musée. Passée la porte d’entrée, une citation de Montaigne vous incite à vous mettre en branle, on pourrait dire à s’ébranler, ou à s’ébrouer comme un chien, de la tête aux pieds, une manière de se déprogrammer ou de remettre les compteurs à zéro afin de stimuler son esprit, les yeux et les pieds en mode promeneur, les uns obéissant aux autres alternativement, sans idées préconçues, de façon aléatoire. Ainsi vous vous déplacerez entre les œuvres, laissant votre regard flotter de l’une à l’autre, permettant aux images de s’accumuler au plus profond de vous, mêlant au visible des souvenirs, des connaissances et des rêves. Votre regard pourra se déplacer horizontalement d’un bout à l’autre de l’exposition, faisant des travellings dans l’espace ou dans votre mémoire, se focalisant sur un détail, une couleur ou sur un souvenir. Laissez cohabiter en vous une attention périphérique, flottante et une autre sélective, fragmentaire. Comme un vieux moteur diesel, votre pensée se mettra en mouvement, surtout ne la contraignez pas, laissez-la divaguer, retrouvez en vous le cancre qui a été dompté, oubliez le bon élève.

Maryvonne Arnaud est plasticienne. Directrice artistique de Laboratoire

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Cette fois vous êtes vraiment prêt à commencer la visite d’« Atlas des déplacements ». Votre regard formaté à l’occidental tournera certainement à gauche et se déplacera dans le sens des aiguilles d’une montre, certainement aussi, il s’arrêtera en premier sur les assemblages de baguettes, sculptures de Francis Limérat. Estce la dextérité de ces assemblages qui retiendra votre attention, leur fragilité ou la poésie qui s’en dégage ? Votre esprit vagabondera-t-il vers des tribus amérindiennes qui se déplaçaient au rythme de leurs chants, en utilisant les couplets comme unité de mesure et qui dessinaient leurs trajets avec des brindilles pour retrouver leur chemin et transmettre la mémoire de ces pistes ou des courants dominants ?

Francis Limérat, Claire-Voie 224, 2014


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