.1 INTÉRIEUR CRÉOLE
Texte : Corinne Daunar CREDIT PHOTO FONDATION CLEMENT ET JARDIN DE BALATA
Le carpe diem créole ou l’évolution du confort Les intérieurs créoles se sont longtemps développés d’un point de vue pratique, où l’utilitarisme était maître. Pourtant, à mesure de sédentarisation, cette société nouvelle reconstitue les codes européens, autant qu’elle dessine, en parallèle, les particularismes d’une hiérarchie sociale purement coloniale. Et parmi ces marqueurs, c’est l’expression, à mesure, de formes inédites du luxe et du confort qui prend en ampleur. Des prémices fort peu commodes Aux prémices de la colonisation, les cases qui constituent les premières habitations des nouveaux conquérants sont rudimentaires ; le confort lui, est superflu et bien peu accessible. Propriétaires, engagés et premières cohortes d’esclaves logent dans des baraquements semblables, que de modestes aménagements et quelques meubles rustiques rendent plus commodes. Les maisons, simples, se dressent derrière des parois de bois tressé ou de torchis et ne renferment souvent que des espaces uniques. C’est seulement à mesure de temps que ces habitats se différencient et s'emparent, peu à peu, de nouvelles marques de
confort. Quelques auvents, des pièces ajoutées, une extension de l’existant, les années, comme les deniers, font leurs œuvres sur les bâtis de maîtres. Les constructions suivantes intègrent parfois un étage plus étroit, le « belvédère » ; les problématiques d’aération, de protection contre la chaleur ou les affres du climat sont de plus en plus prises en compte.
L’irruption du confort Le confort, en d’autres termes, intègre les réflexions de constructeurs, au-delà de l’unique portée fonctionnelle du logis. L’évolution de la société créole participe aussi de cet essor des nouvelles formes d’habiter : la population croissante, la fondation de
18
foyers pérennes, l’agrandissement des exploitations et des familles supposent des intérieurs plus agréables. Plus encore, dans une France en miroir, les enjeux de luxe et d’élégance font leur chemin chez les colons et propriétaires du XVIIIe siècle et des suivants. Dans le courant du XVIIIe, une conception originale de la maison commence à diffuser sur les îles d’Amérique : le modèle à corridor central, qui établit tout à la fois l’intimité de l’intérieur et la praticité de nouveaux espaces de vie. Les salles à manger s’inaugurent dans les galeries couvertes et désormais protégées de jalousies ou caillebotis, des salons d’apparat ou de réception s’installent dans les plus riches demeures. Les vérandas, balcons et autres
Magazine MAISONS CRÉOLES GUADELOUPE n°142