rapidement repéré le potentiel de Korngold en tant que compositeur de musiques de films, et Korngold s’est donc retrouvé à Hollywood, s’attaquant aux Aventures de Robin des Bois (mettant en vedette Errol Flynn et Olivia de Havilland), à l’époque de l’Anschluss. Korngold réussit à sauver ses parents et son fils aîné, qui était encore à Vienne à l’école, mais les années d’exil qui ont suivi se sont révélées ardues et déprimantes, malgré son succès extérieur. Au moment de revenir aux œuvres de concert après la guerre, son style romantique – cette voix personnelle dans laquelle il avait écrit de manière constante toute sa vie – était considéré comme démodé. Parallèlement, une grande partie de l’establishment musical fermait les yeux sur la notion de musique de film. Hollywood avait sauvé la vie de Korngold et lui a permis de sauver certains de ses parents, amis et voisins d’une mort certaine aux mains des nazis. Pourtant, il lui semblait maintenant être jugé défavorablement pour cet épisode en tant que décision artistique.
Korngold est mort d’une hémorragie cérébrale en 1957 à l’âge de 60 ans. Son fils aîné, Ernst, a dit à l’auteur de ces lignes que son père avait eu l’impression que ses premiers succès étaient « arrivés à quelqu’un d’autre ». Le venin asséné à Korngold et à sa génération a duré des décennies – que ce soit à cause de la mode, du snobisme, de l’ignorance ou de l’antisémitisme actif (l’Amérique était plus résistante à l’accueil de réfugiés juifs qu’on ne l’admet souvent, tandis qu’en Autriche, de nombreux nazis ont continué à tenir des emplois de haut niveau dans les années d’après-guerre). Dans une lettre de 1952, Korngold a écrit : « Je crois que ma symphonie nouvellement achevée [en fa dièse] montrera au monde que l’atonalité et la dissonance laide au prix d’abandonner l’inspiration, la forme, l’expression, la mélodie et la beauté aboutiront à un ultime désastre pour l’art de la musique ». Avec une distance adéquate, il devient progressivement possible de regarder en arrière et de se demander s’il avait peut-être raison.
Texte de Jessica Duchen (Trad: Yannick Muet)/Odradek Records, LLC est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 France. www.odradek-records.com
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