un allegretto présente un thème dansant avec le quatrième pas surélevé dans la clé mineure folklorique (de mi), que Zeisl semble privilégier. Le second thème contrasté se distingue par des cantilènes expressives en si mineur. Le message musical central de la pièce est l’Andante religioso, qui contient la désignation supplémentaire « hébraïque », soulignant ainsi le geste de la prière juive expressive. Zeisl élève cette construction de mouvement comme une norme pour la plupart de ses seconds mouvements pendant cette période : des lignes mélodiques de type récitatif s’élèvent au-dessus des points de pédale d’orgue, avec des figures ostinato liées au lamento, grimpant jusqu’à la « présence de Dieu ». Zeisl estimait que cette musique était « une conversation intime avec Dieu ». Un rondo vital qui, dans un souci d’unité, rappelle le rythme de l’introduction, exige une sensation de jeu joyeuse et une maîtrise exceptionnelle des instruments. Les gammes, les motifs toujours récurrents et scintillants et les changements de mode se conjuguent pour créer un univers folklorique d’Europe de l’Est, semblable à une danse et entraînant, un style qui reflète le tempérament de Zeisl et un mode d’expression que le compositeur avait déjà fréquemment utilisé à Vienne. L’épouse de Zeisl, Gertrud, (1906‒1987) écrivit à Hilde Spiel peu avant la première de la Sonate par Yaltah Menuhin et Israel Baker : « Parce que vous n’avez pas parcouru le chemin que nous avons parcouru, tout peut sembler peu familier et quelque peu étrange, mais il s’agit toujours du même vieil Eric ». 3 Une « pré-représentation » 4 de la Sonate Brandeis eut lieu au Brandeis Camp, avec le duo Baker-
Menuhin, suivie de la première le 24 septembre 1950 à Santa Monica. 5 En octobre 1950, le journal de l’exil Aufbau, à propos de la « nouvelle musique à Los Angeles », commentait : « Nous avons une dette de gratitude envers le duo Yaltah Menuhin (piano) et Israel Baker (violon) pour des soirées répétées de nouvelles musiques intéressantes. Tous deux ont introduit la Sonate en mi mineur d’Eric Zeisl, pour laquelle le compositeur a trouvé l’inspiration pendant son mandat d’enseignant au Brandeis Camp près de Los Angeles et son atmosphère fortement juive. Parmi les nombreuses œuvres nouvelles que j’ai entendues ces dernières années, je n’ai jamais entendu une œuvre d’une telle cohérence : chacun des trois mouvements est également fort et captivant. Sans citer aucun motif juif spécifique existant, Zeisl a écrit ici une musique juive vraiment inspirée, qui parle de nos émotions contemporaines ». 6 Avant sa fuite d’Autriche, Zeisl était un représentant important de la « modernité viennoise modérée ». Les nationaux-socialistes ont détruit sa vie dans son pays natal et l’ont mis sur la liste des compositeurs interdits. Il quitta Vienne après le pogrom de novembre 1938. Paris, New York et Los Angeles furent les stations de l’exil. Même si c’était son rêve le plus cher, Zeisl n’est jamais retourné à Vienne. Lorsque son amie, Hilde Spiel, fut envoyée comme correspondante de guerre britannique en Autriche en 1946, pour se présenter au New Statesman, le désir de Zeisl pour sa patrie s’est transformé en une douleur profondément ressentie, qu’il exprime dans une lettre au profond sentiment de chagrin, de fragmentation, d’exil, d’amour pour Vienne, et en même temps de dégoût pour les crimes nazis:
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