S ACT UALI TÉ – LE PART I -PRI S DE T H I ERRY JOBAR D Thierry Jobard
Caroline Hernandez – Janko Ferlič / Unsplash
e v i t i Pos e d u t i t at est bien simple, leur emploi du temps, je le connais par cœur. Ou par oreille, si l’on veut bien me pardonner ce jeu de mot facile. En effet je n’ai pas besoin de voir pour savoir à quel moment ils sortent de chez eux, à quel moment ils rentrent chez eux. Invariablement, imperturbablement, irrémédiablement j’entends ces deux petits morveux gémir, pleurer, hurler dès qu’ils mettent leur trogne enchifrenée hors du logis. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment que ça se fait, mais à chaque fois – je dis bien à chaque fois – qu’ils sont dehors, ils gueulent. D’où mes interrogations angoissées. Moi qui suis un être sensible et plein d’amour pour mon prochain, je me suis senti tenu d’investiguer. De ma fenêtre j’ai donc observé, encore et encore, quitte à me sentir, peu fier, dans la posture d’une mégère de banlieue. Quel ne fut pas mon étonnement de constater que, bien que les hurlements des lardons fussent inévitables, la quiétude de leurs parents demeurait inébranlable. Finis Poloniae ! Aux cœurs purs qui s’inquiéteraient de ces pleurs d’enfants, je m’empresse de préciser qu’ils ne s’agit pas de vrais pleurs. Ni vrais chagrins, ni peurs sérieuses dans tout cela, mais de ces agaçants geignements que les parents savent reconnaître, de ces plaintes feintes et forcées, chevrotements, jérémiades et lamentations en tous genres. Je n’ai pas une si grande expérience en matière d’éducation (d’ailleurs je devrais parler de parentalité puisque c’est le terme qui convient). Je me suis contenté de contribuer (mais avec conviction) à franchir le seuil de renouvellement des générations. Rien de plus, rien de moins non plus. Mais quand j’entends jouer lesdits loustics avec une sonnette de vélo (une belle grosse sonnette), dix fois, vingt fois, cinquante fois ; quand j’entends taper dans la porte du portail (une belle grosse porte en métal résonnant) un nombre de fois comparable sans que le brave papa présent ne bronche ni ne manifeste le moindre signe
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Mes voisins sont des gens formidables. Moi, je les adore. Ils sont gentils, souriants, propres sur eux et votent sans doute écolo. Jamais un mot plus haut que l’autre, ils sont pleins de douceur et de bienveillance. Ils ont deux enfants, un garçon et une fille. Et ils font chier toute la rue… d’énervement, je me dis qu’il y a des coups de pompe dans le derche qui se perdent. Dans le derche du père évidemment. En lui suggérant par la présente d’exercer un minimum son autorité sur sa progéniture afin que celle-ci veuille bien consentir à cesser de nous emmieller. Avec cette question, taraudante : comment fait-il pour garder son calme (bordel) ?
LE PLEIN DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT, C’EST UN BEL IDÉAL, MAIS ÇA VA NOUS FAIRE UN SACRÉ BOULOT Dans ces moments, je sens poindre au fond de moi, derrière le prompt agacement, une angoisse réelle. Car si ce papa-là parvient à ce degré de détachement, c’est qu’il est rompu aux toutes dernières techniques éducatives qui me renvoient, moi, dans l’Ancien Monde. Ces techniques ce sont celles de la pédagogie positive. On serait bien en peine d’y échapper, pour peu qu’on soit parent, elles sont partout. Dans les livres, dans les magazines, dans les conférences, dans les formations, dans les vidéos du net, sur tous les sites dédiés. Jusque dans les textes officiels de l’Éducation Nationale dont les directives intègrent les termes d’« évaluation positive » et de « bienveillance ». Ça devient grave. Quant à savoir ce que cela recouvre exactement, le Conseil de
l’Europe nous en informe doctement : la « “parentalité positive” se réfère à un comportement parental fondé sur l’intérêt supérieur de l’enfant, qui vise à l’élever et à le responsabiliser, qui est non violent et lui fournit reconnaissance et assistance, en établissant un ensemble de repères favorisant son plein développement ». C’est beau, mais c’est haut. Le plein développement de l’enfant, c’est un bel idéal, mais ça va nous faire un sacré boulot. Développement physique, développement moral, développement intellectuel, développement spirituel, développement créatif, développement social….j’en oublie sans doute. Tout ça pour deux parents. Enfin, surtout un. Surtout une. Plus précisément, comment faut-il faire pour s’approcher de l’idéal que postule le Conseil de l’Europe ? Car ce qu’attendent les parents, plus que des envolées certes admirables, mais bien trop générales, ce sont des méthodes, des conseils, des trucs et des astuces. Du concret tudieu, du concret ! Pour ce, ne mégotons pas. Le site petitecrapule.fr(1), m’informe des huit principes de l’éducation positive : « être bienveillant envers soi-même », « reconnaître les émotions de l’enfant » (il faut être dans l’empathie et savoir mettre des mots sur les émotions), « s’informer des progrès des neurosciences pour pratiquer une éducation positive », « changer ses formulations pour pratiquer une éducation positive et bienveillante » (donc « abandonner les tournures négatives » et « bannir le tu accusateur et culpabilisant »),
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№43 — Décembre 2021 — Splendeurs