Histoire des éditions du recueil
note pourtant à cette même époque un regain des publications isolées de contes, chez Chalopin 485 par exemple, ou chez Paul Bernardin 486, associé à Mr. Bréchet.
Un projet pédagogique À la fin du XIXe siècle, les éditeurs chrétiens sont prédominants : JeanFrédéric Wentzel ou encore Alfred Mame à Tours. Le conte est utilisé à des fins pédagogiques, surtout après la loi Combes de 1904. Celle-ci concerne la séparation de l’État et de l’Église : les ordres religieux sont interdits d’enseignement. Les programmes scolaires changent et intègrent les Contes de Charles Perrault du fait de leur sacralité laïque : ils ne contiennent que très peu de mentions de la religion, les prêtres ne servent, dans ces histoires, qu’à officialiser un mariage déjà consommé dans la Belle au bois dormant. « En d’autres termes, il s’agit d’offrir à l’enfant sous une forme abrégée, un contenu littéraire et moral substantiel, utilisable à toute heure et en toutes circonstances, un vade-mecum culturel laïque. » 487 L’instituteur, ou l’institutrice, deviennent de nouveaux conteurs. Le système scolaire propose en effet des programmes avec de simples exercices de langues effectués à partir de contes, suivis d’une discussion avec le professeur sur la signification de l’histoire et de sa morale. Les contes de fées deviennent un véritable support éducatif : alphabets, syllabaires, manuels. « On voit que, par ces directives, les contes ont pénétré de façon officielle le milieu scolaire à la fin du XIXe siècle, légitimés et consacrés comme les premières lectures classiques des enfants. Un conteur d’une nouvelle époque est alors apparu, la maîtresse d’école, offrant à l’enfant un nouveau protocole d’accès au conte : sa lecture orale, assortie de commentaires au service des objectifs et des apprentissages prévus dans les programmes officiels, notamment la transmission « d’idées exactes sur les objets et les êtres », et la formation des premières habitudes morales de l’enfant. » 488 Dans ce cadre, quatre éditeurs spécialisés dans le livre scolaire se font concurrence. Il s’agit des éditions H. Laurens, Hachette, Garnier frères et Flammarion, dont les trois dernières subsistent encore à l’heure actuelle. Du début du siècle à l’orée de la Première Guerre mondiale, où s’arrête notre étude, Hachette publie le plus d’éditions des contes (trois selon les notices), qui sont revues et préfacées par Maurice Bouchor 489. Ce dernier adapte des contes pour l’enfance. Au sujet de sa préface sur les Contes de Charles Perrault, Jean-Paul Sartre tient ces propos : « Je ne savais pas encore lire, mais j’étais déjà assez snob pour exiger d’avoir mes livres, mon grand-père se rendit donc chez son copain d’éditeur et se fit donner des contes du poète Maurice Bouchor, récits tirés du folklore et mis au goût de l’enfance par un homme qui avait gardé, disait-il, des yeux 485
PERRAULT, Charles, Peau d’Âne, conte, Caen, éd. Chalopin, in-16, s. d., 23 p.
487
RENONCIAT, Annie, dans PERROT, Jean, Tricentenaire Charles Perrault, op. cit., p. 87.
486 PERRAULT, Charles, Contes des fées contenant : Cendrillon, le Chat botté, le Petit Chaperon rouge ..., Paris, éd. Bernardin-Bréchet, ill., in-8, [1855-1886], 106 p. 488
Idem, p. 86.
PERRAULT, Charles, Contes vol. 1, Paris, éd. Association philotechnique, Hachette et Cie, préf. Maurice Bouchor, in-12, 1901, 114 p. 489
BERCEGEAY Marie-Sophie | Diplôme national de master | Mémoire de M1 | juin 2015 Droits d’auteur réservés.
- 112 -