Illustrations des Contes
spontanément, dans une traduction à la portée de tous les esprits la plus dangereuse des séductions, celle de l’exemple. » 547 Le chef du bureau des Beaux-Arts, Frédéric Merey s’oppose également à ces livres en 1840, arguant des arguments artistiques : « Dans les éditions illustrées, au contraire, le regard est perpétuellement inquiété, excédé par cette multitude de figures qui se déroulent et qui renaissent les unes des autres, on oublie, pour les regarder ou les éviter, les mouvement de foule. […] Cette prétendue littérature, née de l’illustration, n’est autre qu’une littérature de foire, de colportage, de femmes et d’enfants. » 548 À l’époque, le renouveau romantique choisit justement le livre illustré comme objet de prédilection. Les artistes souhaitent en faire l’emblème de l’union des arts du fait de la synergie présente entre l’image et le texte dans cette forme éditoriale. Face à cette volonté, la Revue des deux mondes publie un article très dur sur la littérature illustrée, parlant d’une « littérature qu’on ne peut nommer d’aucun nom, qui est au trois quart faite par les dessinateurs […] la lithographie et ensuite la gravure sur bois, importation du mauvais goût et de l’esprit industriel de l’Angleterre, sont sorties de leurs attributions. […] Jamais aucun siècle n’avait poussé aussi loin que le nôtre cette débauche d’illustrations mercantilement conçues » 549.
Rôle et importance des illustrations Pour capter l’attention de l’enfant, les adultes utilisent rapidement des abécédaires, souvent sous la forme d’indéchirables entre 1880 et 1900. Les images imprimées en chromolithographie sont collées sur un carton fort pour empêcher les petits de déchirer les pages. Ces livres sont anonymes et illustrés. Ils sont souvent à la portée de tous en termes financiers, pour leur assurer la plus large diffusion possible. En réalité, « l’abécédaire est le plus indispensable des livres d’enfants, le plus simple d’apparence » 550. Cette simplicité est visible dans les illustrations qui reflètent toujours l’époque dans laquelle le livre est paru, servant en effet de modèle aux enfants. « Les premiers abécédaires, ceux du XVIIIe siècle et du début du siècle suivant ne possédaient le plus souvent pour illustration qu’un frontispice. C’étaient de simples recueils de lettres et de syllabes destinés à être lus à haute voix. Les courtes phrases servant d’exemples avaient trait à des sujets religieux, réflexe naturel des éducateurs du temps. » 551 Outre la religion, l’une des thématiques principale de l’abécédaire dans l’imagerie populaire est le conte de fées, souvent support de l’apprentissage de la lecture au XIXe siècle chez l’éditeur Charles Pinot, bien vite repris par Pellerin. La collection des abécédaires des Livres des enfants sages 552 propose ainsi quelques planches illustrées en couleur 547 Circulaire du ministre de la police, 30 mars 1852, dans KAENEL, Philippe, Le métier d’illustrateur 18301880, Rodolphe Töpffer, J. J. Grandville, Gustave Doré, Paris, éd. Messine, 1996, p. 39. 548
cit., p. 38.
KAENEL, Philippe, Le métier d’illustrateur 1830-1880, Rodolphe Töpffer, J. J. Grandville, Gustave Doré, op.
549
Art. « La littérature illustrée », Revue des deux mondes, 1843, dans idem.
551
Idem, p. 27.
550 CARCOPINO, Jean-Jérôme, EMBS, Jean-Marie, Le siècle d’or du livre de jeunesse, 1840-1940, Paris, éd. Les éditions de l’Amateur, 2000, p. 25. 552
Cf. annexe 4.
BERCEGEAY Marie-Sophie | Diplôme national de master | Mémoire de M1 | juin 2015 Droits d’auteur réservés.
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