Illustrations des Contes
Une vie d’artiste consciencieux, entre succès et échecs En 1848, sa mère, Alexandrine Doré, avec laquelle il se montre très complice, lui rend visite alors qu’il travaille à l’atelier du peintre Ary Scheffer. Sa famille est très fière du jeune talent. Son père écrit à ce propos à Ernest que « Gustave n’est pas un artiste ordinaire, un simple amateur, mais qu’il a en lui l’étoffe d’un grand artiste, comme dessinateur et comme peintre ; non seulement il y a, comme tu dis, un dessin dans ses moindres caricatures, mais il est doué d’une imagination énorme et surabondante, et je crois fermement qu’une organisation comme la sienne est rare et phénoménale, et qu’il est déjà au-dessus de tous les artistes de Paris » 606. Le jeune homme, farceur, précoce, mais surtout ambitieux tente d’être reconnu comme peintre et comme sculpteur. Pour ce faire, il décide d’abandonner la caricature, genre dans lequel il excelle, rivalisant avec le célèbre illustrateur du Journal pour rire, Cham, au profit de l’illustration. Il est aidé dans cette voix par Paul Lacroix, l’amant de sa mère après le décès de Mr. Doré père le 4 mai 1849. Quelques mois plus tôt, Gustave fait part de sa décision à ce dernier : « J’avais cédé pendant un temps à la caricature de circonstance dont le public avait besoin pour le moment et j’ai négligé de fixer mon esprit sur l’actualité des évènements, car je sais combien les plaisanteries de circonstance ont peu de solidité ; combien elles sont éphémères et tombent d’elles-mêmes du jour au lendemain. J’ai préféré appliquer mon esprit (au risque de ne pas paraître pendant un moment) à la caricature qui a pour but l’étude des mœurs, caricature qui est de tout temps et qui sera de tout temps et qui m’offre ce grand avantage que le temps au lieu de la faire tomber ne servira qu’à la prôner » 607. L’artiste en mal de reconnaissance effectue plusieurs paysages et tableaux dès 1850, qu’il expose au Salon : Deux mères en 1853 en tant qu’élève de Mr. Dupuis et La Bataille d’Inkermann, en 1857, peinture historique qui lui fait obtenir la mention honorable. Le photographe Nadar use de sa notoriété pour l’aider à se faire une place dans le monde de la peinture. Il lui achète également plusieurs toiles. Ses amis lui rédigent des critiques élogieuses pour contrer ses détracteurs. Dans un article de l’Artiste, Théophile Gautier écrit ainsi : « Gustave Doré est à la fois réaliste et chimérique. […] Il voit avec cet œil visionnaire dont parle Victor Hugo en s’adressant au vieil Albert Dürer. « Les latins avaient une épithète – celle de portentosus – dont nous ne possédons pas l’équivalent pour désigner ce qui était anormal, excessif, prodigieux – on n’en trouverait pas une plus juste pour qualifier le talent de Doré. » 608
606 Lettre de DORÉ, Pierre-Louis-Christophe à DORÉ, Ernest le 6 janvier 1848 dans KAENEL, Philippe, Le métier d’illustrateur, op. cit., p. 238. 607 608
Lettre de DORÉ, Gustave à DORÉ, Pierre-Louis-Christophe le 7 février 1849, dans idem, p. 239. GAUTIER, Théophile, art. dans l’Artiste, cité dans idem, p. 243.
BERCEGEAY Marie-Sophie | Diplôme national de master | Mémoire de M1 | juin 2015 Droits d’auteur réservés.
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