Illustrations des Contes
En parallèle des Contes de Perrault et de l’Enfer de Dante, il travaille à de nombreux autres projets. Installé à Londres en 1860, il réalise plus de mille illustrations entre 1862 et 1865, sans compter ses peintures, sculptures et autres dessins. Au total dans sa vie, il produit près de dix mille œuvres, soit environ deux cent soixante dix dessins par an. Il est extrêmement productif. Après l’Enfer, son grand projet est d’illustrer la Bible 622, qu’il termine en 1866. L’in-folio est publié par Mame en trois mille deux cents exemplaires. Il comporte deux volumes au prix de deux cents francs (ou trois cents francs pour le tirage limité sur papier de chine ou papier chamois). L’ouvrage comporte deux cent trente illustrations et est destiné à la bourgeoisie, dans une tentative, de la part de l’artiste, de légitimation culturelle. En effet, les volumes sont si grands et si lourds qu’ils ne sont faits que pour être posés, et lus ou regardés à plusieurs, de façon ostentatoire et mondaine. Entre 1850 et 1870, il gagne trois cent cinquante mille francs par an, soit mille francs par jour, avec ses dessins. Son imagination est reconnue, mais il est critiqué pour sa jeunesse et son originalité, que les spécialistes méprisent. En tant que porte-parole du réalisme, Émile Zola, examinant la Bible 623, lui reproche sa superficialité : « n’approchez pas trop de la gravure, ne l’étudiez pas, car vous verriez alors […] que tout n’est qu’ombres et reflets. Ces hommes ne peuvent vivre, parce qu’ils n’ont ni os ni muscles ; ces paysages et ces cieux n’existent pas. […] Il crayonne des rêves comme d’autres sculptent des réalités. […] Jamais artiste n’eut moins que lui le souci de la réalité. » 624 Il est cependant comparé à Michel-Ange par les écrivains de sa génération qui lui sont favorables.
Un être torturé Ses contemporains notent toutefois de manière récurrente ses problèmes d’argent. Aidant sa mère n’ayant qu’une maigre pension, avec laquelle il vit, il s’endette en 1856 auprès de son ami Nadar, un célèbre photographe. Outre d’importants frais courants pour sa carrière, nécessités par les matériaux de base et le coût d’installation de ses gigantesques réalisations, il mène un train de vie de grand bourgeois. « De la cour aux combles, l’hôtel Doré était l’idéal de la demeure d’un homme fastueux, aux goûts d’artiste et de bohémien. C’était une habitation princière, le parfum ducal l’imprégnait encore, mêlé à l’atmosphère du confort moderne ; et certes les hôtes distingués qui s’y pressaient n’avaient rien à envier au régent. » 625 Doré cultive l’art de la fête. Malgré son sérieux dans son travail, il a un véritable goût pour la gymnastique, sport dans lequel il excelle, et aime attirer l’attention de toutes Figure 76 : NADAR, photographie de les manières possibles, n’hésitant pas pour Gustave Doré vers 1852. cela à faire la roue chez Paul Lacroix ou à chanter, jouer du violon ou faire des tours de magie à l’assemblée. « Agileté, vitalité, exhibitionnisme, égocentrisme, jeunesse éternelle composent l’image
622 623
Bible, ill. Gustave Doré, Paris, éd. Mame, 1866, 230 pl. Idem.
ZOLA, Émile, art. « Gustave Doré », Le Salut public, dans KAENEL, Philippe, Le métier d’illustrateur, op. cit., p. 259. 624
625 ROOSEVELT, Blanche, La vie et les œuvres de Gustave Doré, dans KAENEL, Philippe, Le métier d’illustrateur, op. cit., p. 265.
BERCEGEAY Marie-Sophie | Diplôme national de master | Mémoire de M1 | juin 2015 Droits d’auteur réservés.
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