Le conte
Les fées Bien que les fées ne soient pas toujours présentes dans les contes de fées (exemple du Chat Botté 124), elles n’en restent pas moins, et ce particulièrement pour les premiers conteurs, des éléments de narration incontournables. Pour Georges Sand, la question est bien « de savoir s’il y en a ou s’il n’y en a pas » 125. Elles sont également les témoins privilégiés de l’interaction entre une culture savante et une culture populaire. Le terme “fées” est d’origine populaire. Il en vient à « désigner tous les êtres fantastiques qui échappent au merveilleux chrétien » 126. Il est générique et regroupe tous les êtres invisibles aux hommes et désignés comme “le petit peuple” (comprenant fées, elfes, lutin, changelins, trolls, gnomes, etc.), habitant dans le royaume de Féérie (ou Faërie). Ce dernier est souvent considéré comme un monde parallèle au nôtre, visible par certains mortels choisis, ou lors de fêtes païennes, dans certains lieux de cultes. Avec l’avancée du christianisme, l’adoration des déesses-mères gauloises et des druidesses, associées au peuple celte, ne disparaît pas. Bien que diabolisées par l’Église, les fées ont un rôle prédominant au sein du folklore comme au sein de ces récits. Elles personnifient en effet le merveilleux, de par leur seul qualificatif. Fata, en latin, fait référence au destin, mais désigne également les Parques ou Moires de la mythologie gréco-romaine, divinités infernales. « Semblables à leurs sœurs d’ombre, elles croisent sur les berceaux les fils du malheur et du bonheur, des épreuves et des fortunes, immobilisant l’aventure à sa source » 127. À « ces femmes, le peuple leur donna le nom de magiciennes, de fées, de sorcières ; mais il les désigna spécialement par le nom de fata, sous lequel ses ancêtres avaient honoré les parques identifiées aux déesses-mères, par celui de fata, qui ne refermait rien de plus, au reste, à ses yeux, que l’idée d’enchantement. De fate, on avait fait faé, fée, féérie, […] » 128. Ce culte est associé et confondu avec celui des divinités champêtres locales, tels que les nymphes, sylvains, lutins ou korrigans 129. Ces lutins, ou sotret 130 vivent généralement dans des grottes (dans les Vosges principalement). Ces petits êtres basanés aux cheveux longs réparent des objets contre de la nourriture. Ce sont des divinités du foyer, très espiègles, qui possèdent le pouvoir de métamorphose. En 442, le concile d’Arles interdit d’adorer les arbres, fontaines ou pierres, places des croyances envers ces créatures. Néanmoins, « les dieux du passé n’avaient point été totalement oubliés, mais les hommes, les héros du même temps ne l’avaient pas été davantage. En devenant chrétiens, les Celtes n’avaient point répudié d’un coup toutes leurs traditions 124
Op. cit.
125 PERROT, Jean, Tricentenaire Charles Perrault. Les grands contes du XVII e siècle et leur fortune littéraire, op. cit., p. 273.
126 GALLAIS, Pierre, « Les fées seraient-elles nées au XIIe siècle ? (A propos d’un ouvrage récent) », dans Cahier de civilisation médiévale, 29 e année, n° 116, oct.-déc., p. 358. 127
Idem, p. 241.
129
« En Bretagne, les fées sont appelées korrigans. », idem, p. 37.
128 MAURY, Alfred, Les fées du Moyen-Âge, Recherches sur leur origine, leur histoire et leurs attributs, pour servir à la connaissance de la mythologie gauloise, Paris, éd. Librairie philosophique de Ladrange, 1843, p. 24. 130
Plusieurs orthographes possibles : sottai, sotê, sotré, sotret, souttré, soltrait.
BERCEGEAY Marie-Sophie | Diplôme national de master | Mémoire de M1 | juin 2015 Droits d’auteur réservés.
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