Charles Perrault
Les précurseurs L’opposition entre les Anciens et les Modernes remonte à la Renaissance. Pétrarque est l’un des premiers modernes, de par ses apports aux sciences théologiques, au droit ainsi qu’aux arts et lettres. De même, Pierre la Ramée, Jean Bodin ou encore Louis le Roy sont des humanistes modernes. Les précurseurs de la querelle sont d’origine italienne. Il s’agit notamment de Trajano Boccalini en 1612 avec Les Nouvelles du Parnasse 209, imprimées à Venise et d’un poème d’Alessandro Tassoni : Le Sceau enlevé 210. Ce dernier écrit également un recueil de pensées dont le dixième livre intitulé Ingegni antichi e moderni 211 fait référence au Dialogue des orateurs 212 de Tacite : « Par un défaut de la perversité humaine, les choses anciennes ont toujours été louées, et les choses présentes sujettes à dégoût. » 213 Il s’agit d’un premier parallèle, plus exhaustif que celui de Charles, et concernant la grammaire, la cosmographie, la dialectique, la théologie, la médecine, la philosophie morale ou naturelle, le droit, la politique, l’art militaire, ou encore l’équitation, qui est un argument de poids pour les Modernes. Il explique également que l’historiographie des Modernes est inférieure à celle des Anciens : « Les Modernes sont plus faibles, eux et leurs langues, parce qu’ils excellent dans les genres « populaires », qui portent tous la marque chrétienne, soit de l’adoucissement sentimental des âmes, comme la pastorale, soit de leur penchant servile au ressentiment méchant, comme la satire. En revanche, ils peuvent être admirables quand il arrive à leurs poètes (ou à leurs historiens) de s’appuyer sur la magnanimité et la magnificence d’une aristocratie libre » 214. Dom Secondo Lancelotti est un autre auteur Moderne. Il est le prédécesseur italien de Charles Perrault. Il publie une apologie du monde actuel, doublé d’un éloge au pape Urbain VIII : L’Hoggidi ovvero il Mondo non peggione né più calamitoso del passato 215. Tout comme Charles Perrault, son discours lie l’éloge panégyrique qu’il fait à son monarque ou protecteur et le siècle de progrès qu’il décrit. Il définit les Anciens de manière très négative comme des « pédants et vieillards racornis qui ne savent que haïr leur propre époque et faire rêver d’époques antérieures idéalisées » 216. En France, Michel de Montaigne le premier fait passer dans ses Essais 217 les idées de Pétrarque. La Querelle débute donc en français et non en latin, ce qui sera l’un des arguments principaux des Modernes. Montaigne se range du côté des Anciens. Il écrit dans son second tome : « J’argumente par là, que les productions de ces riches et grandes âmes du temps passé sont bien loin au-delà de l’extrême étendue de mon imagination 209 BOCCALINI, Trajano, Ragguagli del Parnasso, (Les Nouvelles du Parnasse), Venise, 1612, trad. Fougasse, Paris, 1615. 210
TASSONI, Alessandro, La Secchia Rapita, (Le Sceau enlevé), Modène, 1622.
212
TACITE, Dialogus de oratibus, (Dialogue des orateurs), Rome, 107.
211
213 214
TASSONI, Alessandro, « Ingegni antichi e moderni », dans Pensieri, Carpi, 1620. FUMAROLI, Marc, Les abeilles et les araignées, op. cit., p. 60. Idem, p. 73.
215
LANCELOTTI, Secundo, L’Hoggidi ovvero il Mondo non peggione né più calamitoso del passato
217
MONTAIGNE, Michel de, Essais, Bordeaux, éd. S. Millanges, 1580.
216
FUMAROLI, Marc, Les abeilles et les araignées, op. cit., p. 87.
BERCEGEAY Marie-Sophie | Diplôme national de master | Mémoire de M1 | juin 2015 Droits d’auteur réservés.
- 55 -