Charles Perrault
ainsi que par le mécontentement de plusieurs musiciens, ulcérés des pleins pouvoirs de Lully. En juillet de cette même année, pour faire taire les critiques, Charles Perrault écrit La Critique de l’opéra, ou examen de la tragédie intitulée Alceste 255. Il y fait un parallèle entre l’œuvre de Quinault, le librettiste et celle de la poésie tragique d’Euripide pour laquelle il éprouve un dédain non dissimulé. Pour lui, Quinault lui est supérieur car il évoque les normes sociales et morales du siècle, inconnues des Anciens. Ainsi, même si ces derniers « admettent ce qu’il y a de vif, de déconcertant, de déchirant dans la représentation de la vie humaine par les poètes antiques tandis que les Modernes sont favorables à des conventions morales et esthétiques uniformes et confortables » 256, la supériorité d’Alceste réside dans la bienséance, l’ordre, l’économie, la distribution des parties et dans un merveilleux dosé et chrétien. Le merveilleux est un thème de la Querelle que nous évoquerons par la suite. À la fin de l’année triomphe Iphigénie 257, de Racine, grâce à laquelle il répondra dans la préface de sa première édition. Il évoque les exigences littéraires des Anciens, contre la superficialité négative et burlesque de la lecture des Modernes envers Euripide. En effet, il suit, voire traduit cet auteur dans sa pièce, et le succès est au rendez-vous. Il écrit dans la préface de sa tragédie : « J’ai reconnu avec plaisir, par l’effet qu’a produit sur notre théâtre tout ce que j’ai imité ou d’Homère, ou d’Euripide, que le bon sens et la raison étaient les mêmes dans tous les siècles. Le goût de Paris s’est trouvé conforme à celui d’Athènes. Mes spectateurs ont été émus des mêmes choses qui ont fait dire qu’entre les poètes Euripide était extrêmement tragique, τραγιχωτατοζ, c’est-à-dire qu’il savait merveilleusement exciter la compassion et la terreur » 258. Racine montre ainsi à Perrault sa mauvaise interprétation d’Euripide, ce à quoi il répond par une lettre ouverte adressée à François Charpentier 259, secrétaire de l’Académie française, qui compte parmi les Modernes. Pour répliquer, il va chercher la matière chez les poètes antiques. Afin d’aider son frère, Pierre Perrault écrit entre 1678 et 1680 une Comparaison de la tragédie d’Iphigénie de Racine avec celle d’Euripide 260. Très médiocre, elle ne sera pas publiée.
Suites et fin de la Querelle Les Parallèles des Anciens et des Modernes À la suite de son poème du Siècle de Louis le Grand, le baron de Longepierre, également précepteur du comte de Toulouse publie le Discours sur
255 PERRAULT, Charles, Critique de l’opera, ou Examen de la tragedie intitulée Alceste, ou le triomphe d’Alcide, Paris, éd. L. Billaine, in-8, 1674. 256
FUMAROLI, Marc, Les abeilles et les araignées, op. cit.. p. 169.
258
RACINE, Jean, « préface », Iphigénie, in FUMAROLI, Marc, Les abeilles et les araignées, op. cit.. p. 171.
RACINE, Jean, Œuvres de Racine. Tome second. Suivie de Phèdre et Hippolyte. Tragédie. Paris, éd. C. Barbin, in-12, 1677. 257
PERRAULT, Charles, Lettre à Monsieur Charpentier ... sur la préface d’ « Iphigénie » de Monsieur Racine, manuscrit, janvier-février, 1675. 259
260 PERRAULT, Pierre, Critique des deux tragedies d'Iphigenie, d'Euripide et de Mr Racine, et la comparaison de l'une avec l'autre, dialogue par Mr PERRAULT, receveur general des finances à Paris, manuscrit, 1678-1680.
BERCEGEAY Marie-Sophie | Diplôme national de master | Mémoire de M1 | juin 2015 Droits d’auteur réservés.
- 61 -