Contes de ma mère l’Oye
sont généralement utilisés à des fins didactiques, telles que l’éducation princière ou religieuse. D’ailleurs, comme au Moyen-Âge il n’existe pas de réelle séparation entre l’écrit et l’oral, les prédicateurs religieux (qu’ils soient cisterciens ou dominicains) n’hésitent pas à recourir à des exempla. Dans ces récits hagiographiques, le conte est lié à un rituel religieux et met en scène l’intrigue théologique. Néanmoins, ces récits ne seront que très peu écrits au cours de cette période. C’est avec les légendes arthuriennes que les contes commenceront à voir le jour dans le domaine de l’écriture, avec les lais de Marie de France et Chrétien de Troyes au XIIe siècle. Cependant, ces auteurs ne transcrivent pas uniquement des contes, et ne le font pas pour le seul intérêt littéraire qu’ils représentent, comme le fait Charles Perrault plusieurs siècles plus tard. Ces récits n’en restent pas moins des sources importantes pour lui, comme pour les auteurs qui lui succèdent, et qui précèdent l’auteur des Histoires ou Contes du temps passé 319.
Sources italiennes Outre la collecte et l’écoute de contes auprès de nourrices, de conteurs ou conteuses, et de paysans, Charles Perrault s’appuie sur des œuvres italiennes, telles celles de Giovanni Francesco Straparola ou Gian Battista Basile, pour écrire son ouvrage. Giovanni Francesco Straparola naît à la fin du XVe siècle à Caravaggio. Dès 1508, il publie un recueil de poésie amoureuse : L’opera nova de Zoan Francesco Straparola 320. Il est le premier en Europe à transcrire de manière littéraire les contes populaires d’Italie. Le Piacevoli notti 321 ou Nuits facétieuses est publié entre 1550 et 1553. L’année suivante, il est réédité en un seul volume 322 de soixante-quatorze histoires. Le recueil de contes et nouvelles, insérés dans un récit-cadre à l’instar du Décaméron 323 de Boccace, a un succès considérable, et il n’est pas surprenant que Charles Perrault ait eu connaissance de l’auteur et de son ouvrage au sein de son entourage, parlant l’italien. Il en est de même pour Gian Battista Basile, dont le pseudonyme est Gian Alesio Abbattutis, qui vit entre 1566 et 1632 à Naples. Ce bourgeois s’enrôle comme soldat à Venise en 1603. Il commence à composer de la poésie durant son service militaire. À son retour à Naples, il est membre de la cour de Mantoue, et débute sa carrière d’écrivain. Il écrit aussi bien des chansons de cour en espagnol que des odes en italien, ou encore des madrigaux ou des drames. En 1625, il commence à écrire en napolitain Il Pentamerone, overo lo cunto de li cunti, trattenemiento de li peccerille 324, qui se traduit en français par Cinq journées, ou le conte des contes pour la récréation des petits enfants, plus connu sous le nom de Pentamerone. Ce recueil publié à titre posthume comprend une cinquantaine de 319 320
Op. cit. STRAPAROLA, Giovanni Francesco, L’Opera nova de Zoan Francesco Straparola, Venise, 1508.
STRAPAROLA, Giovanni Freancesco, Le Tredici piacevoli notti del s. Gio. Francesco Straparola, s.l., 2 vol., in-8, 1550-1553. 321
322 STRAPAROLA, Giovanni Francesco, Le piacevoli notti Nelle Quali Si Contengono le fauole con i loro enimmi da dieci donne, & duo giouani raccontate, cosa diletteuole, ne piu data in luce con privilegio. Appresso Orfeo dalla Carta, Vinegia, éd. Da Trino, in-8, 1554.
323 BOCCACE, Giovanni, Il Decamerone di M. Giovanni Boccacio novamente corretto con tre novelle aggivnte, Vinegia, éd. A. Romano et A. Asolano, in-4, 1522.
324 ABBATTUTIS, Gian Alésio (ou BASILE, Giambattista), Il Pentamerone, overo lo cunto de li cunti, trattenemiento de li peccerille, Naples, éd. s.n., 5 vol., 1634-1636. (Posthume).
BERCEGEAY Marie-Sophie | Diplôme national de master | Mémoire de M1 | juin 2015 Droits d’auteur réservés.
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