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Les espaces urbains et les pandémies
Une relation d’influence bilatérale : Le cas de Paris et la COVID 19
Meryeme El Berchli DSA Architecture et Projet Urbain - 2021-2022 Enseignant responsable Loup Calosci
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Avant-propos
Ce mémoire rentre dans le cadre de l’obtention du diplôme de spécialisation en architecture, option projet urbain. L’idée de ce mémoire de recherche est venue d’un constat personnel mais aussi vécu par le monde entier ces dernières années. Tous les pays ont été touché par la crise sanitaire de la covid-19 et ont vu leur mode de fonctionnements se bouleverser. La ville, étant un centre d’interactions et d’échanges, est l’espace le plus impacté par ces bouleversements et ces transitions. Les épidémies font partie de l’histoire des hommes et ont depuis des siècles, façonné le visage des villes. Un retour dans l’histoire des anciennes épidémies nous permet de mieux comprendre l’épidémie actuelle et les éventuels effets qu’elle peut avoir sur nos villes. Cette étude se veut être une contribution devant permettre de remettre en question les différents scénarios possibles d’évolution du territoire dans le cadre d’une crise sanitaire. En effet, depuis le début de la pandémie de la covid-19 en 2019, le discours des décideurs, et la recherche des géographes et des urbanistes semble remettre en lumière la capacité des territoires à répondre rapidement aux nouveaux enjeux du territoire, à étudier les temporalités des nouvelles reconfigurations spatiales des espaces publics, à mettre l’accent sur les effets de la crise sur le logement et à remettre la question des nouvelles pratiques quotidiennes au-devant de la scène.
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Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué au succès de mon expérience à l’ENSA de Paris Belleville et qui m’ont aidée lors de la rédaction de ce mémoire. Je voudrais avant tout remercier, mon encadrant de mémoire Loup Calosci, professeur à l’ENSA Paris Belleville, pour sa patience, ses conseils, sa présence et sa réactivité tout au long de cette période. Mes remerciements vont aussi au corps professoral et pédagogique du DSA Projet urbain de l’ENSA Paris Belleville qui nous ont offert depuis le début de cette formation un environnement propice au développement des problématiques qui nous intéressent. Je remercie Patrick Henry et André Lortie pour le soutien et l’attention qu’ils m’ont prêtés pendant toute cette période. Je leur dois une grande partie de mon travail. Ensuite, je souhaite remercier Catherine Chaufour, ma tutrice de mise en situation professionnelle et chargée de mission renouvellement urbain pour son accueil et pour le temps qu’elle m’a accordé durant toute cette période. Nos échanges m’ont ouvert plusieurs champs de réflexion. Sans oublier Sabine Barles et Célia colombier, pour m’avoir accordé des entretiens et avoir répondu à mes questions. Leurs témoignages m’ont permis de mieux orienter mon sujet de recherche et m’ont été d’un grand soutien dans l’élaboration de ce mémoire. Je tiens enfin à adresser mes remerciements à ma famille et mes amis, qui m’ont toujours soutenue et poussé à continuer mes études. Ce présent travail a pu voir le jour grâce à leur soutien et leurs encouragements.
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TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION VILLE, HYGIÈNE ET PANDÉMIES LA CRISE DU COVID 19 COMME ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR DE LA RÉFLEXION DÉFINITION DES NOTIONS ACCÉLÉRATION OU REFONDATION
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PARTIE I : DE LA NAISSANCE DU MOUVEMENT HYGIÉNISTE A LA TERRITORIALISATION DU RISQUE SANITAIRE CHAPITRE 1 : TRANSFORMATIONS URBAINES ET ÉVOLUTION DE LA SITUATION SANITAIRE A PARIS 1.
TRANSFORMATIONS URBAINES EN PARALLÈLE DE L’ÉVOLUTION DE LA SITUATION SANITAIRE À PARIS 2. ÉVOLUTION DU CADRE LÉGISLATIF SANITAIRE EN MATIERE D’URBANISME 2.1 Les lois françaises comme instruments d’interventions urbaines en matière d’hygiène 2.2 L’intégration officielle de la notion du territoire dans les lois de santé 2.3 La santé au cœur de l’élaboration des documents d’urbanisme et des projets d’aménagement
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CHAPITRE 2 : TERRITORIALISATION DU RISQUE SANITAIRE 1. 2.
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HISTOIRE DE LA SPATIALISATION DU RISQUE SANITAIRE OUTILS DE LA TERRITORIALISATION DU RISQUE 2.1 Le casier sanitaire et la délimitation des ilots mortifères 2.2 Les outils cartographiques internationaux 2.3 Les profils de territoire LES ATTRIBUTS TERRITORIAUX ET LA POLLUTION DE L’AIR AU TEMPS DE L’ÉPIDÉMIE
31 32 33 34 38
PARTIE II : DES TRANSFORMATIONS URBAINES AUX TRANSFORMATIONS D’USAGES A PARIS CHAPITRE 1 : TRANSFORMATIONS DES ILOTS ET MÉTABOLISME URBAIN 1.
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LES FORMES URBAINES ET LA DENSITÉ DE L’ILOT INSALUBRE 16 1.1 Un projet de démolition quasi-totale de l’ilot insalubre n16 1.2 Un projet de réhabilitation et de sauvegarde de l’ilot n16 TRANSFORMATIONS DU MÉTABOLISME URBAIN 2.1 Le réseau de collecte et de recyclage des urines 2.2 La suppression du réseau non potable 2.3 La transition agricole et alimentaire 2.4 Réseau OBEPINE Surveillance des virus
44 46 48 50 51 53 55 56
CHAPITRE 2 : MUTATIONS DES USAGES ET PRATIQUES DE L’ESPACE PUBLIC 1. 2.
MUTATIONS DU STATUT DE LA RUE PARISIENNE PENDANT LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXE SIÈCLE ÉVOLUTION DES USAGES ET PRATIQUES DE L’ESPACE PUBLIC A L’ÈRE DU COVID 19 2.1 Le recours aux mobilités douces 2.2 La piétonnisation des rues carrossables 2.3 La déspécialisation des espaces urbains
58 61 63 65 66
CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE TABLEAU DES FIGURES ANNEXE
68 71 73 74
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Introduction VILLE, HYGIÈNE ET ÉPIDÉMIES « Dès sa naissance au XIXe siècle, l’urbanisme a entretenu un rapport étroit avec les problèmes de santé et, par contrecoup, avec la médecine, ses progrès, ses découvertes, ses difficultés. La santé publique a, en effet, constitué une de ses principales préoccupations face aux questions cruciales que posait l’extension brutale et anarchique de la ville, en particulier la multiplication d’épidémies ravageuses. » (Levy, 20121) L’histoire des pandémies a toujours été intrinsèquement liée à celle de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire et de l’architecture. L’aménagement de l’environnement naturel ou bâti a été à la fois une préoccupation pour les médecins et les ingénieurs et une réponse aux questions sanitaires qui venait accompagner les interventions sur le corps et la pharmacologie. Le courant hygiéniste, a débuté avec Pasteur, mais dont les origines sont à chercher au XVIIIe siècle, a depuis longtemps structuré le développement des villes et les épidémies ont toujours laissé leur empreinte sur les villes. De nombreuses maladies (Ebola, Sars, Mers, Zika, Covid-19...) se sont propagées durant les dernières décennies à une échelle et une fréquence croissante. Alors que le monde entier vit aujourd’hui la pandémie de la Covid-19, un retour sur l’histoire de l’hygiène des villes offre une mise en perspective essentielle et un bon début de réflexion de ce mémoire de recherche. Depuis l’Antiquité, plusieurs villes et quartiers ont été détruits et remodelés de façon à reconstruire un habitat plus sain. L’urbanisme est donc venu apporter des solutions là où la médecine avait besoin de plus de temps pour comprendre et décrypter l’origine et le remède de ces épidémies. Comme résume l’architecte Philippe Rahm2i « L’urbanisme va donc s’évertuer à apporter la bonne santé en mettant l’air en mouvement, pour chasser les miasmes et mauvaises odeurs »
Levy, Albert , Ville, urbanisme et santé : les trois révolutions, Mutualité Française/Editions Pascal, 2012 Rahm,, Philippe architecte formé à l’EPFL et auteur du livre « Histoire naturelle de l’architecture/ Comment le climat, les épidémies et l’énergie ont façonné la ville et les bâtiments» page 98. 1
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Récemment, la prise de conscience collective sur les questions de santé a été concrétisée avec l’édition 2019 de Détours Prospectifs qui s’est déroulée le 1er avril et qui met l’accent sur la place de la santé au sein des politiques urbaines avec l’intervention d’une centaine de participants. Elle a été organisée dans un contexte différent de ce que nous vivons aujourd’hui puisque c’était à quelques mois avant le début de la crise de la covid-19. L’analyse sur le temps long des facteurs urbains et environnementaux de la santé présentée par Albert Levy dans la même manifestation retrace le parcours de l’ urbanisme hygiéniste et met en relation la crise sanitaire de 2019 (maladies chroniques) avec les crises sanitaires du XIXe et débuts du XXe siècle. Dans son ouvrage « ville, urbanisme et santé », Il donne plusieurs exemples à travers le monde, en France, en Espagne, en Angleterre et aux États-Unis. Des exemples très différents, mais qui s’inscrivent dans la même logique d’amélioration de l’hygiène de vie et par conséquent d’éviter les tournures dramatiques que les pandémies prenaient (18 500 morts de choléra à Paris en six mois par exemple). Il a donné l’exemple des grands travaux publics engagés par Haussmann en 1853 en intervenant en grande partie sur l’espace public en commençant par l’élargissement de la voirie avec un réseau de grandes percées et y intégrer un réseau d’adduction d’eau et d’égouts pour l’assainissement, le réaménagement des places et des carrefours végétalisés pour apporter de l’oxygène et enfin la construction de nouveaux ilots autour d’une cour dans le but de ventiler et d’aérer la ville. Le deuxième exemple est celui de Barcelone avec sa trame d’ilots régulière développée par Ildefons Cerdà, un nouveau concept d’ilot ouvert avec jardin intérieur développé dans son livre Teoria general dela urbanizacion (1867)3 et en troisième lieu, le modèle de cité-jardin avancé par Ebenzer Howard en Angleterre qui, dans une optique hygiéniste, combine les avantages de la ville et de la campagne.
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Cerdà, Ildefons, Teoria general dela urbanizacion (1867) - la « médicalisation » de l’espace, - page 241
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Durant la première partie du XXe siècle, l’urbanisme hygiéniste était encore d’actualité ; les villes vivaient toujours avec les cicatrices urbaines, économiques et sociales des pandémies et continuaient à développer les innovations urbanistiques en intégrant le volet hygiéniste non seulement en Europe, mais aussi dans les grandes villes américaines avec le développement d’un nouveau modèle concept utopique d'urbanisation par Frank Loyd Wright Broadacre City, ville-paysage étalée dans l’espace où la voiture individuelle est le moyen de déplacement principal dans l’optique d’éviter les conséquences sanitaires néfastes de la ville dense et compacte. L’histoire de la relation urbanisme/médecine a été marquée par une grande phase de silence dans la deuxième partie du XXe siècle pour plusieurs raisons, d’abord le grand progrès de la médecine en termes de vaccination, d’antibiotiques au cours des années 1960, des Imageries médicales dans les années 1970 et de 1980-2010 et l’essor de la médecine moléculaire. Tous ces progrès ont fait que l’urbanisme et la forme de la ville n’étaient plus dans le centre de réflexion de lutte contre les maladies. D’un autre côté, l’urbanisme, avec la métropolisation, évoluait plus dans le sens de développement des flux et de mobilité mettant la question hygiéniste de côté. La concurrence productive des métropoles et la négligence de l’hygiénisme pendant ce temps a engendré une crise écologique et climatique qui s’est reflétée sur la santé physique et morale. Plus que jamais le XXIe siècle a été marqué par la propagation des maladies chroniques que la médecine n’a pas pu soigner. Accompagnée de la crise du covid 19 que nous vivons aujourd’hui, la question sanitaire est de nouveau d’actualité. C’est aussi une occasion pour nous de requestionner la ville actuelle, sa forme, sa production et son fonctionnement.
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LA CRISE DU COVID 19 COMME ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR DE LA RÉFLEXION Le monde entier connaît actuellement une révolution et des bouleversements du mode de fonctionnement à cause de la crise sanitaire du covid 19. La ville, étant un centre d’interactions et d’échanges, est l’espace le plus impacté. Notre relation avec l’environnement, la nature, l’habitat, le travail, les espaces urbains en ville et la mobilité se réquisitionne et se retrace (Zefco, 2020)4. On remarque aujourd’hui que le changement a déjà commencé par requestionner nos modes de déplacements ; le taux de déplacements en vélo s’est doublé à Paris entre 2019 et 20205. Ce besoin de se déplacer en vélo a généré une transition rapide des mobilités qui se sont adaptées aux changements de comportements et ont démontré une preuve de réactivité et d’urgence. Bogota, Berlin, Oakland sont toutes des villes qui ont une longueur d’avance En termes d’aménagement de pistes cyclables temporaires selon Pablos Carreras6 . Un effet direct de la crise sanitaire, les villes du monde entier ont connu une chute du nombre de déplacements avec le confinement, le recours au télétravail et par conséquent le questionnement de nos modes de déplacement et une réaffectation de l’espace urbain public et son appropriation par des modes de circulation qui semblent plus sécuritaires pour les habitants surtout dans les périodes ou la propagation du covid était intense. Cette réaffectation a pris plusieurs formes : Fermeture de rues à la circulation automobile, apaisement de centres-villes, aménagement de pistes cyclables provisoires et élargissement de trottoirs. Menées par l’urgence de la crise sanitaire, plusieurs métropoles ont élaboré des plans d’urgence en faveur du vélo, se traduisant notamment par la création de pistes cyclables transitoires nommées « coronapistes7 » en France desservant les principales destinations. (Figures 1,2 et 3)
Zefco - Revue de presse confinée Quels enseignements de la crise covid-19 et du confinement pour la transition é cologique ? : Mai 2020 4
Selon les statistiques de l’enquête de comportement de mobilité de l’institut Paris Région avec 22 partenaires Pablos Carreras – Article revue de presse, Juin 2021 Nouvelles temporalités pour une mobilité post-covid 7 Coronapiste : terme employé en France mais aussi au monde entier sous le nom de Pop-up bicycle lane , il désigne les aménagements cyclables provisoires créés lors de la pandémie du covid 19 5 6
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Figure 1 : Avenue réservée aux modes actifs dans le cade de la « Ciclovia » (Bogota, Colombie), octobre 2018
Figure 2 : Piste cyclable temporaire le long d’une route départementale (Bagneux, Île-de-France), juin 2020
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Figure 3 : Rivoli (Paris), un espace urbain réapproprié par les modes actifs, juin 2020
D’une autre part, le processus de densification des villes a été remis en question par cette pandémie, plusieurs débats ont été faits dans ce sens comme celui organisé par l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne intitulée : Les villes face aux crises sanitaires :entre densification et déconcentration9. La crise du covid 19, telle que nous la vivons aujourd’hui, a été un événement déclencheur pour entamer ce travail de recherche sur les moments historiques marquants où les conjonctures sanitaires auraient influencé les doctrines et les techniques de l’urbanisme.
Débat organisé par l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne intitulé, Avril 2020 : Les villes face aux crises sanitaires :entre densification et déconcentration avec Damien Delaville, docteur en urbanisme et Stéfan Bove, géographe-urbaniste 9
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DÉFINITION DES NOTIONS Ce mémoire de recherche sollicite nécessairement une série de notions et de concepts en lien avec la thématique et les questions retenues qu’il est essentiel de définir : hygiénisme, santé publique, pandémie, épidémie. L’hygiénisme, comme défini dans le glossaire de géoconfluences10, est un courant de pensée apparu au milieu du XIXe siècle, lié en partie aux travaux de Pasteur et qui prône une nouvelle approche de l'environnement humain. Dans le domaine de la santé, les théories hygiénistes postulent qu'une amélioration du milieu de vie des Hommes entraîne une amélioration de leur santé, toutes catégories sociales confondues. Des travaux, notamment urbanistiques, vont ainsi être entrepris dans les domaines suivants : assainissement, aération, destruction… La santé publique est définie par l’agence de la santé publique du Canada comme une activité organisée de la société visant à promouvoir, à protéger, à améliorer et, le cas échéant, à rétablir la santé de personnes, de groupes ou de la population entière. Elle est le fruit d’un ensemble de connaissances scientifiques, d’habiletés et de valeurs qui se traduisent par des actions collectives par l’entremise de programmes, de services et d’institutions visant la protection et l’amélioration de la santé de la population. Le terme « santé publique » peut décrire un concept, une institution sociale, un ensemble de disciplines scientifiques et professionnelles et de technologies, ou une pratique. La santé publique constitue à la fois une façon de penser, un ensemble de disciplines, une institution de la société et une forme de pratique. Agence de la santé publique du Canada. (2008). Compétences essentielles en santé publique au Canada. Version 1.0, 1-27 Selon le toupictionnaire 11 , étymologiquement, le mot épidémie vient du latin epidemia, maladie qui se répand dans un pays, emprunté au grec epidêmos, qui circule dans le peuple, composé de epi, sur, au-dessus, et de dêmos, peuple. Une épidémie est définie par le CNRTL12 comme une augmentation inhabituelle, subite du nombre d'individus atteints d'une maladie transmissible existant à l'état endémique dans une région ou une population donnée; apparition d'un nombre plus ou moins élevé de cas d'une maladie transmissible n'existant pas normalement à l'état endémique dans une région donnée (p. oppos. à endémie. Selon la définition officielle de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), "une pandémie survient lorsqu’un nouveau virus apparaît et se propage dans le monde entier, en l’absence d’immunité dans la grande majorité de la population". Le Larousse ajoute que la "pandémie (du grec pan = tout et demos = peuple) est une épidémie qui s'étend à toute la population d’un continent, voire au monde entier". Geoconfluences : site expert ENS/DGESCO de géographie – il regroupe un vocabulaire riche de la géographie avec la possibilité de les trier par thème 11 Toupictionnaire : Dictionnaire politique en ligne 12 Centre national de ressources textuelles et lexicales 10
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ACCÉLÉRATION OU REFONDATION Les crises sanitaires que nous avons vécu et celle que nous sommes en train de vivre aujourd’hui posent différentes questions sur la vie urbaine, notamment sur les modes de relations sociales qui définissent la forme de la ville et plus particulièrement l’articulation du domaine public. Dans le droit civil en France, article 714, l’expression domaine public renvoie à l’ensemble des biens qui ne peuvent pas être considérés comme des propriétés privées ou alors tous les biens qu’on affecte à l’usage public (routes, air, voies navigables...) On les déclare « res communis » (les choses communes) en prolongement au droit romain. Le domaine public est en premier plan, le terrain où se manifestent les premiers changements. L’état d’urgence sanitaire pousse les décideurs et les aménageurs à agir en urgence afin d’adapter les espaces publics aux nouveaux enjeux sanitaires afin de réorienter l’usage et le comportement des habitants. Les questions de santé publique ont été intégrées depuis plusieurs années dans la conception des politiques et dispositif mis en œuvre par la ville de Paris. Avant même la crise du covid19, plusieurs démarches, touchant de près le domaine public, ont été menées afin de valoriser la santé dans le cadre d’une ville favorable à la santé, les opérations Paris Respire et l’organisation de Journées sans voitures se sont multipliées. En épidémiologie sociale, plusieurs modèles décrivent et montrent les relations qui existent entre la santé et l’environnement au sens large (biologique, physique, social et économique). L’une de ces représentations est celle élaborée par Whitehead & Dahlgren13. Comme le montre la figure ci-dessous, elle identifie les facteurs qui déterminent la santé et les quatre niveaux ou types d’influence connus. L’environnement ou le milieu fait partie du troisième niveau qui intègre plusieurs autres facteurs qui concernent aussi bien le domaine public que les propriétés privées tel que le logement, l’accès aux services et aux équipements ainsi que les conditions de déplacement et de travail.
Figure 4 : Modèle de déterminants de la santé d’après Dahlgren et Whitehead 1991
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whitehead, m. & dahlgren, g. What can we do about inequalities in health. The lancet, 338: 1059–1063 (1991).
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La reconquête du domaine public par les piétons et les cyclistes en l’adaptant aux mobilités actives et en promouvant les modes de déplacement zéro carbone et la réduction des effets de la concentration de la circulation automobile à Paris ont, depuis longtemps, fait partie de la politique de la ville. En février 2016, par exemple, le Conseil de Paris a voté la piétonnisation de l'avenue des ChampsÉlysées tous les premiers dimanches de chaque mois. De nombreux plans ont été élaborés dans le cadre de la délégation de transport et annoncé par la maire de Paris, Anne Hidalgo en 2014 et adopté officiellement en 2015 : plan antipollution, plan vélo et plan piéton ainsi que plusieurs aménagements de grandes places et projet de piétonnisation de la rive droite de la Seine dans le but d’améliorer la qualité de vie et de réduire les impacts néfastes sur la santé des habitants. Les pandémies viennent bouleverser les sociétés, l’économie, la géopolitique qui se reflètent d’abord sur l’organisation spatiale des villes. Les mesures adoptées par les villes pour la lutte contre la propagation des virus restent très diversifiées. Cependant, il existe un point commun qui a persisté, dans les différentes pandémies, malgré toutes les avancées scientifiques et technologiques, l’isolement. « Une épidémie, c’est toujours la mise en place de frontières. Elles peuvent être immédiates ou lointaines, mais la question de la circulation devient le nœud du problème. L’épidémie c'est aussi l'idée du chaos. Quand l’historien grec Thucydide évoque la peste d’Athènes au Ve siècle avant J.-C. le mot à l’époque ne veut pas dire la peste au sens bactériologique d’aujourd’hui, il désigne une catastrophe. Et c’est le sens qu’il a gardé : dès ce moment, on sait qu’une épidémie entraîne un bouleversement, une révolution de la société, et la plupart des observations de Thucydide peuvent s’appliquer à la société d’aujourd’hui. » (Entretien Anne-Marie Moulin)14 Avec la pandémie de la Covid 19, nous avons commencé à vivre des bouleversements et des transitions vers un nouveau modèle urbain, le virus de la Covid 19 et sa propagation soulignent avec force les réseaux d’échanges mondialisés et les mobilités modernes. Le nouveau contexte sanitaire a provoqué une prise de conscience collective de l’espace excessif consacré à l’automobile et de l’intérêt à mettre cet espace au service de l’humain. À la suite de cette crise, plusieurs constats, qui portent sur le cadre de vie et sur la capacité de résilience des territoires ont émergé, quelques-uns sont à court terme et d’autres sur un terme beaucoup plus long. Ce qui nous laisse se poser la question suivante : Quels sont les impacts des moyens mis en œuvre par les urbanistes dans l’espace urbain contre les épidémies ? et quelles incidences les épidémies ont elles dans la reconfiguration spatiale des espaces urbains ?
Entretien de Emmanuel Lorentin avec Anne-Marie Moulin, médecin et philosophe, spécialiste d'histoire de l'immunologie, directrice de recherche émérite CNRS - Emission la fabrique de l’histoire – France Culture 22.10.2018 (lien en biblio) 14
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Les pandémies en général ont eu des effets non seulement sur la planification urbaine, mais aussi sur le mode de gouvernance des territoires. Les différents exemples étudiés dans ce mémoire, nous montre qu’une crise sanitaire ne marque pas forcément une discontinuité radicale entre ce qui s’est passé avant et ce qui se passera après. Cette rupture n’est souvent pas aussi nette que ce que l’on croit. Nous nous rendons compte que le nouveau modèle urbain, que nous avons cité en haut, n’est pas si nouveau que ça et que ses racines sont bien ancrées dans l’histoire. Nous faisons ainsi l’hypothèse que les crises sanitaires sont l’un des facteurs d’accélération et d’évolution des intentions de transformation urbaine, notamment en termes d’organisation du domaine public. Les événements passés qui ont marqué l’histoire ont eu des effets sur l’espace urbain que la pandémie ne peut pas effacer définitivement en une durée de temps réduite. Avant l’arrivée de la Covid 19 par exemple, Les enjeux sociaux, économiques et environnementaux ont poussé les villes ont développé un système de transport en commun bien dense qui a été remis en question pendant et après la pandémie. Ces éléments pourront donc être soit perturbés par l’arrivée des pandémies, soit au contraire accentués comme c’est le cas de la mobilité douce. Afin de mieux affirmer ou réfuter cette hypothèse, un retour sur les éventements sanitaires marquants l’histoire me semble indispensable ainsi que sur leurs effets sur l’espace urbain puisque la ville est un modèle profondément ancré dans l’histoire et dans l’espace. Afin de mieux affirmer ou réfuter cette hypothèse, ce travail s’organisera en deux grandes parties : D’abord, un retour sur les éventements sanitaires marquants l’histoire de la ville de Paris ainsi que sur leurs effets sur l’espace urbain puisque la ville est un modèle profondément ancré dans l’histoire et dans l’espace. Ensuite, une étude de la crise sanitaire actuelle, la façon avec laquelle elle a influencé les techniques de l’urbanisme, notamment les interventions dans le domaine public pendant et après la pandémie et comment elle pourra faire évoluer le cadre législatif sanitaire en France dans les années qui suivent.
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PARTIE I
DE LA NAISSANCE DU MOUVEMENT HYGIÉNISTE À LA TERRITORIALISATION DU RISQUE SANITAIRE
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CHAPITRE 1 : TRANSFORMATIONS URBAINES ET ÉVOLUTION DE LA SITUATION SANITAIRE A PARIS 1.
TRANSFORMATIONS URBAINES EN PARALLÈLE DE L’ÉVOLUTION DE LA SITUATION SANITAIRE À PARIS
La frise chronologique ci-dessous retrace en bleu les transformations urbaines, et en orange la situation sanitaire et les avancées médicales. Entre les deux en gris, le contexte économique politique et social qui expliquent cette évolution avec deux lignes : la première est l’échelle parisienne et française et la deuxième une échelle plus large internationale et en bas les mandats électoraux à Paris. Le but de cette frise n’est pas de prouver des relations de causalité directes entre l’évolution sanitaire et les transformations urbaines mais plutôt pour comprendre le contexte général dans lequel ont évolué les deux. Les informations et les dates repérées dans cette frise ont été tirées principalement de la publication de Philippe Montillet « Santé et urbanisme, approche historique » le 19 mars 2020 dans le portail de l’Institut Paris Région ainsi que l’article de Jean-Louis Miège « épidémies et pandémies » en plus de la conférence organisée par le Conseil scientifique et de perfectionnement en 2021 sous le thème « pandémie et formes de la ville » avec l’intervention de plusieurs chercheurs et experts.
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La France et plus précisément la ville de Paris ont été propices à la propagation de plusieurs épidémies pour plusieurs raisons. D’abord, parce que la contagion des maladies infectieuses a été souvent rapportée à la densité humaine et urbaine ; Paris comptait 500 000 habitants au XVIIIe siècle et les conditions de logement de sa population n’étaient pas optimales avec la promiscuité de ses bâtiments, l‘absence des réseaux d’assainissement et d’évacuation des déchets, les problèmes de propreté, d’ensoleillement et d’orientation. Au Moyen-Age, avant de faire appel à la médecine, la propagation des épidémies a été liée à la religion, aux punitions divines ou encore à la présence d’un groupe ethnique et après, aux humeurs du corps (sang, bile jaune, bile noire…) et à l’eau qui transporte les maladies. La notion de l’insalubrité a beaucoup évolué dans le contexte urbain et juridique parisien. Cette évolution a permis la constitution d’un savoir sur l’hygiène publique et dans l’intervention urbaine. La notion d’hygiène a également évolué avec le progrès de la médecine et la découverte des microbes et de leurs moyens de propagation. Elle est passée du plan strictement sanitaire à l’échelle de l’individu et du logement à un plan plus large, moral et politique. Les idées hygiénistes prenaient plus d’ampleur avec les congrès internationaux, les expositions universelles sur l’hygiène et la salubrité de l‘habitation ainsi que les traités sur l’hygiène sociale et de l’habitation. Ces manifestations internationales ont contribué à la sensibilisation des architectes et des urbanistes sur le danger de surpeuplement et de confinement à l‘ère de la tuberculose. La législation a aussi accompagné cette évolution des idées hygiénistes à Paris. La frise chronologique ci-dessus, inspirée de l’intervention de Hervé Judeaux dans la conférence « Pandémies et formes de la ville15 », montre l’évolution dans le temps de la conception religieuse des épidémies et des progrès techniques en passant par la rationalisation et les premières découvertes en médecine notamment au XIXe siècle. Parallèlement évoluent les doctrines et les techniques de l’urbanisme avec tous les travaux d’embellissement de la ville de Paris, l’empierrement des quais, la canalisation de la Seine et les grands travaux sous Haussmann.
Schéma 1 montrant le croisement des deux disciplines Santé/Urbanisme à Paris
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Conférence « pandémies et formes de la ville » par le Conseil scientifique et de perfectionnement sous la direction d’Alain PECHADE
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La ville de Paris a, depuis le XVIe siècle, commencé à apporter des réponses concrètes aux problèmes d’hygiène et de salubrité. Après la désignation de la syphilis pour la première fois par le médecin et poète italien Girolamo Fracastora dans son oeuvre « Syphilis sive de morbo gallico » dans la première partie du XVIe siècle, la ville a lancé une série d’interventions urbaines principalement dans le domaine public avec la prise de conscience de l’importance de l’aération et du vent dans l’hygiène publique comme la construction du Pont-Neuf entre 1578 et 1604, premier pont de pierre traversant d’un seul tenant la Seine et sans habitation pour favoriser la circulation du vent et où les premiers trottoirs parisiens sont nés . Une année plus tard, le lancement du projet de construction de la place des Vosges, la plus ancienne à Paris. Les avancées de médecine au XVIIe siècle restent limitées ; en 1658, Krichner publie sur la contagiosité de la peste Dans son Scrutinium Physico-Medicum Contagiosae Luis, Quae Pestis Dicitur (Examen de la peste,1658) juste avant que le futur roi Louis XIV quitte Saint-Germain-en-Laye pour Versailles à cause de la petite vérole. En 1676, Van Leeuvenhoek fabrique pour la première fois les microscopes simples. Le domaine public et les trottoirs, en l’occurrence, ont fait l’objet de plusieurs modifications dans le temps. En fait, le modèle du premier trottoir du Pont neuf n’a pas été repris dans les autres rues de Paris. Ce n’est qu’en 1781, que le deuxième trottoir a été aménagé à la rue de l’Odéon avec un modèle plus élaboré, un revêtement de minces pavés de grès, soutenus par une bordure en pierre. Sur demande de plusieurs écrivains, dont Louis-Sébastien Mercier, la généralisation d’usage de trottoirs a été de plus en plus demandée. Le premier trottoir bitumé parisien apparaitra en 1835, sur le Pont-Royal. La loi du 7 juin 1845 rend obligatoire la construction de trottoirs dans toutes les villes de France ce qui explique la multiplication du nombre de kilomètres de trottoirs à Paris entre 1833 et 1848, mais ce n’est qu’en 1856 que les règles de construction de trottoirs sont établies, en fonction de la largeur des rues. La deuxième partie du XVIIIe siècle se caractérisait par une prise en compte de l’hygiène dans l’aménagement des villes qui s’est traduite par une réaction législative, notamment la réglementation sur les alignements, la largeur des voies et la hauteur des bâtiments en 1783 ainsi que plusieurs mutations du paysage urbain de Paris avec la destruction des maisons sur tous les ponts qui étaient considérés comme obstacles au passage de l’air et la construction du canal de l’Ourcq, du bassin de la Villette et le développement des fontaines ente 1805 et 1823. Durant cette période, la situation sanitaire en Europe devenait de plus en plus tendue avec l’expansion de la deuxième pandémie de choléra.
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La création d’une voie de 13m de largeur, contre les rues tortueuses du centre en 1839, la naissance du service de la voie publique en 1848, l’instauration de la loi sur le logement insalubre et expropriation de zones à assainir en 1850, la percée du boulevard de Strasbourg et l’obligation de raccordement aux eaux usées en 1852 ainsi que le développement d’un réseau de parcs, de squares et de bois par Alphand en 1854 ont été les réponses urbanistiques engagées par la ville de Paris pour répondre à cette pandémie. La deuxième partie de la frise chronologique montre que le deuxième semestre du XIXe siècle est très riche en matière d’avancées de la médecine et peu de réactions du côté de l’urbanisme. C'est à ce moment qu'est née l'hygiène moderne. L'amélioration de l'hygiène a donc permis d’augmenter l’espérance de vie. Cette période a été marquée par une succession d’invention et de découvertes ; le dépôt du brevet pour la chasse d’eau par Crapper en 1861, la mise au point de l’antisepsie par lister entre 1865 et 1867, la proposition du casier sanitaire par Lamoureux en 1876, la découverte de la tuberculose par Koch et par conséquent l’affirmation des fondements de la bactériologie en 1882, la meilleure identification de la tuberculose et du choléra par Koch en 1883 et la définition scientifique de la relation des microbes avec les maladies infectieuses en 1887 et enfin la mise au point d’un sérum antipesteux en 1890. La fin du XIXe et le début du XXe siècle ont été caractérisés par de nombreuses transformations urbaines et législatives ainsi que par l'intervention de nouveaux acteurs et la mise en place de nouvelles lois. Surtout à Paris qui a souvent été traité séparément des autres villes et qui a été le lieu d’expérimentation de nouvelles mesures urbanistiques. 1894 était l’année de la mise en place effective du casier sanitaire à Paris, du lancement de la grande enquête sur les problèmes d’hygiène à Paris par Paul Juillerat et du vote du tout-à-l’égout. En 1895, la ville a procédé à l’identification de 6 ilots insalubres qui deviendront par la suite au nombre de 17 classés selon le degré de leur insalubrité et l’urgence des changements. Ces changements ont donné lieu aux opérations d'urbanisme les plus importantes de Paris au XXe siècle et ont beaucoup modifié le paysage urbain de la ville. L’apogée de l’hygiénisme a été marqué par une réglementation sanitaire plus développée avec la loi de 1894 du « tout-à-l’égout, la première grande loi de santé publique en France en 1902, qui a créé des dispensaires de prévention et des bureaux municipaux d’hygiène s’occupant de la voirie, des égouts, de la collecte des déchets, de l’identification des îlots insalubres… Quelques années plus tard la loi Cornudet qui initie l’urbanisme de plan et avec le retour de la peste à Paris en 1920, l’adoption des recommandations urbaines présentées au conseil de Paris.
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La troisième partie de la frise chronologique montre le siècle dernier a été le prolongement de la grande rénovation qu’a connu Paris au XIXe siècle tout en transformant la physionomie des rues de Paris en remettant en question l’alignement tant défendu à l’époque de Haussmann et en ouvrant la possibilité des élévations des bâtiments. Cette politique a été concrétisée en 1956 par la publication du premier Plan d’urbanisme directeur de Paris (PUD) qui autorise la construction d'immeubles de grande hauteur (I.G.H.) d’où l’émergence des tours à Paris. Le premier I.G.H.à Paris a été construit en 1960 au 12e arrondissement par Édouard Albert (la tour Croulebarbe). En 1933 apparait le nouveau principe de zonage, qui permet la séparation des fonctions d’une manière verticale vu la densité de la ville de Paris avec la séparation totale des cheminements piétons et de la circulation automobile, par un éclatement de la rue en plusieurs niveaux selon sa fonction utile. Parmi les quartiers sur dalle, on peut citer le quartier d'affaires de La Défense dans les Hauts-de-Seine et le quartier du Front-de-Seine dans le 15e arrondissement de Paris. Le paysage urbain de Paris durant la période de la Deuxième Guerre mondiale a changé de visage sous le régime de Vichy. En 1941, le Maréchal Pétain décréta le retrait et la fonte d’une centaine de statues afin de remettre les métaux constituants dans le circuit de la production industrielle ou agricole. La pénurie de la nourriture, du charbon et de l’essence pour faire rouler les voitures conduit les Parisiens à trouver d’autres alternatives de déplacement comme le vélo. En 1942, Paris compte 2 millions de bicyclettes pour 3 millions d’habitants. Ainsi apparaissent les vélo-taxis. Après une longue stagnation de la médecine pendant la période de la Deuxième Guerre mondiale. Trois ans après la guerre, en 1948, l’Organisation mondiale de la santé a été fondée. Et la médecine reprendra ses découvertes avec l’invention du scanner, de l’échographie ainsi que la découverte de la structure de l’ADN. Durant cette période, Paris a procédé à une grande opération de désindustrialisation jusqu’à la fin du XXe siècle dans une perspective de renforcement de l’attractivité touristique et culturelle de la ville Du côté de la planification urbaine, le deuxième semestre du XXe siècle a été marqué par la réalisation du boulevard périphérique entre 1957 et 1970, la mise en œuvre des zones d’aménagement concertées crée par la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 en remplacement des ZUP avec une dernière réforme en 2000. Et ensuite, le nouveau Plan d’occupation des sols en 1977 qui a été conçu pour permettre de contrôler l’urbanisation et garantir un minimum de conditions de sécurité, de salubrité et de confort pour les nouveaux logements.
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Au XXIe siècle, la mondialisation a eu des répercussions sur les grandes villes et leurs politiques urbaines. Comme l’explique bien Gustave Massiah16, elle peut à la fois être considérée comme un risque et comme une opportunité ; « La mondialisation a en effet transformé l’urbanisation et les rapports entre le local, le global et le national, le rural et l’urbain. La crise que nous traversons peut alors être source de grands risques, mais aussi d’opportunités. » Aussi pour Gustave Massiah la remise en cause du néolibéralisme et de ce qu’il a engendré (inégalités, insécurités sociales) dès les années 1990 par de nombreux mouvements sociaux (droits au logement, lutte contre le chômage…) peut ouvrir de nouvelles voies urbaines. Paris, comme toutes les autres grandes villes a été amenée à répondre aux nouveaux défis urbains dont le plus grand est le défi environnemental. Cette période a été marquée par une prise en conscience accrue sur l’environnement. La réforme du code de l’urbanisme a imposé la prise en compte du concept du développement durable. L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a développé l’approche environnementale de l’urbanisme (AEU) pour favoriser la recherche d’un mieux environnemental et énergétique dans les pratiques urbanistiques et qui peut être adaptée à toutes les échelles du projet urbain. À côté de l’aspect économique et social, l’aspect environnemental est devenu essentiel dans l’orientation des pratiques urbaines et notamment dans la plupart des nouveaux programmes lancés à travers le monde. À Paris, ces nouvelles orientations ont été traduites d’abord par le plan vélo 2015-2020 qui a amené Paris à aménager un réseau dense de pistes cyclables puis par le lancement de l’appel à projets urbains innovants « Inventons la Métropole du Grand Paris » pour des projets plus durables ainsi que par plusieurs dispositifs comme Paris respire en 2016 qui prévoit la fermeture de certaines voies de circulation, pour donner plus de place aux piétons et aux cyclistes et un peu plus tard en 2020, la création des rues aux écoles et la généralisation de la limitation de la vitesse à 30km/h. La crise actuelle de la Covid 19 est venue (re)questionner notre relation avec l’espace public partagé et notre mode de déplacement. Cependant, selon les résultats du baromètre 2021 « des Flottes et de la Mobilité » de l’Arval Mobility Observatory, la crise sanitaire n’a pas ralenti la transition énergétique ou l’adoption de nouvelles solutions de mobilité. L’exemple le plus concret est les pistes cyclables transitoires qui ont été créées pendant la crise pour fluidifier la circulation dans les transports en commun appelés « coronapistes » qui ont été parfois pérennisés par la suite.
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Intervention de Gustave Massiah dans l’ouvrage de Françoise Lieberherr-Gardiol , German Solinis Quelles villes pour le 21e siècle ?, page 142
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DES TRANSFORMATIONS URBAINES DE PARIS DU POINT DE VUE HYGIÉNISTE 2. ÉVOLUTION DU CADRE LÉGISLATIF SANITAIRE 2.1 Les lois françaises comme instruments d’interventions urbaines en matière d’hygiène Le renforcement de la législation en matière d’hygiène et de santé publique a depuis la propagation des premières épidémies (peste, choléra…) fait partie des instruments de prévention adoptés par les différents pays. « Ces mesures de temps de peste donnent lieu à un renforcement de la législation en matière de santé, de prévention et de contrôle, prises au nom de la santé des habitants d’une ville » (Nicoud,2020) Depuis la deuxième partie du XVIIIe siècle, la réaction législative française concernant l’aménagement urbain, face aux nouveaux enjeux hygiénistes de l’époque, était déjà présente. À Paris, dès 1783, la mutation du paysage urbain et notamment de l’espace public a é té accompagnée de la création d’une réglementation sur les alignements, la largeur des voies, la hauteur des bâtiments qui va être reprise par la suite par Haussmann. À la fin du XIXe siècle, l’essor de l’hygiénisme a donné lieu aux premières lois de santé publique en France, comme mentionnée dans la frise chronologique en haut, on peut citer la loi de « tout-à-l’égout » de 1894, la loi de 1902 de création des bureaux d’hygiène, loi Cornudet… Comme résultat immédiat de l’enquête sanitaire urbaine lancée à Paris en 1900, plusieurs propositions d’ordre législatif ont été faites au Conseil municipal qui consistait à créer des lois d’expropriation ou à détruire les immeubles contaminés et créer de vastes réservoirs pour aérer et éclairer les quartiers transformés. Cependant, le conseil municipal n’a pas donné suite à ces propositions. L’utilisation des résultats du casier sanitaire des maisons à la fin de la première enquête a été jugée très limitée. Le casier sanitaire des maisons est devenu un moyen qui permet d’informer au lieu d’être un moyen qui permet d’intervenir réellement en matière d’hygiène publique. Jusqu’à cette période, les lois demeurent les véritables instruments d’interventions urbaines en matière d’hygiène. Le projet de loi qui facilite l’expropriation des maisons insalubres a été voté sur la proposition de Jules Siegfried et puis la loi de juillet. D’un autre côté, la délimitation des ilots insalubres a fait ressortir les limites de la législation en France en matière de protection des centres historiques. Une première loi a été votée en décembre 1913 et permet la protection des immeubles de grand intérêt historique ou spécial repérés par le ministère des Affaires culturelles. Cette Loi va être prolongée en mai 1930 par le vote de la loi sur la protection des sites qui présentent un intérêt artistique, historique, scientifique, pittoresque… pour lancer ensuite une série de lois de contrôle des interventions en milieu historique.
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2.2 L’intégration officielle de la notion du territoire dans les lois de santé
La notion du territoire a été réellement intégrée avec la loi 2009 HPST « Hôpital, patient, santé, territoire » qui a utilisé explicitement le mot territoire dans son intitulé. Dès les premiers temps de l’application de cette loi, le territoire est pris en compte par les Agences régionales de santé qui ont dû définir à quelle échelle elles choisissaient de découper leur région en territoires de santé. Ces derniers se définissent par l’ARS comme le regroupement de zones de proximité à partir de critères d’aménagement du territoire (route, littoral), d’équilibre des populations et de recours aux soins techniques hospitaliers. Le rapprochement de la santé et de l’urbanisme s’est accentué ces dernières années avec la prise de conscience de l’influence des politiques urbaines et d’aménagement et des lois qui en découlent sur la santé publique et sur la qualité de vie des individus. Les Villes-Santé en France font partie d’un programme européen des Villes-Santé mis en place par le bureau européen de l’OMS à Copenhague. Ils favorisent la santé et le bien-être en agissant sur les modes de gouvernance et de participation active des différents acteurs, mais surtout la création d’environnements urbains qui estompent les inégalités territoriales en termes de santé et d’hygiène. La prise en compte de l’environnement physique et de l’aménagement des territoires par le réseau Villes-Santé s’est accentués à partir de 2010, date de publication d’un ouvrage qui traite l’impact des déplacements et des mobilités actives sur la santé ainsi que plusieurs d’autres études sur l’évaluation économique et épidémiologique de la pratique de la marche et du vélo, coordonnées par l’OMS, guidée par un groupe principal d’experts multidisciplinaires et soutenus par d’importants experts internationaux.17 À l’échelle internationale, ce réseau de villes-santé cherche à familiariser une multitude de villes européennes avec le concept d’urbanisme favorable à la santé. De nombreuses actions ont été menées pour sensibiliser les urbanistes à cette question et permettre de croiser les différentes disciplines au profit de la santé urbaine. À l’échelle nationale, un intérêt croissant a été porté sur le concept d’un urbanisme favorable à la santé publique, à la démarche d’évaluation d’impact sur la santé (EIS), à l’environnement et le milieu qui joue un rôle déterminant et enfin à l’évolution des procédures réglementaires d’évaluation environnementales.
17
La liste complète de ces experts est disponible sur le site Web www.heatwalkingcycling.org
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Cependant, l’application des dispositifs des Villes-santé et leur mise en œuvre à l’échelle locale rencontrent des limites tant sur le plan politique que sur le plan technique. La concrétisation de leurs projets passe avant tout par la capacité d’établir un dialogue efficient et durable dans le temps entre les différents acteurs locaux : services municipaux, professionnels de santé, associations, citoyens… Selon le géographe Erwan Le Goff18 dans un questionnaire mené auprès des VillesSanté françaises en 2010, le taux de prise en compte de la santé dans les politiques locales varie selon le champ d’application. L’urbanisme et l’environnement demeurent en 2010, les deux champs où la santé est la moins prise en compte en France.
Figure 5 : la prise en compte de la santé dans les politiques locales en France Source : questionnaire mené auprès des Villes-Santé françaises en 2010 (E. Le Goff )
Aujourd’hui, l’urbanisme est l’un des principaux déterminants de la santé publique. Cette dernière a été souvent envisagée sous l’angle des soins et de la prise en charge médicaux. L’aménagement urbain oriente aussi bien que mal les pratiques des habitants. Il joue un rôle primordial sur la santé publique surtout en termes de prévention en favorisant les déplacements actifs des habitants, en limitant leurs expositions aux polluants et en préparant les villes à répondre en urgence aux risques sanitaires.
18
Le Goff, Erwan Professeur de géographie en CPGE littéraire et Co-président de l'association Saint-Brieuc Prépas
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2.3 La santé au cœur de l’élaboration des documents d’urbanisme et des projets d’aménagement La question de la santé publique en France, a depuis longtemps, dépendu du secteur de la médecine et ignorait tous les autres secteurs. Ce n’est qu’au moment où la notion de l’environnement humain a été remplacée par l’environnement urbain, que la santé a réussi à échapper au cloisonnement d’une seule discipline pour se trouver au croisement de beaucoup d’autres. Après la prise en compte de l’environnement urbain et le milieu de vie comme déterminant majeur de la santé publique, la voie réglementaire a intégré la prise en compte de la santé à la fois dans l’élaboration des documents d’urbanisme et dans les projets d’aménagement. La toute première directive 85/337/CEE de de 1985 du conseil européen concernant l’évaluation des effets de quelques projets publics et privés sur l’environnement, la santé des individus ainsi que la qualité de vie. Tout comme la directive du 27 juin 2001 de l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (directive EIPPE), elle s’intéressait à l’échelle locale et ne prolongeait pas son évaluation à l’échelle territoriale. La notion de la santé publique a été plus clairement intégrée dans la charte d’Aalborg20 en 1994 «… l’environnement durable suppose le maintien de la biodiversité, de la santé publique et de la qualité de l’air, de l’eau et du sol à des niveaux suffisants pour protéger durablement la vie humaine, la faune, la flore…» Le développement durable, a depuis ce temps, marqué un tournant dans les dynamiques réglementaires et législatives qui orientent les différents documents d’urbanisme surtout après les lois dites Grenelle 1 (du 3 août 2009, article 7) et Grenelle 2 (du 12 juillet 2010, articles 17 et 19) qui permet d’intégrer la notion de santé publique sous l’angle des risques sanitaires à l’habitat insalubre dans les documents d’urbanisme comme le schéma de cohérence territoriale (SCoT) et le Plan local d’urbanisme (PLU). Plusieurs autres outils de planification ont été développés dans le but d’accompagner l’évolution des nouveaux enjeux sanitaires comme les Schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS), lancés par la loi no 91-748 du 31 juillet 1991 et destinés à planifier globalement et qualitativement et quantitativement la santé publique. Les territoires de santé sont un autre outil qui élabore dans le cadre de la réforme Hôpital 2007 et qui a permis de mieux organiser les activités de santé publique et de croiser les compétences de plusieurs acteurs du secteur médical, mais aussi des élus et des acteurs locaux. L’enjeu actuel des documents d’urbanisme est l’intégration à la fois des facteurs de risques et agents d’impacts sanitaires, mais aussi des conditions de vie, et du taux de vulnérabilité des territoires afin de mieux maitriser les inégalités territoriales et faire face aux prochaines pandémies. 20
Citation tirée de la première partie concernant « la notion et les principes de durabilité », page 2
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CHAPITRE 2 : TERRITORIALISATION DU RISQUE SANITAIRE 1.
HISTOIRE DE LA SPATIALISATION DU RISQUE SANITAIRE
La territorialisation du risque sanitaire permet de prendre en compte la dimension spatiale du risque, mais aussi d’appréhender les interactions que ce dernier entretient avec un territoire ou un milieu. La reconnaissance des territoires mortifères ou dangereux a, depuis la première épidémie du choléra en 1832 jusqu’à la crise actuelle du Covid 19, fait partie des outils adoptés par les pays et les villes pour mieux maitriser les pandémies. Le fait de procéder par une classification des pays selon le degré de circulation du virus ou une classification des quartiers de la même ville selon le degré de contamination permet de se prémunir contre la contagion et mettre en place des mesures d’hygiène adaptées à chacun de ses milieux. Le milieu, défini dans le dictionnaire français comme l’environnement physique, biologique et climatique qui entoure et influence les êtres vivants, a été retenu comme cause prépondérante de propagation des maladies notamment à Paris. Le schéma ci-dessous montre que le risque sanitaire attribué à des individus donne des individus contaminés. Dès que la notion du territoire est intégrée, le risque sanitaire questionne aussi bien la santé individuelle que la santé publique, les mobilités, les espaces publics et le logement.
Figure 6 : Schéma de territorialisation du risque sanitaire au temps des pandémies – Auteur
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2. OUTILS DE LA TERRITORIALISATION DU RISQUE SANITAIRE : Avec l’évolution des pandémies à travers le monde, les outils statistiques et cartographiques qui permettent d’identifier les territoires dangereux n’ont pas cessé de se développer et se perfectionner afin de constituer une conception hygiénique de l’aménagement urbain. Parmi ces outils, on peut citer : 2.1 Le casier sanitaire et la délimitation des ilots mortifères Le casier sanitaire des maisons de Paris dès 1900 est l’un des outils qui ont validé la territorialisation du risque sanitaire en identifiant 6 îlots insalubres où la tuberculose dépassait le taux de mortalité moyen à Paris. Il a été proposé par M.Lamouroux en 1876 sans aucune suite et repris par le préfet de la seine M.Poubelle. Il comporte un certain nombre d’éléments qui permettent de mieux cerner l'état de l'immeuble. Mais qui était jugé trop contraignant et trop long. La prise en conscience de l’hygiène à Paris dans la deuxième moitié du XIXe siècle et la territorialisation du risque sanitaire a conduit la ville à délimiter les ilots dangereux, cette délimitation a contribué par la suite à dresser le fond de plan des transformations urbaines. La fréquence de propagation de la tuberculose a souligné avec force les dangers de l’insalubrité du logement, du surpeuplement et des conditions de vie de la classe ouvrière. Les idées hygiénistes prenaient de plus en plus d’ampleur et commençaient à prendre une grande place dans les débats politiques pour plusieurs raisons : d’abord, les expositions et les congrès internationaux qui traitent les problèmes de l’hygiène et de l’habitat insalubre et puis les traités sur l’hygiène sociale et de l’habitation qui ont beaucoup orienté les conceptions des architectes et des urbanistes de l’époque Du 1er janvier 1894 au 31 décembre 1904, la ville de Paris a procédé par une enquête hygiéniste en établissant le casier sanitaire des maisons de Paris en suivant le modèle du premier casier sanitaire fondé par M. Janssens à Bruxelles. Le Bureau de l'assainissement de l'habitation de la préfecture de la Seine a organisé des visites de ces maisons qui permettent de répondre aux éléments qui constituent le casier sanitaire indiqué dans le rapport du Dr Martin qui date de 1882 et qui a été allégé par la suite à cause de la difficulté de son exécution. Le casier sanitaire comporte : Un plan par terre au 1/500 qui décrit les conditions sanitaires (l’emplacement des canalisations, fosses, puits, fontaines, mode d’écoulement des eaux usées...) Une feuille de description de l’immeuble, une feuille de recensement du nombre de décès par jour, une autre qui relève les désinfections opérées, leur date et leur cause. Le résultat de l’enquête sanitaire engagée et des travaux prescrits par le Bureau de l’hygiène Des renseignements sur l’espace public notamment la largeur des rues et des voies avec le nombre d’habitants et le système d’égouts et de canalisations.
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Dans son rapport de 1905, le chef du Service Technique de l'Assainissement et de l'Habitation à la Préfecture de la Seine M.Juillerat écrit : « Au cours des recherches que nous avons entreprises à ce sujet nous avons été amenés à constater sur divers points de Paris une localisation marquée de la tuberculose et nous avons déterminé dans un premier relevé six ilots de maisons qui nous ont paru présenter une mortalité particulièrement effroyable »21 après la Première Guerre mondiale, l'enquête sanitaire a été poursuivie et a abouti à de nouvelles conclusions en déclarant insalubre chaque maison qui a connu dix décès par tuberculose sur une période de 25 ans à partir du 1er janvier 1894. Le nombre des ilots tuberculeux est passé de six à dix-sept en 1921 incluant un total de 4 290 immeubles, soit 186 594 personnes.
Figure 7 : Carte des dix-sept îlots insalubres et leur nombre d'habitants. Source : Cours “Croissance de la banlieue et diversification des espaces 1860-1940” de l’Universite Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
2.2 Les outils cartographiques internationaux Nextstrain est un projet Open Source visant à exploiter le potentiel scientifique et de santé publique des données du génome des agents pathogènes. L’objectif est d’aider à la compréhension épidémiologique et d’améliorer la réponse à l’épidémie avec des données téléchargeables. Coronavirus Country comparator est une interface dynamique permettant de comparer les pays entre eux, en termes de cas confirmés et de décès liés au Coronavirus. Cette application web est un logiciel libre et Open Source. La cartographie HeathMap’s outbreaks near me informe sur 12 catégories de maladies ; les informations sur le coronavirus font partie des maladies respiratoires. Elle intègre aussi les risques environnementaux (par exemple, les fermetures de plages en raison des eaux usées) et les maladies animales (par exemple, les renards trouvés avec la rage) 21
Rapports sur la répartition de la tuberculose pulmonaire dans les maisons de Paris - 1904
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2.3 Les profils de territoires Les profils de territoires sont un outil national récent qui valide la notion de territorialisation du risque sanitaire et qui permet d’observer la vulnérabilité des territoires. Il a été mis à disposition par la Fédération nationale des observatoires régionaux de la santé (FNORS) avec les Observatoires régionaux de la santé (ORS) comme outil d’orientation des décideurs et des acteurs locaux dans la lutte contre le virus du Covid-19. Le niveau territorial retenu est celui des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre : métropoles, communautés urbaines (CU), communautés d’agglomération (CA) et communautés de communes (CC). Plus de 1250 Profils du territoire ont été établis à l’échelle nationale, chacun de ces profils est composé de 4 pages qui permettent d’appréhender le territoire selon les différents déterminants de la santé en lien avec les facteurs de risque de gravité de la Covid-19 ou avec les situations pouvant favoriser la circulation du virus : o o o o
Caractéristiques sociodémographiques et économiques Conditions de vie Pathologies à risque de formes graves Mobilités
Une fois ces profils établis, une synthèse nationale vient compléter cette étude afin de déceler les similitudes et les particularités de chacun des territoires et de souligner ainsi les inégalités territoriales face à la propagation de la Covid-19. À la suite de cette synthèse, les territoires ont été classés en sept groupes distincts. Cette classification permet de décliner des interventions d’une manière personnalisée et d’orienter les décideurs, les acteurs et les citoyens vers une prévention adaptée aux particularités de chacun des territoires dans le but de réduire la propagation du covid-19. Le tableau ci-dessous tiré du rapport de la synthèse nationale élaborée par la Fédération nationale des Observatoires régionaux de la santé en mai 2020 cartographie ces 7 typologies des territoires nationaux selon l’ordre suivant : Représentation des territoires
Classification des territoires Classe A Population urbaine avec des vulnérabilités sociales et liées au logement 10,2 % des EPCI 12,6 millions d’habitants, soit 19,0 % de la population nationale.
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Classe B Population rurale âgée et isolée avec un bon accès aux services de la vie quotidienne, présentant moins de pathologies à risque 12,5 % des EPCI 3,5 millions d’habitants, soit 5,3 % de la population nationale. Classe C Population plutôt agée avec des vulnérabilités sociales 22,8 % des EPCI 6,4 millions d’habitants, soit 9,7 % de la population nationale. Classe D Population urbaine avec beaucoup de déplacements en transports en commun 5,0 % des EPCI 24,5 millions d’habitants, soit 36,8 % de la population nationale. Classe E Population avec des vulnérabilités sociales et sanitaires 11,8 % des EPCI 6,0 millions d’habitants, soit 9,0 % de la population nationale. Classe F Population socialement plutôt favorisée, avec des déplacements domicile-travail importants 23,7 % des EPCI 8,0 millions d’habitants, soit 12,1 % de la population nationale. Classe G Population plutôt favorisée socialement, avec des vulnérabilités sanitaires 14,0 % des EPCI 5,3 millions d’habitants, soit 8,1 % de la population nationale. Source : Fnors : Profils de territoire - Rapport de synthèse nationale / www.scoresanté.org
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Schéma : Processus d’élaboration des profils de territoires par la fnors
Profils de territoires
Caractéristiques sociodémographiques et économiques
Pathologies à risque de formes graves
Conditions de vie
Mobilités
Synthèse nationale
7 typologies de territoire
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Selon Lucie Anzivino, chargée d’études en santé environnementale et urbanisme favorable à la santé à l’Observatoire régional de la santé Auvergne-Rhône-Alpes dans son intervention à l’ESPI22, 3 conclusions majeures se déclinent de ces profils de territoires : 1- Densité et inégalités structurelles Le problème sanitaire n’est pas lié à la densité urbaine, mais plutôt aux inégalités structurelles et à la qualité de l’urbanisation 2- Logement inadapté La crise du covid-19 a mis en lumière les risques d’infection que représentent les logements inadaptés notamment pour les populations défavorisées 3- Mobilité active et organisation de l’espace public La crise du covid-19 a poussé plusieurs villes à repenser l’organisation de l’espace public et chercher à optimiser les transports en commun existants et à développer la mobilité active tout en prenant en compte les spécificités des territoires Selon la FNORS, le choix du niveau territorial s’est fondé sur les éléments suivants : o o o
Correspondance avec un niveau de décision politique Taille suffisante pour produire des indicateurs ayant une bonne robustesse Disponibilité et accessibilité des données dans un délai court
Cependant, cet outil d’aide à la décision présente plusieurs limites : D’un côté, le choix de l’échelle géographique qui ne permet pas de donner le niveau de finesse suffisant pour pouvoir adapter les orientations des acteurs concernés aux particularités de chacun des territoires surtout dans le cas de grands pôles urbains. D’un autre côté, le choix des 35 indicateurs s’est basé sur des sources de données disponibles pour et accessibles de façon systématique. Ce qui exclut d’autres indicateurs moins accessibles pour toutes les régions françaises.
Intervention de Lucie Anzivino dans la journée d’étude sur le thème « Dynamiques urbaines et résilience dans un contexte d’épidémie » organisée par L'École Supérieure des Professions Immobilières le 11 mars 2021 22
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3. LES ATTRIBUTS TERRITORIAUX ET LA POLLUTION DE L’AIR AU TEMPS DE L’ÉPIDÉMIE Hypothèse : existence d’un lien de corrélation fort entre la pollution et le taux d’incidence et de mortalité liés au covid 19
La succession des épidémies à travers le temps a soulevé plusieurs questions, notamment celle des inégalités de propagation des virus entre les différents territoires ainsi que le taux de mortalité et d’incidence. Dans le cas de la pandémie de COVID-19, le premier constat de la répartition des foyers épidémiques correspondait à des territoires où le taux de pollution est très élevé. Parmi les hypothèses avancées par les scientifiques, l’existence d’un lien de corrélation fort entre la pollution et le taux d’incidence et de mortalité liés au covid 19 notamment en France. Les particules atmosphériques fines et ultrafines PM 10 et PM 2,5 ont été tout particulièrement suspectées de servir à la fois de support à la propagation du virus et de facteur d’aggravation de la maladie. Plusieurs articles scientifiques à travers le monde, rédigés pendant la crise sanitaire, traitent le sujet de la pollution atmosphérique en lien avec la propagation du virus du covid-19. La première étude de Ricardi Pansini et David Fornacca « Early Spread of covid-19 in the Air-Polluted Regions « concerne 8 pays différents à un moment qui correspondait à la fin de la première vague d'infection en Chine, juin 2020. Elle permet d’étudier le caractère géographique de la propagation du virus en corrélation avec plusieurs indices satellitaires et terrestres annuels de la qualité de l'air en Chine, aux États-Unis, en Italie, en Iran, en France, en Espagne, en Allemagne et au Royaume-Uni. (Figure 3) Les premiers résultats de cette étude montrent qu’il y a plus d'infections virales dans les zones touchées par des valeurs élevées de PM 2,5 et de dioxyde d'azote. Une mortalité plus élevée était également corrélée à une qualité de l'air relativement médiocre. En Italie, notamment dans sa région nord très industrialisée, la correspondance entre la pollution de l’air et les infections par le SRAS-CoV-2 et la mortalité induite a été plus frappante qu’en Espagne ou en Allemagne où le taux de pollution est moins important. La deuxième étude observationnelle sur le rôle potentiel des particules dans la propagation du COVID-19 dans le nord de l'Italie est réalisée par plusieurs scientifiques sous la direction de Leonardo Setti. Ils se sont basés sur l’analyse des données quotidiennes relatives aux niveaux ambiants de PM 10, aux conditions urbaines et à l'incidence du COVID-19 de toutes les provinces italiennes, afin d’évaluer l'association potentielle entre les dépassements de particules (PM) et la propagation du COVID-19 en Italie. Le résultat de cette étude est une association significative entre la répartition géographique des dépassements quotidiens de PM 10 et la propagation initiale du COVID-19 dans les 110 provinces italiennes. Les provinces les moins polluées avaient une médiane de 0,03 infection sur 1000 habitants, tandis que les provinces les plus polluées affichaient une médiane de 0,26 cas.
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Covid-19 élevé / PM 2,5 élevée
Covid-19 faible / PM 2,5 faible
Covid-19 élevé / PM 2,5 faible
Covid-19 faible / PM 2,5 élevé
Figure 8 : Cartes des 4 types de relations spatiales significatives entre Covid-19 et PM 2,5 dans 8 pays : Source : Article de Ricardi PANSINI et David FORNACCA - Early Spread of COVID-19 in the Air-Polluted Regions of Eight Severely Affected Countries
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Dans un autre contexte, aux États-Unis et à une échelle plus restreinte du quartier Queens à New York, l’article de Atin Adhikari et Yin Jingjing s’intéresse aux effets à court terme de l'ozone ambiant, des PM 2,5 et des facteurs météorologiques sur les cas confirmés de COVID-19 et les décès. Les résultats de cette étude concluent que les expositions à court terme à l'ozone et à d'autres facteurs météorologiques dans le périmètre de Queens pourraient être associées à la transmission du COVID19 et à l'initiation de la maladie pendant la période d'observation jusqu'au 20 avril 2020, mais l'aggravation de la maladie et la mortalité dépendent d'autres facteurs. Une autre étude intitulée « Air pollution and COVID-19 : Is the connect worth its weight? » de Arun kumar Sharma et Palak Balyan permet d’examiner les preuves existantes sur le rôle des particules polluantes dans la transmission du SRAS-CoV2 et vérifie si les PM 2,5 et d'autres petites particules transportent des particules virales viables dans l'air et si ils sont incriminés dans la propagation de la rougeole et du coronavirus du SRAS. L’étude de Antonio Frontera, Lorenzo Cianfanelli, Konstantinos Viachos, Giobanni Landoni et George Cremona « Severe air pollution links to higher mortality in COVID-19 patients : The "double-hit" hypothesis » avance une hypothèse du double impact : l'exposition chronique aux PM 2,5 provoque une surexpression du récepteur alvéolaire ACE-2 qui peut augmenter la charge virale chez les patients exposés à des polluants, épuise les récepteurs ACE-2 et altère les défenses du corps. Un NO2 atmosphérique élevé peut fournir un deuxième coup provoquant une forme grave de SRAS-CoV-2 dans les poumons appauvris en ACE-2, entraînant un résultat pire.
Le tableau ci-dessous montre la multitude des articles scientifiques publiés pendant la période de la pandémie et qui concerne différents pays et régions à travers le monde
Tableau : Les articles scientifiques liés à la pollution de l’air et à la covid 19
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En partant du constat des différences remarquables en termes de taux de propagation du COVID-19 dans le monde, une étude de la relation entre la pollution de l'air et les décès liés au COVID-19 sous la direction de Cosimo Magazzino, permet d’évaluer l'influence potentielle de la pollution atmosphérique comme facteur contribuant à la mortalité par COVID-19 sur la période du 18 mars au 27 avril 2020 soit 41 jours consécutifs d’observation pour trois grandes villes françaises : Paris, Lyon et Marseille L’interprétation des résultats de cette étude confirme l'hypothèse selon laquelle la matière particulaire agit comme un "porteur" en transportant le virus qui coagule à la surface des particules sur une plus longue distance puisque les particules ont au moins une douzaine de fois plus de diamètres que le virus. Les cartes ci-dessous, basées principalement sur des statistiques INSEE et des données de santé publique en France qui datent de février 2021 montre la relation entre la densité, le taux de pollution et le taux d’incidence et de mortalité et surtout la superposition frappante entre le taux d’incidence et le taux de pollution en France notamment en Île-de-France, Hauts-de France et au sud-est.
Figure 9 : Source : Taux d’incidence et de mortalité : Santé publique France – février 2021 Source : Densité de population : INSEE 2017 Source : Taux de pollution PM 2,5 Atmos France 2019
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Cette première partie est une manière d’éclairer notre présent à la lumière du passé. Le retour effectué sur les éventements sanitaires marquants l’histoire de la ville de Paris ainsi que sur les effets des pandémies sur l’espace urbain depuis le premier récit de la « peste d’Athènes » dans la Grèce antique jusqu’à l’émergence de la pandémie de la Covid-19 en passant par les grandes épidémies du Moyen-Âge en Europe nous permet de mettre la crise actuelle dans son contexte théorique.
La deuxième partie de ce mémoire est une étude de la crise sanitaire actuelle, la façon avec laquelle elle a influencé les doctrines et les techniques de l’urbanisme, surtout en termes d’interventions dans le domaine public pendant et après la pandémie. L’étude de plusieurs exemples nous permettra de tester l’hypothèse de départ en s’appuyant sur les différents entretiens effectués avec des experts du domaine.
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PARTIE II
DES TRANSFORMATIONS URBAINES AUX TRANSFORMATIONS D’USAGES A PARIS
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CHAPITRE 1 : TRANSFORMATIONS DES ILOTS ET MÉTABOLISME URBAIN 1.
LES FORMES URBAINES ET LA DENSITÉ DE L’ILOT INSALUBRE 16
Comme cité auparavant dans l’introduction, la délimitation des ilots insalubres s’inscrit dans un contexte historique, social et politique associé aux préoccupations hygiénistes à cause de l’expansion de plusieurs maladies contagieuses et surtout la tuberculose à Paris. Dès 1824, le souci d’hygiène publique préoccupe la ville de Paris. Le docteur Claude Lachaise a publié une topographie médicale de la capitale en1824 où il écrit : « La police de salubrité n’est donc, à proprement parler, que l’hygiène publique mise en action ; elle recherche et surveille toutes les causes qui peuvent altérer la santé publique, pour les détruire ou les éloigner, les suspendre ou les affaiblir ; elle s’exerce en conséquence sur l’habitation du citoyen, sur l’air qu’il respire, les aliments dont il se nourrit, et même sur ses habitudes sociales »23 La notion de l’insalubrité a beaucoup évolué dans le contexte urbain et juridique parisien. Cette évolution a permis la constitution d'un savoir sur l'hygiène publique et dans l'intervention urbaine. Les deux catégories de pensées sur l’insalubrité qui se sont succédé dans le temps, et qui ont été présentées par Yankel Fijalkow dans son ouvrage sur les ilots insalubres 24, abordent, d’un côté l’analyse du milieu selon les topographies médicales entre 1776 et 1850, qui permet d’aller au-delà du caractère physique du milieu comme le climat, la géologie et l’hydrologie et de s’appuyer sur une géographie des milieux qui ne fait pas abstraction de l'homme et de son activité et d’un autre côté, l'insalubrité (1850 et 1870), centrée sur le ménage, qui permet de compter les taudis avec les états sanitaires, de quantifier les conditions de vie : de connaître la superficie des logements, le nombre de membres des familles et d'en déduire des degrés de peuplement. Les résultats de ces deux analyses ont souligné des problèmes de densité, d’entassement des familles et de conditions de logement. Selon l’enquête de 1919 présentée dans un mémoire préfectoral du 23 décembre 1921, la situation sanitaire parisienne s’est aggravée avec la détérioration de la situation économique à cause de la Première Guerre mondiale. Le nombre des ilots insalubres est passé donc de 6 à 17 ilots avec plus de 4200 immeubles. L’îlot insalubre N16 correspond au 4e arrondissement de Paris ; plateau Beaubourg et quartier du Marais désigné administrativement insalubre de 1921 à 1965. Il est classé 16e dans la liste par rapport à la mortalité par tuberculose. Entre un projet radical prévoyant la démolition quasi totale de l’îlot dans les années 1930 et un projet de conservation et restauration du tissu urbain ancien, le sujet des interventions urbaines dans l’ilot insalubre N16 a fait l’objet de plusieurs débats et discussions. Cité dans l’ouvrage de J. LUCAN, Eaux et gaz à tous les étages, op. cit. p.8 La construction des ilots insalubres - Paris 1850-1945 de Yankel Fijalkow comme prolongement de sa thèse de doctorat soutenue en 1994 intitulée : Mesurer l'hygiène urbaine. Logements et îlots insalubres, Paris 1850-1945 23 24
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Avant de détailler les différentes propositions d’interventions, il est primordial de comprendre les conditions de vie urbaine à l’époque qui expliquent la forte densité au centre de Paris. En fait, plusieurs professions au XIXe siècle étaient soumises à un recrutement journalier et à une embauche sur la place publique. La classe ouvrière trouvait plusieurs contraintes de déplacement dues aux couts chers des transports d’un côté, et des formes urbaines et des rues tortueuses qui rendaient la circulation à pied difficile d’un autre côté. L’entassement du logement est donc né des besoins de la classe ouvrière d’habiter le plus près possible des lieux de travail et de travailler le plus près possible des lieux d’habitations d’où les encombrements des centres d’ilots des immeubles avec des constructions précaires parasitaires. (Figures ci-dessous). Le Docteur Henri Meding a décrit les conditions du logement et de déplacement de l’ilot 16 dans son essai sur la topographie médicale : « Ses rues principales sont larges, mais toutes ne sont pas dans l’alignement. Les autres rues sont étroites et noires… les maisons sont pour ainsi dire bourrées d’habitants. Le plus petit trou, sous les combles, est loué à des ouvriers tailleurs, à des garçons de restaurant ou à des ouvrières qui tiennent à se rapprocher de l’endroit où elles travaillent. »
Figure 10 : Centre d’îlot d’immeubles encombré de constructions précaires de l’îlot insalubre n°16. Source : Archives de la Cité patrimoine et de l’architecture25 25
Figure 11 : Maquette des environs de l’Hôtel de Sens à la fin du XIXe siècle Source : Photographie prise par Noémie Aureau au musée Carnavalet26
Archives de la Cité patrimoine et de l’architecture ; cote : B6.2 Laprade Albert LAPRA/J/42/1 317 AA 10/4
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Mémoire de recherche - Noémie Aureau - ENSAPVS L’îlot insalubre n°16 , Saint-Gervais Saint-Paul à Paris : une métamorphose urbaine, architecturale et sociologique
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1.1 Un projet de démolition quasi-totale de l’ilot insalubre n°16
Les premières intentions d’intervention urbaine dans l’ilot insalubre n°16 consistaient à faire table rase de l’existant et de reconstruire un nouveau quartier autour des monuments religieux d’un un grand intérêt historique comme l’église Saint-Paul, de démolir tous les immeubles du quartier et projeter un nouveau tracé de voirie qui n’a aucun lien avec le tracé des rues anciennes. Comme l’explique bien Pierre Paquet « La première [conception] tendait à une démolition presque complète des immeubles existants, à l’exception cependant des édifices religieux, et à cette exception s’associait le souci de tirer un parti utilitaire des terrains, sur lesquels étaient partout des constructions neuves et un vaste bâtiment pour les services de la Préfecture de la Seine. Elle entraînait la disparition de tous les vieux hôtels et concevait l’aménagement de tout le quartier sur un plan entièrement nouveau. »27 La proposition des « architectes indépendants réunis », dirigés par André Hill et Henri Bodecher, avait fait une proposition d’aménagement de l’ilot n°16 en dégageant le maximum de vues et en laissant pénétrer la lumière et l’air dans tous les nouveaux bâtiments comme le montrent les figures ci-dessous.
Figure 12 : Projet des architectes indépendants réunis pour l’ilot n°16 Source : l’architecture Française. Source : Mémoire Roberto Almeida et Partin De Caro. « Les ilots insalubres de Paris »
MINOST, Maurice, « La résurrection de l’îlot jardin Saint-Paul », Connaissance de Paris, n°18, 1973. Source : Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, cote 2005/023/0002 27
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Figures 13: Aménagement ’de l’îlot insalubre n°16, d’après Jean- Charles Moreux, L’Illustration, 24 mai 1941 Source : Paris le marais -psmv - rapport de présentation partie 1b
Une autre volonté a été d’inscrire l’aménagement de l’ilot dans un cadre très vaste et de l’intégrer au programme de création d’une traversée de verdure est-ouest, joignant les bois de Vincennes et les bois de Boulogne avec la création d’un parc sur l’emplacement de l’ilot et l’aménagement des bords de la seine (figure ci-dessous).
Figure 14 : Proposition de la préfecture de la seine d’une promenade monumentale des rives de la Seine Source : Mémoire Roberto Almeida et Partin De Caro. « Les ilots insalubres de Paris »
Dès que le projet de démolition radicale a été révélé au public, il a créé une grande polémique autour du sujet de protection du patrimoine artistique et historique accompagnée de plusieurs protestations de la part de la commission du vieux Paris, des architectes, des urbanistes, mais aussi des écrivains, des artistes, journalistes et couronnée par une pétition signée par 800 personnes envoyée au Maréchal Pétain.
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1.2 Un projet de réhabilitation et de sauvegarde de l’ilot insalubre n°16 En réaction aux protestations contre le plan initial, un nouveau plan d’aménagement A été proposé par les trois architectes Robert Danis, Albert Laprade et Michel Roux-Spitz, désignés par arrêté préfectoral le 21 février 1944. La méthode de réaménagement proposé pour l’ilot est celle du curetage qui est devenue très répandue dès les années 40 et qui consiste à assainir les bâtiments sans nuire à leur aspect extérieur. À la recherche d'une évolution moins brutale et plus progressive, les transformations urbaines ont donc pris plusieurs formes allant de l’éradication des constructions parasitaires qui encombrent les cœurs d’ilots et d’hôtels afin de restaurer l’ensoleillement et l’aération de tous les bâtiments jusqu’à la conservation que des façades sur rue, renforcées parfois par des ossatures de fer ou de béton.
Figures 15 : Aménagement ’de l’îlot insalubre n°16, d’après Robert Auzelle dans Destinée de Paris 1943
Albert Laprade s’est opposé fortement au premier projet du « tout-à-jeter », et soutient une autre manière de faire plus douce et moins radicale en s’inspirant de l’exemple de la ville de Berne et en rétablissant la santé des maisons par des soins pour les ilots du centre de Paris. Le souci de l’existant et le maintien du caractère archéologique et la conservation du patrimoine historique et artistique ont été au cœur des éléments de doctrines qui guidaient la réalisation du nouveau projet. En procédant aux différentes expropriations, la préfecture de la Seine avait comme intention non seulement le curetage du bâti, mais également celui de la population la plus défavorable. La raison hygiéniste avancée au grand public et la volonté d’aérer les ensembles d’immeubles et de libérer les cours intérieures en y aménageant des jardins cachaient une raison sociale moins avouée de chasser les étrangers de race juive principalement qui occupaient les lieux à l’époque et de privilégier l’attribution des logements aux artistes et savants. La Cité internationale des Arts, construite de 1960 à 1965 par l’architecte Paul Tournon sur le quai de l’Hôtel-de-Ville face à la Seine, fait partie des premiers projets qui ont concrétisé cette métamorphose sociologique du quartier puisqu’elle permettait d’accueillir des artistes professionnels venus du monde entier dans 291 ateliers-logements.
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Le premier plan de la figure ci-dessus montre les masses construites avant toute démolition. Les surfaces blanches indiquent les cours qui assuraient seules la respiration du quartier. Le troisième plan de l’ilot indique les masses construites et les espaces libres après transformation et curetage du quartier. Pour des soucis d’hygiène et d’aération, l’aménagement des jardins des vieux hôtels et des jardins d'enfants et des cours qui permettent l'ensoleillement des toutes les habitations et constituent des lieux de repos accessible au public et placé à l'abri des circulations et des poussières. Les ilots proposés par Michel Roux-Spitz assuraient une ouverture maximale et s’articulent autour des jardins des hôtels. Comme le montre le 4 e plan de la figure cidessus, la végétation est davantage plus présente dans la nouvelle proposition dans le but d’assurer un cadre de vie plus sain pour les habitants. Les immeubles sont reconstruits à l’identique, avec façade déplacée ou sont accompagnés de nouveaux immeubles d’accompagnement en harmonie avec celles de leurs voisins.
Figure 16 : Projet de A. Laprade, M. Roux-Spitz, et R. Danis architectes, 1943, L'architecture française, n°41, mars 1944. Source : Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, cote 2005/023/0002.
Figure 17 : Projet de Michel Roux-Spitz pour la rue de la reconstruction de la rue de la Mortellerie (emplacement actuel de la cité des arts).
À ce moment-là, il apparait pour la première fois dans le n°41 de « L'architecture française » le terme de l’urbanisme de la santé, du relogement sans massacre. Un urbanisme qui met la santé et le bien-être au centre des propositions d’aménagement.
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2. LES TRANSFORMATIONS DU MÉTABOLISME URBAIN Le métabolisme urbain, tel qu’il est défini par Sabine Barles, désigne l’ensemble des processus par lesquels les villes mobilisent, consomment et transforment ces ressources naturelles. Il a des conséquences amont et aval en termes de prélèvements d’énergie et de matières premières et de rejets de matières de rebut (vers l’atmosphère, l’eau et les sols, sous forme liquide, solide, gazeuse), avec de multiples impacts pour les écosystèmes et plus généralement la biosphère. La relation biosphère/société existait depuis les débuts de la civilisation. L'homme a modifié les processus naturels de son milieu en puisant dans les réserves organiques des écosystèmes. Pour l’écologue Franck Courchamp, l'humain favorise lui-même les catastrophes pandémiques en appauvrissant les ressources et en dégradant la biodiversité dont les parasites font partie intégrante. La propagation des pandémies à Paris, comme dans les villes denses du XXIe siècle, a été associée par plusieurs chercheurs à la dégradation de l’environnement et l’épuisement des ressources surtout que, comme l’explique Sabine Barles, le métabolisme urbain parisien est caractérisé par une externalisation quasi totale de la matière avec une forte dépendance énergétique et alimentaire et aussi par une linéarisation de la matière avec le recyclage très faible. À l’échelle internationale, les dernières années ont connu une croissance dans la prise de conscience environnementale et le souci d’améliorer le cadre de vie des habitants en réduisant l’impact environnemental des habitats, en remettant la nature en ville, en s’assurant de la qualité de l’eau et de l’air et en adaptant la ville à de possibles catastrophes climatiques. La pandémie de la Covid19 est venue bouleverser plusieurs projets et dispositifs qui étaient en cours, qui semblaient pertinents dans un contexte différent de celui de la crise sanitaire. Les exemples étudiés par la suite, étalés sur des échelles très différentes, permettent de tester l’hypothèse de départ qui considère les crises sanitaires comme un des facteurs d’accélération et d’évolution des intentions de transformation urbaine. 2.1 Le réseau de collecte et de recyclage des urines Le cas de la ZAC saint Vincent-de-Paul 2.2 La suppression du réseau non potable Le cas de la ville de Paris 2.3 La transition agricole et alimentaire Le cas de la région Île-de-France 2.4 Réseau OBEPINE Surveillance des virus Le cas de la France
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2.1 Le réseau de collecte et de recyclage des urines : Le cas de la ZAC saint Vincent-de-Paul Le quartier Saint Vincent-de-Paul, situé au 14e arrondissement de Paris encadré des jardins de congrégations religieuses, de l’Observatoire de Paris et de la Fondation Cartier. Le nouveau projet prend place dans un site riche en histoire, qui a vu plusieurs occupations se succéder dans le temps ; d’une maison religieuse dédiée au noviciat en 1650 à la naissance de l’hôpital public à partir des années 1930 en passant par une maternité et en maison d'allaitement en 1795. Le patrimoine paysager du quartier constitue lui aussi un domaine riche avec une trame paysagère très développée. Avant même le début du nouveau projet d’aménagement, depuis 2012, les Grands Voisins ont développé un programme d’occupation temporaire plus inclusif, plus durable et plus solidaire en ouvrant 15 000 m² d'espaces au public, en abritant 600 résidents et en ouvrant des espaces de travail pour 200 associations et jeunes entreprises innovantes. L’aménageur désigné par la Ville de Paris : Paris & Métropole Aménagement a fait le choix de prolonger cet esprit inclusif, durable et innovant dans la future mutation du site avec un double objectif de réduction maximale de l’empreinte carbone et de développement de l’économie circulaire. Parmi les partis pris dans le nouvel aménagement, l’installation d’un système de récupération et de recyclage des urines avec une petite usine de fabrication d’engrais sur site. Différentes techniques ont été engagées pour séparer l’urine à la source et ainsi éviter sa dilution dans les eaux usées et sa contamination par d’autres rejets : toilette à séparation, urinoir sec… Du point de vue environnemental, ce projet permet de rendre le métabolisme urbain circulaire et limiter les rejets dans la rivière. Aujourd’hui, avec la crise sanitaire, Le projet a été remis en question vu le grand risque de contamination. Dans le contexte de la Covid 19 et d’après une étude réalisée en 2020 par l’institut de la santé respiratoire de Guangzhou28 le 25 janvier 2020, L’échantillon d'urine d’un patient admis au huitième hôpital populaire de l'Université médicale de Guangzhou pour toux et fièvre a été testé positif pour l'ARN du SRAS-CoV-2 au jour 12 après l'infection (5 février) pour la première fois et a périodiquement montré des résultats positifs au test RT-PCR jusqu'au 6 mars.
Sun J, Zhu A, Li H, Zheng K, Zhuang Z, Chen Z, et coll. « Isolation of infectious SARS-CoV-2 from urine of a COVID-19 patient », Emerg Microbes Infect, 2020, vol. 9, no 1, p. 991 à 993. Disponible à : https://doi.org/10.1080/22221751.2020.1760144. 28
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Figure 18 : Axonométrie de la Zac Saint Vincent-de-Paul - Illustration Diane Berg
Figure 19 : Panneau d’information et de sensibilisation de la Zac Saint Vincent-de-Paul
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2.2 La gestion des eaux usées : La suppression du réseau non potable de la ville de Paris La ville de Paris, a hérité du XIXe siècle, un double réseau d’eau qui lui permet de satisfaire tous les besoins en eu de la métropole. Le sous-sol de la capitale abrite un réseau d’eau non potable distinct de celui d’eau potable. L’eau non potable, principalement alimentée par les eaux du canal de l’Ourcq, complétées de prélèvements en Marne et en Seine, est utilisée pour l’arrosage des parcs et jardins et des cimetières, le remplissage des rivières et des lacs artificiels, le nettoyage des rues par quelque 17.000 bouches de lavage et pour les activités industrielles… Le réseau d’eau non potable a été réhabilité et défendu à plusieurs reprises par le conseil de Paris pour plusieurs raisons écologiques et économiques, d’abord, elle demande peu d’énergie pour circuler dans le réseau parce qu'elle bénéficie d'un système gravitaire puis les couts de traitement sont moins onéreux puisque l’eau est simplement filtrée par dégrillage pour empêcher le passage des gros déchets et tamisée ensuite pour filtrer les petites particules et enfin elle permet de faire des économies en termes de consommation d’eau potable. Le début du XXIe siècle a connu une réduction remarquable dans les besoins en eau non potable et la dégradation du système dédié à sa distribution a mis la question de la suppression de ce réseau sur le devant de la scène. La ville de Paris a organisé ainsi une conférence de consensus à ce sujet en décembre 2009. Le réseau des services de santé avait avancé plusieurs arguments qui prouvent que l’eau non potable, au contact avec le sol, crée des aérosols et donc cette eau, si elle est contaminée, peut-être dangereuse pour la santé des passants et des habitants. Ces arguments n’étaient pas retenus à l’époque parce que le risque de contamination de cette eau semblait loin. Aujourd’hui, avec la crise sanitaire, et après l’annonce de la mairie de Paris en avril 2020, qui affirme que le laboratoire de la régie municipale Eau de Paris a retrouvé des « traces infimes » de la Covid-19 dans le réseau d'eau non potable de la ville, ces mêmes arguments de contamination peuvent sembler plus pertinentes. 13 ans plus tard, si cette question de suppression du réseau non potable est reposée sur table, les conclusions pourraient être différentes.
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Figure 20 : Préconisations d’évolution des méthodes de nettoiement de l’espace public parisien Source : Etude sur le devenir du réseau non potable par l’APUR
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2.3 La transition agricole et alimentaire : Le recours aux circuits courts alimentaires en Île-de-France La région Île-de-France s’est engagée depuis plusieurs années dans une politique de transition agricole et alimentaire afin de répondre aux enjeux de changement climatique, de préservation des ressources, aux enjeux démographiques de renouvellement des générations d’agriculteurs, aux enjeux économiques de répartition équitable de la valeur et des revenus et enfin aux enjeux de dialogue et de compréhension mutuelle entre agriculteurs et consommateurs dans un monde très connecté. L’étude prospective de 2016 sur les comportements alimentaires de demain par FranceAgriMer et le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, a identifié plusieurs axes d’évolution, dans les pratiques et les comportements alimentaires des Français dont la tendance vers l’amplification des considérations de santé, bienêtre et naturel dans l’alimentation. Au début de la crise sanitaire, et notamment avec le confinement, le recours à la consommation locale et aux circuits courts a été amplifié. À l’échelle nationale, un record a été atteint en 2020, 64% des Français ont consommé des produits issus des circuits courts selon le baromètre Pourdebon.com x Kantar réalisés en juin 2021, surtout les jeunes de 18 à 24 ans. Selon le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, “cette crise nous démontre la nécessité d’accélérer la transition écologique et de relocaliser les productions pour garantir la sécurité alimentaire européenne”29
Figure 21 : Circuits alimentaires de proximité inspirée de l’illustration de Yuna Chiffoleau et Catherine Foucaud-Scheunmann
29
Libération, 2 avril 2020
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2.4 La surveillance des virus dans les eaux usées : réseau OBEPINE : Le cas de la France Le consortium OBEPINE est créé en avril 2020, en pleine première vague de coronavirus après la décision du comité Analyse, Recherche et Expertise (Care) Covid19 de regrouper trois groupes de recherche qui avaient proposé d’analyser les eaux usées comme outil de surveillance épidémiologique. Ce réseau a permis de fédérer plusieurs projets de recherche ayant pour objectif commun de proposer un suivi macro-épidémiologique de l’épidémie de COVID-19 en analysant la présence du SARS-CoV-2 dans les eaux usées. Il permet une détection précoce de l’épidémie. Au début, le réseau comptait sur une trentaine de stations d’épurations pour fournir les premiers résultats. Dix-huit mois plus tard, les scientifiques travaillent avec environ 150 stations. Depuis juillet 2020, l’Académie Nationale de Médecine préconisait d’étendre cette surveillance systématique à d’autres virus (myxovirus, rotavirus, virus respiratoire syncytial…) La question de la pérennisation de ce dispositif est donc aujourd’hui discutée en constituant des banques d’échantillons d’eaux usées congelés et conservés sur plusieurs mois pour : •
Prévoir à l’avance les évolutions concernant la propagation du virus SARS CoV 2 et anticiper même la survenue de toute nouvelle épidémie afin de prendre les mesures nécessaires.
•
Permettre de faire une analyse génétique temporelle des souches en circulation et d’évaluer leur évolution.
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Figure 22 : évolution des traces du virus Sars Cov 2 dans les eaux usées en IDF
Le schéma ci-dessous montre l’évolution des traces du covid 19 dans les eaux usées en Île-de-France relevées par le réseau OBEPINE en janvier 2021 et qui correspondait à l’évolution du nombre de cas positifs déclarés en Île-de-France dans la même période.
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CHAPITRE 2 : MUTATIONS DES USAGES ET DES PRATIQUES DE L’ESPACE PUBLIC 1. MUTATION DU STATUT DE LA RUE PARISIENNE PENDANT LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXE SIÈCLE La rue parisienne a connu au XIXe siècle de très nombreuses transformations qui concernent à la fois les usages et les pratiques que la réglementation dont elle fait l’objet pour répondre aux enjeux de circulation, mais aussi d’hygiène. En commençant par les mutations du statut de la rue parisienne au moment de l’expansion de la deuxième pandémie de choléra en Europe. Le texte de loi 1829 pose comme principe que la rue est un espace public, dédié à la circulation, que toute occupation privative est une exception soumise à autorisation, et que les chantiers de travaux qui s’y déroulent doivent respecter des règles destinées à prévenir les accidents. L’espace public parisien, et plus particulièrement les rues ont été tellement encombrées qu’il est devenu difficile de circuler, ce qui a participé en grande partie à l’insalubrité des quartiers. Le principe de base des premières mutations reposait sur l'élargissement des voies tout en préservant une unité d'échelle des rues de Paris. En mettant l’hygiène au cœur du débat, le but était de rendre l'air plus salubre et de faciliter la circulation des personnes. Le décret de 1884 définit les hauteurs des façades autorisées en fonction de la largeur des rues :
Largeur de la rue
Hauteur maximale
Inférieure à 7,80 m
12 m
Entre 7,80 m et 9,74 m
15 m
Entre 9,75 m et 20 m
18 m
Supérieure à 20 m
20 m
Source : APUR - Réglements et tissus urbains, 1973 https://50ans.apur.org/
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Ces règlements d’élargissement ont été accompagnés d’un développement du système des égouts et d’assainissement ainsi que l'obligation d'abonnement aux eaux de la ville et de la prise en charge des frais d'établissement des premiers trottoirs par les riverains. Cette réglementation a permis de redéfinir les limites entre l’espace public et l’espace privé et a servi comme base pour le modèle de l’espace public actuel.
Figure 23 : Voie Philippe Auguste – pavage en pierre XIXe siècle
Deux grands enjeux ont orienté l’évolution des pratiques et des usages de l’espace public parisien au XIXe siècle et ont continué à le faire pendant plus d’un siècle, les préoccupations hygiénistes mis en évidence par l’épidémie du choléra et l’apparition de nouveaux modes de transports en commun qui a permis la réorganisation des circuits domicile/travail. Au cours du XIXe siècle, Paris est passée d’un transport individuel très restreint et un transport de marchandises dominant à la généralisation du transport en commun sous ordonnance de la police en janvier 1828 dans une politique d’intensification de la circulation accompagnée par une diversification de l’offre de transport (voir tableau ci-dessous)
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« L’établissement, dans Paris, de voitures pouvant contenir un grand nombre de personnes, et destinées à transporter, à bas prix, les habitants de certains points de la ville à d’autres points également fixés, en suivant des itinéraires tracés par l’administration »
Tableau : Le parc de véhicules parisiens, XIXe siècle - Recherches statistiques sur la ville de Paris et le département de la Seine, 1821 Armand Husson
Les nouveaux aménagements urbains à l’époque se sont aussi inscrits dans cette politique d’intensification de la circulation pour une rue plus efficace au détriment de toutes les activités sociales et les usages qui ont été jugés indésirables par la Préfecture de Police telle que les arts de la rue et les manifestations politiques.
« Le spectacle si varié de la rue, avec les cortèges, les processions, les cérémonies civiles et religieuses, les fêtes populaires, les baladins et les chanteurs des rues […], avec les cris des métiers, avec les enseignes qui sont le reflet des idées et des mœurs » BAILLÈRE, La rue Hautefeuille, son Histoire et ses habitants (Propriétaires et locataires) 1252-1901, Contribution à l’histoire des rues
Figure 24 : Estampe, Honoré Daumier. Jeu de ballon sur les Champs Élysées. Paul de Kock, Paris, Bibliothèque du musée d’Orsay.
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2. ÉVOLUTION DES USAGES ET PRATIQUES DE L’ESPACE PUBLIC AVANT ET APRES LA COVID 19 Les espaces publics désignent « la partie du domaine public non bâti affecté à des usages publics » (Choay et Merlin, 1988), c’est-à-dire l’ensemble des lieux accessibles et gratuits où les individus se croisent, se rencontrent et échangent. Ils renvoient aux rues, aux avenues, aux places, aux parvis, aux boulevards, aux jardins, aux parcs, aux parkings, etc., autant de lieux qui peuvent occuper simultanément des fonctions diverses. La définition juridique de l'espace public a beaucoup évolué dans l'espace et dans le temps, et continuera d’évoluer. En urbanisme, la définition générale implique un état de droit qui garantisse les droits et libertés des citoyens dans le domaine public, dont la liberté de circulation. Depuis l’Antiquité, la notion de l’espace public a été liée au rassemblement, à la liberté d’expression politique et aux échanges. Aujourd’hui, l’espace public est par excellence un lieu de cohabitation et de confrontation de différents usages et usagers et la notion de la santé publique fait partie intégrante des enjeux d’aménagement de cet espace. Plusieurs déterminants de la santé interviennent dans l’évolution de l’aménagement des espaces publics : - La qualité de l’air de façon à favoriser les mobilités actives et minimiser l’utilisation des véhicules. - La qualité et la gestion de l’eau de façon à favoriser les chemins court ainsi que l’infiltration des eaux pluviales. - La qualité des sols en tenant en compte la vulnérabilité des personnes qui se rendent à ces espaces. - L’environnement sonore de façon à protéger les usagers des nuisances sonores - La température en minimisant l’effet d’ilot de chaleur urbain - La sécurité en assurant toutes les conditions qui permettent aux usagers de pratiquer l’espace en toute sérénité. Plusieurs d’autres déterminants comme les interactions sociales, l’activité physique, l’alimentation, l’accessibilité... favorisent non seulement la santé mentale et physique des individus, mais agissent surtout sur la santé publique.
Figure 25 : Représentation graphique des liens entre thématiques d'aménagement et déterminants de santé Source : Guide sur les espaces publics- projet ISadOrA
L’espace public au XXIe siècle est marqué par le passage d’un espace public aux
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services des systèmes de déplacement et de réseaux à un espace public au service d’une ville en mouvement et durable. L’étude de l’APUR de 2010 permet d’étudier ce constat à travers l’étude de plusieurs exemples des espaces publics parisiens. Elle consiste en l’observation des usages et des attitudes des gens, leur quotidien et comment ils arrivent à s’approprier l’espace public. L’exemple que j’ai choisi de relayer est celui du quartier le Marais pour prolonger la première partie du deuxième chapitre.
JAZZ AU BORD DE L’EAU Pont d’Arcole, le 9 septembre à 17h Un contrebassiste fait swinguer les passants profitant du calme qu’offre la seine sur le petit pont menant à l’Hôtel de Ville
RÉAMÉNAGEMENT URBAIN Rue des Rosiers, le 29 aout à 18h Une rue élargie, mais surtout segmentée, à grand renfort de poteaux, de pavements, marquages, végétations et poubelles. L’usage principal reste piéton.
ENCOMBRANTS Rue Charlot, le 11 septembre à 11h30 Dans le dédale des étroites ruelles du Marais, danses en mobilier urbain, il suffit d’un objet laissé aux encombrants sur le trottoir pour bloquer totalement le passage
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2.1 Le recours aux mobilités douces : L’exemple des « coronapistes » Motivée par les enjeux écologiques, la question des mobilités a suscité aussi bien l’intérêt des collectivités territoriales que celui des entreprises et des individus qui n’ont pas cessé de proposer des alternatives pour une mobilité plus durable, plus inclusive surtout dans les territoires les plus attractifs. L’enquête « Mobilités des personnes » conduite par le ministère de la transition écologique montre une évolution de 2008 à 2019 dans les pratiques de mobilité : le recours à la voiture recule légèrement (-1,8 point) au profit de la marche à pied, deuxième mode de déplacement (+1,2 point) et des transports en commun (+0,8 point). Avec 2,8% des modes de déplacement, la part du vélo quant à elle reste stable sur la même période. La métropole du Grand Paris a participé au financement de 71 projets de mobilité douce pour un montant global de 36,9 millions d'euros au profit de 50 communes. Elle inscrit la promotion de la mobilité durable au cœur de son programme de développement afin de lutter contre la pollution de l’air et de favoriser la transition énergétique pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Dans le cadre du plan métropolitain de relance, la métropole du Grand Paris met en place un Plan vélo métropolitain avec un investissement de 10 millions d’euros par an. Ce plan permet de rassembler les circuits cyclables déjà existants et identifier les continuités cyclables à aménager afin de garantir une desserte complète du territoire.
Figure 26 : Plan vélo métropolitain du Grand Paris
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La crise actuelle de la Covid 19 est venue (re)questionner notre relation avec l’espace public partagé et notre mode de déplacement. Cependant, selon les résultats du baromètre 2021 « des Flottes et de la Mobilité » de l’Arval Mobility Observatory, la crise sanitaire n’a pas ralenti la transition énergétique ou l’adoption de nouvelles solutions de mobilité. L’exemple le plus concret est les pistes cyclables transitoires qui ont été créées pendant la crise pour fluidifier la circulation dans les transports en commun appelés « coronapistes ».
Figure 27: Coronapiste de la rue Vaugirard allant de la porte de Versailles à la rue de Rennes – Paris - 2020 - source : BFM Paris
En mai 2020, un des premiers effets durables de la crise sanitaire était de pérenniser ce dispositif afin d’encourager le déplacement à vélo, 52 km de pistes provisoires ont donc été amenés à devenir définitives et viennent s’ajouter aux 1000 km d’aménagements cyclables, dont plus de 300 km de pistes existantes la part modale du déplacement à vélo est passée de 5% avant le confinement à 7% après. Ces travaux de pérennisation s’inscrivent dans le cadre du nouveau Plan vélo 20212026 avec un budget de 80 millions.
Figure 28 : Carte du Plan vélo 2021 2026 - ville de Paris
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2.2 la piétonnisation des rues carrossables : L’exemple des « rues aux écoles » Motivés par les nouveaux enjeux hygiénistes, sécuritaires et écologiques, le concept des « rues aux écoles » est inspiré des rues scolaires qui existent déjà depuis 2018 dans le Code de la route belge. La rue scolaire y est définie comme « une voie publique située à proximité d’un établissement scolaire qui est, temporairement et à certaines heures, pourvue d’une barrière déplaçable sur laquelle est apposé le signal C3 complété par un panneau additionnel portant la mention ʺrue scolaireʺ ou ʺschoolstraatʺ ». Ce concept a été expérimenté en France dans le cadre du déconfinement en 2020 pour le respect de la distanciation physique et contre la pollution. D’après la dernière mise à jour du 21 Janvier 2022, Paris compte 169 « rues aux écoles ». Pour Mathieu Chassignet30, « l’enjeu de politiques visant à dissuader l’arrivée et le départ des élèves en voiture est avant tout de santé publique. Peu d’enfants et d’adolescents ont une activité physique quotidienne suffisante ».
Figure 29 : Exemple des rues aux écoles au 10e arrondissement de Paris Source : Mairie de Paris
La piétonnisation des rues en général n’est pas née avec la pandémie du covid. C’est une idée discutée chez les aménageurs en France à partir des années 1960, mais qui donnaient lieu à des essais inaboutis et limités dans le temps. Quelques années plus tard, l’initiative de ces propositions appartenait aux riverains et aux commerçants qui considéraient la piétonnisation comme élément de valorisation du territoire. Les collectivités jouaient le rôle d’accompagnateur de projets émanant d’une demande locale.
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Chassignet, Mathieu, ingénieur spécialisé sur les questions autour de la ville et des transports durables
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Comme déjà cité dans la partie introductive de ce mémoire, la ville de Paris a entamé depuis 2017 plusieurs opérations qui vise la fermeture à la circulation automobile de plusieurs avenues afin de donner plus de place aux piétons et réduire l’émission du gaz à effet de serre. Parmi ces opérations, « Paris respire » qui a permis d’expérimenter la fermeture du centre-ville de Paris ainsi que plusieurs autres périmètres : les bois de Boulogne et Vincennes, le long du canal Saint-Martin… pendant les weekends, l’été ou les jours fériés.
2.3 La déspécialisation des espaces urbains : L’exemple de la neutralisation des places de parking Avec le début de la crise sanitaire, l’espace public a été amené à développer sa capacité d’adaptation afin de répondre au plus vite aux nouveaux enjeux sanitaires dus à ma propagation de la covid-19. En France, comme dans plusieurs autres pays, la crise sanitaire a réenclenché une réflexion autour des fonctions essentielles des espaces et des fonctions urbaines, dont celui du stationnement. Pierre-Alain Trévelo mise sur « la déspécialisation des espaces. Le sol de la ville est vaste, mais très segmenté. Il faut le partager, non plus au sens de ''chacun son espace'', mais de la cohabitation de tous les usages. » Les places de stationnement ont été le lieu d’expérimentation de plusieurs aménagements transitoires pendant la période du confinement que ce soit pour encourager la pratique des modes actifs, maintenir l’accès aux équipements publics ou réinventer de nouveaux espaces de culture. Cependant, La crise sanitaire peut être considérer comme accélérateur des pratiques et des usages du domaine public sans pour autant être à l’origine de ces dispositifs. Avant la crise sanitaire, la ville de Paris s’est engagée dans des pratiques émergentes de l’urbanisme tactique en procédant par des aménagements d’une durée déterminée émanant d’une volonté locale qui permettent de révéler les potentiels d’un lieu avant de lui attribuer une fonction définitive.
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Figure 30 : Exemple de neutralisation de deux places de parking au profit des piétons
Figure 31 : Des places de parking transformés en mini-terrasse par la mairie de Paris, 2e arr Source : Mairie de Paris, 2019
La décroissance de la circulation automobile à Paris permet de développer une réflexion autour de la redistribution des places du parking au profit des piétons. Les aménagements actuels prévoient des terrasses, des petits jardins, des zones de rencontre, ou encore des zones de stockage pour désencombrer les trottoirs. Avec le peu de recul que nous avons aujourd’hui, il est difficile de prévoir le devenir des fonctions de ces espaces ou de se prononcer sur la l'inscription de ces aménagements dans la durée.
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Conclusion
Les questions de la santé publique ont été intégrées depuis plusieurs années dans la conception des politiques et dispositifs mis en œuvre par la ville de Paris. Avant même la crise du covid19, plusieurs initiatives, touchant de près le domaine public, ont été menées afin de valoriser la santé dans le cadre d’une ville favorable à la santé. Notre monde actuel est amené à faire face à la succession des crises dont il peut faire face, que ce soit des crises sanitaires, environnementales, économiques ou sociales qui viennent bousculer les dynamiques urbaines. Elles révèlent le meilleur et le pire, les qualités et les défauts des territoires. Ces crises sont généralement plus sensibles et plus attentives aux signaux faibles que transmettent les villes et ont tendance à s’y appuyer pour les accentuer ou les atténuer. Les transformations urbaines, motivées par les enjeux sanitaires de lutte contre les pandémies, d’amélioration du cadre de vie et des conditions de vie concernent aussi bien l’évolution des formes urbaines, la densité, la transformation du métabolisme urbain que les mutations des usages et pratiques de l’espace public. À la suite la dernière crise sanitaire, plusieurs constats, qui portent sur le cadre de vie et sur la capacité de résilience des territoires ont émergé. Une des façons de mieux comprendre la manière avec laquelle la crise sanitaire actuelle préfigure la ville de demain est l’étude de l’articulation des espaces publics. Comme l’exprime bien l'architecte et urbaniste Pierre-Alain Trevelo, de l'agence TVK, « Le propre de l'espace public est de pouvoir tout absorber, y compris l'imprévu. » L’espace public, étant en premier plan, doit lui aussi être capable à réagir très rapidement et en urgence aux changements les plus imprévus. La résilience n’est plus un choix pour les territoires aujourd’hui, mais plutôt une obligation dans un monde qui ne cesse d’évoluer. Il est important de faire la différence entre les effets des pandémies et les effets des mesures de lutte contre la pandémie qui ne sont pas les mêmes partout au monde et qui créent les disparités des situations que connaissent les différentes villes actuellement. Comme la définit le géographe Paul Claval, la ville est la ville de la maximisation des interactions. Le confinement par exemple, a restreint dans l’espace et dans le temps ces interactions et ces échanges
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Le télétravail, comme mesure de lutte contre la covid-19, n’est pas une pratique nouvelle mais qui est en train de se généraliser et de s’ancrer dans la réorganisation du modèle du travail. Il a des effets directs sur l’espace public en renforçant le rapport de proximité. Selon une étude réalisée par l’Ademe, 70% des télétravailleurs côtoyaient les espaces près de chez eux et s’intéressaient aux commerces de leurs quartiers ainsi que des effets sur le devenir des quartiers monofonctionnels abritant des bureaux qui sont restés inutilisés pendant une longue période de confinement. La crise sanitaire et les mesures de lutte contre le virus adoptées par la plupart des pays ont eu des effets à la fois sur les logements, espaces intérieurs et sur l’espace public, appelé aussi espace extérieur. Le concept de la ville à domicile, qui consiste à faire toutes les activités, pratiquées à l’extérieur, chez soi, réinterroge plusieurs pratiques et plusieurs espaces publics déjà existants avant la crise, conçus de manière à accueillir du public ou au contraire qui n’étaient pas censé accueillir un grand nombre de citoyens. La période de la crise a été marquée par une prise de conscience de l’importance des espaces publics et plus largement des espaces communs comme espaces libres et potentiels Les exemples étudiés dans ce mémoire affirment l’hypothèse de départ et montrent que les crises sanitaires peuvent non seulement être des facteurs d’accélération des transformations urbaines, mais peuvent parfois être des freins pour des projets et dispositifs qui semblaient être novateur dans un contexte diffèrent. Et enfin, elles peuvent être à l’origine de nouvelles transitions urbaines qui pourraient être durablement adoptées. Les périodes de crise sanitaire ont été, pour plusieurs villes, l’occasion de proposer des aménagements urbains et des politiques d’une manière expérimentale. Leur inscription dans la durée peut être jugée nécessaire à travers le retour d’expériences des usagers qui arrivent à se projeter facilement dans les nouveaux projets d’un côté et d’un autre, à partir de la révélation du potentiel d’un lieu avant de le figer définitivement. Les crises sanitaires ne doivent pas toujours être considérées comme « négatives ». Les territoires les plus vulnérables peuvent être ceux qui évoluent le mieux dans le temps, il existe une vulnérabilité positive « lorsqu’elle conduit à un changement qui entraine une transformation bénéfique » (Gallopin,2003). L’effondrement ou la paralysie d’un système urbain suite à une crise sanitaire peut être l’occasion pour une sensibilisation et une évolution vers un fonctionnement plus approprié. La crise actuelle a confirmé que les solutions et les conclusions ne peuvent pas se faire immédiatement et qu’il est un peu tôt pour pouvoir se prononcer sur la pérennité de cette nouvelle reconfiguration spatiale surtout face à un monde incertain où il est plus judicieux de construire des dispositifs et se doter des moyens permettant de faire face aux changements de demain.
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LA CRISE SANITAIRE
A L’ORIGINE DE FACTEURS D’ACCÉLÉRATION FREINS POUR NOUVELLES DES TRANSFORMATIONS QUELQUES PROJETS ET TRANSITIONS URBAINES URBAINES DISPOSITIFS
Schéma de synthèse : Conclusions tirées des différents exemples étudiés dans la deuxième partie du mémoire qui permettent de tester l’hypothèse de départ
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Bibliographie Ouvrages et Articles URBANISME ET SANTE LÉVY A. (coord.), "Ville, urbanisme et santé. Les trois révolutions", Paris, éd. Pascal & Mutualité française, 2012, 316 p BARLES S, "La ville délétère : médecins et ingénieurs dans l'espace urbain (XVIIIe-XXe siècles) ". Éditions Champ Vallon, 1999, 372 p ROUE-LE GALL A, LE GALL J, POTELON JL. AUFFRAY F, LEMAIRE N et LOYER S. "Agir pour un urbanisme favorable à la santé". Edition: EHESP/DGS, 2014, 192 p PONCET P, VILAÇA O "La ville protège-t-elle des épidémies ? ". Libération, 3/04/2020 FOUCHER M. "Avec la pandémie, nos stéréotypes sur les frontieres sont remis en question" Revue Sésame, mai 2020
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WEBOGRAPHIE Lien vers le profil du territoire de la métropole Grand Paris https://www.scoresante.org/uploadedFiles/SCORESante/Profils/Profil_11_75_200054781.pdf Lien vers l’entretien de de Emmanuel Lorentin avec Anne-Marie Moulin, médecin et philosophe, spécialiste d'histoire de l'immunologie, directrice de recherche émérite CNRS - Emission la fabrique de l’histoire – France Culture diffusée le 22.10.2018 Épisode 1 : la résurgence de certaines épidémies nous oblige-t-elle à repenser leur histoire ? La résurgence de certaines épidémies nous oblige-t-elle à repenser leur histoire ? - Ép. 1/4 Les sociétés face aux épidémies (franceculture.fr) La liste complète des experts qui ont mené l’étude sur l’impact des déplacements et des mobilités actives sur la santé ainsi que plusieurs d’autres études sur l’évaluation économique et épidémiologique de la pratique de la marche et du vélo, coordonnées par l’OMS www.heatwalkingcycling.org
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TABLEAU DES FIGURES Figure 1 : Avenue réservée aux modes actifs dans le cade de la « Ciclovia » (Bogota, Colombie), octobre 2018 Figure 2 : Piste cyclable temporaire le long d’une route départementale (Bagneux, Île-de-France), juin 2020 Figure 3 : Rivoli (Paris), un espace urbain réapproprié par les modes actifs, juin 2020 Figure 4 : Modèle de déterminants de la santé d’après Dahlgren et Whitehead 1991 Figure 5 : la prise en compte de la santé dans les politiques locales en France Figure 6 : Schéma de territorialisation du risque sanitaire au temps des pandémies – travail personnel Figure 7 : Carte des dix-sept îlots insalubres et leur nombre d'habitants. Figure 8 : Cartes des 4 types de relations spatiales significatives entre Covid-19 et PM 2,5 dans 8 pays Figure 9 : Source : Taux d’incidence et de mortalité : Santé publique France – février 2021 Figure 10 : Centre d’îlot d’immeubles encombré de constructions précaires de l’îlot insalubre n16. Figure 11 : Maquette des environs de l’Hôtel de Sens à la fin du XIXe siècle Figure 12 : Projet des architectes indépendants réunis pour l’ilot n°16 Figure 13 : Aménagement ’de l’îlot insalubre n°16, d’après Jean- Charles Moreux Figure 14 : Proposition de la préfecture de la seine d’une promenade monumentale des rives de la Seine Figures 15 : Aménagement ’de l’îlot insalubre n°16, d’après Robert Auzelle Figure 16 : Projet de A. Laprade, M. Roux-Spitz, et R. Danis architectes, 1943, L'architecture française, n°41, mars 1944. Figure 17 : Projet de Michel Roux-Spitz pour la rue de la reconstruction de la rue de la Mortellerie Figure 18 : Axonométrie de la Zac Saint Vincent-de-Paul - Illustration Diane Berg Figure 19 : Panneau d’information et de sensibilisation de la Zac Saint Vincent-dePaul Figure 20 : Préconisations d’évolution des méthodes de nettoiement de l’espace public parisien Figure 21 : Circuits alimentaires de proximité inspirée de l’illustration de Yuna Chiffoleau et Catherine Foucaud-Scheunmann Figure 22 : évolution des traces du virus Sars Cov 2 dans les eaux usées en IDF Figure 23 : Voie Philippe Auguste – pavage en pierre XIXe siècle Figure 24 : Estampe, Honoré Daumier. Jeu de ballon sur les Champs Élysées. Paul de Kock, Figure 25 : Représentation graphique des liens entre thématiques d'aménagement et déterminants de santé Figure 26 : Plan vélo métropolitain du Grand Paris Figure 27: Coronapiste de la rue Vaugirard allant de la porte de Versailles à la rue de Rennes – Paris - 2020 Figure 28 : Carte du Plan vélo 2021 2026 - ville de Paris Figure 29 : Exemple des rues aux écoles au 10e arrondissement de Paris Figure 30 : Exemple de neutralisation de deux places de parking au profit des piétons Figure 31 : Des places de parking transformés en mini-terrasse par la mairie de Paris, 2019
2e
arr,
p 10 p 10 p 11 p 13
p 28 p 30 p 32 p 38 p 40 p 44 p 44 p 45 p 46 p 46 p 47 p 48 p 48 p 51 p 51 p 53 p 54 p 56 p 58 p 59 p 60 p 62 p 63 p 63 p 64 p 66 p 66
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ANNEXES
PARTIE 1 : ENTRETIENS Entretien 1 : Célia Colombier - Animatrice du réseau ÎSÉE
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Entretien 2 : Sabine Barles – Urbaniste chercheuse
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Entretien 3 : Catherine Chaufour – Chargée de mission renouvellement urbain – Mairie de Moissy-Cramayel Page 79
PARTIE 2 : FICHES DE LECTURE Fiche de lecture 1 : La ville délétère de Sabine Barles
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Fiche de lecture 2 : Les ilots insalubres de paris de Roberto Almeida et Martin Page 86 De Caro Fiche de lecture 3 : La construction des ilots insalubres de Yankel Fijalkow
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Entretien 1 :
Célia Colombier Animatrice du réseau ÎSÉE (Île-de-France Santé Environnement) Observatoire régional de santé d'Île-de-France (ORS)
Elle assure le secrétariat du réseau ÎSÉE. Elle est l’interlocutrice de tous les membres et accompagne la vie du r é seau en participant à l ’ organisation des é v é nements et des r é unions de travail, r é alise la veille et conçoit la newsletter. Par ailleurs, elle est l ’ administratrice de la plateforme collaborative en ligne Whaller - espace réservé aux adhérents -elle participe à son animation, l’alimente de contenus et propose un accompagnement pour la prise en main de l’outil. Elle réalise chaque année un rapport bilan sur l’activité du réseau. Entretien téléphonique : ME : Comment est n é e l ’ id é e de cr é er un nouveau r é seau r é gional ressource en sant é environnementale (piloté par l’Observatoire régional de santé (ORS) d’Île-de-France) ? Dans le cadre du Plan régional Santé-environnement, ce réseau a été créé lors de la préfiguration de ce troisième plan, il y a eu une enquête qui a été faite. Les pilotes du plan se sent rendus compte qu’il y avait beaucoup de choses qui existaient en santé environnementale, mais avec peu de visibilité. Le but de ce réseau est de répondre à cet enjeu et de promouvoir les actions menées en Île-de-France, de permettre aux différents acteurs d’échanger plus facilement et de faciliter les collaborations entre eux autour des projets, essayez de mêler expertise scientifique et acteurs du terrain. ME : Comment cette ambition de répondre à cet enjeu est-elle matérialisée sur le terrain ? Cela se concrétise par 4 sortes d’actions : ▪ Une plateforme en ligne qui est réservée aux membres du réseau, avec différents espaces avec des catalogues de ressources, des outils pour faciliter l’échange, un chat, un espace sécurisé et étanche dans lequel on peut trouver beaucoup d’informations et échanger plus facilement entre membres et chaque structure membre a au moins un ou plusieurs accès à cette plateforme pour faciliter les collaborations. ▪
Des évènements, développés comme dans tous les autres réseaux, sous de différents formats : des webinaires, et des ateliers (demi-journée) pour imaginer des pistes d’actions pour traiter des enjeux environnementaux en Île-de-France et puis il y a aussi les colloques, au moins un par an en une journée entière en présentiel et qui mêlent toujours expertise scientifique et acteurs du terrain et permettre de monter en compétence des membres du r éseau.
▪
Une liste de diffusion dans les réseaux sociaux pour valoriser les actions et productions des membres (Twitter et LinkedIn)
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▪
L’accompagnement des membres dans des projets internes avec des réflexions qui é mergent dans nos ateliers par exemple une piste d’action a été imaginée, celle du guide de consultation à destination des médecins pour leur permettre d’aborder les enjeux de qualité de l’air intérieur dans leurs consultations, un groupe d’acteurs s’est formé autour de cet objectif. On accompagne aussi les projets de nos adhérents, pas financièrement, mais on est sollicité par pas mal des adhérents pour leur aider à monter leurs projets de formation en santé-environnement par exemple et d’inviter les autres membres du réseau à contribuer à a la conception de ce module de formation.
ME : À seulement 6 mois après le lancement du réseau, alors que vous travailliez essentiellement sur le sujet de la qualité de l’air intérieur, la pandémie du covid a frappé la France et el monde entier. Pensez-vous que cela a carrément réorienté votre approche ou bien n’a fait qu’accélérer les actions déjà portées par le réseau ? - Depuis la pandémie, on a organisé des webinaires qui lient les enjeux santé-environnement dans le cadre de la crise sanitaire, à la fois les déterminants environnementaux de la crise et ce qu’ a pu générer sur l’environnement, par exemple, le bouleversement du paysage sonore dus au confinement et pour un sujet qui vous intéresse particulièrement, nous avons accueilli la ville de Paris qui nous a parlé des enjeux que posait la gestion d’une pandémie à une métropole comme Paris, je vous invite à aller le voir. Je pense que dans le réseau, y a peut-être des acteurs qui peuvent répondre à vos interrogations, je pense à : Agnès Lefranc, Cheffe du service parisien santé environnementale (qui intervient dans le webinaire) avec une longue carrière derrière elle, beaucoup d’expériences à partager. D’autant plus que le service parisien de santé-environnement est la nouvelle forme de l’ancien Laboratoire de l’hygi ène de la ville Paris, il y a aussi un héritage très fort de la ville de Paris avec aujourd’hui la politique santé-environnement. (E-mail : agnes.lefranc@paris.fr) Je pense aussi à Dr Fabien Squinazi, ancien directeur du laboratoire d'hygiène et de salubrité de la ville de Paris, une mine d’informations et qui est très active dans le réseau. ME : Y a-t-il des actions que le réseau a menées pendant cette période de crise et qui ont été pé rennisés ? Sur ce sujet-là, peut-être que vous vous intéressez à un enjeu qui est émergent qui concerne la surveillance des virus dans les eaux usées. En fait c’est un webinaire qu’on avait organisé et qui a pris beaucoup d’ampleur avec la crise actuelle surtout dans la ville de Paris. J’ai des contacts dans le réseau AUBEPINE qui est un réseau d’acteurs qui s’est mobilisé en France pour la surveillance du coronavirus dans les eaux usées. Il a été mis en place pendant la crise, mais ça va ê tre pérennisé très largement pour la surveillance épidémiologique des années à venir. ME : Une dernière question avant de vous laisser partir, est ce que je peux dire que je viens de votre part en contactant les adhérents du réseau ? Oui, bien sûr. Vous dites que vous venez de ma part et n’hésitez pas à revenir vers moi si vous n’ arrivez pas à les joindre.
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Entretien 2 :
Sabine Barles Professeure et chercheuse française Urbaniste prospectiviste et ingénieure en génie civil
Est-ce que vous pensez que dans les politiques publiques actuelles, on repose cette question de séparation des flux d’air, d’eau, de personnes et de véhicules ? Effectivement, à partir du 19-ème siècle, on a commencé a séparer pour des raisons d’optimisation de la circulation d’une part et d’autre part pour des raisons sanitaires et de recherche d’une forme d’étanchéité entre le milieu ( en particulier le sol) et les humains. Ces percepts qui sont à la fois hygiénistes et réticulaires liés à la mise en œuvre des réseaux sont critiqués depuis longtemps, au moins depuis les années 60 et 70 parce que l’idéologie de la circulation a été mise en question que ça soit la circulation automobile ou par la circulation des eaux pluviales par exemple. Ce qui a été aussi remis en question c’est l’articulation des sols et des milieux. La critique de ces dispositions existe depuis les années 60 et monté en débit à la fin des années 90 et au début des années 2000 pour un tas de raison liée à des problèmes environnementaux, réchauffement climatique, à la recherche d’une transformation du paysage urbain. Tout ça militerait pour un espace moins étanche, moins aseptisé, moins circulant, mais c’est vrai que la crise sanitaire remet en question un certain nombre de choses. On voit dans vos recherches, que vous vous intéressez beaucoup à la question du métabolisme urbain, en quoi les pandémies peuvent-elles avoir des effets sur ce métabolisme et des interactions biosphère/société. Je vous donne un exemple, depuis quelque temps, un groupe d’experts critique la manière dont on gère les eaux usées avec les stations d’épuration et qui militent pour récupérer les nutriments des urines et des matières fécales et de ne plus les envoyer dans les égouts. Pour l’instant c’est plus pour les urines. Dans la ZAC saint Vincent-de-Paul, un système de récupération des urines à la source a été mis en place avec, sur le site de la ZAC, une petite usine de fabrication d’engrais. C’est une façon de transformer le métabolisme urbain pour le rendre circulaire et limiter les rejets dans les rivières. Il y a aussi tout un tas de recherches sur les toilettes sèches, mais la crise sanitaire a remis en question tous ces projets, qui dit récupération des matières fécales dit risque de contamination donc finalement des choses qui était enclenché et déjà mis en œuvre à partir du XXe siècle en termes du métabolisme linéaire sont remises en question par des impératifs sanitaires. Un autre exemple, mais c’est une hypothèse que je fais. À paris, il y a deux réseaux d’eau. Un réseau d’eau qui nettoie les rues (eau non potable) et un autre réseau d’eau potable. Il y a 13 ans, il y a eu un projet de supprimer le réseau non potable (APUR), la raison avancée c’est le mauvais état du réseau avec moins en moins d’abonnés, il sert de moins en moins à côté d’un réseau d’eau potable en surproduction parce que l’on consomme de moins en moins. Leur proposition était de tout faire basculer vers le réseau d’eau potable et bien sur une raison qu’on n’avance pas c’est qu’il est plus rentable. 9a a enclenché beaucoup de réflexions autour du sujet de l’eau non potable/ le réseau des services de santé a même avancé qu’on on arrose à l’eau non potable, il se crée des aérosols qui si cette eau est contaminée peut-être dangereuse pour les personnes qui manipulent cette eau ou qui passent à côté. Ces arguments n’ont pas été retenus.
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Dans un contexte différent, aujourd’hui, une même discussion pourrait conduire à une conclusion tout à fait autre qui consisterait à dire que le risque est trop grand et donc vaudrait mieux utiliser que l’eau potable. C’est un autre exemple qui montre qu’entre des solutions qui semblaient avant la crise sanitaire environnementalement intéressantes, peuvent être remises en question par les impératifs sanitaires. Ça c’est plus comment les impératifs sanitaires peuvent remettre en question des projets ou des principes qui semblaient être novateurs. Il y a un autre point très abordé pendant le confinement, la question de l’approvisionnement en alimentation a été bouleversée, les circuits courts ont été boostés. La question qui se pose est : estce que ça a eu un effet accélérateur ou tout est revenu à la normale ? Je ne pourrai pas vous répondre parce que j’ai un projet de recherche sur le sujet qui n’a pas encore commencé donc on aura la réponse l’année prochaine, mais il n’empêche pas qu’on peut dire qu’il y a un effet à la fois sur la réflexion et sur le concret de l’approvisionnement alimentaire. En quoi l’interdisciplinarité entre médecine, urbanisme et écologie est-elle essentielle pour mieux intervenir en ville ? Avant la crise sanitaire, on a eu une montée en puissance de ce qu’on appelle un urbanisme de santé, un mouvement relativement nouveau et qui va être très probablement boosté par la crise sanitaire. L’impression que j’ai, c’est que l’effet que pourrait avoir la crise sanitaire en matière d’urbanisme, si on regarde la question des formes urbaines, c’est la question du dimensionnement en fait, ce qui a été très fort dans l’hygiénisme du 19e siècle, c’est son influence sur le dimensionnement des logements, de la voirie avec l’idée selon laquelle il doit y avoir une proportionnalité entre la hauteur des bâtiments et la largeur des voies pour laisser pénétrer le soleil. Toutes ces règles sont issues de la médecine et incorporées dans l’architecture et l’aménagement urbain, on en a oublié les origines et c’est devenu des normes appliquées. L’hypothèse que je fais c’est que certaines de ces normes seront reconfigurées ou revisitées autour de ces questions de densité de population dans l’espace public, l’espace privé. Avec probablement un impact technique sur les prescriptions de ventilation. Il est probable que la crise sanitaire ait des impacts plus durables sur ces questions de dimensionnement, de ventilation et de renouvellement d’air. Dans l’espace public, on a vu le changement commencé avec les coronapistes, quelques-unes sont déjà fermées donc la question de la pérennisation n’est pas évidente à mon avis. Pour conclure sur l’effet de la crise sur l’urbanisme est un peu tôt. Tout ce qu’on voit ce sont des choses qui sont nouvelles et qui peut-être vont donner des coups d’accélérateurs aux politiques cyclables, mais on n’a pas encore le retour sur expérience. Cela dit, c’est vrai que votre analyse est juste, d’un côté ça booste certaines choses qui étaient en marche et d’un autre côté ça en remet en question d’autres et ça montre que premièrement les questions de santé et les questions d’environnement ne vont pas toujours ensemble et deuxième ça montre question d’échelle, si on raisonne globalement, on peut dire que valoriser les êtres humains c’est bien, mais dès qu’on passe à l’échelle micro sur le terrain , la question devient beaucoup moins soutenable d’un point de vue sanitaire.
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À paris, une grande partie des corona pistes vont être pérennisés. En Province, beaucoup moins La question des périmètres d’action, soit en temps, soit en kilomètres qui ont mis en valeur la question d’accessibilité. À paris dans un rayon d’un kilomètre on a accès a rien puis 10km puis 100 km en termes de réflexion sur la forme urbaine et sur la distribution des indemnités ça ouvre des pistes sur la révélation de ces inégalités et l’impossibilité d’accès à des espaces ouverts dans un rayon raisonnable ce qui peut être reliée à l’accessibilité pédestre l’accessibilité en mobilités douces. Il y a une matière à repenser ces questions de distribution des aménités.
Vous avez écrit en décembre 2014 un article « Les villes transformées par l’hygiénisme : cent ans d’innovations locales » pour metropolitiques.eu J’aimerais vous poser une question sur ce sujet des transformations, mais qui reste assez large, qui concerne les mobilités et les espaces urbains extérieurs au regard de la pandémie, que pensez-vous de ces transformations urbaines et d’usage que la ville a connu à l’ère de la pandémie de la covid et quelle est votre vision prospective sur le sujet ?
À mon avis, on pourrait changer de trajectoire, je ne l’aurai pas dit il y a quelques années. Quand on réfléchit à ces questions de métabolisme urbain, de santé, de changements environnementaux planétaires, d’aménités, d’inégalités de limites de la planète Il est probable que le modèle métropolitain, comme paris, soit remis en question. Je ne dis pas qu’il faut remettre en question le modèle de ville qui a tous ces avantages, mais l’hyper métropolisation donne l’impression d’être une impasse si on l’inscrit dans la perspective des limites planétaires. Le modèle de la croissance qui est aberrante et par conséquent, si on veut sortir de ce modèle de l’hyper métropolisation, on doit aussi sortir du modèle de la croissance et donc il faut changer beaucoup de chose À l’échelle des individus, En termes de transformations d’usage, je pense que vu qu’il s’agit des pratiques, il est probable qu’un grand nombre d’habitants vont voir leurs pratiques durablement transformées, mais il est probable aussi que d’autres reviennent à leurs pratiques anciennes. Ce qui est puissant et qui a eu un impact sur les pratiques, c’est le télétravail qui questionne à la fois du point de vue spatial et architectural les espaces de travail et qui a un impact direct sur les pratiques. La vie quotidienne d’une personne en télétravail n'est pas la même qu’une personne qui se déplace pour travailler. C’est pour cela, à mon avis, l’effet massif sur les pratiques va plus venir par la transformation du travail que par directement des changements de pratiques et ça va se répercuter sur la santé (manque d’activité physique). Auriez-vous d’autres personnes à me conseiller ? Les personnes de l’école de santé publique de Rennes, je vous enverrai les noms par mail.
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Entretien 3 :
Catherine Chaufour Chargée de mission Renouvellement urbain au sein de la direction de l’aménagement et de l’urbanisme de Moissy-Cramayel
Je vous remercie d’avoir accepté ma demande d’entretien, qui se fait dans le cadre de mon mémoire de fin d’études du DSA architecture et projets urbains intitulés : Ville et pandémies : À la lumière des moments historiques marquants où les conjonctures sanitaires auraient influencé les doctrines et les techniques de l’urbanisme Avant de commencer, pourriez-vous présenter votre cursus professionnel et votre statut au sein de la mairie de Moissy-Cramayel brièvement ? Attachée territoriale (cadre A de la fonction publique territoriale), actuellement en charge de la conduite et mise en œuvre d’un programme de renouvellement urbain avec son volet concertation avec les habitants ¨Parcours atypique et diversifié au sein d’instances publiques (mairies, service départemental d’incendie et de secours...) sur des postes variés (en RH, en cabinet sur des fonctions plus politiques et transversales, directrice de la communication, etc) et dans le privé (marketing, organismes de formation dans l’édition...) Dans quel contexte historique a évolué la ville de Moissy-Cramayel et quelle relation entretient-elle avec la capitale Paris ? Moissy-Cramayel est une commune située dans le département de Seine-et-Marne en région Île-de-France et rattachée à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-EssonneSénart depuis le 1ᵉʳ janvier 2016 Elle est à 35 kilomètres au Sud Est de Paris, caractérisée par la proximité d’un pôle multimodal d’importance qui est la gare RER de Lieusaint/Moissy, par la présence de plusieurs équipements publics structurants et un tissu commercial dense. Moissy-Cramayel s'est construit à deux vitesses différentes, en étapes très marquées : villagerue (XVIIIe siècle – 1970) et ville nouvelle de Sénart (1972 – 2010). Son cœur ancien est le centre fondateur du village-rue, tandis que le centre-ville actuel devient le centre de la ville nouvelle situé à quelques centaines de mètres. Le nouveau quartier de Chanteloup constitue la dernière phase d’urbanisation pour la ville de Moissy-Cramayel. La ZAC permettra de recevoir au total 2 400 logements supplémentaires sur vingt ans. Ce qui devrait induire pour la commune une population totale d’environ 25 000 habitants en 2040. Le rythme d’urbanisation est prévu à hauteur de 150 logements par an.
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Avez-vous ressenti une demande plus forte des Parisiens pour s’installer dans la commune depuis le début de la pandémie ? Quelle était l’évolution avant celle-ci ? Comment Moissy se positionne sur l’évolution démographique par rapport aux communes de la couronne parisienne ? Oui absolument, on continue d’observer le phénomène d’exode des Parisiens qui quittent la capitale depuis le début de la pandémie pour rejoindre Moissy et d’autres communes de la grande couronne qui offrent un meilleur cadre de vie et la possibilité de gagner en surface habitable sans devoir changer l’ensemble de leurs habitudes et surtout de travail. Le territoire de Sénart, composé des 10 communes de Grand Paris Sud faisant partie du périmètre de l’Opération d’intérêt national de Sénart, se caractérise par un foncier disponible important, permettant à l’aménageur, l’EPA Sénart d’y développer des activités et du logement. Il faut savoir aussi que la population de Moissy–Cramayel connaît depuis 1975 une forte augmentation. En effet, elle a été multipliée par 5 passants de 3 712 habitants en 1975 à 17 338 en 2008. Les premiers quartiers au sud de l’axe central de la ville ont été constitués selon un zonage successif, opposant les formes urbaines, sans mixité ni diversité. L’urbanisation au nord de la ville est plus récente et recherche une meilleure intégration des nouveaux quartiers dans le tissu existant. Le parc de logement a évolué entre 1999 et 2007, passant de 4 912 à 6 215 logements. Sénart en général a longtemps été caractérisé par le développement d’une offre d’habitat privé principalement de type pavillonnaire, on voit depuis quelques années les formes urbaines évoluer au regard de l’évolution de la demande elle-même avant même le début de la pandémie. On constate ainsi depuis 2007 une augmentation constante de la production d’habitat collectif.
Quelle place occupent les espaces publics dans la vie des Moisséens ? Comment la ville de Moissy a géré la situation du Covid et quelles sont les actions mises en œuvre pour adapter l’espace public moisséen aux nouvelles contraintes de santé publique ? Les espaces publics sont régulièrement réinterrogés par les équipes municipales successives, mais aussi les habitants et le réseau associatif, important et actif (notamment au cours de la mise en œuvre du projet de renouvellement urbain avec l’ANRU et actuellement dans le cadre de la révision du PLU) Sur la gestion du COVID : - les agents de la ville (sur un mode de volontariat) ont été associés à des épisodes concrets tels que des ateliers de fabrication et de diffusion de masques auprès de la population - bien entendu l’ensemble des agents a aussi été régulièrement informé, voire sensibilisé ou formé pour accompagner les populations (notes régulières du directeur général des services à tous les agents, suivi et accompagnement en mode collectif + personnalisé si besoin de la part de la direction des ressources humaines) en vue de l’accomplissement des missions et de l’accueil du public dans de bonnes conditions pour tous - les agents de police municipale en accompagnement maximum de l’application des gestes barrière sur l’espace public, surtout en mode préventif et pédagogique - des formats d’accueil et d’événementiels complètement revisités pour être en mesure d’appliquer la réglementation sans mettre en péril la continuité de la vie quotidienne des Moisséens (guichet unique, actes d’état civil, etc)
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Ce qui a donné lieu aussi à la suppression de certaines activités ou services non jugés prioritaires. - un recours au télétravail lorsque les missions le permettent (à noter toutefois que nombre d’agents territoriaux sont restés en 1re ligne / garde d’enfants des personnels de santé par exemple) - communication ( journal municipal, journaux électroniques, site Internet, page FB avec prises de parole en live de la maire (questions-réponses pratiques..., lettres d’information « spécial COVID ».) / relai des informations nationales émanant de la préfecture / en version pédagogique pour la bonne compréhension par TOUS les habitants (certains documents ont pu être traduits pour l’occasion en plusieurs langues)
En apprenant à connaître la commune, j’ai vite remarqué que l’hygiène est une des préoccupations majeures des habitants et des élus locaux aujourd’hui. Dans quelle mesure la politique de santé publique et d’hygiène constitue-t-elle un enjeu majeur pour la commune de Moissy-Cramayel ? Depuis un an et demi, la lutte contre la pandémie de Covid-19 constitue l'enjeu principal des politiques publiques. La mise en œuvre d'une réponse forte n'aurait pas été possible sans l'implication déterminée des collectivités territoriales. Elles ont répondu présentes à chaque fois que le besoin s'est fait sentir sur le terrain pour mettre en œuvre les décisions prises par l'État, bien souvent sans modes de concertation tout du moins au début. Elles ont également su apporter des réponses inédites aux besoins de la population, apparus ou aggravés avec l'état d'urgence sanitaire. En outre, elles apparaissent désormais comme un acteur à part entière de la politique de santé publique, qui, à l'évidence, doit prendre en compte d'autres dimensions que l'organisation du système de soins. À Moissy, ouverture d’une permanence de soins en lien avec un réseau de professionnels de la santé (sur volonté de la commune et grâce à son budget propre) Ces dynamiques, marquées dans leur ADN par la lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé, sont des points d’appui incontournables à la mise en place de réponses rapides, adaptées et concertées, au plus près des besoins et ressources du territoire. La santé, y compris si pas compétences premières des communes (contrairement à l’état, le département...) prend de plus en plus en compte dans toutes les politiques publiques locales l’aspect santé. Les collectivités sont des acteurs clés pour créer des environnements favorables à la santé et réduire les inégalités parce qu’elles ont une connaissance fine des synergies locales et une réelle capacité à mobiliser services municipaux et institutions publiques.
Avant, la santé n’était pas une délégation pour laquelle les élus se battaient forcément, mais c’est peut-être en train de changer ! En tout cas Moissy l’a fait, car c’est l’affaire de tous les citoyens, malades ou bien portants, et plus particulièrement des habitants touchés par les inégalités sociales et territoriales de santé. Ces compétences sociales et médico-sociales s’exercent tant au niveau communal, que départemental et régional.
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Comment les déplacements et les modes actifs de circulation ont-ils accompagné l’évolution démographique et économique de la ville de Moissy-Cramayel depuis 2015 jusqu’au jour d’aujourd’hui ? À l’échelle de la ville, il y a une très bonne accessibilité routière avec un réseau routier bien maillé, lisible et structuré. La proximité avec la gare RER et la cohérence des transports en commun est un atout considérable. Moissy-Cramayel est une ville à taille humaine avec un relief plat qui favorise l’essor des modes doux de déplacements. Cependant, on peut citer plusieurs problèmes concernant les cheminements (emprise, continuité, obstacle, etc.) Je te transmets une étude sur les mobilités qui a été réalisé dans le cadre du protocole de préfiguration du projet de RU / tu y trouveras certainement des items intéressants pendant la première phase de propagation du virus covid19, quels sont les premiers changements et mutations urbaines remarqués à l’échelle de la commune ? La crise sanitaire a modifié d’abord le rapport des Moisséens à l'espace public. Ils se sont tournés vers les services et commerces locaux à cause des déplacements limités. Ce qui a mis en lumière les manques à certains endroits, notamment en termes de commerces (un poissonnier entre autres). Même avec des offres commerciales diversifiées, la covid19 a prouvé que la commune de Moissy n’est pas totalement autonome, tant sur le plan énergétique qu'alimentaire. La pandémie de Covid-19 a modifié les habitudes de déplacement également, la distanciation sociale, nécessaire pour limiter la circulation du virus, a poussé les Moisséens à utiliser de plus en plus leurs voitures et leurs bicyclettes au détriment des transports en commun. L'idée de centres urbains modulables est également apparue comme essentielle, pour s'adapter à un contexte sanitaire changeant. Par ailleurs, la technologie a pris encore plus de place dans notre commune durant la pandémie. La maison des projets, local crée en 2016 en plein centre-ville pour faciliter le contact avec les habitants et de recueillir leurs réclamations et leurs propositions. Comment ce lieu a-t-il continué à assurer son rôle pendant la crise du Covid ? Au plus fort de la crise, la maison des projets ne faisant pas partie des services essentiels a dû fermer ses permanences au public (de toute façon le public n’était plus au RV), en revanche, il a toujours été possible pour les Moisséens et les partenaires de rester au contact par le biais d’une adresse de messagerie + un numéro de téléphone largement communiqué. Par ailleurs la maison des projets inscrit son action et sa plus-value dans le temps long en lien avec la population, les « ruptures » d’ouverture n’ont pas énormément eu d’incidence en termes de contrat de confiance avec les habitants qui sont compréhensifs et savent rapidement retrouver le chemin du local une fois les restrictions sanitaires levées. Est-ce que vous avez remarqué un changement dans le discours des habitants depuis la crise sanitaire ? Oui bien sûr, c’est valable à Moissy comme sur l’ensemble du territoire voire à l’échelle mondiale… Des impacts économiques, démographiques, sociétaux. Les gens finissent par ne parler que de ça...sans parler des oppositions en termes de pro et anti vax, mais une collectivité doit toujours rester neutre et bienveillante et surtout appliquer les lois de la république en matière de santés publiques
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Fiche de lecture 1
LA VILLE DÉLÉTÈRE MÉDECINS ET INGÉNIEURS DANS L’ESPACE URBAIN XVIIIe -XIXe SIECLE
Présentation de l’auteur SABINE BARLES Née en 1965, ingénieur en génie civil et docteur en urbanisme. Elle est actuellement maître de conférences à l'Institut français d'urbanisme (Université Paris VII) et directrice adjointe du groupement d'intérêt scientifique et sol urbain du CNRS. Ces travaux portent sur l'environnement et les techniques urbaines.
Contexte de l’ouvrage et place de l’œuvre dans le travail de l’auteur Cet ouvrage constitue le prolongement d’une thèse soutenue en 1993. Il reflète l’intérê t de Sabine Barles d’étudier les mutations des environnements urbains et notamment les sous-sols surtout de la ville de Paris non seulement dans le passé, mais aussi dans le pré sent et dans le futur. Il s’inscrit plutôt dans les débuts de ses recherches sur le sol avant de s’intéresser au m étabolisme urbain et à l’empreinte environnementale des villes puis récemment à la destination des déchets urbains. La question écologique occupe une place considérable dans ces recherches et notamment le passage de l’hygiénisme à la santé environnementale. Le point de rencontre entre la plupart de ces recherches est le choix de la ville de Paris comme terrain d’étude que ce soit ancien, présent ou même prospectif.
Résumé du livre L'analyse de la ville de Paris en termes d'évolution du milieu urbain entre l'Ancien Régime et la ville haussmannienne a fait l'objet de beaucoup de recherches et de discussions. Cette évolution a souvent été abordée par le biais de deux vecteurs de l'environnement, jugés comme les plus importants, qui sont l'eau et l'air.
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Sabine a adopté une approche différente en se référant à un vecteur de l'environnement pas souvent abordé, celui du sol et du sous-sol urbain. L'environnement urbain a connu plusieurs transformations et de mutations en passant de l'Âge des activités artisanales qui encourage la stagnation des miasmes à l'Âge industriel associé à l'intervention d'Haussmann traduit par l'adduction d'eau et d'égouts pour l'assainissement, l'élargissement de la voirie avec un réseau de grandes percées pour l'évacuation de l'air. Cet ouvrage aborde l'aménagement de la ville sous deux visions de professions différentes qui sont intervenues sur la ville d’une manière successive et complémentaire, chacun de son point d'intérêt. D'abord les médecins qui, d'un point de vue médical, considèrent le sol comme responsable de méphitisme et essayent de définir la géographie et les saisons du miasme. Le fait de situer le miasme dans l'espace, à Paris par exemple, montre une certaine inégalité d'insalubrité entre les différents quartiers de Paris au XIXe siècle. Ces disparités de la production des maladies reviennent aussi en comparant les différentes saisons. Le situer dans le temps semble donc être primordial pour comprendre la relation des fluctuations avec le temps qu’il fait.
Les médecins à la fin du XVIIIe siècle visent à prouver les connexions entre le milieu ou l'environnement urbain délétère et la propagation des épidémies et par conséquent la surmortalité, surtout dans les villes où le cadre de vie est jugé insalubre comme Paris. L'ingénieur, l'homme de la situation, comme l'a nommé Sabine Barles est intervenu pour apporter des corrections au méphitisme urbain et non pas pour le condamner.
L'ingénieur a joué un rôle important dans la tentative de maîtrise de l'espace urbain avec des interventions plus concrètes ; au XIXe siècle, on peut citer l'imperméabilisation des surfaces libre, le nettoyage à l'eau, l'évacuation des flux d'eaux usées et pluviales et au XXe siècle la mise au point de formule de calcul des réseaux d'eaux pluviales (formule Caquot), l'adoption d'un système séparatif entre les eaux usées et les eaux pluviales et l'installation des stations d'épuration d'eau.
Les ingénieurs avec leur obsession de la vitesse n’ont fait qu'accélérer les techniques qui ont été déjà mises en œuvre auparavant comme le système d'épuration des eaux qui a été revisité. Les limites de l'approche des ingénieurs ont été démontrées par les inondations catastrophiques qui témoignent de l'inadaptation du système d'assainissement à la complexité urbaine et surtout par la non-maîtrise du sol urbain et aussi par les manifestations les plus importantes du paludisme au XIXe siècle dû aux travaux de rectification d'assainissement et dynamisation de la ville. 85
Citations et passages marquants « Notre rôle, à nous autres médecins, se borne à signaler la maladie et à l’endormir, jusqu’ à ce que nos ingénieurs, ayant épuisé les mares, nous remercient de nos bons services. » Un médecin de Bondy -1878 Thomas, lettre à F. Dieudonné, 22 sept. 1878, F. Dieudonné, Notes adressées aux conseillers généraux de Seineet-Oise par un conseiller d’arrondissement, Paris, 1879, p. 8.
« Ces gouffres habités qu’on décore du nom de Villes » P. Bertholon, De la salubrité de l’air des villes, et en particulier des moyens de la procurer, Paris, 1786.
« Le sein de la terre est plein de causes mortelles ». J.-B. Sénac, Traité des causes, des accidents, et de la cure de la peste (…), Paris, 1744.
« Une habitation n’est jamais plus saine, que lorsqu’elle est seule et isolée. » P.-F. Vidalin, Traité d’hygiène domestique […], 1825.
« Paver la voie publique, c’est la revêtir d’une croûte imperméable aux eaux pluviales, et assez compacte et solide pour résister aux frottements les plus répétés, ainsi qu’au choc des voitures les plus lourdement chargées. » J.-B. Monfalcon, A.P.I. de Polinière, Traité de la salubrité des grandes villes, […], Paris, 1846, p. 98.
En quoi l’ouvrage est-il important ? Nous avons l’habitude, en tant qu’ingénieurs (urbanistes, architectes) à étudier les mutations urbaines dues aux épidémies en négligeant d’autres acteurs et disciplines, qui ont joué un rôle important dans l’orientation de ces transformations urbaines. Cet ouvrage est important parce qu’il nous permet de croiser deux visions de deux disciplines différentes , la médecine qui a un historique beaucoup plus ancien avec les épid émies et qui a fait de grandes avancées médicales surtout du XIXe au XXIe siècle qui nous ont permis de mieux comprendre les raisons et les vecteurs de propagation de ces épidé mies et d’un autre côté, une discipline plus récente, celle de l’ingénierie, qui est venue apporter des réponses concrètes et a vite passé à l’action en se basant sur les avancées médicales et en essayant de mieux comprendre le milieu de vie de l’homme ( les techniques du sol ) qui joue un rôle primordial dans la lutte contre ces épidémies.
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Fiche de lecture 2
LES ILOTS INSALUBRES DE PARIS ETUDE DE DEUX EXEMPLES AU CENTRE DE PARIS : ILOT N 1 ET 16
Présentation des auteurs ROBERTO ALMEIDA Architecte diplômé de l’Ecole d’Architecture de Paris Villemin, Octobre 1987 Entrepreneur individuel est active depuis 9 ans. Son entreprise est Implantée à SARCELLES et elle est spécialisée dans le secteur d'activité de l'enseignement culturel. MARTIN DE CARO Architecte diplômé de l’Ecole d’Architecture de Paris Villemin, Octobre 1987 Président-directeur général de l'entreprise Martin DE CARO Architecte – Société d’ architecture à paris 14
Contexte de l’ouvrage Ce mémoire a été rédigé dans le cadre d’obtention du certificat d’Etudes Approfondies en Architecture Urbaine à l’Ecole d’Architecture de Paris-Villemin en Octobre 1987 juste aprè s une période (1920-1980) où la notion d’ilots insalubres était très discutée et où plusieurs quartiers classés comme ilots insalubres à Paris sont devenus des secteurs sauvegardés comme le cas de l’ilot insalubre N 16 qui fait d’ailleurs partie des cas d’études choisis. Les auteurs avaient donc le recul nécessaire qui leur permet de confronter les discours politiques orienté vers le besoin urgent de détruire les ilots insalubres avec les interventions concrètes qui ont été réalisées dans ce sens.
La problématique / l’hypothèse et la méthodologie La permanence de la notion de l’ilot insalubre dans le temps revient au décalage entre les discours et les réalisations concrètes et à la diversité des situations urbaines et sociales qui sont liées à chacun de ces ilots. D’un autre côté, le caractère abstrait de la notion de l’ilot insalubre le rend peu opérationnel. Cette notion, aussi complexe qu’elle est, ne pourra pas ê tre cernée avec un discours général qui n’est généralement qu’un prétexte pour d’autres intérêt politique ou technique. 87
L’hypothèse posée est que le véritable moteur du changement et de la transformation des ilots insalubres se situe souvent à l’extérieur du discours général tenu sur ces ilots. Il est souvent motivé par d’autres raisons cachées derrière ce discours. La méthodologie de ce travail consiste à le diviser en deux chapitres : Le premier chapitre : une partie générale qui permet d’étudier la notion de l’ilot insalubre dans son ensemble et de le situer dans son contexte historique avec ses trois volets : juridique avec toutes les lois d’hygiène et les procédures d’expropriation en parallèle des grandes orientations politiques et décisionnelles qui dominaient à l’époque et enfin le contexte urbain de la même époque. Le deuxième chapitre : Une étude monographique de deux cas d’ilots insalubres à Paris (Ilot N 1 et 16) afin de faire une comparaison entre les différentes situations.
Résumé du livre Les idées hygiénistes ont beaucoup évolué dans la deuxième moitié du XIXe siècle. la notion d'hygiène est passé du plan strictement sanitaire à l'échelle de l'individu et du logement à un plan plus large, moral et politique. Ces idées prenaient plus d'ampleur avec les congrès internationaux, les expositions universelles sur l'hygiène et la salubrité de l’habitation ainsi que les traités sur l’hygiène sociale et de l’habitation. Ces manifestations internationales ont contribué à la sensibilisation des architectes et des urbanistes sur le danger de surpeuplement et de confinement à l’ère de la tuberculose. La législation a aussi accompagné cette évolution des idées hygiénistes à paris. En aout,1831, l'instauration de la première commission centrale de salubrité suivie en 1839 de plusieurs commissions sanitaires dans certains quartiers. La pandémie du choléra a mis la question de l'hygiène au-devant de la scène, mais qui ne va se concrétiser que 18 ans plus tard avec la première loi sur la salubrité (1850) qui donnait le droit au Conseil municipal d'ordonner l'intervention sur l'assainissement des îlots insalubres ou carr ément leur démolition. Cette loi a été peu concrétisée vu l'inexistence de la notion d'insalubrit é dans la loi d'expropriation des immeubles (1841). Les décrets-lois de 1852 et 1884 sont venus ensuite réglementer et préciser les conditions de salubrité des nouvelles constructions. Suivi par le casier sanitaire des maisons de Paris qui a ét é proposé par M.Lamouroux en 1876 sans aucune suite et repris par le préfet de la seine M.Poubelle. Il comporte un certain nombre d'éléments qui permettent de mieux cerner l'état de l'immeuble. Mais qui était jugé trop contraignant et trop long. Il a donné comme résultat l'identification de 6 îlots insalubres ou la tuberculose, dépasser le taux de mortalité moyen à Paris. Le choix des cas d'étude s’est porté sur deux secteurs très proches l'un de l'autre dans le même tissu ancien de Paris, mais qui reste tout de même très différent en termes du niveau d'insalubrité, de la nature du tissu urbain qui comprend des monuments historiques d'une grande valeur dans l'un et pas dans l'autre, des différences de catégories sociales qui y habitent et enfin une différence du contexte des transformations qu’ils vont subir. 88
Après l’impossibilité d'assainir les immeubles de l'îlot insalubre N1 (quartier Saint Merri) vu l'étroitesse de ses rues, la Commission des logements insalubres a pris la décision de leur démolition radicale surtout qu'il n'avait pas une grande valeur historique. La rénovation consistait à les remplacer par des immeubles très hauts sur pilotis, des voies beaucoup plus larges et des ouvertures plus grandes pour laisser passer l’air et la lumière. Derrière cette volonté hygiéniste, se cache aussi des raisons d'ordre social et moral qui concerne l'amélioration de la population du quartier Saint-Merri. L'expropriation des 91 immeubles insalubres s'est passée en deux tranches vu son coût élevé et les écarts flagrants entre l'estimation des experts de l'exproprié et les estimations de la ville En fait, Les allocations du jury ont été le double de ce que la ville estimait. La rénovation de la deuxième tranche n'était pas ciblée à l'heure de l’expropriation ; 3 scénarios étaient donc possibles : 1- un grand espace vert au cœur de Paris 2- un parc logement HLM 3- une zone d'extension des Halles Centrales Ensuite ce projet va être inclus dans un autre projet à une échelle beaucoup plus grande ; celle du secteur central rive droite où L'impératif économique a dépassé l'impératif d'hygiène et de santé publique. L’intervention sur l’ilot N16 était différente, d’abord il est classé 16e dans la liste par rapport à la mortalité par tuberculose et puis il ne s’agissait pas de tout démolir comme sur l’ilot N1, mais de préserver les monuments historiques de grande valeur patrimoniale comme l’église Saint Gervais et l’hôtel de sens et d’aménager les espaces verts tout autour pour dégager la vue. L’inscription de ce quartier dans la liste des quartiers insalubres semblait injustifiée pour plusieurs personnes et a été beaucoup contestée. La justification hygiéniste était juste un pré texte pour détourner la réalité qui est de devoir reloger les fonctionnaires pas loin de la place Lobau et de vider le quartier de la population juive qui s’y installait. La démolition des immeubles a été abandonnée pour des raisons financières et la nouvelle proposition consistait à restaurer ces immeubles, créer des jardins à l’intérieur des ilots pour assurer l’hygiène et l’aération, construire des ateliers d’artistes et permettre le curetage pour les structures qui peuvent le supporter afin de mieux les assainir et enfin laisser les rues intérieures à l’état initial et élargir la rue Saint-Antoine et le quai de l’Hôtel de Ville à 30 mètres.
Citations et passages marquants « Si la ville est un être vivant et possède un centre, il faut que ce cœur fonctionne. D’où la né cessité d’aborder le problème non pas en disant je veux conserver intact, dans cette ville, un certain nombre d’organes et de tissus parce que leur composition forme un ensemble harmonieux, mais en ayant le courage de dire ‘ le cœur fonctionne mal, il faut remettre en é tat les organismes vitaux qui commandent le centre. Voilà la tâche principale et urgente » Maurice ROTIVAL (p.65)
En quoi l’ouvrage est-il important ? Ce mémoire nous prouve que la raison hygiéniste, dans la multitude des situations auxquelles elle peut être attribuée, ne peut pas être la seule justification pour déclencher une série d’ interventions et de changements urbains et législatifs. 89
Fiche de lecture 3
LA CONSTRUCTION DES ILOTS INSALUBRES PARIS 1850-1945
Présentation de l’auteur YANKEL FIJALKOW Professeur de sciences sociales à l'École nationale supérieure d'architecture Paris Val-deSeine et chercheur au Centre de recherches sur l’habitat (UMR LAVUE du CNRS) et Maître de conférences à l’Université Paris VII. Il travaille sur l’histoire des sciences sociales de l’urbain, les politiques urbaines et du logement, la gentrification des quartiers populaires anciens.
Contexte de l’ouvrage Cet ouvrage est le prolongement d’une thèse de doctorat soutenue à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales en septembre 1994 sous le titre : Mesurer l'hygiène urbaine. Logements et îlots insalubres, Paris 1850-1945, thèse préparée sous la direction de M. Marcel Roncayolo.
La place de l’œuvre dans le travail de l’auteur Cette thèse sous la direction de Marcel Roncayolo vient au début des contributions de Yankel Fijalkow . Il s’intéresse à l’histoire de la science des villes et de l’habitat et plus précisément à « la ville qui va mal », comme il l’appelle, des îlots insalubres du XXe siècle à la politique de la ville aujourd’hui en passant par les politiques des centres bourgs : diagnostics, argumentaires, gouvernance, discours, récits et représentations du renouvellement de la ville.
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Résumé du livre La notion de l’insalubrité a beaucoup évolué dans le contexte urbain et juridique parisien. Cette évolution a permis la constitution d'un savoir sur l'hygiène publique et dans l'intervention urbaine. La première partie présente 3 catégories de pensées qui se sont succédé dans le temps. D’abord l’analyse du milieu selon les topographies médicales entre 1776 et 1850, cette analyse qui permet d’aller au-delà de caractère physique du milieu comme le climat, la g éologie et l’hydrologie et d’introduire un renouvellement de la pensée urbaine de l’é poque en analysant le contenu social du milieu. C’est une géographie des milieux qui ne fait pas abstraction de l'homme et de son activité. Les résultats de cette analyse soulignent des problèmes de densité, d’entassement des familles, de mortalité et des disparités entre les quartiers.
Ensuite, vient comme critique de l'haussmannisation, un nouveau type d'analyse de l'insalubrité (1850 et 1870), centrée sur le ménage. Elle permet de compter les taudis avec les états sanitaires, de quantifier les conditions de vie : de connaître la superficie des logements, le nombre de membres des familles et d'en déduire des degrés de peuplement. À la différence des topographies médicales, les Etats Sanitaires se basent sur des statistiques et des chiffres provenant de l'état civil et du recensement. Cette catégorie de pensée sur l’ insalubrité a évolué dans un contexte d'expansion de plusieurs pandémies comme le chol éra, la typhoïde, la rougeole... et l'existence de la loi de 1850 relative aux logements insalubres qui a permis d'établir un lien entre mouvement naturel et conditions de logement. Et enfin, une troisième catégorie de pensée sur l’insalubrité qui répond à la demande é dilitaire avec la création d'une statistique municipale. Elle a évolué dans un contexte différent où les bureaux d'hygiène sont rendus obligatoires à partir de la loi de 1902 sur la santé publique pour prévenir les épidémies dans les villes de plus de 20.000 habitants. C’est un mouvement d’universalisation qui divise le travail entre une approche probabiliste et une approche descriptive des faits de populations, va ê tre théorisée en 1874 par le démographe Louis Adolphe Bertillon. La deuxième partie concerne les politiques de statistique qui affrontent deux méthodes de description de la ville, évoluées dans la même période et qui ont un seul objectif de lutte contre l’habitat insalubre. La première méthode morale qui prend l’appartement comme unité de base. Elle se base sur le recensement des conditions de logements. Les résultats de cette méthode mettent en relation direct le logement insalubre et le logement surpeuplé et donne une définition hygiéniste du logement qui prend en considération non seulement la surface et le nombre d’habitants, mais aussi la configuration interne de l’appartement et les éléments de confort. Le deuxième méthode plutôt environnementaliste, prend l’immeuble comme unité de base. Elle s’intéresse à la configuration de l’espace urbain dans son ensemble ; largeur 91
des voies, rapport entre le plein et le vide, implantation et desserte des réseaux sanitaires, l’obscurité et l’aération. Elle s’est concrétisée par l’application du casier sanitaire des maisons de Paris en 1894 qui consiste à mettre en fiches les principales données morphologiques et sanitaires de chacun des 77 000 immeubles parisiens. Ce casier sanitaire regroupe les informations provenant de plusieurs disciplines notamment la médecine et l’ ingénierie. Suite à ces deux politiques statistiques, les agglomérations de maisons meurtrières ont été découvertes nommées aussi ilots insalubres. Limités au début au nombre de six, Ils ont été classés par ordre de risque de mortalité de la tuberculose. Dans la troisième partie, l’auteur montre comment la construction des îlots insalubres a conduit à la territorialisation du risque sanitaire et a permis le passage de la notion d’insalubrité à la notion du confort Cette territorialisation interroge le conseil municipal comme acteur principal et le contexte urbain marqué par la croissance démographique, l’expansion de la ville, la crise du logement la vétusté de l'habitation, la mortalité tuberculeuse ainsi que d’autres représentations urbaines. Les ilots insalubres ont contribué à la production de normes d'habitat, légitimes sur le plan de la pratique urbaine (notion d'utilité publique fréquemment utilisée dans les opérations d'aménagement) et de la mesure sociale (notion de confort). Citations et passages marquants "C'est une vérité de tous les temps, de tous les lieux, line vérité qu'il faut redire sans cesse parce que sans cesse on l’oublie : il existe entre l'homme et tout ce qui l'entoure, de secrets liens, de mystérieux rapports dont l'influence sur lui est continuelle et profonde". Commission municipale parisienne devant le choléra de 1832 « La médecine n'a pas seulement pour objet d'étudier et de guérir les maladies, elle a des rapports intimes avec l'organisation sociale ; quelquefois elle aide le législateur dans la confection des lois, souvent elle éclaire le magistrat dans leur application et toujours elle veille, avec l'administration, au maintien de la santé publique » Cité par Lecuyer B.P "Médecins et observateurs sociaux : les annales d’hygiène publique et de médecine légale" ''Les recherches statistiques sur Paris prouvent dans l'état actuel et avec la police hygiénique actuelle que les seules Conditions qui influent bien sensiblement sur la mortalité sont celles qui accompagnent nécessairement l'aisance et la misère. L'aspect, l'exposition des logements, le voisinage de la Seine, les vents et même l'agglomération des maisons, la densité de population, n'ont, nonobstant les assertions, aucune action évidente sur la mortalité, l'effet de ces causes étant masqué par celui de l'aisance ou de la misère". Docteur Villermé (page 10) "L'entassement des hommes, leur réunion rendent l'air moins élastique et moins pur. Ces effets sont plus marqués à Paris dans certains quartiers, où ils sont favorisés par la forme, 92
la disposition, le resserrement des habitations et entretenus par les exhalaisons putrides et les miasmes morbifiques disséminés dans l'atmosphère. On voit encore des rues étroites et mal percées où la libre circulation de l'air est interrompue". L’officier de santé OudinRouvière (page 28) En quoi l’ouvrage est-il important ? Cet ouvrage est intéressant car il a à la fois une partie théorique qui permet de retracer l’ évolution de la notion d’insalubrité dans le temps ainsi et puis le nouvel ordre urbain et les nouvelles formes d’intervention générées par l’hygiénisme et qui sont fondés sur la spatialisation des faits sociaux et sanitaires par classement en ilots insalubres tout en faisant référence au cas parisien avec toutes les données statistiques et leurs traductions cartographiques.
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