5 Paroles dâexportateurs
Les Moulins de Kleinbettingen sont une affaire familiale comptant 75 salariĂ©s et rĂ©alisant un chiffre dâaffaires annuel de 55 millions dâeuros, dont 80â% proviennent dâactivitĂ©s dâexportation. Jean Muller, son directeur, Ă©voque la maniĂšre dont son entre prise vit ce phĂ©nomĂšne.
«âPlus on veut aller loin, plus il faut innoverâ» chĂ©s artisanaux ou industriels, nous avons Ă©galement des produits retail Ă destination des supermarchĂ©s.
En termes de ressources humaines, quelle est la part de votre personnel directement impliquĂ© dans les activitĂ©s dâexportationâ? Pour la vente des produits exportĂ©s, nous avons une Ă©quipe de six personnes, marketing inclus. Pour un effectif global de 75 personnes. On associe souvent exportation et innovation. Ressentez-vous celaâ? Absolument. Plus on veut aller loin, plus la concurrence est rude, et plus il faut innover et ĂȘtre crĂ©atif pour ĂȘtre compĂ©titif. Par exemple, les meuniers Ă©trangers de notre taille ont souvent une gamme limitĂ©e de produits quâils vendent dans de trĂšs gros volumes Ă beaucoup de clients. Nous sommes diffĂ©rents. Nous avons quasiment une farine par client car ils ont tous des besoins trĂšs spĂ©cifiques, et nous dĂ©veloppons avec chacun la farine qui lui convient. Peu de meuniers de notre taille font cela. Ce qui nous distingue de la concurrence. Un autre exemple, câest lâinnovation en retail. Il y a de nombreux meuniers dans chaque pays et un acteur local sera beaucoup plus crĂ©dible pour vendre sur son marchĂ© domestique. Mais nous avons une farine innovante qui est trĂšs fluide et trĂšs bonne pour les applications en cuisine, et nous avons combinĂ© ça avec un packaging novateur. Ce qui nous a ouvert de nouveaux marchĂ©s.
Comment en ĂȘtes-vous arrivĂ©s Ă prendre pied aux Ătats-Unisâ? Câest une histoire assez drĂŽle. Un client luxembourgeois voulait lancer un food truck dĂ©diĂ© aux crĂȘpes et Ă©tait intĂ©ressĂ© par notre mix «âcrĂȘpesâ». Il nous a demandĂ© si nous Ă©tions prĂȘts Ă le sponsoriser en mettant notre logo sur son camion. Comment expliquer que 80â% de votre LâidĂ©e nous a sĂ©duits. Nous nous sommes ensuite production parte Ă lâexportationâ? La raison principale est quâune grande partie cĂŽtoyĂ©s de nombreux mois. Il nous a toujours des produits que nous produisons sont trĂšs peu dit que son rĂȘve Ă©tait dâaller aux Ătats-Unis. Et consommĂ©s au Luxembourg. Par exemple, plus il Ă©tait sĂ»r que nos produits mix «âcrĂȘpesâ», mix de la moitiĂ© de notre activitĂ© concerne la pro- «âgaufresâ» et mix «âpancakesâ» auraient du sucduction de semoule Ă partir de blĂ© dur, le pro- cĂšs sur ce marchĂ©. Nous avons dit banco, finanduit de base pour faire des pĂątes, des lasagnes cĂ© son voyage et installĂ© une sociĂ©tĂ© lĂ -bas pour et du couscous. Et il y a trĂšs peu, pour ne pas voir ce que cela pouvait donner. Câest comme dire aucun producteur de pĂątes, de lasagnes et cela que ça a commencĂ©. de couscous au Luxembourg. Donc, forcĂ©ment, CâĂ©tait un peu un effet dâaubaine... nous exportons. Câest la mĂȘme chose pour la farine. Une Tout Ă fait. Ce nâĂ©tait pas du tout stratĂ©giquebonne partie de cette production est vendue ment planifiĂ©, câĂ©tait juste une opportunitĂ©. Nous aux artisans boulangers luxembourgeois, mais nous sommes ditâ: «âOui, des produits de bonne Vous avez donc dĂ©veloppĂ© toute une Ă©galement Ă des producteurs de pizzas, de bis- qualitĂ©, faits maison et rĂ©pondant aux normes gamme de produits pour lâexportation. cuits. Mais cela ne suffit pas Ă Ă©couler toute europĂ©ennes, câest-Ă -dire sans OGM et sans addi- Existe-t-il des produits qui ne sont destinĂ©s notre production. Beaucoup dâentreprises tifs, cela peut intĂ©resser le marchĂ© amĂ©ricain.â» quâĂ lâexportation et rĂ©pondant Ă des luxembourgeoises, dĂšs quâelles atteignent une Nous avons fait quelques sondages et nous avons besoins bien prĂ©cisâ? certaine taille, nâont pas dâautre choix que eu des Ă©chos positifs. Nous nous sommes lan- Oui. Ătant donnĂ© que, dans lâindustrie et dans dâexporter Ă cause des dimensions du marchĂ© cĂ©s fin 2018 et, aujourdâhui, notre objectif aux lâartisanat, nous faisons beaucoup de produits luxembourgeois. Ătats-Unis est dâatteindre un million de dollars sur mesure, ce sont des produits qui, sans lâexde chiffre dâaffaires, ce qui serait dĂ©jĂ une petite portation, nâexisteraient pas. Par exemple, le mix Comment ciblez-vous les marchĂ©s rĂ©ussite. Ce nâest pas encore le grand succĂšs, «âcrĂȘpesâ» et le mix «âgaufresâ», vendus en Europe et les produits que vous allez exporterâ? mais un million de dollars sur des produits retail, et au Luxembourg, ont Ă©tĂ© adaptĂ©s pour le marLe transport est la donnĂ©e dĂ©terminante. La cela fait beaucoup de produits vendus et consom- chĂ© amĂ©ricain. Ce sont des produits qui nây semoule de blĂ© dur et la farine restent des pro- mĂ©s rĂ©guliĂšrement par les AmĂ©ricains. existaient pas. Câest cela lâoriginalitĂ© que lâon duits de base, et donc le coĂ»t du transport compte veut apporter. beaucoup dans le calcul de la marge. Câest pour- Mis Ă part ce cas particulier, comment quoi nous avons dĂ©fini un rayon dâaction. En prospectez-vous vos marchĂ©s ciblesâ? Que vous a apportĂ© le dĂ©veloppement farine, on peut aller jusquâĂ 200-250 kilomĂštres Pour tout ce qui est marchĂ© artisanal et indus- de vos activitĂ©s dâexportationâ? autour du moulin. Et en semoule de blĂ© dur, triel, nous pensons en avoir une bonne connais- Cela nous a amenĂ©s Ă devoir constamment nous notre marchĂ© principal, jusquâĂ 400 kilomĂštres. sance. Nous participons Ă de nombreuses foires, challenger. Ă lâexportation, on a toujours un On fait Ă©galement un peu dâexportation dans nous faisons des screenings et nous analysons nouveau client avec une nouvelle demande qui les pays scandinaves. Mais les pays limitrophes la concurrence. Et, pour ce qui relĂšve du marchĂ© nous met au dĂ©fi au niveau commercial, sur le reprĂ©sentent 90â% de notre activitĂ©. retail, sauf pour les marchĂ©s limitrophes, nous plan de la production ou encore de la logistique. Il faut ajouter que si le gros de lâactivitĂ© est travaillons avec des distributeurs. Nous essayons Et donc, cela nous force Ă nous rĂ©inventer et rĂ©alisĂ© avec la vente en vrac â ce sont des de trouver, dans les pays europĂ©ens, les princi- Ă toujours ĂȘtre Ă lâĂ©coute du marchĂ©. camions de 25 tonnes qui partent dâici ou des paux distributeurs pour nos gammes de produits sacs de 25 kilos sur des palettes â, pour des mar- et nous les contactons. Auteur MARC FASSONE
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OCTOBRE 2021