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«Des promoteurs vont se faire décoiffer!» L’ambassadeur de la proptech au Luxembourg, Laurent Rouach, organisera, le 9 juin prochain, le premier événement autour de ce secteur. Décodage.
Avec 880 millions d’euros levés au premier trimestre, soit cinq fois plus que l’an dernier, la proptech s’affole. Mais de quoi parle-t-on ? De toutes les technologies liées à l’immobilier. De l’identification du foncier au financement, en passant par la construction – tellement énorme qu’on a rebaptisé les « contech », qui vont des robots sur les chantiers aux imprimantes 3D pour construire une maison en trois jours. Vient ensuite la commercialisation, un secteur complètement bouleversé.
Reste l’utilisateur, de plus en plus pressé et de plus en plus informé... L’utilisateur demande un peu plus. Au Luxembourg, on est à l’âge de pierre. Il faut signer. Il faut aller choisir ses portes chez un menuisier à 30 km dans le Sud, puis aller chez le chauffagiste du côté d’Ettelbruck, et chez l’électricien... Tout ça peut être entièrement digitalisé. Ensuite, il y a la domotique. Là encore, on est à l’âge de pierre. Ce n’est pas la faute des développeurs-promoteurs, mais les enjeux sont tels qu’on n’a jamais réussi à avoir des standards qui pouvaient rassembler tout le monde.
Pas au Luxembourg, pays du business as usual… Le marché est tellement juteux que les agences immobilières sont un peu en retard par rapport à certains pays, sans même parler des États-Unis où tout le monde fonctionne avec des multiple listing services. Tous les agents ont accès aux mêmes biens, et on discute de la manière de répartir une commission. Ou même évoquer les high buyers, qui n’existaient pas il y a cinq ou six ans, et qui valent plus de dix milliards de dollars.
Les millennials ne sont pas du tout comme leurs parents… On ne peut plus se permettre de mettre sur le marché du mètre carré une brique et du béton. Les millennials ne veulent plus de processus extrê mement rigides, mais une expérience dynamique, plus importante parce que la possession devient moins importante. Ils attendent des locaux sociaux, par exemple, à la limite du coliving et de la possession. Il y a une tendance de fond : vous achetez un petit appartement de 35 m2,mais vous êtes dans un espace où vous avez une salle de cinéma privative qui appartient aux 15 propriétaires de la résidence, une salle de sport, une chambre d’amis... Il est même possible d’avoir un grand salon avec de la vaisselle et de la décoration, voire un véhicule électrique qui est posé là, une voiture, une trottinette ou un vélo.
Éclairez-nous… Sur la base de 160 critères, comme l’ensoleillement, l’acoustique ou les données de criminologie et de surface, ces agents estiment précisément votre appartement du troisième étage gauche. Ils vous le rachè tent pour le prix, moins 5 %, en 24 heures, alors que la durée pour vendre un bien est de quatre à six mois, selon les régions. Eux-mêmes s’adressent à d’autres acteurs pour le rénover et le remettent sur le marché avec une marge. De quoi prendre 7 à 8 % en trois ou quatre mois. Les biens sont-ils de plus en plus « connectés » ? Plus la technologie et plus la législation évoluent, plus les biens commencent à être équipés. Imaginez que vous êtes un bailleur social et que vous avez 400 ou 500 appartements à traiter… vous ne pouvez pas envoyer un technicien vérifier chaque appartement. L’internet des objets dans l’immobilier suscite les plus grosses levées de capitaux. Il permet de faire remonter les informations et d’agir vite et efficacement.
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JUIN 2022
Selon vous, le Luxembourg aurait trois ou quatre ans de retard dans ce domaine, d’où l’idée de la conférence le 9 juin prochain sur ces proptech ? Il faut montrer les technologies disponibles. À l’étranger, des sociétés proposent ces produits ou ces services. Quand ceux-ci vont arriver au Luxembourg, ils vont séduire les gens, et nous aurons des promoteurs immobiliers qui vont se faire décoiffer.
Pour Laurent Rouach, la technologie va bouleverser le secteur immobilier.
Interview THIERRY LABRO Photo MATIC ZORMAN