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«On ne peut pas basculer vers un modèle de banque 100% virtuel» Digitalisation, critères ESG, crédit hypothécaire : Sandrine de Vuyst, head of retail and private banking chez ING Luxembourg, balise les thèmes de l’actualité du secteur bancaire.
À quoi ressemblera, selon vous, la banque de demain ? Aujourd’hui, on regarde davantage les besoins des clients que l’offre de produits et de services, comme c’était le cas il y a encore quelques années. Le point de départ, c’est le client et sa satisfaction. La banque de demain sera avant tout celle des clients. À nous de satisfaire ces besoins de manière facile et rapide. Facilité et rapidité seront les maîtres-mots.
Notre politique est de donner accès au plus grand nombre de services possible via le digital. Pour faire un changement d’adresse ou bloquer une carte, il n’est plus nécessaire d’aller en agence. Il y a toujours des gens qui voudront le faire physiquement. C’est pour eux que nous avons gardé quelques agences ouvertes classiquement de 9 heures à 17 heures. Mais nous avons d’autres agences qui fonctionnent sur rendez-vous, de 8 heures à 19 heures, pour des services à valeur ajoutée qui ne peuvent pas se faire aujourd’hui au travers d’une application mobile, et pour lesquels je crois que, même dans le futur, on souhaitera toujours avoir du relationnel.
Comment cela se traduit-il sur le terrain ? D’abord par un recours accru à la digitalisation. Mais sans que cela ne fasse perdre la nécessaire personnalisation de la relation avec le client.
Les agences ne sont donc pas condamnées à disparaître ? Je crois que les agences ont encore de beaux jours devant elles. Le Luxembourg n’est pas prêt pour un modèle exclusivement digital.
La digitalisation est une tendance lourde dans l’industrie. Les banquiers de demain seront-ils des développeurs en baskets ? Personnellement, j’ai au départ une formation plus orientée « ventes », mais il est vrai que pour améliorer l’expérience de nos clients, il faut s’intéresser soi-même de près à la digitalisation et à tout le développement informatique qui se cache derrière. Et l’on peut d’ailleurs très bien être une développeuse en talons, il n’y a pas de contre-indication !
L’autre grande attente des clients concerne les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Comment cela se retrouve-t-il dans votre fonctionnement et dans votre offre aux clients ? Le groupe ING travaille là-dessus depuis de très nombreuses années. Dans la banque de détail, formaliser une telle offre de crédit est plus compliqué. Notamment pour les prêts hypothécaires. Prenons l’exemple de l’environnement. On pourrait envisager de faciliter les prêts pour équiper les maisons de panneaux solaires. Mais ces prêts vont profiter à des ménages qui ont les moyens de se lancer dans ce type de travaux. Les ménages à plus faibles revenus vont alors se voir octroyer des taux plus élevés parce qu’ils n’ont pas la surface financière.
Que recouvre le mot digitalisation chez ING ? Le fil directeur est la facilité avec laquelle on apporte les informations à nos clients. Des informations pertinentes. Cela passe par notre application mobile, que l’on fait évoluer en permanence.
Restons sur le marché hypothécaire. Comment le voyez-vous évoluer avec la hausse actuelle des taux ? La hausse spectaculaire et rapide des taux ces derniers mois se répercute de manière limitée, pour l’instant, sur le volume des crédits. Cela devrait se voir plus nettement dans les mois qui viennent.
Tous les services sont-ils par essence « digitalisables » ? Tout dépend du segment dans lequel on se trouve. Dans la banque de détail et dans le service aux petites entreprises, l’accessibilité est le mot-clé. Mais dans certains segments comme la banque privée ou le wholesale banking, le relationnel reste très important. Il peut y avoir toute une série de choses qui peuvent se faire à distance, mais on ne peut pas basculer vers un modèle 100 % virtuel. C’est pour cela aussi que nous avons revu le mode de fonctionnement de nos agences. Justement, quelle est la place des agences bancaires dans le modèle opérationnel de la banque aujourd’hui ?
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JUIN 2022
Pensez-vous qu’il y a une bulle immobilière prête à éclater ? La hausse des taux engendre des incertitudes, c’est certain. Mais la demande est toujours supérieure à l’offre. Tant qu’il y aura de nouvelles personnes qui viendront s’installer au Grand-Duché, je ne pense pas que l’on pourra parler de bulle.
Sandrine de Vuyst ne constate pas de signes d’une bulle immobilière.
Interview MARC FASSONE Photo GUY WOLFF