Débat public Récemment, ma collègue au Parlement, Nathalie Oberweis, a adressé une question parlementaire à la ministre des Finances concernant la prise en compte des droits humains par les acteurs de la place financière. Son questionnement s’appuyait sur une étude de l’ONG luxembourgeoise Action Solidarité Tiers Monde, qui conclut que seuls 3 des 22 acteurs institutionnels analysés mentionnent la protection des droits humains dans leurs statuts, rapports annuels ou actes de gouvernance. Nathalie est une militante des droits humains et elle recherchait surtout une appréciation politique de la nouvelle ministre. Un peu naïvement peut-être, il faut l’avouer. Car, bien évidemment, elle n’a récolté que des slogans marketing en faveur de la finance dite «durable». La réponse de la ministre se référait à des législations européennes en place ou en cours d’élaboration, pour affirmer que la transition vers la finance durable est bel et bien entamée, et que celle-ci intégrera également les droits humains. Incompréhension d’un côté, frustration de l’autre. En appa rence, il s’agit d’un dialogue de sourds entre une ministre de la droite libérale et une députée de gauche. Pour autant, je ne pense pas que la droite libérale et la gauche aient une compréhension très divergente de la finance « durable ». Probablement, les deux côtés se mettraient d’accord assez facilement pour affirmer que l’objectif n’est ni de lutter contre
Myriam Cecchetti Députée déi Lénk
le changement climatique, ni de combattre les inégalités sociales, ni de faire cesser les violations des droits humains. Mais qu’il s’agit surtout d’une opportunité économique pour l’industrie des fonds. Qu’au final, les acteurs cherchent uniquement à satisfaire une demande assez lucrative pour une certaine gamme de produits – à l’instar des enseignes de la grande distribution qui mettent en place des rayons bio. Sans pour autant se priver des profits qui accompagnent la commercialisation des produits conventionnels, lesquels par ailleurs ne sont pas dérangés par l’apparition des nouveaux labels. À force de faire la promotion pour cette nouvelle lubie de la place financière, le gouvernement va finir par faire croire que la haute finance sauvera le monde. Et que, par conséquent, nous pouvons tous continuer à faire comme si de rien n’était. Ce qui risque de constituer de sérieux blocages dans la population, qui pèseront lourd quand il s’agira, dans un futur proche, d’instaurer une réelle politique environnementale et sociale, pour éviter in extremis des scénarios qui s’annoncent de plus en plus catastrophiques. Myriam Cecchetti est députée depuis le 19 mai 2021. Elle s’occupe principalement de politique environnementale, d’éducation, de la famille, des égalités des chances et de travail. Ce débat public, en principe mensuel, est un rendez-vous qui donne carte blanche aux représentants élus au Parlement. Photo ROMAIN GAMBA
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JUIN 2022