En attente de réglementation
« Si j’en avais vraiment compris le potentiel, aujourd’hui, je serais millionnaire!» Parmi les premiers au Luxembourg à percevoir l’intérêt de la blockchain avec Jean-Louis Schiltz en 2014, Marco Houwen en rigole. Le cours du bitcoin étant passé de 660 euros en juin de cette annéelà à 67.000 euros en septembre 2021, le serial entrepreneur, désormais à la tête de Zentrapreneur, aurait dû en acheter pour plus de 10.000 euros et les vendre au bon moment pour y arriver… Sa réflexion en forme de boutade souligne pourtant parfaitement comment le bitcoin est à la fois le meilleur ami et le meilleur ennemi de la blockchain. L’histoire commence un soir d’Halloween, le samedi 1er novembre 2008. Un mois et demi après la retentissante faillite de la banque Lehman Brothers, qui marque le début de la crise économique et financière, Satoshi, alors encore inconnu, publie dans un mail adressé à quelques abonnés à un forum technologique un papier de neuf pages, appuyé sur des théories qui ont jusqu’à un demi-siècle. C’est la première application dans le monde réel de la blockchain décrite en 1991 par Stuart Haber et W. Scott Stornetta, deux chercheurs américains qui voulaient mettre en œuvre un sys74
JUILLET 2022
TOM KETTELS Project lead d’Infrachain
« Beaucoup des discussions qui sont menées me rappellent les débuts d’internet il y a 25 ans. »
Des opportunités à saisir Quand les Luxembourgeois comprennent l’intérêt de la blockchain, cette sorte de registre d’informations qui serait reproduit à l’identique sur des milliers d’ordinateurs en même temps, rendant les données infalsifiables et incorruptibles, une deuxième blockchain a déjà vu le jour, ethereum, qui permet de générer des smart contracts définis par son créateur, Vitalik Buterin, comme « des boîtes cryptographiques qui contiennent de la valeur et ne la déverrouillent que si certaines conditions sont remplies». Par exemple, le contrat peut dire «merci de donner un euro à X à chaque fois que Y marche un kilomètre », et à chaque géolocalisation de Y qui peut en attester, X recevra un euro sans autre intervention humaine. Tout devient possible
Matic Zorman et Guy Wolff (archives)
Le soufflé « blockchain » n’est pas encore vraiment monté au Luxembourg, où la place financière, forte de la loi de 2019, attend les éclaircissements européens. D’autres projets voient le jour sur fond de lente maturation de la technologie et de risques bien posés par la CSSF fin janvier.
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Le Luxembourg bien placé et pas si pressé
tème où les horodatages des documents ne pouvaient pas être falsifiés. « J’ai travaillé sur un nouveau système de paiement électronique entièrement de particulier à particulier, sans tiers de confiance, écrit l’informaticien ou le collectif qui se cache derrière le pseudonyme. Les propriétés principales sont : les doubles dépenses sont évitées grâce à un réseau peer-to-peer, pas de mint ou d’autres parties de confiance, les participants peuvent être anonymes, les nouvelles pièces sont fabriquées à partir d’une preuve de travail de style hashcash et la preuve de travail pour la nouvelle génération de pièces alimente également le réseau pour éviter les doubles dépenses.» Ce charabia qui décrit le bitcoin trouve une audience auprès de geeks et de financiers rincés par la crise et qui se demandaient comment éviter qu’une autorité centrale échoue dans sa mission de protéger les investisseurs en faisant tourner sa planche à billets, rendant ainsi le système si rigide. Aujourd’hui capitalisé à plus de 600 milliards de dollars, le bitcoin a attiré les curieux vers la blockchain, mais est aussi l’arbre qui cache la forêt de dizaines de milliers de projets qui s’appuient sur cette technologie. «C’est un peu dommage, reconnaît la future directrice du Luxembourg Blockchain Lab, Emilie Allaert, que l’on s’arrête au bitcoin et aux cryptomonnaies alors que le potentiel est bien plus large. » Comme d’habitude, les criminels ont été les premiers à s’y intéresser, à l’instar de Ross Ulbricht qui l’a utilisée pour lancer Silk Road en 2011, «l’Amazon des activités illégales » jusqu’à ce que le FBI y mette fin en 2013. Ou à l’instar de Mt. Gox, bourse d’images mise en ligne par Mark Karpelès devenue le nœud mondial d’échange de bitcoins (70 % en 2013) jusqu’à ce qu’un hacker russe, Alexander Vinnik, dépouille les internautes de 850.000 bitcoins (28 milliards d’euros à la valeur du bitcoin début juin). Peu importe, jusqu’à mi-2014, plus les internautes cherchent le mot «bitcoin» sur Google, plus sa valeur augmente. 1% de recherche fait bondir sa valeur de 0,5%.