NOVO N°62

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Grand March, Puissance de feu Par Emmanuel Abela ~ Photo : Benoît Linder

Le quintet strasbourgeois passe à l’offensive avec Start a War, un album qui marque un nouveau départ sonique. Qu’on se le dise, Grand March est passé à l’électricité. Inutile de crier à la trahison, on sentait le groupe strasbourgeois fortement enclin à le faire lors de ses enregistrements précédents avec des références appuyées à Nick Cave ou PJ Harvey. La vraie surprise vient d’ailleurs : une source musicale très ancrée dans les années 60 et ce moment précis où des artistes américains country-rock prennent conscience d’une possibilité électrique et l’explorent à fond. Le résultat surprend et peut renvoyer à des modèles d’un blues anguleux, de Jefferson Airplane au MC5 par certains aspects. Hélène Braeuner, chanteuse du groupe, explique cette bascule par « le travail d’harmonisation des voix et du clavier » d’Antoine Thépot. Elle évoque un « triangle » qui se fait par le lead de la guitare très

présente de François Bogatto, les voix doublées ou triplées selon les cas et la présence de ce clavier « qui vient du jazz et apporte une couleur enrichie ». Fred Lichtenberger, le batteur, réagit à une courte allusion à l’évolution de Dylan au milieu des années 60 : « À notre humble niveau, nous avons aussi vécu ce parcours qui conduit du folk au rock. » Il rappelle que Grand March a démarré folk, une démarche poursuivie et amplifiée avec un sideproject, Backyard Folk Club – « Nous avions les pieds et les deux mains dans le folk pur » –, mais il a semblé nécessaire de « contrebalancer tout cela. Parce que l’envie était là et parce que les tensions positives nous invitent constamment autant du côté de l’acoustique que de l’électrique. » Tous deux estiment que « c’est le produit de douze ans d’une évolution. » Une évolution naturelle qui les conduit vers un propos musical très actuel, sans revival aucun, dans un mouvement continu. Ce qui semble une évidence, c’est le maintien d’une ligne mélodique claire. La chanson est là, elle est simplement habillée d’une puissance sonore nouvelle. Une manière de la perdre pour mieux la révéler… Fred acquiesce, puis s’accorde la métaphore culinaire : « Pour le plat, on a l’exhausteur de goût, et on en rajoute selon les besoins. » Hélène nous explique qu’elle prenait conscience que « la mélodie ne racontait pas son histoire toute seule » .Ce qui lui a permis de « mieux dialoguer avec la guitare et le clavier », y compris sous la forme d’un jeu subtil de questions-réponses. Elle évoque dans cette « joie de l’électrisation, une volonté très collégiale de recréer une dynamique de scène ». Il est vrai qu’à l’écoute on a le sentiment d’un album taillé pour la scène, conçu et enregistré pourtant au cours d’une période où l’accès à la scène, justement, est contredit par les événements. L’écriture des chansons a précédé les confinements successifs, mais celles-ci enregistrées contiennent en elles un idéal de libération, une vitalité renforcée : cette volonté de se retrouver, d’échanger, de jouer face à un public. « Il leur a manqué une étape 72


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