NOVO N°62

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FAIRE DE RIEN UN TOUT Par Lucie Chevron

Au 19, Crac de Montbéliard, matières et allégories fusionnent pour édifier de nouveaux imaginaires impalpables. Se souvenir du présent, esprits de l’assemblage, est née d’une rencontre. Celle d’Anne GiffonSelle, directrice du 19, Crac de Montbéliard, ayant longuement étudié une frange des assemblagistes californiens des années 1950 et 1960, rattachée à la Beat Generation, avec Arnaud Zohou et ses recherches sur le vodoun du Bénin. De part et d’autre du monde, on pratique l’assemblage. Tantôt spirituelles et/ou populaires, tantôt politiques et/ou sociales, de nouvelles réalités symboliques émanent des compositions faites de rebuts hétéroclites. Installations, sculptures, peintures, collages et textes ne s’inscrivent pas dans l’ensemble de ces imaginaires. Tous cependant se rejoignent dans l’empirisme matérialiste et l’expérience souvent collective du sensible. D a n s l a p r e mi è r e s al l e , f a i s a n t o f f i c e d’introduction aux grands axes abordés au cours de la visite, trônent trois pièces emblématiques. En entrant, sur la gauche, de petits objets colorés et scintillants se révèlent. La géométrie des formes et la composition picturale des œuvres de Sarah Pucci évoquent la minutie de la joaillerie, des créations chocolatières, mais surtout du kitsch des objets liturgiques. Chaque année, à l’occasion des fêtes de Noël, l’artiste américaine envoyait à sa fille, Dorothy Iannone, elle-même artiste, ces précieuses réalisations confectionnées par ses soins. Constituées harmonieusement à partir de milliers de perles, sequins et paillettes récupérés, ces sculptures matérialisent son amour maternel et du Christ. Versant spirituo-populaire. Plus loin, une photographie d’une œuvre de Noah Purifoy, Aurora Borealis. Moins mystique, son utilisation du rebut à des fins d’assemblage se situe au carrefour d’une tradition de la récupération et d’une

Se souvenir du présent, esprits de l’assemblage, Montbéliard, Le 19, Crac de Montbéliard. Crédit photo : A. Pichon

critique des gouvernances américaines. Après les émeutes raciales de 1965, dans le Watts, un « ghetto noir » en périphérie de Los Angeles, il coconçoit l’exposition collective 66 Signs of Neons. Faites à partir des vestiges signataires d’un combat fratricide, récupérés directement dans les ruelles déboulonnées du Watts, les œuvres présentées attestaient déjà de sa vision engagée et thérapeutique de l’assemblage. Plus tard, en 1989, il crée sur ce même modèle, son « Outdoor Museum », une composition à taille 90


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